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LE MONDE DES LIVRES | 20.02.03 | 16h51
Malika Mokeddem, héroïne d'une guerre sans fin
Les combats d'une femme libre, enfant "Là-bas", adulte "Ici".
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Livres

LA TRANSE DES INSOUMIS de Malika Mokeddem. Grasset, 312 p., 18 €.

Tous ceux qui incitent les jeunes femmes nées de l'immigration à la modération, qui ne comprennent pas leur récente marche contre leur oppression, devraient lire le magnifique récit de Malika Mokeddem, La Transe des insoumis.

Malika Mokeddem, née dans le désert algérien, dans une famille de nomades sédentarisés, médecin, écrivain, est déjà l'auteur de six livres. Des romans forts, combattants, qui lui ont valu du respect, mais aussi des attaques. Il fallait probablement qu'elle ait tout cela derrière elle pour oser ce récit la première personne, va-et-vient entre son présent "Ici" et son passé "là-bas", dans le désert, ou "Oran", le lieu de ses études. En outre, comme souvent ceux pour qui l'écriture a été un véritable rempart contre la mort, la découverte d'une possibilité de vie "autre", Malika Mokeddem avait parfois un style hyperbolique et métaphorique à l'excès. Elle s'en est dépouillée dans ce texte et sa parole n'en a que plus de force.

"Ici", elle vient de rompre avec l'homme, un Français, qui a partagé sa vie pendant dix-sept ans. Ils s'aiment toujours, mais il ne supporte pas qu'elle écrive. "S'il n'a rien du macho (...) il panique à me regarder m'éloigner dans l'écriture. Il craint de me perdre et me perd pourtant." Avec son départ, reviennent les insomnies, qui ont marqué l'enfance de la petite Malika, quand toute la famille dormait dans la même pièce, sur une unique couche, sous une même couverture. Sauf la grand-mère, que Malika allait rejoindre en secret dans la nuit et qui lui parlait à voix basse de sa jeunesse nomade. Insomnie- insoumis : c'est de ce rejet de la règle commune, le sommeil, que Malika a nourri sa révolte.

Deuxième révolte : dans ce monde de l'oralité, elle a choisi l'écrit, la lecture. Elle avait peu de livres, mais les relisait à l'infini, de jour comme de nuit. Et, plus définitif que tout, elle a refusé le destin des femmes, après avoir entendu "ce murmure résigné lui raconter tant de fois la déconvenue de sa naissance". Avoir une fille était toujours une calamité.

Son refus est radical, il n'épargne pas les femmes qui ont consenti à leur oppression : "C'est ce chœur antique de voix féminines qui me hante. Il édicte un tel sacrifice érigé en devoir absolu, théâtralisé. Les femmes payent quotidiennement un tel prix à la vie, à la cohésion de leur famille, leur tribu. C'est ce qui transfigure leur misogynie et les rend plus dangereuses à mes yeux. Je sais mes réactions aux injures masculines plus spontanées, moins torturantes. Parce qu'elles étaient des injures précisément. Pas ces appels aux ralliements de la détresse." Voilà de quoi nourrir une réflexion bien abandonnée par les femmes, aujourd'hui. Cela dit, ces propos concernent ce qui s'est passé "Là-bas", dans l'enfance, quand il fallait lutter pour aller à l'école, se retrouver seule avec quarante-cinq garçons, et entendre la mère répéter : "Tu n'aurais jamais dû quitter le rang des femmes." "Ici", ce sont des hommes qui prennent le téléphone pour hurler, en appuyant sur les mots, "tu vas ccreever, sale chienne", alors que Tahar Djaout, déjà, a été assassiné, que Rachid Mimouni vient de mourir, sans doute de n'avoir pas supporté l'exil. C'est "Ici", qu'un journaliste algérien se dissimulant derrière des initiales traîne Malika Mokeddem dans la boue, dans un journal, l'accusant, pour son roman La Nuit de la lézarde (1), de "surfer sur la sanglante vague algérienne".

Y a-t-il une place pour une femme libre, "Ici", comme "Là-bas"? A-t-on droit à l'insoumission, ou faut-il d'une manière ou d'une autre, si l'on est une femme, rentrer dans le rang de la société, subir la loi des hommes, sous peine d'affronter leurs préjugés, leur incompréhension, leurs injures ? C'est au fond toute la question de ce livre qu'on lit d'une traite, dans une sorte d'urgence, car, cette question, Malika Mokeddem la pose à toutes les femmes.

Josyane Savigneau

(1) Grasset, 1998, Le livre de poche.

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 21.02.03
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