Cher Monsieur,
                 je vous adresse la première partie de mon recueil 
" sous peine de mort " et vous remercie d'avance de votre peine.
                                                        
                                                            messaour boulanouar.
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SOUS PEINE DE MORT --- 1 -------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
 
 
écris avec du sang
et tu apprendras que le sang est esprit
 
                                       F. Nietzsche -
                      le poète jouit de cet incomparable privilège
            qu’il peut être à sa guise lui même et autrui.
                                             Charles Beaudelaire -
 
 
            Je est un autre
                                             A. Rimbaud -
 
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01 - J’écris lumière. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris lumière
 
j’écris douceur que l’on partage
douceur que l’on déchire
herbe rebelle
herbe soumise
 
j’écris tendresse
et la douceur s’incarne
et le coeur surprenant des roses s’ébouriffe
 
j’écris soleil
et l’amandier en fleur
devient la preuve du printemps
 
j’écris santé
l’homme travail et chante
et la terre se couvre de moissons nouvelles
 
j’écris jeunesse et l’on s’aime partout
on s’aime dans la haine
on s’aime sous les ruines
on s’aime dans la cendre
                              le feu
partout le feu reprend naissance
 
partout
la vie devient possible
 
et nul ne se défend contre l’immence espoir
qui sort
             du plus profond du peuple
             du plus secret
de sa lointaine histoire et de sa longue angoisse
 
j’écris bonté
et l’ombre se disperse à l’approche de l’homme
joie de belle venue espoir de grand soleil
 
lumière
arbre qui monte
 
j’invente un nouveau mur pour éprouver ma force
pour troquer ma douleur contre un ciel nu d’azur
 
j’écris bonté
le lion veille l’enfant
et l’enfant joue
avec les bêtes de son âge
 
dans le mûrier où le lézard someille
on grapille en riant le sucre et l’encre
l’été
          plus vaste que la mer
plus riche que les champs futurs
rayonne mains ouvertes dans la chair des blés
et
l’instant marque le coeur
de la couleur des choses
 
j’écris bonté
et l’oiseau chante dans ma main
tendre et chaude d’amour
 
j’écris mourir
et la nuit s’ouvre comme un lit
où l’oubli vient me prendre pour user ma trace
la trace de mes mains dans la pierre et le sable
la trace de mon nom
la trace de mon rêve
la trace de l’amour qui éclaire mes gestes
mon humble trace humaine
 
j’écris mourir
et la source étouffée ne chante plus pour moi
dans mon coeur fatigué le désert se prolonge
je me rends au malheur
 
je ne crois plus au feu qui germe dans mon sang
je ne crois plus à rien
 
l’oiseau qui défrichait le ciel
pour mon coeur et mes yeux se traine dans la boue
la fleur qui répétait ma joie
se déssèche en ma main
                        ma main
comme une feuille morte
comme un outil brisé qui ne sert plus à rien
 
mes paupières de plomb ont fermé mon visage.
 
j’ai honte de la honte qui n’éclate au jour
comme un volcan de vie sur toute chose morte
 
j’écris honte du baiser qui ne tue pas le traitre
j’ai honte de chanter quand un homme étranglé
se débat dans la geôle immense du malheur
 
j’ai honte du baiser qui ne fait pas chanter
la feuille avec l’oiseau
la source avec l’enfant
 
j’ai honte de la joie qui ne tue pas sur place
l’homme rompu au crime
la fleur pourrie
le sang ignoble
les hommes poussiéureux que la poussière attend
et tout ce que la honte engendre dans le coeur
la boue
qui veut monter au ciel
la limace accrochée à la plus belle étoile
la suie
sur le plus beau visage
le rire de la haine éclaboussant d’ordure
le ciel nu du matin qui veille dans mon coeur
 
j’ai honte de vous tous qui n’attendez plus rien
qui ne savez plus rien du miel heureux de vivre
 
et pour toute la honte où s’égare ma force
et pour toute la force où j’inscris mon espoir
 
j’écris vivre et mourir à toute heure du jour
 
2 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris lumière
la terre où mes verges hautains
s’agitent sous le vent qui gifle ma tendresse
et me dénude
des vielles loques de l’angoisse
 
j’écris l’espace où je m’égare
                                                 et le rempart
qui se dresse en ma vie entre appel et réponse
 
j’écris le feu
le feu violent où je me dresse
dans le matin sanglant où mon secret s’affiche
dans les rues de la ville qui s’ouvre à la vie
 
j’écris la mort qui me traverse
les branches du silence où s’agite un fantôme
l’herbe fade où je dors au bord de la rivière
l’herbe douce où je dors au bord de ton visage
ma vie en crue
                        l’enfance où je me perd en vain
à chercher mon image errante auprès des lèvres
à vaincre le rempart des prisons de mon coeur
et la lumière absurde où je suis sans visage
à mourir de silence au plus fort de la houle
qui brise toutes mes fenêtres
 
j’écris à me glacer d’horreur
dans la nuit sans couleur où ma lampe se brise
de souffrir sans raison l’insulte et le mépris
dans la grise amertume où je creuse en secret
la joie que l’on me donne au tournant de la rue
 
*
 
j’écris
l’herbe brûlée par un dément
la mine où tu déscends mener ta vie de taupe
pour le pain et le vivre
à l’heure la plus claire où l’oiseau qui s’éveille
éveille un nouveau jour malice au cris de sable
 
aurore en moi troublé
des restes de la nuit ruinée par une étoile en fuite
 
*
 
j’écris le feu le fer le sang la peur la mort
la pierre que l’on brise à vouloir son secret
l’amour perclus de haine et notre enfance morte
aux portes de l’école où l’on brûle le livre
aux portes des bordels où rôde un vieux mystère
l’amour sans espérance aux gestes sans couleur
 
*
 
j’écris sonore
la rue où chantait une enclume
l’odeur des acacias en fleurs
et notre faim
datée de nuit et de reptiles
 
j’écris la rue mouillée qui délivrait ses chances
dans une odeur d’écorce et de feuilles en larmes
dans l’automne éclatant de rouille et de rumeurs
vibrant au ciel strié de paine et d’hirondelles
dans le soir douleureux de notre blanche absence
 
j’écris le blé
ses vagues sous le vent qui sue
au front des moissonneurs arqués dans les chansons
où se troublait mon coeur qui répondait au sang
comme un chant de faucille appris dans la raison
où le temps remontait
les âges des défaites .
 
*
 
j’écris serein
la source et la cascade blanche
gravée dans notre enfance au coeur de la verdure
où nous brûlions parfois quelque branche d’amour
 
j’écris au vent
le chant de la maison notable
où je pleurais parmi les cris et les insultes
dans la torpeur de l’âge et la douleur sans fin
où se figeait le sang des femmes hystériques
 
j’écris
les pleurs de mon enfance
bille en couleurs perdue sous la porte fermée
jouet cassé
mon bel avion ne volait plus
bonbon pris par un autre
 
enfance
où je cherchais ma mère aux bracelets sonores
 
enfance
où l’on panse mes yeux pour guérir des larmes
on m’égorge au goudron pour brûler les fantômes
 
on m’habitue
au goût de l’herbe amère au goût de l’amertume
 
enfance
le point brutal de l’âge
brise au soir de vertige
des nostalgies sans être un corps de neige arable
 
*
 
et maintenant
brise au soir de vertige et neige au corps arable
l’amour
berce nos mains de chair et brûle en nos racines
les nostalgies sans être au poing brutal de l’âge
 
3 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris douleur terreur
j’écris un vrai silence
l’insulte où je m’efface et dessine mon spectre
à l’heure où l’étranger me heurte de sa glace
 
j’écris ce qui m’écrase et me déforme en vain
la nuit lourde de crime aboie de tous ses chiens
et l’ombre use le sang qui travaille à renaître
dans les forges de l’aube aux bras d’argile tendre
et ma mère est présente un proverbe à la bouche
laine et fuseau en main légende où l’homme libre
gravait son nom sur toute chose
 
ô chansons de ma mère
 
en vous était l’histoire
en vous était la force armure au bruit de laine
 
j’appris en vous
le chant vivant de la noblesse
 
le chant
que n’éteint pas le crime ô peuple grave et beau
 
tu étais nuit et jour dans la chanson de l’arbre
ce qui ne s’éteint pas dans le malheur sanglant
ce qui ne s’éteint pas pour le confort d’autrui
 
ô peuple grave et beau terre profonde et simple
laine et chansons de feu dans la vieille sagesse
tu étais nuit et jour ce qui résiste et chante
sans consentir à l’ombre
                       au crime
aux gestes de défaite
 
car tu restais
près de la source et de la tombe
la prophétie qui marche et qui résiste au crime
laine et chansons de feu ô mère
tu rivais mon enfance aux grandes fêtes libres
j’allais vers toi
j’allais vers ton domaine humain
tu me parlais sans cesse
du feu lointain qui allait naître
de la braise endormie sous l’horreur et la cendre
du vieux courage ardent dont la moindre étincelle
pouvait être un volcan
 
car tu savais de vieille science
que toute argile humaine
pouvait être un sanglot d’ivresse et d’espérance
un grand cri de justice une implacable aurore
 
parfois
tu me parlais en clair
tu me disais
ils partiront crispés la rage au cœur en trance
la boue aux mains
 
ils quitteront notre domaine
la loi et l’édiffice en train
 
ils quitteront
chose impossible à reconnaitre
nos jours flétris d’ordure au centre de leur fête
nos jours pouris de sang versé
ils quitteront notre domaine
pleurant de haine triste et de blanche impuissance
certains
des fous
des singes nostalgiques
certains de notre peuple iront pleurer leur fuite
ô mère
ils sont partis et tu es morte
ils sont partis au large et notre peuple chante
 
4 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
*
 
j’écris un monde ancien qui se prolonge en nous
un ciel de boue vaincue qui nous habite encore
un vieux mendiant qui reste en nous main tendue
un vieux gourbi crasseux que nous allons détruire
un vieil orgueil
qui se réveille au coeur du riche
 
il reste encore en nous l’horreur du monde ancien
quelque chose à détruire
le long cadavre que nous fûmes
nos yeux trompés par leur mirage
nos mains salies par leur étreinte
 
il nous reste à franchir notre visage en loques
le haut rempart qui enfermait notre âme immense
toutes lèvres brulées par leur baiser sanglant
 
il nous reste à guérir de nos plaies familières
il nous reste à trouver langage à notre taille
 
il nous reste à franchir le doute et l’herbe morte
saisons de lave en crue la peur qui nous habite
la nuit glacée de haine au givre incandescent
la grande nuit morose au feu de lune froide
 
il nous reste à franchir la main de nuit lépreuse
l’hiver au froid gluant qui ronge nos racines
l’hiver au froid de mort qui nous colle à la peau
le lourd vertige d’être un visage et son ombre
 
il nous reste à franchir un lieu de neige hiruste
un lieu de haine noire aux lianes de souffrance
un long silence étroit un long couloir de glace
mille ans de lourde injure en nos yeux délabrés
 
il nous reste à franchir la peur d’être un visage
la peur d’être un nuage au front des imbéciles
la peur d’être un oiseau cri de lumière ailée
dans le matin sanglant qui sourd de nos paupières
 
il nous reste à franchir la mort qui nous habite
la peur de rompre le silence
et de chanter la joie de tous
la simple joie de vivre au miroir du présent
tous les chemins du sang
 
ô joie de découvrir entre un geste et la nuit
que nous avons des mains
pour empoigner le monde
des yeux
pour envahir l’ombre putride
et régner dans les yeux de nos frères sans force
découvrir au présent entre un geste et la nuit
que nous avons des corps
pour la joie du beau temps
pour l’herbe au pas furtif qui joue en notre amour
pour l’eau
la joie de l’eau sur nos sueurs
la joie de l’air en nos poitrines
pour notre ivresse
 
il nous reste à franchir le gel qui nous habite
depuis le temps de la caverne
où nous étions de l’ombre
guettant
le feu de vivre
 
5.--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
j’écris la mort du vieux mystère
l’ombre du règne atroce où nous fumes des spectres
dans un monde de chair de joie et de splendeurs
dans un monde nocturne où nous étions sous terre
 
ailleurs
très loin de notre image antique
hors de la joie que notre sang livrait à l’aube
proie du maitre sanglant qui nous tenait en laisse
au plus dur de sa haine
 
*
 
j’écris la mort du monde ancien
pour arborer ce que nous sommes
ce que nous voulons être au coeur de la jeunesse
qui se réveille en armes
 
changer la mort
en vie
changer la force
en feu
changer la vie
en joie
changer la ronce
en soie
donner un sens
à ce qui change en nous vergers brûlés de froid
changer
de danse et de chansons
changer
de rythme et de proverbes
changer
la nuit en source claire
égorger l’ombre où nous pleurons
 
mourir
à notre vieille image et reconnaitre humains
sur les hauteurs de vivre
nos vergers clandestins ouverts à toute chance
 
ô soif de l’être
 
joie de changer
toute rumeur en fait en source
toute promesse
en pain
toute rencontre en fête et toute danse en armes
 
joie de changer la mort en vie
le vacarme en chanson et la neige en printemps
pouvoir le dire
à tous les gens pris de détresse
à tous les gens surpris de glace et de laideur
le dire en acte
à tous les gens bléssés dans leur lumière humaine
dans leur travail limpide
dans leur meilleure image
 
*
 
j’écris
peuple blessé au présent âge et longue patience
nuit de chair crucifiée dans un temps sans mémoire
nuit de lumière en sang où pleure mon semblable
légende où je m’éveille au langage de l’astre
au chant nu de l’ancêtre
 
magie
du verbe vivre
 
le sang trouve en l’éclair sa brusque récompence
l’oiseau répète notre enfance
et l’enfant joue
dans la rue de son rêve aux algues de tendresse
face à la peur du soir qui enfante les spectres
et rentre
dans sa coquille d’ombre
 
*
 
j’écris peuple au présent lumière impitoyable
blé patient sous l’orage aux ongles de feu noir
herbe au trésor de fête où l’ âme est la maison
qui grandit sous l’azur au tumulte émouvant
comme un arbre parfait ô tendresse habitable
 
j’ouvre les mains de tous au grand soleil paisible
et mon corps fraternise avec l’herbe et le vent
et brasse dans la foule en acte
 
la joie
qui nous invente humains
 
 
6 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris à mort
à vide en pleine aurore
à fleur fermée
à fleur ouverte en mon silence
à fleur brûlée par leur outrage
à vigne en sang dans mon ivresse
* 
 
j’écris à mort
sous la torture infecte
à l’heure où je me glace au tournant de la rue
dans un cri de géhenne
pour mourir en secret de mon propre mensonge 
pour mourir sans raison dans un sanglot de honte
pour mourir sans couleur plaie de nuit sans espoir
dans un wagon plombé vers un camp de mort lente
 
j’écris
à terre enceinte d’un printemps violent
à rue barrée de mort casquée
à rue barrée de haine vierge
à neige hiruste où la justice
rencontre la matraque aux fleurs lacrymogènes
à long mépris de ronce
à longue mort brutale
à neige en deuil
en plein chemin d’amour espoir au front blessé
fruit de tendresse amère et de jeunesse en acte
 
j’écris à pleine lèpre au creux de ma blancheur
en plein orgueil de vivre un bref instant de plus
en pleine source
où mon ancêtre pleur en vain ses lances mortes
son temps ruiné par les crapules
son jour souillé dans les orgies
sa neige en deuil
son dernier chant brisé et sa légende éteinte
 
j’écris
amour en armes
douceur à vendre homme à l’encan
 
je suis un chien sous la potence
un fantôme étranger dans les rues de l’enfance
chanson brisée enfance à vendre
ivresse obscure et sans tumultes
 
je passe au bord de moi frileux qui joue à naître
je passe et meurs au jour spectateur de moi même
 
7 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris fratrie faussée perdue dans la grisaille
de quelque triste foire odeur de nuit terreuse
fratrie vendue au marché noir
                                           pour un silence
pour une vieille obole au goût de sang martyr
 
*
 
j’écris à plein délire
à pleine glace au coeur des armes dans les yeux
un temps pourri
un jour vaincu sous les décombres
où mort je me redresse et tremble en mon sépulcre
pour toute terre humaine où mon squelette brille
malgrè bombe au phosphore herbe où brûle ma vie
ronce nocturne
haine blafarde où je m’ignore
malheur
qui tente d’enterrer nos yeux
                            nos yeux
ce vieux trésor de perles vives
 
*
 
j’écris en fête
guerre à l’outrage humain qui se fabrique en vous
guerre au crachat de mort que votre bouche invente
fausse monnaie
science confuse
espoir en fuite
songe à nourrir l’humain chanvre triste et prières
 
je suis esclave en loques
qui vous dira ma longue force et mon printemps
 
*
 
hautain
nourri de grâce antique
le cerveau dans la main
 
*
 
j’écris nausée
         nausée
marée de boue putride
silence
 
ah de quel bouge d’ombre et de mystère
on me dénomme à plaie ouverte
en plein visage
un mort
 
quel ivrogne m’insulte au tournant de la haine
que faites vous en moi lassé de votre orgueil
                                 dépris de toute chose
de toute joie mortelle
privé de toute étoile à vivre
sevré d’amour marqué au sang brûlant de rage
 
*
 
que faites vous en moi chanson brûlée du sang
nuit de chanvre mortel et sur toute innocence
fantômes d’encre
armés de boue pour mon sépulcre
 
*
 
ah quel silence aveugle brûle en moi sa neige
les fous
les nains
l’araignée du chagrin
sont entrés dans ma vie brûlée de nuit stérile
tenter de mordre l’être
que faire
sinon me taire et rendre l’âme.
 
8 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris ma nuit de mort face à la mer vivante
mon jour brutal
mes vagues de chansons fertiles
mon bruit sur terre et ma légende
mon blé mouvant
enfant des grandes mains de terre
enfant
de pluie patiente et de grand vent
de joie calleuse au feu tranchant
 
la vigne dense où je me pleure en proie au dire
dans la joie de vieillir dans la fraicheur secrète
ma joie de raisin noir mon feu au bruit subtil
ma danse et mon ivresse adulte
où j’invente en la nuit les gestes clairs de l’aube
où vivre est un combat aus armes sans frontières
 
*
 
j’écris mon nom
sous l’infamie des vieilles croix
l’ombre ignoble pendue au cou des mercenaires
 
la nuit blessée
rongée par nos squelettes
 
la terre lasse
de verdir pour les chiens aux rages surprenantes
le jour vaincu de cendre absurde et de décombres
le temps du fouet sur mon échine
 
*
 
j’écris mon nom
dans le jour effrayant d’être un songe de monstre
et dans la nuit publique où ma splendeur s’allume
aux vitres de l’enfance étroite
qui contre les flocons du rêve
aux papillons de neige absente
dresse un jour de moisson dans une peur d’oiseau
et chantonne en la boue portant dans son cartable
tout l’avenir du monde
 
 
9 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris à mort
face au rempart de mon enfance
 
dans la maison brûlée par un soir de septembre
dans les cafés où l’on bavarde
branché sur une étoile en fuite
dans un train de lumière ouvrant la nuit au rêve
dans une cage en fête
en pleine ivresse
sous un soleil moqueur brûlant de joie nouvelle
les champs futurs où la chaleur plombe le sang
 
*
 
j’écris
dans un jardin
verdure ouverte au coeur de tous
dans une orgie de crime où l’on brise à douleur
la tendre argile humaine aux algues d’espérance
 
*
 
j’écris à mort
dans une ivresse calme
face au jour insolent qui brûle nos paupières
face au nombre terrible
qui multiplie
la haine et la laideur et nous rencontre assis
dans la poussière et le mensonge
des hommes de l’instant en notre espoir bravés
 
*
 
j’écris
à tous les temps
l’acte juste de vivre
l’amour
comme une étoile en sang
l’espoir
comme une voile ouverte
ce qui monte en nos yeux terre au soleil majeur
ce qui pourait demain surgir des rues violentes
pour ruiner à jamais tous les palais du crime
 
j’écris
à tous les temps
 
sous la neige mortelle
l’honneur qui se dépense en larmes prisonnières
les larmes d’impuissance aux orgies du malheur
la foudre nue qui chante au coeur noir de la ville
là bas
sur le trottoir d’autrui où nous ne sommes rien
                               où nous veillons vigiles
sûrs d’agrandir le cercle où nous vivrons demain.
 
10--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris mort à la mort
lumière dans les yeux où s’est brisée l’enfance
beau ciel fou d’espérance au signe de l’ancêtre
qui nous hante en l’exil où nous sommes parqués
loin de sa main spectrale dans le jour violent
qui danse en notre sang dernier rayon d’espoir
 
j’écris mort à la mort
en marche vers mon lieu où les oiseaux sont bleus
 
l’azur
mange la brume
 
 
justice
violence en moi déserte et peuplée de fantômes
terre vierge où je saigne à mourir sans chemin
absence où je me perds loin de mon vrai visage
herbe morte où je dors dans l’oubli de ma vigne
 
justice
chagrin pris de lumière aux armes innocentes
je me conte en secret les vergers de vos yeux
les lignes de nos mains les gestes les paroles
le sens de notre marche et je clame en la nuit
 
justice
arbre frileux de vivre en ce minuit sans herbe
en ce temps sans couleur qui use nos squelettes
grande fleur indicible aux hommes sans mémoire
 
lumière
où je deviens moi même
piège proie et douleur et cheval fou d’espace
par la steppe sonore où les chiens se sont tus
 
j’écris justice
l’aube étincelle en rût de rouges chrysanthèmes
et l’homme change
dans cet éclair durable où nous passons la cime
par un signe éclatant où nous troquons joyeux
les vieilles loques que nous fûmes
contre un feu de berger
gardant nos souvenirs au flanc de la mémoire
parmi les ronces de l’enfance
 
 
11--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
mais au soir de la vie
sous le pesant fardeau de l’âge
un pauvre aux yeux crevés par un dialecte étrange
s’étonne de comprendre l’ombre
et de mourir serein les mains pleines d’étoiles
 
car au soir de la vie
toute terre éprouvée dans son tumulte d’âges
toute ardeur subjuguée par cette étrange glace
 
venue de loin
se feindre dans l’aurore exacte
 
toute force en déroute au flanc de la terreur
toute science faussée par sa propre cadence
face au regard nouveau qui rajeunit le monde
dépris
lassé de vivre
l’homme ancien s’achève
 
bruit de combat sanglant au matin de l’outrage
car au soir de la vie tout le jour recommence
pour voir
sous quelle éternité de cendre
les braises de l’instant mortel
sont astres dans nos yeux au long travail de forges.
 
12--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris à feu ouvert
à sang versé
à ciel fou de vengeance
à danse nue d’esclave
à nuit rompue par un sourire
à long cri de couteau dans la nuit des racines
à long cri de martyr dans la chair de ma chair
à peuple en acte ouvert face à la mer sereine
à fendre
l’instant grave et fugace où je passe en secret
de l’arbre au feu de neige où rêve un autre moi
l’ancien voleur de braise et de chaleur humaine
qui chante au jour
de la source à la mer au plus lointain visage
là bas sur l’autre rive au feu clair de légende
connaitre histoire et vie où l’homme se déchire
aux rocs de l’existence où brûle un feu de chair
 
astre fleur et racine au fruit nu de tendresse
instant grave et fugace où je passe en secret
prisonnier de ma classe où clandestin je vibre
pour l’espoir de mon frère enchainé à l’aurore.
 
*
 
j’efface un verbe pour un autre
et je m’adosse au ciel qui chante
demain
 
tant que le bois de mon squelette
tiendra le muscle et la conscience
dans le brasier du sang oiseau fébrile et grave
je chanterai
 
tant que le bois de mon squelette
tiendra sous le fardeau de nuit
qui use en vain ma force aux vertèbres d’argile
je chanterai
 
tant que mes yeux pouront heurter
leur lumière étrangère et se peupler d’étoiles
et surprendre en la foule houleuse en sa colère
face au crime du maître absurde en son délire
son quotidien de plomb et de cravache ignoble
je chanterai
 
tant que ma voix à belle enclume
poura sonner le glas du crime
 
tant que mon sang dira sa joie
de battre rouge au grand soleil
je chanterai
paisible au coeur juste de l’être
mon mépris de l’avoir qui pourrit la conscience
 
je vivrais de hauteur
 
13 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’avance
entre le juge et sa conscience
entre les croix des suppliciés
entre le givre et la main nue
entre la chair et le squelette
 
j’avance
entre la crainte et la vaillance
entre la pierre et la tendresse
entre la haine et notre aurore
entre ma peine et leurs orgies
 
j’avance
entre la balle et la poitrine
entre l’enclume et l’étincelle
entre l’absence et la couleur
où l'enfance reste en larmes
 
j’avance
entre le sang et la charpie
entre lucarne et feu luisant
entre l’ongle et la chair le couteau et la plaie
le dernier coup de pelle et le mort qui revient
nous hanter de phosphore
entre songe et ciel âpre
vivre et mourir en nous aube nue en la bouche
 
j’avance
entre la science et le mystère
où l’on mange ma vie comme un fruit comestible
où l’on mange ma force au tournant de l’horreur
où l’homme est exploité comme une terre arable
 
j’avance
entre fleur et rosée neige et tendresse en fuite
dans un silence acarpe
 
entre bassesse et crime au festin de crapules
entre lucre et misère où je m’ouvre à la mort
entre rire et grimace où meurt l’envie de vivre
entre givre et brûlure entre obole et mendiant
entre les crocs et la morsure
dans la nuit de la pierre où je saigne à mourir
un jour de plusà vivre au plus secret de l’âge
 
14 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris
je ne vends rien
je ne fais pas de commerce des chansons de l’aube
je ne vends pas ma voix
 
je parle
avec des mots de tous les jours
des mots juteux
             sereins
des mots parlés
qui font autour de ma tendresse
un feu lucide
          humain
          ouvert à tous les hommes
attérés de brouillard de fatigue et de deuil
submergés de douleur rongés d’étoiles mortes
vêtus du vieux silence où la parole est morte
face au gel sans raison qui cerne nos visages
 
je parle
avec des mots de tous les jours
la pluie répète mes chansons en toute source
où la conscience est fleur lardée par l’amertume
 
on chante mon secret pour demain indomptable
qui veille dans les yeux au langage innocent
 
je parle
comme un arbre qui monte au voûtes du silence
dire son fruit à toutes lèvres
et grandir dans la joie qui reconnait les siens
dans mon visage un coin de terre
                         un jour humain
 
 
15---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris jeunesse
         jeunesse amère au ciel brouillé
         jeunesse aux lèvres de sel noir
         herbe brûlée de givre
         douceur en marche
 
*
 
ce soir
dans ma mémoire
l’enfance est un visage aux larmes sans raison
perdue
parmi le vent qui gratte la pierraille
de mon dernier refuge face au froid de vivre
qui tue nos yeux nos mains lassés de nuit fatale
et nous laisse éperdus sur le trottoir d’autrui
sans rien
pour reconnaitre notre empreinte et nous défaire
des yeux ternis par le mensonge
des mains qui ne sont plus
que les outils brisés de notre humain langage
qui s’invente un chemin vers la source où mourir
nous dénomme au présent neige éteinte au soleil
neige ouverte au bonheur que nous voulons concret
dans un printemps fou de jeunesse
 
*
 
j’écris jeunesse
dans l’encre du malheur d’être amputé de soi
sans nul autre pouvoir que mourir en chemin
au pays de l’horreur qui fond sur la maison
battue de vent de nuit de mort et d’épouvante
 
j’écris jeunesse
malgrè terreur en acte
journée malade
racines en feu
terreur braquée de nuit sur un visage sans arme
sur un peuple sanglant au chant de lune rousse
sur un peuple sanglant dans sa plus tendre chair
dans sa joie la plus douce
dans sa plus vieille ecorce
dans ses enfants perdus sous la mitraille ignoble
dans la foule au ciel bleu qui cherche ses martyrs
 
engins de mort en mains
chant de démence au coeur
 
espoir
au coeur de tous
 
dans tous les yeux surpris par la parole en acte
de la neige à l’ordure où patauge un ivrogne
de la sève à la feuille et du fruit à la bouche
 
dernier refrain
espoir mon beau refrain face au fusil du maître
espoir mon beau verger face au soleil qui meurt
et saigne sur ma lèvre à l’heure où je m’oublie
dans l’orbe de la honte où je subis la plaie
d’être silence et peur et lèpre anthropophage
 
dernier refrain
squelette en quête de ma chair
jour armé de fraicheur neige ouverte au soleil
fleur vécue par l’enfant la mère et les oiseaux
dans un jardin de terre morte
dans un taudis bloqué de gel
 
espoir
dernier refrain
au bord de la vieillesse en croix
 
*
 
j’écris
malgré la nuit de chanvre triste
mon éloquent supplice aux braches d’épouvante
 
ma joie
plus nue que l’eau
 
aurore en pleine bouche à l’instant d’être en fête
et de franchir la place où l’on joue sa jeunesse
dans un délire humain d’algue à la chair mortelle
 
place à l’âge qui saigne
d’être un oiseau mortel dans la cage au ciel noir
d’être meule et servage au poids de rouille grise
d’être équation nocturne démence au tableau noir
où je déchiffre
en vain les vieilles hiéroglyphes
où l’ homme est un insecte absent de son ouvrage
 
un peu de vie
qui stagne au bord frileux de l’être
 
un peu de mort
qui traine dans la boue des astres
 
un rien sur terre et sous la terre
pleurant l’azur violent des plages de l’enfance.
 
j’écris jeunesse
où nous natôtrons de nos conquêtes
qui avance au grand jour vers sa multiple image
et danse
et se produit serein
dans la pierre intangible où nous restons l’écho
de son étrange danse où passe un oiseau libre
éclair dans le verger du maître
qui tremble de fraîcheur subite
surpris
face à ce chant de mort qui brouille ses images
et s’abandonne
au sable où son âpre fantôme
reste à jamais l’absence au ciel vague et chagrin .
 
 
 
16 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris de nuit
sur le tranchant des jours volés
dans la nuit pure au lit défait
sur l’herbe qui grandit dans la fraîcheur de vivre
et dans le jour blafard qui ferme en nous l’issue
et nous parque sous terre en ce beau temps martyr 
 
*
 
j’écris de nuit
sur l’eau des rêves en partance
vers demain qui s’éveille entre nos mains de terre
et que l’on brûle en transe aux orgies du malheur
qui nous tue sans question et brûle dans nos yeux
l’algèbre du printemps que nous chantons sans fin
 
j’écris de nuit
sur la candeur souillée de notre enfance en peine
danse obscène de singe et nuit de fleur tragique
où les astre brouillés en leur minuit de loups
sans plus de signe clair
taisent leurs lois au creux de l’être
où l’homme joue son dernier rôle
 
j’écris de nuit
baillon de neige hiruste ombre lourde et servage
 
esclave
hors de son règne humain
hors de sa vigne
 
esclave
dans la plaine et l’usine
et dans la mine où saigne ardent le voeu de vivre
qui meurt dans la laideur du jour changé en nuit
en crasse
en ciel étroit
en deuil dans le taudis du pauvre qui se ferme
miroir sans joie et sans visage
 
*
 
j’écris de nuit et de mystère
sur le bâillon de neige hiruste et de servage
la nuit cousue de sang
vaincue par notre force
toute nuit en question
le coeur se hisse aux solitudes
et règne amour puissant notre impassible ivresse
 
*
 
les restes que la nuit laisse en nos yeux blessés
sont de l’herbe oubliée par l’incendie de l’aube
où nous avons
dansé pour affranchir le jour
des chaines de la mort qui nous heurtait parfois
 
les restes que la nuit laisse en nos yeux blessés
sont les débris confus du crime
et des orgies
que nous avons passés temps de haine mémoire
de frontière en frontière au versant électrique
 
les neiges que la mort laisse en nos corps brûlés
sont absence et douleur statues de nuit marâtre
perdue dans un jardin que nul enfant ne hante
depuis le soir de fer où notre enfance est morte
 
*
 
de caverne en caverne un homme clair se ferme
au seuil du jour coupable
qui l’écorche en secret au milieu de la foule
un homme parmi nous est sans enfance au coeur
 
 
17.--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris en peine
         en larmes de lumière
         en charbon corruptible
         en marche d’espérance
         en pluie de sang martyr
         en terre
         en miroir d’épouvante
         en escalier d’angoisse
         en joie vêtue de deuil
         en enfance atrophiée
 
*
 
j’écris
la grappe de mon coeur pressée entre mes mains
pour que puisse jaillir au plus haut de la fête
ma joie ma grande joie rebelle à toute attache
fruit de naissance amère un chant au dire astral
arbres fous de colère et de vieille exigence
nous nous sommes dressés entre l’hiver et l’âtre
face au vent sans pudeur
face au dernier soleil
 
*
 
la nuit laurée de sang
restait lourde de sens
le coeur bleu de fatigue est ciel fou d’amertume
je pleurais mon visage perclus dans la pierre
et ne croyais personne
 
*
 
l’espoir
blancheur de lèpre
 
l’espoir brûlait en moi dans un silence atroce
qui détruisait mon plus beau rêve
boire à l’étoile
sortir de l’ombre et luire en feu
chanter dans la lumière et respecter mon frère
 
la nuit laurée de sang rongeait mon coeur blessé
j’étais loin de moi même au milieu de leur fête
j’étais dans une pierre au bord de leur chemin
j’étais dans une chaine infâme
 
esclave
au jour peureux de luire
homme pris de lourdeur sous le vin des étoiles
cachant comme un trésor mes lois de soleil grave
de neige ouverte en plein hiver
pris de chaleur en croix au coeur des amandiers
homme épris de justice et de tendresse humaine
exploité par un loup mon frère au ciel de bronze
prédateur sans visage qui rongeait mon espoir
et nourrissait ma rage
qui brûlait de sa main ma chair au sang violent
et me volait mon temps pour agrandir sa place
 
j’étais hors de mon rêve aux âges sans tumulte
terre apaisante et douce
comme chanson de source au vallon de l’enfance
comme chanson de mère aux bracelets sonores
comme rumeur de vague au printemps sans rivage
 
la nuit laurée de sang dansait sur ma maison
 
 
 
18 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris la mer sereine
ses vagues de chansons fertiles
je me prononce
douceur gardée comme une fleur
terre au soleil majeur où le chant nous éduque
ciel au vertige astral arbres du songe humain
visage ivre de vivre
au jour
le jour sa force ma force vierge
 
tout chante 
à mon approche d'arbre
 
le sang qui hurle à la vengeance
la pierre où vibre une étincelle
le vent qui me gifle en l’aurore
la pluie qui vernissait les rues de mon enfance
le feu secret qui chante dans le siècle en peine
le blé mouvant
qui se consume au large des plus chaudes fêtes
                                      la vigne au sang fertile
où je noie mon chagrin
et chante auprès de vous compagnons del’ étoile
notre printemps fou de jenesse
 
je me prononce
neige au soleil et fleur à vivre
vague de foule et de fraîcheur
espoir au verbe simple en marche sous la terre
herbe soumise au vent qui plie ma force claire
sous la neige mortelle au masque de franchise
 
je me prononce
mais quelle neige en moi recouvre
de son destin de lèpre et de blancheur hiruste
ma vie prise de froid dans le jour ténébreux
 
*
 
j’écris la mer sereine
aile au chemin d’azur
et la mer conte au plus lointain rivage
le dire que je traque aux voûtes du silence
                           aux vitres de l’angoisse
partout
dans toutes les prisons du monde
en tous les yeux blessés au angles de la haine
 
de massacre en massacre au travers de la chair
au devant des étoiles
qui sont le signe humain de mon dernier supplice
où la mer vient chanter sur nos plages désertes
enfance au ciel nouveau son hymne de tendresse
 
*
 
j’écris
la mer sereine à dire
luisante
à flanc de jour
gagné sur nos vieilles défaites
à neige en fleur sauvée hors de commun naufrage
vague ouverte à l’ espoir au dur miroirn de l’être
luisante
la mer sereine à au ventre imputrescible
la mer l’amour
la vie
le feu qui nous habite en la fraicheur de vivre
qui témoigne pour nous de franchise habitable
d’espérance en nos yeux
la vie
qui nous annonce au jour
et nous prononce humains
*
viendra le jour sur toute terre
viendra le temps soyeux de se nourir d’étoiles
où nous aurons le temps
de vivre enfin à notre taille
 
 
19 ---------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’était un homme riche
ma journée était pleine à craquer de tendresse
l’espoir dorait mon blé mon visage et mes yeux
je portais en mon coeur les chansons de la pluie
qui mouillait les cheveux de notre enfance bleue
nous inventions
l’amour et nous lavions nos mains
dans une action charnelle.
 
*
 
j’étais un homme riche
je submergeais la mort de l’herbe où je naissais
et je donnais le comble au plus fort de la houle
et je plantais ma force au coeur du peuple grave
qui me rendait
des perles de tendresse
 
des yeux
la joie où je pouvais danser
le rêve immense
où je marchais serein vers ma hauteur de vigne
 
hélas
on a coupé
les arbres de mes rues dorées de feuilles mortes
on a blessé
les oiseaux de mon coeur à l’essor sans vertige
on a brûlé
mes compagnons de neige au brasier de la haine
on a terni
les yeux de notre amour aux fêtes insatiables
on a souillé ma juste cause
on a rouillé notre squelette
on a trompé mon coeur aux orgies de la haine
où régnait le mensonge au long froid de reptile
on a détruit mon vieux rempart et mis un frein
à nos élans vers le printemps
à notre ivresse
et mis un frein de glace à notre humain lignage
 
*
 
j’avais affaire
au jeu violent des mercenaires
au doute
à l’herbe sèche
à l’odeur de la mort
au crime d’être pauvre en ce monde impossible
aux orgies du malheur qui ruinait mon enfance
aux prisons du silence
de neige nue absence
aux feintes que la nuit face au cris de mort noire
aux ronces que la nuit trainait dans ma mémoire
aux ongles noirs de turpitudes
 
j’avais affaire
aux arraignées
aux oiseaux prisonniers du mal de ne pas vivre
à l’effrayant désert qui régnait dans nos mains
au grand hiver sans âge en nous brûlés de givre
 
j’avais affaire
aux ronces de la nuit marâtre
au feu violent des mercenaires
à leur ivresse
au long couloir de nos chagrins
à vos prisons
aux chiens qui se sont tus au fil de l’aube grave
 
j’errais
de terre en terre
 
j'errais
de glace en glace
sans plus de terre à vivre
 
j’errais
de rue en rue de plus en plus déserte
de peur en peur
 
je me perdais parmi les loques
mains prises dans la nuit brûlée et cendre froide
je n’étais plus que peur dans un village étrange
où j’avais fait mon temps d’arbre au soleil humain
 
et maintenant
parmi les hommes sans langage
silence au ciel pesant au creux de l’âge hiruste
je pleure
               une aube mûre et des oiseaux en fuite
très loin de mon visage
et conte
aux crucifiés de l’aube engourdis dans leur peau
ce qui nous reste à vaincre d’ombre et de mystère
ce qui nous reste à vivre face à la nuit coupable.
 
 
20---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris de nuit et de mystère
le rire éteint par un regard
la fleur fanée de gel atroce
la neige hiruste où je me tais
la joie qui m’abandonne au seuil noir de vieillesse
 
je pleure l’enfant perdu loin des bras de sa mère
un vieux soldat blessé qui meurt hors de son lieu
 
*
 
j’écris de nuit et de mystère
la douceur qui se brise entre vos mains de haine
et de torture
le gel qui reste à vivre dans ce temps de cendre
les ombres du passé fantôme
la rage d’être
un spectre de soi même engourdi dans la haine
l'absence au lieu fertile où la lumière est vraie
qui nomme le printemps des pauvres de ce monde
douleur d’être un absent au lieu grave où la joie
nargue les chiens de la démence
et les chansons des mercenaires
 
ô rage d’être
néant triste et confus
dans la foule en délire
proie de la nuit violente herbe soumise au crime
vaste éclair qui nous tue dans la lumière astrale
silence au lieu vivant de la parole en acte
herbe d’oubli morose et beau miroir défunt
forêt brûlée sans fin où l’on tue du regard
dans la forêt du sang où l’on tue du regard.
 
d’être un arbre à parole est un jour pitoyable
d’être un arbre à parole un homme est crucifié
longue terre interdite au grand soleil d’autrui
mur blanc de solitude froide
ô nuit blanche habitée de glace et de fantômes
 
*
 
errance
entre l’absence et l’être
ombre exilée de l’antre où chantait la sorcière
 
on crucifie l’aurore
au crépuscule
au soir
pour bercer les tyrans des plaintes moribondes
de mon frère de chair qui se réveille à l’aube
on crucifie dans tous les yeux l’espoir en fête
 
et moi
je ne dis rien pour sa défense
 
je vis
sous le pouvoir des nains des fous des imbéciles
 
*
 
je reste
homme accourté de peurs de neige et de mystère
sous la pluie des étoiles
 
je vis
sous le pouvoir des nains
et me questionne en vain.
 
21 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
je me nomme humulié
 
je me nomme offensé
 
je me nomme étranger sue ma terre herbe pure
 
je me nomme en colère un grang feu de révolte
 
je me nomme étranger et sans patrie humaine
 
je me nomme innocent et sans lumière à vivre
cloué dans le malheur l’ordure et la terreur
 
je suis l’herbe foulée brûlée l’herbe malade
où sont passés les nains sans espérance à vivre
les fous
et les méchants à l’ombre en sang
 
je suis la source morte et la maison détruite
l’oiseau aux yeux crevés et la tristesse noire
des siècles d’esclavage
 
je suis un grand matin taché de nuit stérile
 
je suis peuple et pays envahis par un monstre
 
quel espoir est le mien en ce temps de saccage
 
*
 
perce la nuit
avance vers le jour qui danse
use la haine aux yeux pourris de boue prudente
réponds au crime obscur par un chant de clarté
un homme libre est à l’écoute de tes chansons
et de tes danses
il porte dans son coeur tous les oiseaux du monde
il multiplie ta chance d’être
astre et parole un homme
un homme sur la terre invente un nouveau rêve
                                            un ancien songe
briser le gel et les prisons
rompre la nuit
gagner
 
le pain blanc des paroles
la joie
les roses fraternelles
 
faire du feu
pour éblouir les nains
pour vider de leur poids les mystères du monde
le dur mystère
des prédateurs de l’homme libre
briser tous les miroirs où l’homme est déformé
vaincre la peur par la lumière
pour dire adieu
à l’ombre
aux grottes de nuit barbare
sans crainte de l’hiver morose
herbe qui brûle en nos racines
nos algues d'astres 
 
printemps
adieu
 
adieu
à toute fausse image où pleure une espérance
un homme en feu sur terre invente un nouveau rêve
 
 
 
22 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
*
 
halte au malheur d’êre sur terre
des étrangers
perdus
sur le trotoir d’autrui
par temps de pluie de froid et de démence atroce
dans un monde impossible où le vent s’épouvante
 
halte au boueux silence 
où le coeur se dégrade
et tombe en ruine l’homme
comme une vieille ferme à l’abandon dès l’aube
où s'est pendu
le maître
 
*
 
halte à la force morte au creux de vos palabres
halte à la nuit de mort qui se dresse en chemin
partout
où l’on allume un jour
 
halte au vertige morne
qui gagne en nous fermés au jour
le temps de l’ herbe et de la rose
au bord du temps d'être et de vivre 
le meilleur temps.
 
halte aux sentences froides du malheur de vivre
d’être un arbre étranger dans un désert de ronces
d’être un nid sans écho
sans autre écho que mort par n’importe quel vivre
 
*
 
ô nuit de fonte
silence
 
*
 
halte aux ruses de nains
aux corruptions de toute taille
aux orgies de la haine en nous lassés des peurs
du sang versé par les crapules
au temps ruiné
au ciel vaincu de pierre sourde
au jour fermé à notre étreinte
à l’ herbe morte sous la botte
 
halte au malheur d’ être une pierre
une ombre de soi même espoir absent dès l’aube
un chômeur sans visage au comble de l’angoisse
homme aux yeux agrandis par la suie  de la faim
paria
à l’ombre impure
soldat glacé de mort dans la guerre des autres
soldat fou d’amertume au regard de ses mains
 
un homme
aux yeux perdus
traqué
par la flicaille
pour avoir en plein jour dressé
contre l’horreur son beau visage
qui dénonçait
le poison dans la source où le peuple allait boire
sa propre mort
un crime obscur et vain
 
la paille dans le blé
la cendre dans le fer
la nuit
qui nous sabote
l’amour
qui nous émigre
peureux de notre haute image
 
*
 
j’écris
neige au coeur supplicié par un hivers sans cause
douceur tentée de givre herbe noircie de froid
ardeur brisée comme une échine
vie consumée pour rien par un chagrin de givre
orgie publique
homme au soleil confus pris de joie  fanatique
fête au matin malade au temple où le marchand
trompe son dieu
comme un pauvre client de passage en la ville
 
 
halte au malheur d’être sur terre
journée sans but
travail sans joie
chagrin sans fin
laideur fardée d’étoiles mortes
étranger sous la pluie au temps de la question
perdu
d’avoir quitté son premier feu
le lieu de sa naissance humaine
ses compagnons de nrige amère
la rue
de son enfance éteinte
sa pauvre joie mise au sépulcre et sa lumière
en proie au crime
 
j’écris sa vie
la loi vivante
où son langage a pris racines
 
tout ce qui monte de la terre
à l’assaut brusque de la chair
pour l’inonder de lave claire et de tendresse
pour la former selon ses lignes
pour lui donner jour et racines
 
sa contenance
air pur parfum plante et métal
source et chanson terre sonore
cristal de neige odeur de terre
odeur de vigne et de chair nue
 
sa contenance
de vie paisible et d’endurance
de long courage et de patience
 
sa contenance
de vraie jeunesse au vouloir pur
son beau pouvoir de rêver juste
 
*
 
j’écris son nom
étranger sous la pluie
défait de nuit brutale
 
il se nomme
un beau jour au dur chagrin de pierre
 
il se nomme
astre en sang hors de l’horreur nazie
 
un mendiant
de tendresse et de chaleur humaine
 
un mendiant
de mourir un jour parmi les siens
dans sa maison fenêtre ouverte
un mendiant de lumière et d’alphabet possible
vivre et mourir enfin dans sa meilleure image
 
cesser d’être
 
étranger sous la pluie
crucifié dans les yeux du flic et du bourgeois
frère creuvant de faim dans le jour troglodyte
 
étranger sous la pluie qui travaille pour un autre
ramasseur de plechbende esclave en son jardin
homme
amertume en la pierre
 
d’avoir un jour quitté sa vigne et ses oranges
d’errer hagard
                      hors de son rêve et de sa danse
 
il se nomme
homme frère exploité de grande nuit meurtrie
par une obole
trahi
par une étoile
trompé
par une affiche
brusqué
par un éclair
ancré
dans un piège nocturne
 
il se nomme le peuple
un fantôme en errance
un poseur de question
traqué
par la canaille infâme
 
il se nomme le peupleaux grandes certitudes
 
*
 
j’écris mort à la mort qui nous couronne hiruste
 
à mort
les chiens de la démence aveugle
les loups perdus dans la mémoire
les lyncheurs de l’enfance étourdie de chagrins
 
à mort
les tisseurs de mensonge
la main des comploteurs
la nuit qui règne sur ce monde
le doute au vide inexplorable
la haine
de ce temps de douleur aux paroles étranges
où la lumière humaine est encerclée de mort
 
fermez
tous les chemins du sang où l’être traine en vain
sa vie d’insecte
 
douleur d’étoile morte au seuil blanc de mystère
où l’on allume en vain
l’arbre étonnant du dire aux langes de boue noire
 
fermez l’égoût de vos saisons
les rues qui vont au cimetière
dépouiller de leurs yeux les martyrs au sang juste
 
fermez les rues de la violence aux algues noires
brûlez la haine mortelle où se sont pris nos corps
que l’on s’aime partout sur nos chemins de neige
 
chantez
nos convictions d’amour notre espérance en armes
notre travail et toutes nos richesses
désormais hors d’atteinte
du crime obscur dressé par les faiseurs de pluie
sur toute terre où l’homme tente d’être humain
 
 
*
 
chantez
que l’homme est invincible malgrè les outrages
que son travail
reste sa grande chance en ce temps de naufrage
de vaincre autour de lui et dans son coeur blessé
les abandons les peurs les neiges sans printemps
les ruses sans couleurs les fausses certitudes
et notre langue angoisse
 
la nuit
pourait venir
 
les yeux
livrer leur dernière innocence
les mains offrir en vain à leurs idoles mortes
le pain de la dernière offrande
 
les coeurs
chanter leur dernière chanson
et les oiseaux mourir au chant de l’aube grave
 
la nuit
pourait venir
 
mais nous
qui ne vivons que de lumière astrale
nous chanterons
contre la nuit
contre la peur et les prisons
contre l’horreur et la vermine
 
nous chanterons
car nous savons de date atroce
                         de long combat
que la mort est possible à toute heure du jour
que la graine fasciste garde toujours l’espoir
de brûler nos maisons
de ruiner nos vergers
de falsifier nos jours
de saccager nos rêves
de nous jeter aux yeux
sa cendre noire et son mépris
de nous éteindre comme un feu
 
 
*
 
la mort
la mort venue tendre en la vie
ses pièges noirs et son destin fou de mystère
 
la mort
nous en aurons raison
 
 
23 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris à peine
des larmes dans les yeux des larmes sans parole
santé brisée aux mains des exploiteurs du sang
enfance morte en vain entre les murs de l’aube
ciel fermé de brouillard chemin truqué de nuit
fratrie trahie à l’heure où l’innocent va boire
le deuil et l’amertume aux orgies de la haine
 
*
 
j’écris la peur qui se répète au seuil du jour
la nuit qui se conjugue au crime et le façonne
le nain qui fait de moi un esclave à sa taille
l’ espoir des pauvres gens à la langue déserte
le rût de la violence au coeur des mercenaires
 
violence à la violence
défense de vous taire de vous fermer les yeux
sur la justice en proie au crime
et sur l’horreur qui nous vendange
de l’aube au soir
 
terre éloquente
avoue
ton nom d’épine et de rocaille
de flamme verte et de cascade
de source en crue et de lumière
approche
de moi dépris de ma jeunesse
ton long parfum d’épouse aux larmes de basalte
ta chair brûlée
sous la justice en proie au crime
et sur l’horreur qui nous vendange de l’aube au soir
 
terre éloquente
                       avoue
ton nom d’épine et de rocaille
de flamme verte et de cascade
de source en crue et de lumière
approche
de moi dépris de ma jeunesse
ton long parfum d’épouse aux larmes de basalte
ta chair brûlée flétrie par leur outrage ignoble 
 
terre éloquente
                       avoue
ta joie de fleur et de rivière en crue
ton nom de sable et de mensonge
ton jour de neige et d’altitude en feu
 
et laisse nous mourir dans l’absinthe des rêves
sous l’herbe sèche et nue
où nous sommes traqués
                          blessés
au plus profond de la lumière astrale
qui nous sert de refuge
face à l’ennui de vivre
 
quel crime en moi se nomme en ce minuit désert
qui erre à travers moi peuplé de spectres hâves
moi mangé d’herbe noire entre vos mains de feu
 
martyrs
ombre posée sur nous au premier cri de l’aube
au seuil de la douleur marquée de joie factice
 
 
 
24 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
*
 
j’écris
silence au lèvres de sel noir
silence au centre de nos fêtes
 
 
j’écris
couleur de vie la mort
à peine
à nuit étanche
à mort ouverte au flanc du jour
à chair flérie
à corps lassés de nuit menteuse
à ciel étroit comme un sépulcre
à rue barrée de mort ignoble
à source éteinte au cœur du rêve
à peuple triste et sans légende
à pluie de sang dans la mémoire
à pierre sourde et sans langage
à main putride
à tombe ouverte
à force naine
à neige obscure
à peur de vivre au ciel de brume
à front blessé par une étoile
à long cri de couteau dans la nuit des racines
à siècle en ruine au creux de l’âme sans défense
à neige en deuil
à main de crime et de laideur
à souffle éteint
à cendre dans la bouche en peine
à coeur rongé d’étoiles mortes
à terre en proie au sable aride
à souffle d’ombre aux vitres sales
à règne ignoble où l’on égorge mon semblable
à nuit glacée d’effroi sous la rigueur du maître
à temps de mort
ciel de torture et cage infecte
                                                où l’on oublie
l’herbe au dire innocent face à la nuit coupable
l’herbe au dire au ciel grave qui supplie l' étoile
de brûler tous les spectres
 
 
j’écris à temps
à vigne en sang
à viol dans la maison du pauvre
à feintes noires
à joie mortelle et sans défense
à bouche close
à terre mortelle et sans défense
à bouche close
à terre morte entre nos mains
où la nuit gagne un pas dans la conscience triste
des hommes pris de froid face aux crétins hideux
qui font la loi parmi nous de l’étoile à la cendre
crapauds noirs de justice
 
j’écris à temps
ce qui resoire à fleur de terre
 
demain qui s’ouvre à notre approche
et réveille en sursaut dans la pierre interdite
les démissions de vivre
qui se font jour en nous
à long couteau de glace
à mort
à pierre fendre
 
demain qui ouvre en nous ses roses
et prononce une étoile au ciel de notre enfance
 
un jour serein
un feu qui chante en la poitrine
neige ouverte au soleil qui nous incite à vivre
 
jeunesse au grand miroir lucide
verger lourd de tendresse au songe d’algue douce
merci allègre
 
 
voyez l’herbe à nouveau offrir tendresse au coeur
en tout lieu où l’humain s’éveille et brûle  en nous
la nuit.
 
 

25 -----------------------------------------------------------------------------------------

*

j’écris
glaive et lumière
pour éventrer mes deuils
pour brûler mes chimères
pour égorger mes peurs secrêtes
pour échaper au crime 
pour vivre à ma hauteur de vigne et de poème
où je ne suis personne
 
pour répondre au chagrin de ne plus être soi
pour dépasser ce temps où je suis un infirme
 
j’écris pour être une altitude un jour possible
un ciel à vivre
 
pour l’autre moi enfance aux algues mortes
qui hante les vergers aux grandes lois fatales
pour l’autre moi enfance au chemin d’innocence
et pleure en vain ma mort au plus bas du silence
 
il s’agit d’être
il s’agit de franchir les liens du sang
les ruses d’ombre triste
                                      de vaincre
étoile en main
qui nous fait violence et nous charge de sable
ce temps de mensonge où l’on nie le printemps
où l’on tue les oiseaux au verbe imputrescible
 
 
franchir
je veux franchir d’un juste envol
la tendresse et l’horreur l’énigme et la caresse
la fausse image où je sommeille au flanc du jour
les lianes de souffrance ignoble
les marécages
la drogue
la haine la ruine de l’étoile nue
 
je veux gagner
gagner un jour plus dense à vivre
 
je veux gagner
hors de la mort
en sang
où de l’herbe à l’étoile en cendre entre nos mains
il fait un froid hideux un temps de neige hiruste
où les fleurs de demain se font signes d’algèbre
pour déchiffrer nos jours
 
je veux gagner
faire violence au crime où l’on oublie son charme
au monde absurde et froid où l’on est un infirme
 
faire violence au vieux mystère
qui nous enferme dès l’enfance au creux des peurs
où l’on cesse à jamais d’ être un jour de printemps
 
je veux
que la fleur prisonnière ouvre enfin ses paupières
que la lumière explose au front des ombres louches
que l’arme de l’esclave enfante un monde humain
que vivre cesse
d’être un chant souterrain
d’être un jour troglodyte
d’être un naufrage absurde
d’être la mise en croix de nos plus belles danses
d’être glace et silence au coeur des travailleurs
d’être une ombre de loup sous un masque enfantin
d’être un piège d’ennui désert de sang
d’être une halte amère au seuil blanc de l’exil
d’être lèpre et mensonge et larmes d’impuissance
d’être un crachat hideux sur le plus beau visage
d’être un hiver sans cause au front des solitaires
d’être un mystère une ombre un fardeau de terreur
d’être un cachot de nains cruels
d’être un taudis affreux où les rats font la loi
d’être un froid de reptile
d’être frayeur et brume et reptations de l’homme
 
que vivre cesse
d’être un soleil en cendre au plus bas de l’horreur
d’être meurtre et servage
 
je veux
j’écris vouloir
que l’oiseau qui chantait au fil de l’aube grave
n’oublie pas sa chanson dans leur verger acarpe
et que vienne le temps
dont nous révions
                        là bas
dans la vieille caverne où nous étions de l’ombre.
 
 
 
26 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
*
 
 
J’écris
deuil prisonnier du jour vorace
 
l’oubli n’a pas trouvé de porte
je reste
            ancré dans votre sang
attardé dans l’aurore
 
où vous dormez
grands frères de lumière et de vaste espérance
 
exemple
votre courage en moi scintille armé de poudre
et du couteau de vitre orgueil l’espoir violent
scintille en moi vitre fraicheur armée d’amour
de vent au long parfum de rouge chrysanthème
 
ô nuit de la légende où dorment sans reproche
martyrs
vos yeux fermés sur nos laideurs
vos yeux fermés pour ne pas voir le pauvre riche
dépenser votre gloire en réceptions de louves
tenter
de remplacer la maître ancien
d’endormir vos enfants dans la brume étrangère
de ruiner votre espoir
martyrs
scintille en nous de phosphore
votre songe exemplaire est violence en ma chair
 
ne tardez pas
ne tardez surtout pas à renaître en ma vigne
 
venez
la terre tremble à votre approche
amour vainqueur de l’ombre triste et de la mort
 
venez
rompre le crime et la laideur aux branches nues
que luise en nous votre fantôme
rompez l’orgueil
qui hante notre place et plastronne en la ville
et rit
de votre mort limpide
là bas
au flanc de l’aube où nous étions des spectres nus
dans la pierre interdite.
 
 
27---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris serein
en conscience de vivre
journée froissée de peur
homme accoutré de deuil
risque de mort banale espoir pris dans la pierre
risque de mort totale au seuil de l’aube juste
oubliée sous la neige au cœur du vieux chagrin
qui dure dans les corps aux longues cicatrices
 
journée noircie de deuil dans la laideur qui tue
tout ce qui aide à vivre l’homme pris au piège
des ombres sans visage
homme froissé de peine et mûr pour le naufrage
écoute
la chanson de l’oiseau qui vibre dans la pierre
ouvre les yeux sur notre danse
et chante
d’être soi même enfin
au terme de leur long supplice
d’être une fleur sauvée d’être un prénom humain
sentinelle au rempart où les siens sont parqués
un nid clair de confiance dans la ville étrangère
un vaisseau d’espérance au large de leur temps
 
ce temps
qui change en abri sûr tes mains et se prolonge
en nous
d’être un prénom humain aux algues de lumière
où rien ne peut mourir de leur mort impudente
 
avance
ouvre tes yeux mon frère
 
oublie neige et rocaille où tu butais aveugle
oublie sable et reptile et lèpre anthropophage
oublie la peur de vivre
oublie la nuit maudite
et détruits d’un regard tous les palais du crime
 
reste à jamais mon frère un langage exemplaire
neige au refrain de feu qui brûle en la mémoire
âtre sanglant de chair blessée de vieille ronce
malheur au lieu nocturne où je fus au supplice
face au crime indolent et la peur quotidienne
 
journée glacée de vide et de lugubre absence
reste à jamais mon frère
debout
face aux ruses de nains
où l’homme s’enchevêtre dans sa propre ruine 
et meurt dans un sanglot de sang et d’amertume
pour renaitre et mourir sa croyance à la bouche
 
*
 
reste à jamais mon frère une espérance adulte
un cri contre la nuit qui se heurte au rempart
où je veille en secret dans l’attente de l’aube
qui heurte de sa joie mon coeur blessé de froid
et danse dans mon sang où germe un horthensia  
 
journée grandie
lourde de fruits charnus
nuit dépassée
passant la brume des frontières
reste en mon coeur vorace
pour la joie de demain qui brûle dans nos yeux
pour la splendeur gagnée qui ronge notre mort
 
reste à jamais mon frère un soir de perles nues
qui chante comme un vin dans la joie de grandir
où l’amour nous protège et nous donne ses yeux
 
 
 
 
28 -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
*
 
j’écris violence
le fruit se fend et se dessèche
l’ amour perd sa tendresse l’ aube oublie de naitre
et reste en son gourbi figée dans l’ ombre étroite
 
violence
le vent change parole en bruit
l’astre s’ éclypse triste et se fait dans le noir
l’ herbe mange la terre et meurt joie pétrifiée
 
violence
la chant passe et me tue l’ herbe efface le dire
plus de franchise à vivre  ô rues des hypocrites
enfance aux yeux crevés sous un ciel de torture
je porte un corps de sable triste et de rancoeur
vers un lieu sans racines
et pleure
mon sang gaché
mon temps ruiné de haine
ma chair trouée de nuit coupable
mes chansons sous la cendre et mes arbres brûlés
 
 
violence
ô pluie de sang
terre interdite à l’homme ô mes frères sans force
 
on tue le chant
on tue le dire au bruit de source
on tue la fleur dans le printemps
complot de mort prison de glace
on tue de faims de soifs de haine
 
violence
l’étoile éteinte en nous blessés de suie mortelle
se brise dans la pierre où j’inscrivais ma peine
 
violence
printemps brûlés de givre et d’arrogance
la nuit se plaint d’ être la nuit
 
les loups sont apparus marqués les fous casqués
et dans le coeur sanglant des roses de naguère
le nid des tortionnaires hantés d'hivers malades 
terre éventrée de haine où j’oublie mes racines
 
il pleut du sang dans ma mémoire et nos enfants
n’ont plus fleur d’ espérance
mon semblable est un loup qui tourne sur lui même
 
on tue l’ amour
on tue un lieu humain dans un solstice en deuil
 
et maintenant
on tue mes yeux
on tue mon sang
on brouille mon enfance
on broille mes images
on me condamne au ciel brouillé au sable aride
aux ronces de la nuit brutale
on m’explique en l’ hiver la mort des solitaires
on me jette à l’égout comme un déchet de sang.
 
 
 
 
 
29  -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris la terre
au secret d’ herbe tendre
lumière
qui se dénude au large et meurt de sable atroce
au vent froid de terreur
ombre griffue en nous
marqués de songe et de mystère
 
 
j’écris la terre
qui s’éveille à l’assaut de ma chair comestible
et pleure en moi sa vigne et ses jardins en fête
 
terrien
sans d’autre issue que terre
 
je veille à vivre
à vivre
à faire honte au jour qui pue
à faire peur au cri de haine
aux ongles noirs de démence
au ciel étroit qui nous étouffe
 
je veille à vivre
à taire en moi la mort
la pluie de suie vomie par la richesse en crue
 
je me prononce
ombre et couleur
j’adhère au bruit de l’existence
et tue
l’ancien mystère
 
d’ être un feu sous la terre
d’ être un oiseau dans une pierre
d’ être la plaie qui hurle
d’ être une étoile en fuite
hors des vergers du peuple
d’ être un naufrage humain
 
je me prononce
arbre et chanson de l’aube aux lèvres véridiques
lumière aux yeux de tous les pauvres
terrien
je suis de terre et je connais les miens
perclus de nuit
de mille faims
de mille soifs
traqués de neige hiruste
dépris
de leur malheur
de leur croyance antique
sans d’autre issue
que terre en proie
aux algues du ciel vrai qui chante à l’horizon fatal
demain
 
demain
fleur de saison sereine où chante un oiseau libre
 
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