Centre de Recherche en
Anthropologie sociale et culturelle (CRASC)
APPEL A CONTRIBUTION
UNE HISTOIRE
SOCIALE DES CHANTEURS ET MUSICIENS ALGERIENS DEPUIS LA FIN DU XIXème SIECLE
Il y a souvent entre une région et l'histoire
de ses établissements humains des convergences et des rencontres dont les
traces les plus sensibles sont celles que portent les expressions symboliques.
Ces expressions, perçues comme les plus exposées à la variation, constituent un
bon terrain pour l'appréhension des interactions sociales et culturelles dans
la longue et moyenne durée. C'est en particulier le cas des chants qui dans une
aire culturelle comme l'Algérie sont demeurés marqués par des caractérisations
génériques ou superficielles( chants folkloriques, chants traditionnels,
musique classique, etc.). Comme on le sait, expressions millénaires de tout
peuple, les chants et musiques accompagnent depuis toujours les saisons de la
vie et marquent souvent les circonstances sociales vécues par les communautés
humaines d'une manière profonde et, évidemment, exemplaire. Cependant, les
multiples facettes de leur devenir:
marché, diversification, changement des modes de transmission, d'apprentissage
et de diffusion, les actualisent en permanence ; c'est ce qui leur confère de
ce fait une dimension historique qui ne se réduit pas à de simples repères (
air du temps, mode) mais révèle des paradigmes fondateurs d'une société (statut
du sacré et du profane, vision de la tradition et de la modernité, interactions
du collectif et de l’individuel, situation de la femme, etc.)
Cette Algérie dont il sera question tout au long de cette enquête
historique et sociale est bien concrète quant à son terroir singulier, ses logiques urbaines éclatées et son
prolongement rural déséquilibré. Elle combine ainsi un tissu serré de mausolées
de saints, objets d'une dévotion permanente, des villes ancestrales, des
grappes d'agglomérations fondées aux forceps par la colonisation ou fécondées
par la faim au hasard des migrations de nécessité. Mais, ce territoire, comme
ses communautés et ses individus évoqués, est musicalement fluctuant, s'ouvrant
aux profondeurs du désert par ses rythmes du gumbri ou du nay; ou, a contrario, construisant dans les
périphéries des villes une symbiose toujours recommencée entre accordéon et derbouka.
Si l'intérêt de ce parcours réside bien dans la riche productivité
musicale que vont susciter les échanges à l'intérieur de ce cadre géographique,
cela ne signifie pas pour autant que les pays voisins de l'Algérie n'aient pas
eu d'emprise avérée ou des influences indubitables sur cet ensemble. Puisque
l'un des enseignements de cette évocation et, dirons - nous, l'une des données
proprement spécifiques à cette région, c'est bien sa formidable capillarité
culturelle aux sollicitations d'ailleurs.
L'autre jalon de ce périple est, enfin, l'homologie continue et forte
entre l'évolution du paysage rural et urbain (ses modifications topologiques et
les modes de son appropriation par les individus et les groupes) et celle des
genres et des pratiques musicales et chantées. La musique et le chant
traduisent constamment l'expérience de la rencontre avec le nouveau cadre de
vie urbain en situation coloniale à travers son dispositif ségrégatif d'abord,
dans sa prolifération désordonnée à l'indépendance, ensuite. Mais l’imaginaire
symbolique de la cité est lui même travaillé par des chants et des musiques qui
s'imposeront parfois à l’espace urbain dans leur précarité, ou inventeront de
nouveaux champs d’expression pour exister. De ce va-et-vient fécond tout au
long des avatars de l'histoire, s'élaborent certains genres, d'autres se
modifient alors que se profile incontestablement une mémoire subjective de la
société algérienne; et que s'édifie
selon l'expression de Schaeffner une société de musiciens.
Dans cet ouvrage nous nous efforcerons de privilégier volontairement la
chronologie manifeste pour suivre au plus près les jalons qui singularisent un
procès, celui de la constitution du champ musical dans ses logiques de
transmission des savoirs (les figures du cheikh et du disciple –‘guenddouz’, du
sociétaire des associations musicales, du luthier et de l’apprenti, des ‘bras
droits’ du chaabi ou du ‘berrah’, des ‘anthologistes’ et autres mélomanes,
etc.) ; comme ceux des scansions imposées par l’histoire politique et
sociale (guerres, épidémies, innovations technologiques et nouveaux
comportements culturels).
Le triptyque que ce recueil d'études aura à explorer portera sur les
genres les plus manifestes, sans négliger pour autant les expériences musicales
ou chantées périphériques ou singulières. Il s’agira plus spécifiquement de
faire la part de l’expérience concrète des acteurs : musiciens, chanteurs,
paroliers ou poètes dont les itinéraires individuels ou collectifs inscrivent
cette production dans une dimension historique et sociale à la fois objective
et subjective. En dernier lieu, cette investigation devrait permettre de
constituer une première typologie des modes à symboliser qu’offre la production
musicale et chantée. Ainsi cet essai collectif pourrait constituer un premier
jalon dans la connaissance diachronique de l’univers symbolique de la formation
sociale algérienne.
Les études sollicitées devraient présenter un état de la question actualisé et référencé au plan bibliographique et discographique. Le volume des contributions originales est compris entre 20 et 30 pages (double interlignes, police de caractère times 12, notes infrapaginales)
Les chercheurs intéressés sont
priés de présenter un synopsis d’une page de leur contribution avant le 1er
Mars 2001. La tombée des articles est prévue pour la fin juin 2001. L’ouvrage devrait paraître à la fin de
l’année 2001.
Contacts : CRASC, cité Bahi
Amar, Bloc A n°1, Es Sénia Oran; B.P 1955 Oran El Mnaouer 31000 Algérie; e-mail
: CRASC@crasc.org
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Miliani : hmiliani@yahoo.fr