Journée scientifique Albert Memmi en présence de l’auteur

L’école Normale Supérieure de Tunis et le Groupe de Recherches « Littérature maghrébine et littérature française : échanges, confluences et perspectives dans l’espace méditerranéen ». ont organisé, à l’E.N.S., Vendredi 25 Juin, une journée scientifique Albert Memmi en présence de l’auteur et ce, en guise d’hommage rendu à ce grand écrivain tunisien de langue française.

La matinée du Vendredi 25 Juin a été inaugurée par les allocutions du Directeur de l’E.N.S., Samir Marzouki et de Habib Salha, coordinateur du Groupe de Recherches et président de cette séance. Ils ont, tous deux, remercié Albert Memmi pour avoir accepté cette invitation tout en soulignant l’importance accordée à l’œuvre memmienne et l’intérêt de cette rencontre considérée comme un acte culturel en soi qui suppose la notion de partage et d’échange.

Moncef Khémiri a ouvert la séance avec une communication intitulée « Le mythe des ancêtres dans l’œuvre d’Albert Memmi ». Il a axé son étude sur l’importance accordée au mythe de la Kahéna et des tribus berbères judaïsées et sur la puissance de l’imagination qui permet aux personnages d’échapper aux affres des déchirements et des conflits. M. Khémiri a surtout montré que la recherche des origines sous-tend une quête de l’identité, un projet voué à l ‘échec dans les œuvres de Memmi, ce qui confirme la vanité de cette quête de soi. Afifa Marzouki a ensuite pris la parole pour soulever le problème du couple dans Agar et pour parler des rapports conflictuels qui existent entre l’individu et le milieu auquel il appartient. Dans une intervention intitulée « Agar ou l’intimité mise à l’épreuve », Madame Marzouki a surtout essayé de démonter cette idée préconçue qui attribue l’échec conjugal à la mixité du couple. Selon elle, ce n’est pas « tant le culturel qui sépare les deux personnages, dans Agar, mais c’est le relationnel ». En fait, il ne s’agit pas d’un problème de mixité, mais d’un problème d’inadéquation entre le couple et l’environnement dans lequel il évolue. En fin de matinée, Noureddine Sabri a parlé, dans une communication ayant pour titre « La Kahéna de Memmi, notre mère des siècles ? », du mythe de la Kahéna utilisé d’une manière déguisée puisqu’il cache le « roman familial » du narrateur et tous ses doutes à propos de ses origines. La quête de l’identité est exaltante mais elle est aussi décevante, ce qui provoque un déchirement fondamental. N. Sabri a affirmé que La Statue de Sel a inauguré l’utilisation du mythe du héros dans la littérature judéo-maghrébine et que le Désert a transformé la reine berbère en un personnage romanesque et non plus mythique.

Pendant la discussion, Albert Memmi a insisté sur la dialectique du mythe qui procède à la fois d’une construction/déconstruction de l’identité et des origines.

La séance de l’après-midi, présidée par Moncef Khémiri, a été marquée par les deux interventions de Samir Marzouki et de Habib Salha et par la synthèse effectuée par Albert Memmi. Dans une communication intitulée « Pourquoi Armand Gozlan est-il parti ? », Samir Marzouki a essayé d’expliquer les causes de départ du personnage pour la France. Le narrateur du Pharaon était bien exilé dans son propre pays à cause des différences ethnologiques et du clivage existant entre deux croyances et deux cultures. Confronté à un véritable dilemme puisqu’il aimait deux femmes et deux nations ce qui a abouti à un double échec amoureux et historique, le personnage a choisi l’exil. Dans une approche formelle, Habib Salha a étudié « l’écriture de la maxime dans la Statue de Sel ». Il a montré que l’usage de la maxime dans l’œuvre memmienne suppose un mouvement de « va et vient » entre la pensée et la parole. Il s’agit, en fait, de la recherche d’un autre code, d’une autre logique. La maxime interroge, interpelle le lecteur et laisse voir « l’histoire d’une société en gestation ».

La journée s’est achevée en beauté avec l’intervention de l’auteur lui-même qui a tenté de répondre aux différentes questions et d’effectuer une synthèse suite aux communications proposées. Albert Memmi a évoqué le problème du départ, de l’exil en affirmant que l’écrivain est, par définition, un nomade, qu’il ne se contente ni du moment présent, ni de l’endroit où il se trouve. Selon lui, l’écrivain se doit de dire les choses d’une manière véridique. Il doit également partir à la recherche du concept et de la forme afin de proposer au lecteur un certain humanisme et un plaisir partagé.

Sonia Zlitni Fitouri.