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Portrait

Mohamed Talbi, libre penseur de l'Islam

LE MONDE | 22.09.06 | 15h29  •  Mis à jour le 22.09.06 | 15h29
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Benoît XVI a le droit, "comme tout le monde", de s'exprimer. Mohamed Talbi n'a d'ailleurs pas été vraiment surpris par les propos du pape à Ratisbonne. "Je connaissais les écrits de celui qui a été le cardinal Ratzinger. Je savais que, pour lui, comme pour beaucoup d'Occidentaux, l'islam est synonyme de violence, et je le déplore, dit-il tranquillement. Mais la liberté ne se divise pas. Le pape a eu raison de donner son opinion sur l'islam, avec franchise et sincérité."

Parcours

1921
Naissance à Tunis.

1955
Premier doyen de la faculté des lettres de Tunis.

1968
Soutient à la Sorbonne sa thèse de doctorat d'histoire sur les Aghlabides.

1995
Entre au Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT, non reconnu).

1998
Parution de "Plaidoyer pour un islam moderne" (Desclée de Brouwer).

2006
Rédige son testament spirituel, 400 pages sur islam et liberté.


En matière de liberté, Mohamed Talbi ne fait pas dans la demi-mesure. A 85 ans, l'homme est un curieux mélange d'intransigeance et de tolérance. On le dit de plus en plus radical. Peut-être est-ce plutôt qu'il ne fait plus la moindre concession. L'historien a attendu d'être au soir de sa vie pour entrer en dissidence. "Pas de politique" a été sa profession de foi pendant des années. Mais comment respecter ce credo lorsqu'on est un homme de foi et de conviction ?

Longtemps, cet agrégé d'arabe, spécialiste du Moyen Age au Maghreb, a cru pouvoir composer avec le pouvoir, au motif qu'il était un serviteur de l'Etat. En 1989, il chavire. Ce qu'il avait supporté d'Habib Bourguiba, le libérateur de la nation devenu un dictateur, Mohamed Talbi ne le supporte plus de son successeur, Zine El-Abidine Ben Ali, président de la République depuis 1987.

Lorsqu'on lui refuse le droit de lancer une revue consacrée à une interprétation moderne de l'islam, puis qu'on interdit en Tunisie l'un de ses ouvrages, Iyal Allah (La Famille de Dieu), l'universitaire admet qu'il ne peut plus continuer à dresser des barrières entre son travail de chercheur et la vie de la cité. En 1993, il abandonne la dernière des fonctions officielles qu'il détenait encore, celle de président du Comité culturel national. "J'ai viré et on m'a viré", résume-t-il, assis dans son salon aux murs couverts de livres, dans le quartier du Bardo, à Tunis. En 1995, il entre au Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT, non reconnu). Une association, pas un parti. "Je n'ai jamais adhéré à un parti, dit-il. La liberté est la dimension structurante de ma pensée."

Mohamed Talbi va alors consacrer sa vie aux libertés, sans renoncer à sa spécificité : la rénovation de la pensée musulmane. Si le pouvoir tunisien l'a dans le collimateur, il ne le harcèle pas. L'historien est surveillé, mais il n'est ni jeté en prison ni rudoyé par la police. On se contente d'étouffer sa voix et d'interdire ceux de ses livres qui paraissent trop audacieux, comme Penseur libre en Islam (Albin Michel, 2002), analyse de l'échec de la démocratie dans le monde arabe et dénonciation du régime Ben Ali. Beaucoup, en Tunisie, déplorent que des réformateurs tels que lui, Hichem Jaït, Abdelmajid Charfi, ou encore H'Mida En-Nayfer, soient écartés par le pouvoir. Plutôt que de mener, depuis maintenant plus de quinze ans, la chasse aux islamistes, pourquoi ne pas tenter un travail en profondeur avec ces partisans de l'islam des Lumières ? "Parce que les autorités tunisiennes se méfient de personnalités aussi autonomes", répond l'universitaire Sana Ben Achour.

En Europe, ce pionnier du dialogue interreligieux a été très en vue dans les années 1970 avant de tomber dans l'oubli. Ses positions ont fini par indisposer. Il était de plus en plus polémique à l'égard des chrétiens, auxquels il reproche de ne pas pousser assez loin leur réflexion sur l'islam. "Je comprends les réactions de Talbi, même si je ne les partage pas toujours. Son sens de la justice et sa quête de la vérité le conduisent parfois à des jugements excessifs. Mais c'est un homme sincère, fondamentalement croyant et profondément attaché au message du Coran", souligne l'un de ses amis, le Père Michel Lelong.

Mohamed Talbi est aujourd'hui ignoré du grand public, en France comme en Tunisie. Seul ou presque, l'hebdomadaire Jeune Afrique n'a de cesse de faire connaître ses idées. Lui finit en ce moment même de rédiger ce qui sera un peu son testament spirituel. Dans cet ouvrage de 400 pages, il clame une fois encore que "l'islam est liberté" et qu'il est "tout à fait compatible" avec la démocratie et la modernité. La charia (loi islamique) est une "production humaine" qui n'a "rien à voir" avec l'islam, martèle-t-il. Les musulmans doivent "se délivrer" de ces textes juridiques apparus deux siècles après le Prophète et qui donnent de leur religion une image d'épouvante. Jamais le Livre saint n'a recommandé de couper la main des voleurs ou de lapider les femmes adultères ! "Seul, le Coran oblige", répète-t-il inlassablement.

Si l'islamologue tunisien s'oppose avec force à toutes les interprétations passéistes de l'islam - le salafisme, le wahhabisme, en particulier -, il combat avec autant d'énergie la désacralisation du Coran. Rénover la pensée musulmane, ce n'est pas prôner "un islam laïque, un islam sans Dieu", insiste-t-il. Mohamed Talbi n'est pas tendre envers ces "désislamisés" qui prônent "un islam commode", purement identitaire. "La religion n'est ni une identité, ni une culture, ni une nation. C'est une relation personnelle à Dieu, une voie vers lui. On peut être musulman et de culture hollandaise, française ou chinoise", explique-t-il avec force.

A ses côtés, une femme longue et blonde, aux yeux bleus, l'écoute avec attention. C'est Irmgard, sa femme, d'origine allemande, rencontrée à Paris il y a tout juste cinquante ans. Irmgard ne s'est convertie à l'islam qu'en 1996, au terme d'un long cheminement. Ils ont deux fils et deux petits-enfants. Ceux-ci suivent-ils le chemin de leur père et grand-père ? M. Talbi sourit. "Je ne sais pas. Je ne leur pose pas la question et je ne leur offre même pas mes livres. Si je le faisais, cela reviendrait à dire : "Lisez-moi". Je m'y refuse."

C'est dans le même esprit que Mohamed Talbi reconnaît aux caricaturistes le droit de brocarder le prophète Mahomet et à Michel Houellebecq - "un garçon sympathique" - le droit de dire et d'écrire que l'islam est la religion "la plus con du monde". La religion, quelle qu'elle soit, ne doit pas être une contrainte. "Je veux décrisper les gens, et je veux le faire au nom du Coran. La foi est un choix, souffle-t-il de sa voix à la fois fluette et ferme. Je ne cesserai jamais de dire que l'islam nous donne la liberté, y compris celle d'insulter Dieu..."

Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du 23.09.06
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L'historien tunisien Mohamed Talbi lors d'une réunion en Tunisie en mai 2000. | GAMMA/NABIL
GAMMA/NABIL
L'historien tunisien Mohamed Talbi lors d'une réunion en Tunisie en mai 2000.

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