La littérature algérienne francophone serait-elle sortie du face à face post-colonial ?

Charles BONN
Université Lumière – Lyon 2

Résumé

Née dans un contexte colonial et visible comme telle à partir des débuts de la guerre d’Algérie, la littérature algérienne francophone a tout naturellement développé une scénographie « postcoloniale » face au Centre de reconnaissance qu’était et que reste en partie la France. Son émergence permet ainsi d’illustrer en partie certains des mécanismes d’énonciation sur lesquels repose la « théorie postcoloniale ». Pourtant, la génération d’écrivains pour lesquels cette description semble la plus adaptée est celle qui produisit dans les années 70 des œuvres inscrites dans une modernité littéraire délocalisée, alors que ni les auteurs de la période coloniale, ni ceux qui apparaissent dans l’ère « postmoderne » que nous vivons actuellement ne semblent véritablement répondre à cette scénographie. Dès lors on peut s’interroger sur les limites d’une théorie fort à la mode qui nous invite avec raison à ne pas oublier l’impact de l’histoire dans les modalités de l’énonciation littéraire, mais oublie peut-être de s’interroger sur sa propre inscription historique.

 

Abstract

Been born in a colonial and visible as such context from the beginning of the war of Algeria, the French-speaking Algerian literature quite naturally developed a “postcolonial scenography” in front of its Centre of recognition that was and that stays partially France. Its emergence allows so to illustrate partially some of the mechanisms of statement on which bases the “postcolonial theory”. Nevertheless, writers' generation for which this description seems the most adapted is the one that produced in the 70s novels registered in a delocalized literary modernity, while neither the authors of colonial period, nor those that appear in the “postmodern” era which we live at present really seem to answer this scenography. From then on one can wonder about the limits of a very fashionable theory which invites us with good reason not to forget the impact of the history in the modalities of the literary statement, but forgets maybe to wonder about its own historic registration.

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Une fois n’est pas coutume : ce lieu et cet accueil invitent à la confidence. Je vais donc partir de mon expérience personnelle de critique, dont la relation avec les écrivains qu’il traite n’est pas toujours simple. Car si je suis celui qui interpelle, qui sanctionne (bien malgré moi !), je suis aussi, et c’est justice, interpellé, et parfois même sanctionné. Sans vouloir surestimer le rôle du critique universitaire, il est peut-être plus important dans le champ littéraire franco-maghrébin qu’ailleurs [1]. Car à la complexité « normale » de la relation des écrivains avec leurs critiques, s’ajoute celle d’une histoire coloniale et de sa violence. Je ne suis pas seulement le critique. Je suis également, à mon corps défendant, dans mon activité de critique même, le représentant de l’ancienne puissance coloniale, dont dépend toujours en partie la reconnaissance littéraire.

Pourtant, si j’ai, je le précise tout de suite, les meilleures relations avec tous les écrivains maghrébins, je pourrais dire que cette relation est différente selon les générations d’écrivains dont il s’agit. La « génération » avec laquelle cette relation est la plus compliquée est celle des écrivains qui ont à peu près mon âge, et qu’on pourrait appeler la « génération de 1970 », représentée essentiellement, pour l’Algérie, par Boudjedra et Farès. Je n’entrerai pas dans le détail de cette relation,  mais je dirai que même si nous nous rencontrons très volontiers, je sens toujours, peut-être à, tort, derrière le discours qu’ils tiennent alors, cet implicite que je reste « l’Autre » : le représentant involontaire du « néo-impérialisme colonial ». Au contraire les relations n’ont jamais cet arrière-fond, si difficile à vivre, avec des écrivains de la génération suivante, parmi lesquels je citerai surtout Azouz Begag ici présent, mais aussi Abdelkader Djemaï, Malika Mokeddem, et bien d’autres. Mieux : elles ne l’ont (ou ne l’avaient) pas du tout avec les écrivains qui ont pourtant écrit pendant la période coloniale et la guerre d’Algérie, Mohammed Dib, Kateb Yacine ou Mouloud Mammeri.

Je ne suis donc paradoxalement « l’Autre », le représentant du « néo-impérialisme francophone », que pour la génération d’écrivains dont le surgissement dans les années 70 semblait marquer la fin du face-à-face Algérie-France, puisque leur cible politique pour la première fois était le régime du colonel Boumédiène, et non plus la colonisation. De plus cette génération d’écrivains est celle que j’ai le plus contribué à faire connaître. Surtout, l’écriture de cette génération d’écrivains est celle qui se revendique d’abord d’une subversion formelle plutôt que thématique, dans la ligne d’une modernité littéraire en quelque sorte délocalisée, puisqu’on la retrouve chez la plupart des écrivains contemporains importants dans le Monde.

Ces observations préliminaires me permettent donc d’affirmer que ces auteurs de la « génération de 1970 », contrairement à ceux qui ont écrit directement contre un colonialisme dans lequel ils vivaient, sont probablement ceux qui illustrent le mieux la dynamique, ou la scénographie, décrite actuellement par la théorie post-coloniale, fort prisée aux États-Unis, plus qu’en France où elle a été présentée récemment par le livre de Jean-Marc Moura, Littératures francophones et théorie postcoloniale [2]. Plus que Mohammed Dib, Mouloud Mammeri ou Kateb Yacine, pour ne citer que les plus connus des écrivains de la génération précédente, les écrivains de la « génération de 1970 » se placent en effet par rapport au critique occidental que je suis dans une scénographie [3] qui répond par bien des aspects à la description faite par la théorie postcoloniale. Même si dans les débats avec leur public ils revendiquent la singularité de leur écriture par rapport à une revendication politique d’opposition collective aux pouvoirs en place, ils s’inscrivent, et surtout m’inscrivent  par cette scénographie dans une identification groupale, collective, là où les écrivains de littératures plus anciennes, issues du « Centre », peuvent beaucoup plus facilement exercer la singularité de leur voix.

Une dynamique postcoloniale d’avant et d’après l’Indépendance

La littérature algérienne, et plus globalement maghrébine de langue française doit son émergence dans les années cinquante à un face à face avec la puissance coloniale qui illustre bien le concept de scénographie postcoloniale. C’est-à-dire qu’apparaissant d’abord individuellement, dans le cadre de structures d’édition françaises, ils ne vont que dans un deuxième temps être perçus comme formant un groupe, un courant littéraire nouveau et intéressant en tant que tel. On peut même dater cette soudaine prise de conscience par le public, d’une enquête des Nouvelles littéraires des 15 et 22 octobre 1953, où Pierre Grenaud, après avoir publié un article intitulé « Une nouvelle école littéraire », interrogeait Mohammed Dib et Mouloud Feraoun, qui lui répondaient positivement, sur l’existence et les développements de cette « nouvelle école ». Or c’est l’époque durant laquelle une minorité d’intellectuels d’extrême gauche chrétienne, regroupés autour de l’hebdomadaire Témoignage chrétien, de la revue Esprit et des Éditions du Seuil recherche des textes d’écrivains algériens, comme l’a montré Abdelkébir Khatibi [4], pour s’opposer au triomphalisme du discours colonial.

L’on va assister alors à une sorte de prise de posture de ces nouveaux écrivains dans cette scénographie de groupe émergent. Ainsi Mohammed Dib, c’est connu, abandonne-t-il provisoirement l’écriture très personnelle et quelque peu ésotérique de ses premiers textes, pour se consacrer à l’urgence, et publier grâce à Emmanuel Roblès les trois romans de la célèbre trilogie « Algérie » : La grande Maison (1952), L’Incendie (1954), Le Métier à tisser (1957) [5]. Or à la même époque il écrivait aussi des textes de facture tout à fait différente, dont certains vont se retrouver bien plus tard intégrés à des oeuvres où on ne les aurait pas cherchés, comme Les Terrasses d’Orsol en 1985 [6]. L’écriture personnelle est devenue collective du fait des nécessités militantes de l’époque.

Par ailleurs dans les années cinquante les œuvres de Mouloud Feraoun apparaissent bien, alors même qu’il se revendique d’une écriture du collectif (« montrer que les Kabyles étaient précisément des hommes », disait-il), comme un modèle d’écriture dont la scénographie groupale de cette littérature finira par avoir raison : c’est probablement chez lui, comme chez Mouloud Mammeri, qu’on trouve encore dans les années cinquante le plus de descriptions, conformément à l’attente de ce public français bienveillant auquel ils s’adressent. Mais après la remise en question du principe même de la description, comme du modèle romanesque réaliste dans son ensemble dans Nedjma de Kateb Yacine en 1956, et peut-être aussi après les virulentes attaques des nationalistes dont avait été victime La Colline oubliée de Mammeri dès 1952, on s’aperçoit que la description disparaît quasiment du champ littéraire algérien. La description en effet installe une dépendance par rapport à un regard exotique que la scénographie post-coloniale récuse.

De plus c’est chez Feraoun qu’on assiste en 1953 à cette véritable mise entre parenthèses, au sens propre et figuré du terme, de l’émigration, qui est pourtant une donnée essentielle de la société kabyle, dans La Terre et le Sang [7], où « Lorsque le Kabyle revient dans sa montagne après une longue absence, le temps qu’il a passé ailleurs ne lui apparaît plus que comme un rêve. […] Sa longue absence n’a d’ores et déjà plus d’autres signification que celle d’une parenthèse gigantesque, impuissante à changer le sens général d’une phrase. » [8]. Derrière la « phrase », n’est-il pas permis de voir cette littérature naissante elle-même, qui va se développer pendant longtemps sur l’ignorance de cette rupture de la fonction emblématique de l’espace national que peut représenter l’émigration ?

La mise entre parenthèses de la description [9] et de l’émigration [10] participe bien d’une scénographie groupale, dans un face-à-face avec le regard du « centre » hégémonique que décrit la théorie postcoloniale. Il s’agit, pour reprendre les termes de Moura, « d’affirmer fortement son espace d’énonciation » face à sa négation par le discours colonial. On récuse donc la description, qui transforme cet espace en objet dans un discours dont la cohérence est ailleurs, et on ignore l’émigration, dont la coupure géographique pourrait ébranler la cohérence emblématique de cet espace.

Ces observations vont être renforcées si on examine la production algérienne après l’Indépendance, puisqu’en cohérence parfaite avec une perception de la littérature comme manifestation de l’identité collective d’un groupe, et alors qu’Albert Memmi prédisait dans le Portrait du colonisé la mort rapide de cette littérature une fois l’indépendance acquise et l’arabe devenu langue nationale, la production littéraire algérienne, surtout les romans, va connaître une baisse sensible dans les premières années de l’Indépendance [11] : cette production apparaît bien comme liée à l’événement historique de la colonisation et de la guerre d’indépendance, et semble d’abord tarir une fois que la situation politique ne la justifie plus. On sait cependant que cette littérature va connaître une spectaculaire progression dans les années 70, multipliant quasiment par dix le nombre d’œuvres publiées et les tirages. Mais là encore il est aisé de voir que si l’enjeu politique n’est plus le même, la cible des textes étant cette fois le pouvoir de l’Algérie indépendante, la dynamique est plus que jamais politique, avec de plus une violence que ne connaissaient pas les textes dirigés contre la présence coloniale. L’émergence des textes de la « génération de 1970 » est bien d’abord un phénomène collectif, et développe de ce fait une scénographie de groupe qui par certains points illustre la théorie postcoloniale.

Et cette illustration est beaucoup plus évidente encore si on passe du plan des thèmes à celui de l’écriture : comme leurs voisins marocains, et en continuité avec la théorisation qu’on peut trouver à cette époque dans la revue Souffles [12] les écrivains algériens des années 70 privilégient la subversion de l’écriture au lieu du seul engagement thématique, très vite « récupérable » par un discours de pouvoir. Il s’agit de rendre le lecteur français étranger dans sa propre langue, disait au Maroc encore Mohammed Khaïr-Eddine à cette époque. En Algérie, tout en décochant des attaques virulentes contre le pouvoir en place, contre la répression sexuelle autant que politique ou les « Membres Sacrés du Clan, alliés aux mouches et à Dieu » [13], des écrivains comme Boudjedra ou Farès, de manière très différente, produisent avant tout un dire littéraire inattendu dans ce contexte [14], qui rejoint en partie la définition du « style heurté » des intellectuels colonisés tel que le définissait Fanon dans Les Damnés de la terre [15], comme le feront plus tard les théoriciens de la littérature postcoloniale.

De plus, on pourrait dire que c’est bien cette génération de 1970 qui a permis de relire Kateb en fonction de cette idée spécifiquement « moderne » de subversion du discours plutôt que par les thèmes. Il n’y a aucun discours explicite de condamnation du colonialisme dans Nedjma. Mais la déstabilisation du genre romanesque y est un brûlot bien plus efficace contre la maîtrise du dire par le discours colonial. Kateb sera donc la première référence intertextuelle interne au champ algérien, ou maghrébin, pour les écrivains de cette génération, qui vont jusqu’à le parodier ouvertement parfois, comme par exemple Boudjedra dans L’Insolation [16]. L’auteur de Nedjma est ainsi récupéré par eux pour créer une sorte de lignée de ce que j’appellerai des « Monstres sacrés » : des auteurs auxquels la qualité indéniable de leur écriture donne une renommée internationale, mais qui en même temps sont prisonniers dans l’image que s’en fait le public, de la littérature algérienne dont ils font partie et qu’ils contribuent à faire connaître tout en lui devant une part de l’attention qui se porte sur eux. Écrivains dont on attend la dénonciation politique, et qui répondent par la subversion textuelle, s’installant dans une sorte de malentendu qui fait cependant aussi leur efficacité à promouvoir le groupe dont ils font partie tout en s’en démarquant. Dynamique ambiguë, donc, mais qui participe bien, en même temps, de cette scénographie que décrit la théorie postcoloniale.

Et cependant il s’agit d’autre chose

Pourtant à y regarder de plus près on va s’apercevoir que si la dynamique de l’émergence de ces textes, quelle que soit leur « génération », rentre bien dans le cadre d’une scénographie postcoloniale au niveau de leur réception, les textes eux-mêmes sont souvent tout autres que l’image qui est la leur auprès du public.

On constate d’abord que le thème de la guerre, le plus attendu dans ce contexte de face-à-face colonial, n’est que fort peu développé par le roman algérien (Il l’est davantage cependant dans la poésie). S’il y a, certes, des romans de cette guerre, quoiqu’en nombre relativement restreint, ceux des auteurs les plus reconnus sont rares. Il est intéressant de noter aussi que deux des quatre ou cinq romans significatifs sur ce thème ont été écrits par celle qui a longtemps symbolisé l’écriture féminine en Algérie, Assia Djebar, et c’est bien le point de vue féminin qui est privilégié ici. Les Enfants du Nouveau Monde [17] est le roman de guerre le plus épique, mais la guerre y est vue à travers les destinées singulières et le point de vue inhabituel dans ce type de romans, de femmes issues des différents milieux en présence. Et très vite Assia Djebar, dans Les Alouettes naïves [18], comme Mouloud Mammeri dans L’Opium et le Bâton [19] relativiseront le projet épique en y insérant une interrogation sur les lendemains de cette guerre. L’épopée guerrière chez eux s’inscrit dans une perspective humaniste qui en modère grandement, pour notre plus grand bonheur de lecteurs, le monologisme attendu [20].

Qui se souvient de la mer, de Mohammed Dib [21] est tout aussi loin du plaidoyer univoque, et sa fin est pour le moins ambiguë. Surtout, ce roman est davantage une expérimentation sur les pouvoirs de la parole, en l’occurrence l’efficacité de la description réaliste face à l’horreur, qu’une lettre de doléances. Si face à face il y a, c’est d’abord celui de l’écrivain et de son écriture, et dès lors ce face à face n’est plus celui que décrit la théorie postcoloniale. On pourrait d’ailleurs en dire autant, déjà, de L’Incendie [22], traditionnellement présenté comme réaliste et « engagé », alors qu’il est avant tout, par exemple à travers une exhibition du langage paysan affichant son irréalisme, réflexion sur l’efficacité du discours idéologique à rendre compte de tous les aspects d’une réalité vécue plus complexe que ses catégories.

On sait aussi, comme Jacqueline Arnaud l’a démontré, que la guerre est totalement absente de Nedjma, pourtant perçu en général, avec le théâtre de Kateb à la même époque, comme la bannière de l’engagement anticolonialiste algérien. Bien plus : ce roman exhibe, quant à lui, l’inefficacité des discours identitaires dans l’échec des deux voyages de Rachid et Si Mokhtar qui devaient leur donner corps : celui à La Mecque et celui au Nadhor, lieu d’origine de la tribu. Et les deux fois, c’est le burlesque qui ruine le face à face colonial contrit attendu, introduisant un carnaval dans lequel les oppositions binaires simplistes sont éclatées. Carnaval qu’on retrouvera en 1967 dans ce festival de l’ambiguïté qu’est Le Polygone étoilé [23].

Et même si l’on remonte davantage encore dans le temps, la description ethnographique des débuts du roman algérien, dans laquelle on a vu une réponse plus attendue à une « commande » implicite de la gauche anticolonialiste française, plutôt qu’une affirmation identitaire face à la négation coloniale, se développe sur le mode mineur. Car ces univers traditionnels décrits ici sont comme les anciens dieux campagnards sur la scène du théâtre tragique grec selon Duvignaud : en situation de sacrifice sur cette scène urbaine qu’est le texte romanesque, espace d’une modernité qui n’est plus la leur. Il ne s’agit plus ici « d’affirmer fortement leur lieu d’énonciation », comme le disait Moura pour les descriptions ethnographiques des romans francophones selon la théorie postcoloniale, mais bien au contraire de le montrer en train de disparaître par l’intrusion même de cette description qui prétendait le valoriser à la face du monde. La mort du héros ou de l’héroïne, comme à plus long terme celle de leur univers dont les contradictions sont livrées au plein jour, est au bout du chemin de La Colline oubliée de Mammeri, mais déjà aussi de La Terre et le Sang ou Les Chemins qui montent de Feraoun. Ce tragique fait la beauté littéraire de ces romans. Il récuse cependant dès les débuts de cette littérature l’inscription de ces textes dans la logique de face à face binaire que décrit la théorie postcoloniale.

Pour ce qui est de la « génération de 1970 », dont certains de ses écrivains sont ceux qui se situent le plus dans un face à face postcolonial pour leur relation avec les critiques occidentaux, ils peuvent être lus cependant aussi comme ruinant ce face à face dans la thématique de leurs romans, puisque la cible politique n’est plus le colonialisme, mais les nouveaux régimes indépendants. C’est-à-dire que la cible est à l’intérieur du champ, au moins sur le plan politique, ce qui remet en cause les données de base de la scénographie. Plus encore : le brusque surgissement de cette génération littéraire vient contredire l’analyse postcoloniale à la lumière de Fanon, Memmi ou Sartre, selon laquelle l’arabisation étant une des revendications culturelles majeures des nationalistes, une littérature algérienne francophone liée par ailleurs au processus ce la guerre d’indépendance ne pourrait que mourir jeune une fois cette indépendance acquise. Enfin, cette génération affirme haut et fort la primauté de la subversion par l’écriture sur la contestation thématique : ce « malentendu fécond », s’il confère une visibilité à cette littérature et en marque du même coup l’espace d’énonciation, fonctionne surtout dans le cadre d’une littérarité non-localisée. La qualité littéraire vise à l’universel. Et elle souligne du même coup par contraste la piètre localisation de la littérature de commande que produit à la même époque le discours idéologique « anti-impérialiste » officiel, avec les nouvelles publiées dans la revue Promesses ou les romans publiés à la SNED sous le régime de Parti unique du colonel Boumédiène. D’ailleurs ce discours officiel ne s’y est pas trompé, qui qualifiait cette littérature de « non authentique » et l’excluait violemment, la traitant tantôt de « bourgeoise », et tantôt « d’assimilationniste » [24].

Modernité postcoloniale et dissémination postmoderne

Alors pourquoi cette « génération » si vilipendée dans son propre espace de référence (D’ailleurs la littérature algérienne de langue française l’y a été dès ses débuts : qu’on se souvienne de la polémique soulevée dès 1952 par des intellectuels nationalistes autour de La Colline oubliée de Mouloud Mammeri) est-elle aussi celle dont la relation avec ses critiques occidentaux est la plus compliquée, la plus proche en tout cas de cette « scénographie » que décrit la théorie postcoloniale ?

Peut-être parce que la modernité même de son écriture, tout en facilitant sa reconnaissance internationale, renforce l’exclusion dont ces écrivains sont victimes dans la phraséologie du pouvoir, certes, mais aussi dans le discours social le plus courant en Algérie, et l’inscrit de ce fait dans une dépendance que ne ressent pas l’écrivain né dans le « Centre » du fonctionnement littéraire. L’espace de la modernité littéraire, délocalisé pour ceux qui en sont issus car cette modernité a une prétention à l’universel, souligne la localisation des écrivains issus d’un espace non traditionnellement considéré comme littéraire. Pour reprendre l’expression de Kateb qui reste leur point de référence parce que son inscription dans la modernité était en quelque sorte naturelle [25], ils se retrouvent en situation de « passagers clandestins » dans cette modernité que par ailleurs ils revendiquent. Paradoxalement c’est donc par leur tentative de s’inscrire à l’unisson d’une modernité littéraire internationale, que ces écrivains qui restent perçus comme issus d’un espace fortement localisé et souffrent dans cet espace d’une absence d’écho, se mettent en position de dépendance. Car en l’absence d’une véritable critique littéraire dans leur pays d’origine, leur reconnaissance est totalement dépendante de l’écho qu’ils susciteront chez les critiques étrangers.

Cette dépendance par la modernité de leur écriture est donc bien ce qui situe ces écrivains dans un nouveau face à face, qui cette fois relève au sens plein du terme d’une scénographie postcoloniale [26], dans son acception la plus « banale » : postérieur à l’indépendance. Or on a vu que les plus grands écrivains de la période coloniale proprement dite, alors même que leur écriture, comme celle de Kateb, a pu être relue depuis en termes de subversion littéraire, ne se situaient guère dans une telle dépendance, dans un tel face à face en ce qui concerne la nature même de leur énonciation. Je propose donc de considérer ici qu’écriture postcoloniale et modernité littéraire ont partie liée, dans la mesure où l’une et l’autre procèdent de ce que j’appellerai la « rupture féconde » de la modernité. La modernité littéraire, depuis la fin du XIXème siècle en Europe, est féconde grâce à la rupture formelle et thématique qu’elle pose en quelque sorte comme un préalable, comme l’arcane même de son énonciation. De la même manière c’est par la subversion des modèles littéraires hérités, mais aussi par la césure d’avec le discours social dominant, que les écrivains de la « génération de 1970 » s’inscrivent dans la modernité. La différence est cependant que l’espace identitaire dont ils sont issus, et dont l’affirmation contre l’impérialisme est un des éléments de leur rupture, n’intègre pas cette rupture, ou cette modernité, dans son fonctionnement discursif, car elle supposerait un dialogisme, une pluralité de voix impensables dans ce contexte spéculaire, essentiellement monologique. Car la dénonciation de « l’impérialisme » y fonctionne, non comme dialogue avec l’Autre, mais comme prétexte à un discours de conformité à usage interne.

La rupture féconde de la modernité peut être également lue, dès lors, comme le font d’ailleurs les promoteurs de la théorie postcoloniale [27], comme étant elle-même un produit de l’ère de l’expansion coloniale européenne, et de la fêlure introduite dans le discours universaliste européen par sa confrontation à d’autres cultures. Validée par la seule lecture du « Centre », la modernité de cette « génération de 1970 » s’inscrit bien, ainsi, dans le mouvement plus général de déstabilisation de la pensée européenne consécutif en partie à la décolonisation, dans ces années soixante et soixante-dix, où 1968 fut une année charnière. Modernité des années 60-70 et décolonisation ont donc autant partie liée que la modernité de la fin du dix-neuvième siècle l’avait avec la colonisation : dans les deux cas il s’agit bien d’une révolution des modèles de pensée. Le face à face postcolonial et sa spatialisation de l’écriture sont ainsi présents là même où cette modernité de la génération de 1970 s’installait en rupture avec la norme discursive du lieu dont elle est issue.

Or à partir de la fin des années 80, avec la montée du terrorisme en Algérie, mais aussi avec une évolution de l’écriture vers une dimension référentielle plus grande dans le reste du Monde, les nouveaux textes algériens vont abandonner peu à peu leur subversion formelle, au profit d’une intrusion du réel brut, de moins en moins littéraire, et d’une perte progressive du sens, particulièrement politique, devant une réalité dont l’horreur banalisée répudie en effet toute explication logique.

On en verra un bon exemple chez Rachid Mimouni, dont l'évolution entre la contestation très littéraire encore du Fleuve détourné [28] et la brutalité du réel « tel qu'en lui-même » dans Tombéza [29], en l'espace de deux ans seulement (de 1982 à 1984) est significative. L'évolution littéraire de Mimouni illustre bien ce que j'appelais ailleurs [30] le « retour du réel » dans la littérature algérienne des années quatre-vingt. Le regard lucide qu'il pose dès Le Fleuve détourné sur les horreurs de la société dans laquelle il vit procède encore d'une exigence littéraire dont le modèle de Kateb n'est pas loin. Mais progressivement le réel "brut", après avoir investi de manière fort intéressante l'élaboration littéraire même dans Tombéza ou L'Honneur de la Tribu [31], vient en quelque sorte à bout de cette élaboration littéraire dans La Malédiction [32], roman qui n'est même plus politique, de même que la qualité du texte n'a plus rien à voir avec celle des précédents du même auteur.

Ce retour du référent brut à travers une écriture simplement dénotative, qu’on trouve chez beaucoup de nouveaux écrivains, qu’il conviendrait davantage de qualifier de témoins que d’écrivains, s’accompagne pour les auteurs les plus reconnus d’une dissémination éditoriale qui montre que cette littérature n’est plus perçue comme un groupe particulier, dont les textes se retrouvent chez quelques éditeurs « spécialisés » comme Le Seuil, Denoël, Plon ou Julliard. Mohammed Dib publie alors ses meilleurs romans chez d’autres éditeurs que Le Seuil dont il avait pourtant été l’un des principaux auteurs « maison » : Sindbad, puis Albin Michel. L’actualité de la violence intéresse peu à peu, par ailleurs, tous les éditeurs français, puis européens ou américains, mais ces éditeurs ne présentent plus l’œuvre comme rattachée à un ensemble : seul le référent quotidien servira d’accroche pour le lecteur sur la jaquette, sauf pour les grands écrivains connus comme Mohammed Dib ou Assia Djebar pour qui c’est leur nom et leur photo, mais sans référence au courant littéraire dont ils font encore partie. En même temps ces grands écrivains sont reconnus pour eux-mêmes, et non plus comme les « monstres sacrés » d’autant plus inséparables de l’ensemble « littérature algérienne », qu’ils étaient dans les années 70. Ceci leur permettra de publier des textes qui ne porteront plus obligatoirement sur leur seul pays d’origine. Ce qu’on a appelé le « Cycle nordique » chez Mohammed Dib [33] se situera en Finlande, cependant qu’Assia Djebar revisite ma ville d’enfance et ses mémoires dans Les Nuits de Strasbourg [34].

Cette délocalisation du lieu d’énonciation, qui va de pair avec une prééminence, au contraire, du référent algérien dans d’autres textes contemporains, signale une perte de la perception de la littérature algérienne se représentant elle-même comme un ensemble, à partir de ces signes d’appartenance que sont le pays et le groupe littéraire. Perte qu’on pourrait qualifier de postmoderne, de cette scénographie de la subversion sur quoi reposait la modernité littéraire des années 70. Perte du face à face Algérie-France aussi, d’une part parce qu’on s’aperçoit que la littérature algérienne est de plus en plus lue ailleurs qu’en France, dans des pays qui n’ont pas avec l’Algérie la lourde histoire qu’a la France, et d’autre part parce que le changement de générations fait aussi qu’en France parler de la guerre d’Algérie devient possible.

Enfin, ce qu’on a appelé peut-être un peu vite la « littérature de la 2ème génération de l’immigration », précisément parce qu’elle récuse toutes les définitions identitaires, tant par rapport à la France que par rapport à l’Algérie de ses parents dans laquelle elle ne se reconnaît guère, ne s’inscrit plus du tout quant à elle dans ce dialogue de deux espaces emblématiques d’une scénographie sur quoi repose la théorie postcoloniale. D’abord parce que son espace de référence comme le groupe qu’elle pourrait constituer ne sont guère visibles, ne peuvent pas s’isoler, se décrire. Ensuite parce qu’elle casse le face à face post-colonial par l’humour, qui est peut-être sa différence majeure avec la littérature algérienne, particulièrement des années 70. Or cette littérature qui rend le face à face postcolonial caduc n’a pu apparaître, précisément, malgré quelques tentatives isolées auparavant, qu’à partir du milieu des années 80 [35], peut-être parce que le face à face moderniste postcolonial avait fait long feu pour les écrivains algériens proprement dits, et que la postmodernité permettait la visibilité de l’atypique, du non attendu. Mais l’envers de ce surgissement possible est aussi que cette littérature ne sera probablement jamais perçue en tant que groupe, comme la littérature algérienne l’avait été.

 

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Même s’il reste une dépendance éditoriale, parmi d’autres, on peut donc affirmer que la postmodernité dans laquelle nous vivons est en train d’avoir progressivement raison de ce face à face tel que l’entendent l’histoire du couple infernal Algérie-France d’une part, et la théorie postcoloniale de l’autre. Certes, l’actualité politique française ou américaine montre que les réflexes communautaristes ne sont pas morts, avec leur cortège d’étiquettes préexistant à la reconnaissance de l’écrivain ou du critique pour lui-même. Mais sur le plan littéraire on a vu que contrairement aux minorités bien étiquetées dont la visibilité dans le discours social américain repose sur une tradition d’expression propre qui s’est particulièrement développée dans les années 70, ce qu’on a coutume d’appeler, faute de mieux, la « deuxième génération de l’immigration maghrébine » en France peine à se reconnaître comme un groupe. Car son émergence s’est faite alors que la vague « moderniste » des années 70 avait fait long feu : on a vu que cette émergence n’avait même été possible que parce qu’on était entrés dans l’ère « postmoderne », dans laquelle le groupe « littérature maghrébine », ou algérienne, cessait progressivement d’être perçu comme tel, et d’empêcher le surgissement de cet imprévu dans une logique de face à face postcolonial.

Ce postmodernisme marque donc bien, me semble-t-il, la limite historique de validité de la théorie postcoloniale. Le face à face « moderne » entre groupes se représentant collectivement comme des entités l’un face à l’autre se dilue avec sa scénographie. Et la théorie postcoloniale, qui avait le grand mérite de nous amener à tenir compte d’une dimension essentielle de l’histoire de notre modernité, montre peut-être ici qu’elle occulte, elle aussi, un contexte d’évolution historique des mentalités comme du fonctionnement littéraire. On peut même se demander alors si ses promoteurs sont conscients du décalage historique de leur problématique elle-même, fort parente – ils ne s’en cachent d’ailleurs pas – de celle que développaient Sartre, puis Fanon, puis Memmi et d’autres, dans les années cinquante et soixante ? Problématique tout à fait porteuse dans la révolution des mentalités qui se produisait alors à l’échelle mondiale, mais quelque peu dépassée, depuis, par les développements ultérieurs de cette mutation ?

 

 

Notes et références



[1] Certains, comme Jean Déjeux, ne disaient-ils pas qu’il y a plus de thèses sur la littérature maghrébine que de textes étudiés, et que de ce fait certains écrivains comme Rachid Boudjedra, Abdelkébir Khatibi, Nabile Farès ou Tahar Ben Jelloun n’écrivant plus qu’en fonction de cette réception universitaire ?

[2] Paris, PUF, 1999.

[3] Scénographie dont on pourrait voir une description dans la phrase célèbre d’Abdelkébir Khatibi à la fin de La Mémoire tatouée (Paris, Denoël, 1971) : « Quand je danse devant toi, Occident, sache que cette danse est de désir mortel, ô, faiseur de signes hagards ».

[4] Dans sa thèse de 3ème cycle sous la direction d’Albert Memmi, Paris, EPHE, 1965, publiée chez Maspéro en 1968 sous le titre Le Roman maghrébin, et republiée : Rabat, SMER, 1980.

[5] Tous trois aux éditions du Seuil.

[6] Je renvoie à ce propos à la lettre de Mohammed Dib que j’ai publiée en annexe de mon Lecture présente de Mohammed Dib, Alger, ENAL, 1988, p. 267.

[7] Paris, Le Seuil.

[8] La Terre et le Sang, op. cit., p. 12-13.

[9] Qu’on n’y retrouvera, du moins en ce qui concerne les œuvres de qualité, qu’en 1970, avec le très beau roman autobiographique pourtant méconnu, peut-être à cause de cette dynamique groupale dont je parle ici : Le Village des Asphodèles (Paris, Laffont), d’Ali Boumahdi.

[10] Qu’on y trouvera enfin en 1975-77, avec Topographie idéale pour une agression caractérisée (Denoël, 1975) de Rachid Boudjedra, et Habel (Le Seuil, 1977) : il faut dire que dans l’intervalle la dynamique littéraire avait changé, et que par ailleurs le nombre important d’assassinats racistes dans les années qui précédaient sommait en quelque sorte ces écrivains d’écrire quelque chose sur l’émigration.

[11] Voir par exemple les statistiques de Jean Déjeux, dans Maghreb : Littératures de langue française, Paris, Arcantère, 1993, p. 48.

[12] Éditée à Rabat, sous la direction d’Abdellatif Laâbi, de 1966 à 1971, cette revue a joué un rôle essentiel dans la spectaculaire renaissance de la littérature maghrébine et son inscription politique auxquelles on assiste dans les années 70. On sait que sa publication a été brutalement interrompue par l’incarcération de son directeur durant plus de huit ans. En ce qui concerne la position de la revue sur l’écriture en français, on se réfèrera au dossier « Nous et la Francophonie » du numéro 18, mars-avril 1970. J’en ai mis une partie à la disposition de mes étudiants à l’adresse : http://www.limag.com/Cours/Documents/Souffles18Francopho.htm

[13] Rachid Boudjedra, La Répudiation, Le Seuil, 1969.

[14] Mais pas dans la production d’avant-garde mondiale de cette époque. On y reviendra.

[15] Paris, Maspéro, 1961, Rééd. 1969, p. 152.

[16] Paris, Denoël, 1972.

[17] Paris, Julliard, 1962.

[18] Paris, Julliard, 1967.

[19] Paris, Plon, 1965.

[20] L’adaptation cinématographique qui a été faite par Ahmed Rachedi du roman de Mammeri (L’Opium et le Bâton, Alger, ONCIC, 1969) n’en retient cependant que la dimension épique, pour rendre le film conforme au discours nationaliste officiel, quitte à modifier complètement certains épisodes, et à supprimer toute la fin, qui est pourtant la partie la plus originale de ce roman.

[21] Paris, Le Seuil, 1962.

[22] Paris, Le Seuil, 1954.

[23] Paris, Le Seuil.

[24] J’ai décrit ce débat bien daté maintenant dans ma thèse de doctorat d’État sur : Le roman algérien contemporain de langue française: Espaces de l'énonciation et productivité des récits, Université de Bordeaux 3, dir. Simon Jeune, 1982, 1ère partie, chapitres 4 et 5. Cette thèse peut être consultée sur Internet : http://www.limag.com/Theses/Bonn/ThesEtatSommaire.htm. Une version réduite en a été publiée en 1985 aux Éditions L’Harmattan, sous le titre : Le Roman algérien de langue française. Vers un espace de communication littéraire décolonisé? Je rajouterai maintenant à mon analyse de l’époque que ce jargon d’exclusion n’était pas seulement celui du pouvoir au sens strict du terme : il était d’abord, non seulement celui de critiques journalistiques nécessairement inféodés, mais surtout celui de l’Université algérienne, dont le discours a heureusement beaucoup changé depuis, mais qui a largement joué le rôle, alors, d’un relais de discours d’État, tout en se réclamant d’opposition, souvent avec courage.

[25] L’espace littéraire dans lequel écrivait Kateb, à l’époque coloniale, ne pouvait être que français, et l’espace identitaire algérien y être déployé par l’écriture comme absence : celle-là, par exemple, d’une maîtrise du récit par Nedjma, le personnage éponyme du roman. L’accession de l’Algérie à l’Indépendance et le discours identitaire monologique développé alors par le Parti unique installent l’écriture de la génération suivante dans un espace spéculaire qui rejoint la conscience chez les lecteurs de ce nouvel espace comme séparé, mineur, pour à la fois affirmer outrageusement la localisation de ces écrivains, et les en exclure parce que la modernité de leur écriture ne répond pas à cette localisation doublement imposée.

[26] On sait que pour la théorie postcoloniale, dans laquelle la première partie du présent exposé s’est inscrite, le terme « postcolonial » ne fait pas de différence, dans la scénographie qu’il décrit, entre l’avant et l’après des indépendances, considérant que ces dernières n’ont pas modifié la dépendance culturelle et les stratégies d’écriture qu’elle entraîne : « We use the term « post-colonial », however, to cover all the culture affected by the imperial process from the moment of colonization to the present day. This is because there is a continuity of preoccupations throughout the historical process initiated by European imperial agression. (…) In this sense this book is concerned with the world as it exists during and after the period of European imperial domination and the effects of this on contemporary literatures.”  (Bill Ashcroft, Gareth Griffiths & Helen Tiffin, The Empire writes back. Theory and practice in post-colonial literatures. Londres/New York, Routledge, , 1989, p. 2.

[27] Voir Ashcroft et Al., Op. Cit., 1989: “Modernism and the sudden experimentation with the artistic forms of the dominant bourgeois ideology, such as late nineteenth-century realism, are themselves, in part, products of the discovery of cultures whose aesthetic practices and cultural models were radically disruptive of the prevailing European assumptions.”  (p. 156, et aussi les pages 158-160).

[28] Paris, R. Laffont, 1982.

[29] Paris, R. Laffont, 1984.

[30] Charles Bonn, Anthologie de la littérature algérienne, Paris, Le Livre de poche, 1990, p. 211-237.

[31] Paris, R. Laffont, 1989.

[32] Paris, Stock, 1993.

[33] Les Terrasses d’Orsol, Sindbad, 1985 ; Le Sommeil d’Ève, Sindbad 1989 ; Neiges de marbre, Sindbad, 1990 ; L’Infante Maure, Albin Michel, 1994.

[34] Actes Sud, 1997.

[35] Avec Le Thé au Harem d’Archi Ahmed, de Mehdi Charef (Mercure de France, 1983), puis Le Gône du Chaâba d’Azouz Begag (Le Seuil) et Georgette de Farida Belghoul (Barrault) en 1986.