Cher Monsieur,
                    Bonjour à vous !                    
                   
                    "encore un jour à mettre au monde " chantait P.Eluard - encore un texte à vous
transmettre : poème du jour -      vous trouvez peut être que je tarde un peu dans mes envois mais je mène un travail sur plusieurs fronts bien que la force est dans la concentration.
          Voici donc la cinquième partie de mon recueil  " Sous peine de mort " un peu de
patience : le reste arrive.
                                      à la prochaine et à bientôt -   
                                                                                                                                       
                                      messaour boulanouar.            
 
p s : vous avez sans doute remarqué que j'ai une sainte horreur des majuscules - ça vient
        de loin - " et je suis las de voir les choses / en majuscules creuses."
 
 
82  ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
seul à veiller
seul à nourrir la plaie qui saigne dans mon corps
la mort
            qui neige dans mon sang
            bouche pleine de terre
            énigme d’ombre aveugle
            et fleur anthropophage
la mort
dernier soleil
en ce lieu de tristesse où l’herbe sous les pas
oublie de vivre
et plie
son trésor de tendresse aux lèvres de sel dense
 
*
 
seul à veiller sans fin comme un corbeau sans âge
 
*
 
colère
contre la nuit menteuse qui tuméfie les astres
contre le jour neigeux qui blesse nos paupières
contre le ciel hideux qui nous vendange l’âme
contre l’âge de pierre
 
colère
contre   les nains
            les fauves les reptiles
            les chiens de la démence
            les yeux crevés
            les nids blessés dans la splendeur du jour
et l’ombre hirsute qui nous cerne
 
*
 
seul à veiller
face à la nuit putride où dorment les tyrans
 
j’invente
aile attentive au vent les danses du bonheur
les chansons interdites
les paroles tranchantes
minuit de lèpre rouge entre nos mains d’argile
un grand soleil d’amour
luisant aux vitres de l'angoisse
où le silence est come un blâme
comme un bâillon de plus sur toute chnce d’être
 
j’invente
prendre couleur humaine
prendre couleur de vigne sous l’azur qui chante
la couleur qui nous vient des rives de l’enfance
gagner
couleur du rêve où je naquis
pour signifier l’amour des choses de la terre
 
j’invente
la phrase lourde d’inquiétude
où vivre est sans limite et sans autre espérance
que mourir dans la pierre
que mon travail éclaire et transforme en légende
et rendre à la lumière en fête
douceur gagnée
                        ce temps qui ne vient pas encore
planter au coeur de tous ses vergers de justice
ses moissons de bonheur ses danses ses chansons
demain qui ne vient pas chanter dans notre sang
et vivre entre nos mains de chair
le plus beau rêve humain
                                     changer en arbre
                                                 en jardin clair
                                    changer en astre
                                                en perle tendre
                                                en herbe douce
en printemps clandestin où l’on invente l’homme
le moindre cri du sang
le moindre éclat de nuit
                                    l’espoir
                                    qui traine en notre fuite
stridence d’aile pure au flanc du ciel en peine
qui neige en notre effort de vivre
                                                  et tue le chant
que notre source invente aux plusations de l’aube
qui tente d’être en nous
le havre
où nous nous éveillons au bruit de l’existence
prendre couleur humaine
jaillir
             source d’amour
qui exulte en la pierre 
miroite dans les blés brille en tous les miroirs
et chante
bol de lait pur le jour où nous trions nos rêves
grandir
            sur toute cendre
sur toute chance éteinte
arbre au soleil parfait tendresse d’algue douce
neige ouverte à la joie des danses du printemps
terre fertile et tendre entre sable et basalte
et science nue de nos tumultes
 
*
 
qu’ avons nous à pleurer dans les ruines de l’aube
qu’ avons nous à mourir de gestes nostalgiques
le temps de ruine
où nous étions des ombres
 
*
 
nous n’avons plus que terre à vivre
terre à chanter
terre à souffrir au long des âges
terre à marquer de notre sceau empreinte grave
terre à changer
                       en perle
en jardin bleus d’espoir où la tendresse abonde
en lieu grave et serein
où l’herbe neuve ouvre les portes
et fend la pierre où nous dormons
phrase interdite et flamme tendre
nous n’avons plus que terre à vivre
 
*
 
qu’ avons nous à mourir notre songe est de vivre
 
qu’ avons nous à nourrir les fables du mystère
et ces fables sans chair que le mensonge habite
sous la cendre des jours qui reviennent parfois
planter de grise absence
                                    les vergers de nos mains
et les plaines sans peur que nous conte l’enfance
et les rues de phosphore au ciel fou d’hirondelles
les rues
où nous chantions
à rompre toute digue d’ombre
à vaincre
herbe sèche et tristesse et toute phrase inquiète
où l’homme est aux abois
                                     sous les ruines du temps
qui nous mange les mains
 
qu’ avons nous à mourir notre songe est de vivre
 
terrestre est notre chant
terrestre est notre amour
terrestre est notre lieu de vigne et de pain blanc
où l’herbe écoute naitre un trésor de tendresse
dans les plis de nos mains de terrestre espérance
 
terrestre est notre ivresse d’être
eau pure où le soleil
                                  chatoie
aurore en fête et ruche ardente
 
à nous la terre
à nous la terre
à nous l’herbe et le vent et le vin des étoiles
 
à nous
ce bruit joyeux du sang qui ne craint nulle mort
ce printemps de chair vive ces chansons de pluie
 
à nous la joie
                    la fièvre d’être libres
sur l’asphalte où mourir est désormais un droit
 
à nous
le miel grave des jours
les lèvres du printemps humain
 
à nous de vivre
                        et de défaire l’ombre
qui nous parque en la mort aux piège de silence
 
à nous de vivre
                        pour la lumière
                                                et pour survivre
au bâillon à la chaine au doute au ciel en cendre
pour gagner notre place au lieu de fièvre noire
où se joue dans la pierre le destin des pauvres
qui ont pour culte l’homme au lumineux visage
l’homme limpide et beau qui s’invente lui même
au rythme de nos plaies de joie
 
à nous de vivre
 
laissons mourir loin de nos pièges
                          la lune froide et ses fantômes
laissons passer le temps qui signifie mensonge
à dire aux paures gens
                                    vivons la terre humaine
                                             la terre ardente
dansez les danses du travail
            armez vous de jeunesse
 
pensez
la honte et le chgrin la ronce et le fruit mûr
la graine et le bourgeon
                                    armez vous de patience
pensez l’espoir qui chante et se dénomme humain
 
chantez
la mort de toute haine au seuil de l’homme libre
la mort des exploiteurs dans le jour prolétaire
la mort des comploteurs contre la joie de vivre
 
chantez sans peur
chantez la steppe chaude et nue
qui bruit sous notre vent
 
bientôt
du creux de nos taudis de faims
nous monterons sur terre
                                        pour imposer nos lois
nous passerons
sur vos palais de marbre et d’arrogance triste
 
nous passerons sur votre luxe
orage aux dimensions de sang
 
morte à jamais la nuit aux yeux bandés de noir
morte à jamais la peur qui nous glaçait le sang
morte à jamais la mort qui nous ruinait le coeur
 
il reste au coeur vivant la brais de nos larmes
des poings de feu et de colère
                                            des voix brutales
signes d’alliance avec la pierre
                                les arbres
                                le fleuve et ses racines
                                le sang qui chante juste
la joie d’orner de chrysanthèmes
                                                tous les visages
                        des poigns levés
signes d’alliance avec les sèves
                                les forces du printemps
et les grandes chansons qui viennent de la mer
dans la marée du sang qui franchit la caverne
dont nous sommes sortis pour régner sur la terre
dire nos lois mouvantes
tailler la pierre d’ombre au gré du jour tenace
                                  au gré du feu visage
qui nous hante d’enfance
inventer l’homme et ses prodiges
happer l’astre en voyage et nous connaitre humains
 
*
veillons sur notre bien
 
*
 
j’annonce
                un temps limpide
un temps auguste et simple
où nous pourrons
                            prendre visage
pour toute peine ouverte au seuil de nos étoiles
pour toute neige en deuil au flanc de notre joie
pour toute plainte morte au cri de l’homme froid
pour toute pierre d’ombre inscrite dans l’absence
pour toute ce qui n’a plus de nom
                                                plus de lumière
plus de visage à vivre
plus de patrie humaine
à charger de son poids
à garder dans sa chair
 
à vivre
         beau miroir lucide 
où l’homme enfin rencontre sa plus douce image
éclair brutal et beau sûr de la preuve humaine
où vous n'aurez nul autre rêve
que de graver sur terre un instant de vraie joie
                                 un grand jour de légende
 
*
 
ce jour viendra
 
des plus étroites rues
des neiges sans couleur des crimes sans pardon
des temples du mystère aux langes de ciel morne
des taudis de la faim
où dorment dans la pierre le serpent noir et l’aigle
de l’impuissance à vivre d’ombre
des passions sans secours aux statues de sel noir
du feu ruiné
du feu caché
du feu sauvé
         gardé
         rendu
        à son prestige d’astre
 
 
ce jour viendra
du chagrin vaste et bleu des plages solitaires
 
il est l’amour des hommes nus
qui ont perdu dans le naufrage
leur nom de graine et de diamant
 
il est la fleur de l’innocence
le rêve obscur des pauvre gens
l’ombre défaite au soleil grave
où notre ivresse ouvre la neige
 
il est la clef nue de l’angoisse
qui ouvre enfin la porte vierge
de la confiance et de l’espoir
 
il est
comme une herbe d’amour où nous pourrons dormir
comme une aile soyeuse au ciel pur de nos rêves
comme une offrande simple au dieu qui nous habite
comme une houle immense où chanter nous recrée
                                         où parler nous enchante
                                         où vivre nous travaille
et nous invente un lieu de clarté fraternelle
où nous vivrons
                        à route ouverte et sans limites
                        à danse libre
                        à pleine étoile en plein voyage
à chance neuve offerte à toute argile humaine
 
*
 
ah que la mort en nous cesse d’être un outrage
sous couleur de défaite
de nuit tassée sous un bournous
de mort gravée au front de l'aube
de glace amère au cachot triste
 
la mort n’aura plus d'ancre dans le jour véridique
dans les coeurs en défaite où se défont les roses
sous couleur de bâillon de rouille et de terreur
                                  de silence et de haine
 
la mort n’aura plus lieu
car nous aurons à vivre
sans cri
sans hurler dans le siècle où nous serons majeurs
ancrés dans notre règne et dans nos lois d’azur
désormais sans frontière
 
mais vous les prédateurs de la douceur de vivre
marquez au fer
nos siècles de jeunesse tendre
 
prêchez
l’absence et le mystère
 
brisez
les vitres de l’enfance
les stances nues de la tendresse
 
rongez
nos algues d’espérance
 
gavez vous de mensonge
 
écorchez vous de haine et calcinez nos ombres
 
pleurez
dans les orgies du sang
 
grimacez votre amour en plaies de nuit lugubre
vous avez pour un temps le pouvoir et la force
d’atrophier nos lumières
de ruiner la conscience
de piétiner
les hommes sans défence
et de changer en ombre
                                    toute lumière humaine
 
changez en chiens
les hommes sans défense
 
changez en bons outils nos mains de peine noire
changez l’intelligence humaine
                                              en lianes souples
 
changez en domestiques
les enfants du printemps que nous fûmes parfois
là bas
              face au malheur
qui enterrait nos yeux comme un trésor de perles
au plus profond de sa caverne
 
changez la plaine en cimetière
                                                    la vie en croix
la jeunesse en calvaire et la parole en bruit
qui vous étonne
qui vous alarme et vous empêche
de dormir dans la paix de votre asile où vibre
notre clarté de spectres
 
*
 
jouez à vivre
mimez l’amour
            la joie
mimez l’espoir
suicidez vous pour un mensonge
suicidez vous pour du mensonge
 
jouez à vivre
vos lendemains de mort brutale
lachez fusées dans le ciel vide
contrôlez la douleur son poids de sang mortel
là bas
          hors de l’humain
                                    au prix du mercenaire
contrôlez sur nos corps la pesanteur du crime
mais gardez en mémoire
que vous ne pouvez rien
                                   plus rien contre notre âge
plus rien contre nos yeux lecteurs de votre crime
car l’homme sans refuge
est passé partant de suie par tant de mort atroce
que rien de votre force
ne peut plus vaincre en lui la certitude où vivre
n’est plus l’ancien désert
mais un feuillage simple ouvert au monde affable
où rien n’efface l’homme
 
*
 
et vous croyez
contre un peu d’huile et de farine
achetez l’âme
 
*
vous n’êtres plus que mort
        pour le salpêtre et le pétrole
pour le diamant et le phosphate
et votre monde
pourri comme une vieille orange
tombé de l’arbre où nous vivons
n’apporte plus que mort
sans lendemain
et perspective aveugle où l’homme est un robot
 
*
 
les signes de nos mains
font peur
aux ombres que vous êtes
mais toute nuit défait ombre reste en nos yeux
ombre reste en nos mains
nos ruines sur le dos nous ramassons nos hardes
et nous quittons la ville où l’on est sans repos
                                  sous la pluie des étoiles
parmi les phrases sans lumière
                                                mortes de faim
                                                            de soif
du chgrin bleu des plages solitaires
où toute nuit défaite ombre reste en nos yeux
 
les signes de nos mains
font peur
aux ombres que vous êtes
 
*
 
notre songe est de vivre
de décrasser les jours les mains et les visages
de laver tous les yeux chargés du mal sans fin
qui laisse en nous
sa cendre noire et son silence
 
notre songe est de vivre
                        de nuire
par la douceur aux exploiteurs du sang
de mettre à nu le jeu des fous et des mystiques
qui font de mon malheur un chant de pierre dure
de ronce noire
de lèpre et de blancheur secrête où je m’exprime
contre la haine
l’étranger qui se glisse entre l’ongle et la chair
dans la faille du coeur où la mort crée son nid
dans la carie de vivre
pour ruiner mon travail
pour briser ma guiare
pour endeuiller ma joie
pour saccager ma force claire
pour étrangler le chant qui me prononce humain
 
ma joie de dire à tous les gens
ce qui se passe en moi au creux de ma caverne
ce qui se passe
en nous
autour de nous
dans tous nos rêves
dans le palais et la chaumière
 
ce qui se trame au coeur
des comploteurs de mort
ce qui accède au jour où nous parlons de vivre
ce qui germe sous terre
à l’heure où je rencontre au gré de mon errance
source inconnue de la tristesse
ce qui germe en l’humain dans la rue de l’enfance
 
bruit de foule en colère
émeute au grand visage
mon angoisse et ma joie mon ombre et ma voyance
à l’heure où je m’exprime
 
que je parle de pierre au grand silence audible
que je parle de source au long secret de fleuve
que je parle de vague au vaisseau d’espérance
que je parle de l’astre au voyage insondable
que je parle de l’ombre au taudis de ciel noir
c’est du soleil humain que je parle mon frère
 
*
 
chaque pas que je fais reste un pas vers le jour
chaque pas qe je fais me ramène à moi même
au grand terrain fertile en lumière en tendresse
au terrain où ma force
glisse de source en source et de racine en fruit
de lumière en trendresse où je connais mon frère
sortant
 
de jour en jour
plus fier
des ruines du malheur
et de l’horreur nocturne au ciel brûlé de haine
 
de jour en jour
plus fier
plus sûr de son visage
en guerre
contre sa propre image
fleuve et volcan
vague à l’assaut brutal de son nouveau rivage
où ma fureur travaille au jour où je m’exprime
espoir de vivre et joie sereine
contre toute agonie au risque triste et lâche
de perdre mon plus beau visage
                                            et mes raisons
de vivre et de mourir dans ce monde de pierre
où mon corps sismographe aux pulsations de sang
se couche à même terre
                        et parle
                        de l’ombre vaine
où j’ai perdu dans le silence
des yeux fous de printemps au songe véridique
 
je vous retrouve
en vos échoppes de patience
tissant
brodant
lissant
        le merveilleux emblème
des chansons quotidiennes
 
je vous retrouve
       entre les haltes du travail
nous buvons nous rions de notre ancien fantôme
nous bavardons sans fin
et nous chantons parfois les naissances futures
du blé
de sa blondeur secrête
du vin
de ses rouges chansons
du songe où l’on s’éveille à la beauté du monde 
bonté
des cerisiers en fleurs au sang de nos martyrs
 
du feu qui me raconte
la nuit où je prends garde au pas de l’herbe nue
 
la nuit
où je pleure les hommes
mon pauvre frère l’homme aux yeux mangés de nuit
son long chagrin
jeunese au fruit de sang écrasée sous les chars
 
et nous chantons
ô plaie luisante en la mémoire
terrien secret
sans d’autre songe que la terre
l’homme de pierre d’ombre au fracassant silence
 
*
 
je me souviens de mes fantômes
 
je me souviens
du beau granit de leur tendresse
et je m’éveille
aux grandes tragédies de l’heure
dans une ville infâme
emplie
de fous mélancoliques
aissa limpide et grave homme égal au grand jour
rouchdy au bruit de source aux fables de lumière
muqtapha flamme forte
vaste espérance en crue qui gonfle nos moissons
 
je me souviens
jean questionne le noun des amitiés possibles
et meurt
de mort atroce et vaine où la douleur nous brise
la nuit marche sur nous comme une armée de suie
 
*
 
je me souviens de mes fantômes
 
*
 
l’homme de pierre d’ombre au fracassant silence
fruit mûr au coeur en sang
réclame
climat tangible de tendresse
dans l’infâmie des soir où le coeur se débride
sous le poids de l’ancêtre algue proche du vivre
qui s’ébroue d’espérance à l’heure grise et nue
où tu perds ton chemin dans un jour sans lumière 
 
où seul
je perds le sens de vivre et frôle dans le jour frileux
ta joie sertie de gentilesse
 
où ta jeunesse
me ramène à moi même
ma ramène au miroir de neige
 
où je découvre
un moi solaire et sans violence
ma joie secrête
ma joie gardée de la brûlure
femme obscure et sereine où je perds mon visage
 
ah terre ferme
étoile où je m’agrippe en larmes
silence où le jour me déchiffre
hautaine force
 
femme stellaire
chagrin pris de fraicheur à toute aube nouvelle
où je m’agrippe en larmes
et rampe
                au lieu serein où mon vertige agrippe
un temps de joie sonore à l’heure où je t’écoute
confiante
toute confiante
construire au jour notre équilibre
 
tu ramassais pour les transcrire
les bribes de l’étoile en fuite
charnelle attache et moissons pure
 
ô rage d’être en notre humain supplice
séisme
un dernier jour à vivre
 
je nomme
une douleur de pierre où la bonté est morte
où mon silence pleure
 
je nomme
des yeux doux où je puise des perles secrêtes
des yeux fous où je meurs de l’attente d’aimer
des yeux où je ramasse questions sans réponse
tristesse où je m’égare
             où je cherche mon coeur
dans la nuit du chagrin au long passé de brume
ce qui fait que je chante un monde à ma mesure
la chair et le basalte aux statues de lumière
mon pauvre frère en croix
son pain gagné
son droit de vivre sans entrave
sur les chemins de la conscience
 
alors
s’impose à nous la vie de tous
s’impose à nous
                                l’espoir
                                la grande image pour laquellle
nous déterrons nos armes
pour affranchir de l’ombre nue
les gens parqués
dans la laideur la boue et la mauvaise haleine
des hommes prisionniers de haine et de douleur
des hommes nus
                          rongés de peurs
                          rongés de steppes intérieures
 
s’impose à nous brûlés de givre
frère en danger  
                      la haine
 
ouvre les yeux
dans les cavernes de l’angoisse
pour assigner
à l’ombre ses frontières
pour s’ouvrir un chemin vers la source première
à travers haine et ronce
                                    mort figée en blessures
ombre mystique
tristesse et nuit de chanvre pâle
où le soleil pleurait
sa neige
en proie
            au feu des sanguinaires
            aux chiens de la démence
 
*
 
je veille comme un cierge en mon temple secret
je veille nuit et jour car je pressens avides
autour de ma rumeur de vigne
les prédateurs de la lumière
les corrupteurs du sang vivant
les spectres du mystère aux ongles de feu noir
les mercenaires
                        au front de ruine
                        au ciel de cendre et d’épouvante
 
partout
sur nos chemins d’étoiles
 
à nous guetter
à nous tendre leur piège à chanter nos défaites
 
à nous cacher
les arbres et les fleurs les miroirs et les fêtes
où l’ombre des statues tournoie comme une folle
 
à nous cacher
les grappes vives de nos joie
le feu de notre sang qui brave
leur stratégie de mort absurde
 
partout
où nous tentons de luire
                        hors des décombres du mensonge
 
mais nous jourons
 
je jure
par les oiseaux perdus hors de toute espérance
par la nuit sans raison qui s’impose à mon front
par la marée qui monte à l’assaut des falaises
par l’amour qui s’invente au plus fort de la haine
 
je jure
que la confiance en herbe
est vague sans rontière
que nous vaincrons
                            les simulacres
                            les manigances
                            la nuit forgée de turpitudes
le temps de la courbette où la poussière exulte
 
nous ne connaitrons plus le froid des solitaires
la pluie la pluie de mort qui ronge le squelette
l’errance où l’on se perd parmi le jour malade
qui traine dans la boue sans feu ni lieu ni rêve
 
nous ne connaitrons plus la haine la lune froide
et ses fantômes
l’ordure à face humaine où pleure un autre moi
la nuit perfide et dure où je succombe au doute
la nuit perfide et dure où nous ne sommes rien
 
nous ne connaitrons plus la faim la main tendue
l’insulte aumône grise
                                    qui sonne sur l’asphalte
et ruine en nous le beau miroir
où l’homme clair s’éveille à la chanson des fleurs
au jeu fou de sagesse où le geste est un fruit
que savoure en silence un autre moi qui songe
et pleure une cascade aux grandes ailes blanches
au lieu calme et serein d'enfance et de miel blanc
où nous étions
les rois de chaudes cohérences
 
*
 
ô soirs
étranges soirs
où nous sommes passés au coeur des ville mortes
où l’ombre sans couleur mordait la joie du sang
et nous parlait sans fin des roses du prontemps
 
étranges soirs
où l’ombre nous mangeait les yeux
où nous fûmes la proie de nos chagrins d’enfance
parmi la boue
qui nous collait au corps ses noires turpitudes
là bas
            au grand hiver de l’âge
                                               par mi les ruines
des jours défaits de peur et bleus de grive atroce
où l’homme trébuchait sur ses propres cadavres
et nous gavait d’espoir aveugle
                                                et de mensonge
et nous chantait sans fin les roses du printemps
 
*
 
nous avions faim
nous avions soif
et nous étions sans armes
 
*
 
étranges soirs
où parmi les oiseaux les enfants et les femmes
nous tissions en secret face au bruit de la mer
                                   le plus noble silence
 
chanson de vague morteau bas du ciel en peine
et neige à vivre au grand soleil
                                                hors de la boue
 
confiance 
entre nos mains de terre
 
confiance dans les yeux où l’espoir est en fête
 
confiance
en toute pierre d’ombre où sommeille un esclave
 
confiance
de la poupe à la proue de la source à l’étoile
du miroir où je songe au grand soleil en vrac
neige à vivre en silence à planter de justice
neige au printemps audible
 
confiance
                j’usais mon sang
                à vous nourrir d’étoiles
j’usais mon sang contre la pierre
                                                et j’inventais
des siècle de tendresse aux armes de printemps
j’inventais le bonheur un grand siècle  habitable
face au déchet de vivre
                                    dans une absence d’être
pierre fermée
         blessée de froid
silence sans execuse
 
ô vieille nuit de neige
 
je m'inventais
couleur contre la nuit menteuse
et braise sous la cendre triste
qui neigeait sur ma tête et me changeait en spectre
 
*
 
je m’inventais contre la faim
                               la soif
                               les cauchemars infâmes
                               les hommes sans visage
et la tristesse
où nous étions parqués dans l’attente de l’aube
 
*
 
rêve en fête et justice
je brûlais es chagrins et je montais sur terre
 
fouiller la vie
briser toute coquille d’ombre
 
vivre un âge sans feinte et gagner à ma cause
toute la terre
les nids de l’impossible aux triomphantes fêtes
et ta tendresse d’herbe frère au grand silence
 
rêve en fête et justice au grand jour habitable
 
j’aimais
les hommes vrais au langage de source
aux yeux tournés vers le printemps
 
j’aimais
tous les chemins creusés par le travail humain
 
j’aimais
            les hommes vrais au langage de source
aux yeux tournés vers le printemps
 
j'aimais
tous les chemins creusés par le travail humain           
 
j' aimais
            les hommes vrais
dans leur fatigue et leur travail
et les grandes chansons de leur vierge espérance
 
je les aimais
                    en frère
 
le temps du frère hélas est un temps monotone
un temps à ne pas dire aux hommes raisonnables
perclus
            dans leur enfance adulte
 
je compris dans un cri que je trompais mon coeur
je leur devais mon sang et mon pouvoir de dire
ce qui germe en nos yeux qu détour de l’histoire
 
je leur devais plus que mon sang
                                                   un autre amour
pour que plus rien ne les assiège
de boue de faim de doute et de mystère atroce
pour que renaisse humain leur lumineux pouvoir
 
je leur devais ma force entière
au milieu de leur force
                                    et toute ma conscience
comme un outil
entre leurs mains d’argile tendre et de colère
 
je leur devais mon temps mon cri de sentinelle
                    mon âpre aboi de chien de garde
mon cri contre la mort qui guette leur fatigue
la mort masquée de vie
                                   la mort
derrière les chansons des prédateurs d’étoiles
notre longue fatigue au long sommeil de pierre
 
je compris dans un cri que l’amour ne peut être
suicide et trahison du vivre
où nous aimions
                          chanter
                                     danser nourrir des rêves
 
rêve en fête et justice
                                    tous les chemins de peine
tous les gourbis de honte et tous les yeux fermés
 
*
 
depuis
je ne peux plus dormir au rempart où je veille
je ne peux plus me taire à l’heure de l’horreur
où le crime a le droit d’entrrer tous les yeux
où naissent les étoiles
 
je ne peux plus me taire en ce temps où l’on tue
les hommes sans défense au seuil de leur maison
                                    à tous les coins du monde
où l’on traque l’humain pour fausser la lumière
où l’on traque l’espoir qui agrandit l’espace
où nous sommes traqués
                                      de froid
                                                  de faim
                                                                de soif
de corruptions
de prédateurs d’étoiles
de bureaucrates
de nains
de fous et de médiocres
de conscience endormie derrière un masque triste
qui se saoule d’angoisse aux angles des combines
 
je ne peux plus me taire en ce temps de lourdeur
où l‘homme s’interroge
                                  et meurt
au bord de la terreur qui règne à nos frontières
où les moignons des hommes nus
sont torches de phosphore en la nuit sanguinaire
que l’on impose au peuple à l’instant de l’éveil
où l’ombre issue de nous suscitait des étoiles
 
je ne peux plus me taire
je ne peux plus chanter les chansons à la mode
car je sais maintenant de grande science claire
ardeur angoisse et larme
                                    que le temps du silence
reste un mauvais refuge où les fausses chansons
ne marquent pas le coeur
 
*
 
ce monde à faire existe et je connais ses hommes
millions de rêves libres
            de songes sans tristesse
            de printemps sans rivage
 
je les connais humains
et nous chantons contre la haine
l’ordure nue
                et la mauvaise haleine
de l’homme au vieux système qui exploite l’homme
 
j’aime toujours la ville où nous veillons pour vous
qui comprenez ma joie l’espoir qui me travaille
la nuit où je m’allume à l’instant le plus lourd
le jour où je m’invente
         où je subjugue l’ombre
 
demain que je vous chante
pour éclairer les yeux prometteurs de merveilles
pour que fleurisse humain l’incendie que j’habite
là bas
          dans la splendeur future
où nous vivrons le temps des hommes sans vertige
 
j’évoque un lieu serien de rouges chrysanthèmes
 
et je vous dis 
ce temps où nous saignons de l'odeur de la haine 
où est
novembre
 
novembre
saison de l’homme libre
jour de colère en crue dans les ruines du temps
jour de lumière exacte
jour de parole hostile
jour de brusque franchise et de silence étrange
jour clair à ne pas dire au voleur d’espérance
qui traine en notre vie ses ongles de gel noir
 
novembre
saison de l’homme libre
jour de jeunesse en acte au seuil blème du monde
où les oiseaux font peur à l’enfance au ciel noir
 
jour de verte innocence
jour de joie trolodyte
 
le jour qui me connait fantôme
                                                habite un songe
grande espérance d‘arbre au lieu blanc de l’exil
 
justice
la terre est mon poème et l’herbe est mon refuge
j’adhère au feu sanglant qui secoue ma jeunesse
j’adhère au ciel vivant
                                        au jour bleu de fatigue
l’ombre s’écroule en moi comme une maison noire
 
plus de prudence naine
plus de mort solitaire
la nuit se fend comme une pierre
et l’aube ouvre les yeux les armes et les fleurs
et nous ouvre à l’espoir
 
jeunesse
le sang crépite en ses méandres
le sang crépite libre au flanc des jours tenaces
là bas
            sur les hauteurs de vivre
où l’aube nous annonce au monde
 
*
 
minuit passe le comble
 
*
 
je me secoue
des neiges de l’absence
des loques de la veille et ses cendres de l’aube
 
je me secoue
et me redresse humain face à la nuit sans astre
 
minuit passe le comble
 
on guillotine
                    amour dans la poitrine étroite
                    lumière dans les yeux du pauvre
                    parole aux lèvres de mon peuple
 
on guillotine
                    tendresse sans alliage d’ombre
                    herbe qui monte et fleur lucide
                    justice
                                en âge d’être un astre
 
 
on guillotine
l’espérance en voyage au coeur de l’homme libre
l’enfance qui se nomme enfance
                                                aux yeux de tous
l’aube luisante à pierre fendre
                                                et la fraicheur
de toute force au pouvoir clair
qui se prénomme terre et nie l’horreur de vivre
dans les cavernes d’ombre où l’âme triste rampe
pour un grain de lumière où prendre enfin visage
 
on guillotine
l’âme du peuple en crue qui rue vers sa béance
le feu qui luit vivant dans l’alphabet des arbres
                                    au plus haut du courage
 
on guillotine
les hommes baillonnés au seuil grave de l’être
face à la boue qui pue sur les meilleurs visages
                                 sur la plus sainte chose
 
patrie en sang
patrie de neige hirsute et de soleil en cendre
patrie d’herbe attachée aux racines de l’aube
patrie fertile et dense
patrie blème et glacée nuit bleue des échymoses
glacée d’horreur
patrie de flamme nue
de sable et de vengeance
fleur ouverte au chagrin des plages solitaires
bruit de source éveillée par un cri de couteau
granit humain planté dans l’orgueil du solstice
 
patrie fanée
astre et parole en fuite
 
patrie fantôme
que je cherhe à travers les algues de ma nuit
vieille femme endormie
bercée de nostalgique absence
 
patrie fleur interdite en voie d’être une étoile
l’espoir se mue en pain
                                   en feu
                                             en maison claire
 
patrie de cendre et de martyrs
poussière d’astre et de légende
nous renaissons
                                  de terre
 
et nous sortons
                        des grottes de la honte
                        des caves de mort lente
                        des jungles du mystère
                        des cendres du mensonge
 
et nous brisons
les chaines de l’angoisse creuse et sans visage
et les statues sans feu des religions de sang
l’affreux mystère
d’être un fantôme dans la pierre
où gît le froid
de naitre et de mourir sans nul visage à vivre
 
et nous tissons
de clairière en clairière
d’herbe tendre et de vent de roses surprenantes
de neige douce et de chaude espérance un monde
chanson d’amour audible
offrande à tous
et nous peuplons de joie les rues de la confiance
et nous peuplons d’amour le lien des ombres nues
 
un cri
pour arme et pour vengeance un cri
                                                    un seul miroir
où la mort se défait et laisse en nous sa trace
comme un visage en loques
 
un cri
nous apprenons la terre aux lèvres de l’ancêtre
                        la joie des amandiers en fleurs
et la grandeur des blés dans la hauteur de vivre
et l’herbe au chemin pur qui panse nos blessures
et la joie d’être un feu que nulle ombre n’éteint
 
lumière
verdure sous la neige
 
nous aprenons l’amour en armes
et nous parlons de tous nos rêves
des rues dorées de feuilles mortes
où notre enfance
                            était la force d’être un arbre
au vivre tendre
face au mystère d’être une ombre
                                 un oiseau dans la pierre
un songe sous la terre
 
*
 
nous de chair et de sang et de jeunesse en lave
nous de terre orpheline et de patrie sanglante
nous de printemps lucide et d’espérance en acte
nous de larme interdite
glacés d'effroi 
brûlés de givre atroce
blessés par une étoile en fruite
criblés de haine et d’arrogance
marqués
                de nuit violente
                de neige absurde
courbés nous le fardeau de l’âge
mémoire en feu
                          d'arbres brûlés
frappés de mort brutale au milieu de nos fêtes
 
nous en instance d’être astre fleur et diamant
nous fùmes sous la terre un trésor de fraicheur
un beau feu de tendresse
 
parqués
            hors de l’humain
 
 
le jour passait là bas sur le trottoir d’autrui
enfant joyeux et libre
                                éclair au pouvoir simple
dans les jardins fous de lumière
loin de nos yeux
                          la nuit dansait
sans se soucier de nos défaites
 
*
 
la vie
nous en étions absence et neige en la mémoire
et notre sang battait pour rien
 
je pleurais d’impuissance
 
nul ne voulait entendre mes chansons de pluie
nul ne pouvait comprendre ma patience d’arbre
 
j’avais en moi
comme un feu de racines
comme un astre à nourrir de ma profonde ivresse
 
j'avais en moi
l’amour
nous en étions la fleur la grande fleur possible
où la joie fait son nid de seigle et de bras nus
hors de la nuit sanglante
debout
face au soleil coupable où nous dansons ensemble
parmi l’herbe qui monte et se découvre humaine
 
j’avais en moi
un grand tumulte d’ailes
 
j’étais un homme un peuple simple face au maitre
maitre ignorant que son esclave
ne dormait pas
mais consumait son temps en veillées militantes
en rêves
au coeur dur de la pierre
comme seule une fleur peut rêver d’être un arbre
comme seul un grain pur peut chanter la lumière
comme seul un humain peut rêver d'être un arbre
l’esclave
allait brusquer le monde
                                    danser
                                    sur les palais du crime
régner
sur toutes ses récoltes
                                    grandir
                                    briser la vieille écorce
le carcan de bois dur qui lui vrillait le corps
et naitre au lieu serein où je veillais tenace
défiant
            l’ordure au piège obscur
les corrupteurs les nains le luxe et la bassesse
défiant
la boue infecte et les reptiles
toute l’horreur aux yeux durcis
 
j’avançais sur ma terre où grandissait le blé
ma vie chantait
sous l’orage en colère et le sanglot des bombes
 
j’avançais sur ma terre où l’amour grandissait
contre leur pauvre haine aux yeux fous d’épouvante
 
j’étais partout
je me taisais sous la torture
sous la neige et le froid j’inventais la chaleur
je bravais le malheur qui me brûlait les mains
j’apprenais le silence au plus noir de la pierre
 
j’étais partout
dans la mort au printemps parmi l’herbe nouvelle
dans les yeux de la femme souillée par un chien
dans les yeux de l’enfance en proie au ciel amer
dans la moisson brûlée par main de crime atroce
 
j’étais partout
 
j’avançais sur ma terre où grandissait la rose
j’allais
de la peine à l’amour où grandissait ma force
j’allais vers toi
ton monde était le mien
j’allais sans cesse dans mon rêve
                                                    égorger l’ombre
 
j’avançais sur ma terre où l’on crevait de faim
où je crachais du sang
 
j’avançais sur ma terre où je bravais la haine
pressant le fruit pur de l’amour
pressant
la mort de disparaitre au seul bruit de mon pas
pressant le jour de roconnaitre
toute joie prise au piège
                                      de mon violent visage
pressant mon coeur comme une grappe
                              comme une orange
pour étancher la soif de tous
pressant le pas vers la lumière
que je sentais
à portée de mes lèvres
à portée de mes mains
à portée de ma taille
 
j’avançais
j’interrogeais les fleurs le vent fou de pollens
l’arbre parfait
                   plus stable que mon rêve en sang
 
j’interrogeais la pierre ancrée dans mon silence
les astres fous de peur l’étoile en transhumance
 
de question en question de question en réponse
je traversais le vieux désert de glace antique
je traversais l’horreur la nuit les marécages
 
j’ai failli nuire à mon visage
me perdre en la forêt lianeuse
où me tentait parfois la fleur anthrophage
 
mais j’abattais ma hache
                                     dans les liens de douleur
 
je rencontrais des gens ils me montraient toujours
le chemin le plus sûr pour m’offrir leur présence
pour me ourire
pour me donner le pain et l’eau
                                                leur joie vivante
le sel de leur étrange espoir
le miel de leur douceur le lait de leur tendresse
le gîte où je pouvais
selon leur loi de neige tendre
dormir la confiance
 
je rencontrais toujours sur mon chemin des gens
pour me sourire
de toute leur jeunesse
ma vie s’agrandissait dans leur présence auguste
s’agrandissait ma force
                                    et j’allais de nouveau
pour affronter la lèpre immonde et le mensonge
plus confiant en moi même
plus sûr
de vaincre la démence obscure
qui rôdait dans mon ciel pour en ternir l’azur
 
*
 
je dépassais
angoisse herbe et ronces de nuit sommeil aveugle
horreur pétrie de faims
                                  de mort
                                               de croix gammée
chambre à gaz pendaisons ghettos four crématoire
camp de mort lente ennui travail de mort ignoble
douleur sans estuaire où sont passés les miens
chagrin de pierre morte où j’ai pleuré de froid
du grand froid du dehors où le maître régnait
 
j’avançais sur ma terre
contre souillure et mort
contre terne violence et morne issue de vivre
contre haine et supplice horreur pétrie de lèpre
et neige triste et sale où l’on oublie de vivre
 
j’étais partout
plus fort
que la nuit mise à nu qui pleurait ses fantômes
 
j’éclatais dans l’aurore
qui naissait de mon coeur laborieux et fertile
l’aurore
qui surigissait sanglante
de mon sang redoutable
 
j’éclatais dans l’aurore
j’inventais le printemps où la neige était pure
et réclamais vengeance
de la suie qui tombait des mains de la richesse
de la mort qui brûlait par morceau d’espérance
ma joie
ce qui chantait encore
                                    les songes de l’enfance
mon lumineux squelette effrayait de son souffle
toute l’horreur nocturne où tombait dans la boue
son espoir de printemps
 
mon lumineux squelette était faiseur de songes
puisatier de patience
au coeur même du crime où s’égarait mon frère
 
j’avançais sur ma terre entre larme et sourire
je brûlais mes chagrin
je ravageais mon sang
 
j’errais
entre sable et verdure entre danse et chanson
 
j’errais
je récoltais des perles de tendrese
en vos yeux de nageurs sauvés par une étoile
 
j’avançais sur ma terre
où l’homme le plus nu cessait d’être un fantôme
pour ordonner
le chant
            le dernier chant pour lequel on oublie
l’enfant
            la fiancée chant pour atteint par l’âge
la mère au coeur fragile
d’avoir aimé sans fin à perdre haleine et vie
le chant
            le premier chant pour lequel on oublie
toute l’enfance
toute la joie terrestre
pour prendre feu
                    mourir
contre l’injure faite à l’homme qui s’éveille
et ruine
tous les palais du crime
 
ah puissions nous un jour lavés de toute cendre
                                      lavés
                                      de la sueur de vivre
lavés
de toute suie
                    apprendre aux hommes sans visage
le pouvoir des objets qui font de notre chance
le bien de tous
la vague imutrescible où vient mourir la haine
toute ce qui rampe aboie bave triste et se traine
hors du beau cercle humain où la lumière chante
 
ah puissions nous veiller de la charrue à l’astre
de la vague à l’étoile
gravir
les pentes de la nuit mortelle
frappée de mort subite au plus dur de la pierre
au plus noir du silence où nous étions parqués
 
 
veiller
dans la pierre intangible
dans l’écho du supplice où l’espoir nous convie
 
veiller
au plus gris de l’absence où l’étoile s’allume
au plus fort de la houle où s’éteint mon visage
 
j’appartiens à l’aurore où j’ai planté ma force
où chaque main engendre un jour
un ciel plus vaste
où chaque étoile me fait signe
à l’instant de mourir moi le gardien du pont
 
*
 
j’ai pour arme un visage à sauvre de la cendre
 
*
 
j’ai pour arme un oiseau
qui chante les splendeurs futures
qui chante les merveilles pleines
tous le matins de joie de neige et de franchise
où l’homme est en chemin vers un lieu de racines
 
j’ai pour arme un visage un regard sans pardon
qui se prononce au jour contre votre opulence
aux orgies de ciel noir
au teint gris de cadavre aveugle de naissance
qui nous cerne d’absence et de nuit sans mémoire
 
où nous errons
cernés
            par les chansons des exploiteurs du sang
par les traineurs de sabre
les buveurs d’encre noire
qui ont pris leur bureau pour le dernier rempart
où vient buter le peuple au feu de chrysanthèmes
 
jai pour arme un visage un regard sans pardon
au long souci de vivre et d’aimer sans visage
 
j’ai pour arme un fantôme
qui effraie de son ombre
tous les semeurs d’oublie dans la chair déchirée
par leurs ongles de glace
 
j’ai pour arme un fantôme
qui porte un nom de frère
             un nom de ville morte
             un nom de place neuve
un ciel pour espérance ancré dans la légende
où se survit un peuple au long secret sanglant
au sang fertile et juste
                                    au jour multiple et bon
 
j’ai pour arme un silence un regard sans perdon
pour l’horreur qui trébuche au seuile de ma parole
au seuil
de mon mépris
pour l’horreur qui se vend au tarif de la honte
et la conscience à vendre
un regard sans pardon pour les traitres du sang
 
*
 
j’ai pour arme implacable une aurore implacable
une aurore où s’imprime au plus dur de la pierre
le beau songe de vivre au plus haute de soi même
sans laisser nulle trace aux vautours du malheur
 
*
 
je vis
de danse antique
 
*
 
j’ai pour arme une bouche
pour parler de lumière aux gens surpris de nuit
pour parler de jeunesse aux vieux arbres brûlés
pour vous parler de vivre
 
bouche à la langue acide
je parle
de toute chose
où nous sommes ancrés
 
je parle
de briser les idoles
la nuit confuse où l’homme pleure
au milieu des reptiles
 
je parle
je suis d’un autre règne
 
*
 
mon arme est une pierre
 
tant pis
si la couleur est morte
au lieu de mon supplice d’arbre sous la hache
des pauvres bûcherons de l’âme
 
tant pis
si l’herbe fuit nos mains
si la verdure oublie notre appel dans le sable
et se cache en lieu sûr
loin de nos yeux durcis en cet hiver sans cause
qui sourd
de toute chose humaine
de nos gestes de nains perclus dans le silence
des ombres de nos corps tressés
                                                    de fièvre pâle
de nos chagrins vieillis dans la rue coutumière
où nous passons
                          nous les vivants
                                                  chargés
                                                  de ronce noire
 
ah
tant de ronce à brûler dans cet hiver sans cause
que nous perdons le sens de vivre
                                      de croitre dans la fleur
de la nuit la plus dense au grand rêve étoilé
où je nomme une source
                                        où chante un autre moi
qui poursuit son chemin de tanière en tanière
                                    de lumière en lumière
de la neige à la source à la vague à l’étoile
 
mon arme est une vague
quelque vague inconnue de la plage où je rêve
aller loin de ce temps de lèpre et de silence
 
ne plus se taire
ouvrir la fleur fermée de gel
vider la plaie
ouvrir la source claire où mon ancêtre pleure
en plus de sa plus haute image
son destin de racines
 
ne plus se taire
marcher
            de joie en joie
                                   aller de larme en perle
 
ne plus se taire
guérir du mal de ne pas vivre
guérir de toute honte
         de toute haine
         de toute lèpre humaine
ne plus se rendre au chant de la ténèbre triste
ne plus se rendre au mal qui multiplie ses ruses
et tente en nous le lieu où dresser la potence
où nous serons pendus
                                    hors du bonheur de vivre
 
*
 
veiller
veiller
présence jamais lasse
dans l’étoile acronyque
dans la neige inventée pour chasser la laideur
 
veiller
          l’espoir a notre taille
étoile et sentinelle au plus haut du rempart
où je veille en silence
à dessiller les yeux pour confondre les peurs
à nuire à l’ombre triste où je me crois fantôme
 
à luire
          enfant de lune atroce
          couleur de sang martyr
espoir
à notre taille d’arbre
où l’oiseau tisse un chant azur brutal et beau
qui nous charge d’espace à l’instant de mourir
à l’instant nu
où je veille en silence et songe à vous
                                             à vous
                                             d’étrange rive
qui rampez sous la terre au lieu de haine triste
où nous fûmes parfois sans courage et sans feinte
le couteau dans la gorge et la nuit aux racines
 
ma dernière arme est une larme
sur une fleur au teint de sang
 
 
 
 
83  ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
vous qui venez vers moi chargés de trouble absence
quelle tendresse d’algue en fuite vers l’ enfance
quelle explosion de fleur au creux de l’ espérance
que cherchez vous
que fouinez vous chez nous ô fumeurs de cafards
                                         ô lécheurs de  crapauds 
que croyez vous trouver dans ma journée funèbre
hormis l’ennui l’ herbe brûlée
                                          la peur
                                                      le froid de vivrre
la neige noire et la tristesse
des jours bleus de fatigue où nous sommes parqués
 
que cherchez vous
de quelle ombre de haine et de lumière aveugle
de quel chagrin d’étoile
venez vous de me surprendre au lieu nu de l’absence
dans la nuit sans couleur où je ronge mes liens
                                     où je veille en secret
dans la peur de l’hiver qui s’ouvre devant moi
comme une maison noire
                                     pavée de glace
                                     et barreaudée de pluie
O solitude
compagne à la main froide
que je retrouve au soir dant le vin des étoiles
amour bleu qui s ‘ énonce épouse amère et douce
amour bleu d’ amertume absence où je me pense
terre ètrange où la mort efface en moi les rêves
et tue
            l’ herbe tranquille où le printemps se tait
terre étrange où chanter sonne comme un tocsin
 
alarme
alarme
alarme
racine étoile et source un homme clair se pense
patrie marâtre
terre au soleil menteur
                      jachère
                                   un homme clair se pense
pierre ancrée dans la nuit
au même endroit du port où nul soleil n’ accoste
où nul vaisseau n’ apporte ses chansons d’ amour
 
alarme
un homme clair se pense
                                       jour défait de monsonge
arbre écorcé
vivre mortel à feindre au coeur de l’ nnocent
vivre sanglant et noir dessous nos turpitudes
                                            nos salissures
où nu sous la pluie de gel qui soude nos paupières
nu sous la nuit de fer qui brise les phalanges
 
un homme clair se pense
                                     absent
                                     sans nul autre visage
que mourir dans la pierre où se défont les mains
 
*
 
l’oiseau qui scintillait au fil de l’aube grave
trépigne dans mon sang
                                    et chante
                                    halte au coeur de midi
 
halte au coeur de midi
au beau milieu du jour sous l’arbre de lumière
qui livre aux moissonneurs lassés
fraicheur de source qui s’ éveille
dans la paume des mains halte au coeur de midi
 
je me souviens
un champ de blé la terre un coin de ciel paisible
un cri d’ oiseau
une eau calme qui chante
dans le creux de l’enfance où même l’amertume
était soyeuse comme une aile
le vent me racontait ses rêves
comme un ami
ses mains sur mon visage
sa danse et ses chansons
du pain
dans la maison des pauvres
 
toute chose était mienne
la haie luisait
comme un ruisseau d’ épines
nous rêvions en silence à l’ombre de notre arbre
tout un printemps
perdu dans la compagne étrange
un vrai printemps fou de lumière
                                                et des chansons
qui remontaient le temps
 
le soir tombé brisait le songe
 
*
 
je me souviens
sous le gel du silence
où dorment les oiseaux menteurs
un homme clair dormait
comme un caillou brisé hors du dernier chemin
 
sous le gel du silence
un peuple juste et bon comme semence heureuse
veillait
plein de lui même
mais impatient de vivre
impatient d’être enfin blondeur de céréales
à faire perdre au jour son singulier prestige
 
mais le gel restait dur comme une baillonnette
et l’ innocent dormait loin du réveil coupable
 
la mort usait les yeux pour en ternir la source
le ciel ne parlait plus
le ciel était une eau dormante un étang triste
 
minuit régnait
minuit fermait la ville
          barrait toutes les rues
 
minuit bloquait le temps vivant
nous étions loin
de notre humain langage
pourtant
le coeur parlait au coeur car nous avions à dire
pour dissiper
la brume noire
passée la nuit et la tristesse
des jours gris de terreur où nous étions parqués
 
passée la nuit
il n’est plus que soleil comme un dernier supplice
au monde
où nous pleurons de froid
                          de faim du mépris de soi méme
où nous pleurons
hors de portée de l’aube
                                    au creux
                                    d’un cauchemar ignoble
 
 
je rêve comme un fou songe à briser de démente
sa nuit
son long vertige
la cage où le malheur l’enferme
pour quel envol nouveau sur la route de vivre
 
je suis perdu
          perdu
          dans la nuit carnivore
loin de mon frère de printemps
mon frère triste
comme le vin de certains soirs
perdu
        dans un trou noir où la justice en place
accuse
de lumière et de houille et de printemps vorace
mon pauvre frère aveugle et fou de vivre obscur
loin de mon jour vivant
loin de ma force claire
loin de sa propre image
l’ardente image où la lumière
parle de nous
dans le plus beau langage
 
douceur
où nous fûmes tendresse
                                      amour
                                      printemps sans esclavage
debout
            face à la mort qui dépensait nos forces
            face à la peur qui ligotait nos rêves
            face à la suie qui accablait nos cils
et face au monde où tout se vend
la marchandise et la conscience
 
et puis
des hommes sont venus
chasser
             la mort de nos maisons
             la peur de nos visages
brûler les vieux arbres pourris la loi prescrite
et rendre à l’ homme sa mesure
un jour de plus pour la lumière
 
des hommes sont venus de tous les coins du monde
chanter victoire et joie conquise
                                                de haute lutte
et depuis nous chantons contre la haine absurde
un jour de plus à vivre
dans l’ordre pur où je m’ inscris
 
mais vous
vous qui venez vers moi chargés de trouble absence
 
cherchez
les assassins de l’ aube au masque de tendresse
les traitres sans pardon cachés dans l’ herbe nue
 
chantez
toute terre est à vivre
                                mais nos chemins truqués
de pièges d’ombre aveugle et de terreur ignoble
se croisent dans la nuit comme lianes d’angoisse
et se font peur
d’ être chemins de peine étrange
qui ne vont plus vers la lumière
et se perdent sans bruit loin du printemps serein
où nous prenons racines
                                    au plus froid du silence
pour chanter en secret terre au soleil possible
lumière d’astre en fuite et fertile en tendresse
terre à vivre
 
toute terre est au vivre où nous prenons racines
pour dire
de neige grave et sans mystère
de grand soleil
l’ ombre vague où s’englue le chagrin des étoiles
la pierre fourbe
le poids de nuit menteuse où nous pleurons de froid
l’amour
qui nous oublie
l’espoir qui nous fatigue et ruine nos chansons
                                    et berne le jour calme
chômeur pris de grisaille absurde
qui se frotte les yeux dans la morne habitude
 
et recommense
à se nourrir de haine
à mourir dans la ville où l’en n’embauche plus
les mains de l’étranger
 
terre au soleil en fête ô compagnons d’ivresse
aimez le jour
la terre et ses splendeurs futures
la fleur blessée qui saigne au coeur de l’opprimé
l’ espoir nu qu’on égorge au coeur des pauvres gens
 
aimez
luttez pour votre amour
                                    luttez
                                    pour l’ amitié en fleur
luttez contre l’ outrage
         contre la haine infecte
la mort
qui vous tue à la peine
qui tue
            par la laideur vos rêves fous et tendres
 
faites confiance à la confiance
 
gardez
votre prestige
 
soyez
des camarades
 
faites confiance à la confiance
 
parlez
ne mâchez plus votre silence
comme une herbe de mort au goût de chanvre triste
 
chantez
contre le vent contraire
la nuit
où gisent les cadavres
des meilleurs de nous tous
 
chantez
contre l’ horreur possible
qui heurte tous vos rêves
l’ horreur qui pense avoir raison
de nos printemps
de nos fureurs présentes
 
l’horreur qui nous cotôie bassesse et luxe avare
vernis 
de fausse vie
 
l’horreur qui nous cotoie comme un beau camarade
 
veiilez
sur votre bien
 
toujours vous guette grave
                                        un crime
                                        une ombre qui s’ennuie
 
veillez
sur votre bien
 
changez la vie
changez les yeux ternis en perles
changez la mort
en vie
 
ô compagnons d’ivresse
ne pleurez plus les amours mortes
pleurez
            les hommes nus
qui ne font que tourner sur les plages désertes
où n' aborde aucun rêve
pleurez
           les hommes nus
qui arpentent les rues et les plaies du silence
le coeur troué de nuit
de sourdes trompries
parmi les nains
la peur
de naitre sans chemise
et de mourir pour rien
 
ô compagnons d’ivresse
 
ne pleurez plus les amours mortes
pleurez
            la mort du blé en herbe
            les yeux
            que le mensonge habite
            le jour
                      que l’on pourrit dans la lenteur
            en tous
                       où pourraient naitre des étoiles
 
pleurez
            la source morte au bord de notre ivresse
 
pleurez
            les hommes sans défense
            les hommes sans ivresse
 
construisez de vos mains
construisez
de votre propre argile un monde à votre taille
et méfiez vous
méfiez vous des chansons où votre coeur s’enlise
méfiez vous des médailles
que l’ombre vous propose
 
chantez
tout ce pourquoi
d’amour
de joie
de fruit limpide
de fleur au long parfun
d’espoir au long chemin
 
tout ce pourquoi
nous pauvres gens au siècle amer et trouble
nous sommes brûlés pour trouver un chemin
 
*
 
vous dire
je veux vous dire
nos chansons de ciel pur de franchise et de peine
et nos chansons d’ étoiles mortes
au lieu clair de l’amour
où nous étions
parole
lumière dense et chair vivante
 
hélas
le soleil qui dormait sous la veille poussière
ne s’est pas réveillé dans les yeux de l’esclave
et l’arbre teint de sang
étend sa mort en nous et nous garde en son ombre
où meurt le voeu de vivre
arbre froid de la nuit lianes d’angoisse en nous
 
minuit
silence d’herbe en peine où se défont les astres
ronge l’ombre des corps et nous défend de luire
 
à nous
au pouvoir de phosphore au vivre clair de perles
 
à nous
qui défrichons la nuit pour planteer notre force
en toute chose
en tout espoir
luisant contre mystère et mort
 
au lieu
où je vous dis
de terre et de lumière espiègle
squelette d’arbre triste aux mouvantes racines
 
debout
face au chagrin sans nom des êtres  solitaires
 
un homme parle
et nous entrons au monde armés de joie sereine
heureux
            de mettre à nu la vie et d’inventer pour tous
ce qui nous tient au sang en ce printemps majeur
qui reconnait les siens chasseurs de neige vive
au lieu de nuit
où nous trainons le pas sous le soleil en ruines
 
*
 
ah terre à vivre
terre au printemps majeur terre au soleil vivant
neige ouverte au soleil verdure tendre et nue
source neuve et chanson où la nuit quitte terre
verdure douce au coeur douce au visage en peine
douce à la pierre dure où rêve un beau silence
 
ah terre à vivre
ils sont enfin partis les chasseurs d’hirrondelles
là bas
            hors de l’humain
                                    mourir
                                    au flanc des nostalgies
dans la nuit sans couleur au meurtre mercenaire
dans leur patrie de haine
là bas
            où nous n’avons de place et de tendresse
que pour narguer sans fin
ces chiens et ces ivrognes
qui ne sont plus pour nous
que loques mortes
et spectres nu de honte
vieillesse aride et sans pouvoir
qui traine sa tristesse au long des rues vivantes
où nous passons parfois masqués de neige ardente
 
terre à vivre en secret aux confins de la mort
terre à nourir de sang ivresse au soleil triste
ombre vide où nous guette un feu de mort brutale
au lieu
de tout espoir
 
terre à vivre au grand jour
terre humaine à chanter au grand soleil paissible
où mon frère en puissance étonne tous les siens
et nous rejoint sur terre où la joie nous enivre
et tue
          la vieille haine
sur terre
au beau milieu du jour en notre espoir de neige
où l’oiseau fait son nid dans ma main fraternelle
 
ah terre à vivre
plus d’ordure au visage
plus de force en servage
plus de matraque au front
plus de danse d’esclave
plus de science nocturne
plus de table sans joie de maison sans fenêtres
mais en tout lieu vivant les chansons interdites
                                  les danses du bonheur
l’écho de la lumière en acte
contre le crime obscur
                                    le crime
                                    aux sourdes résonnances
 
partout
ombre lumière et chair un homme ouvre les yeux
et nous ouvre au miroir de son lointain rivage
et nous apprend
                         la terre
                                       et ses volcans de rage
sa tendresse et son herbe où nous aimions dormir
son blé vivant
ses sources de candeur parfaite
ses mains
mains fouilleuses de nuit
mains chaudes de l’asence ronge de sa lèpre
 
ses mains
pièges de songe et de tendresse
 
ombre lumière et chair un homme ouvre les yeux
 
la nuit est à son comble dans nos yeux blessés
la pierre est au plus dur de son ivresse froide
le sang est au plus faible de son rytme épais
la mer est au plus doux de sa chanson sereine
 
lumière
où nous nous retrouvons
hors de ce bruit de source amère
le couteau dans la gorge et la nuit aux racines
 
*
 
vous dire
je veux vous dire
ce qui se passe en nous
la mort
ses pièges de sang de haine et d’impuissance
qui nous troue la poitrine
et nous éteint
braise endormie de nuit dessous la neige hiruste
qui rampe sur nos corps blessés
lassés d’ être au supplice
ce monceau de tristesse
qui bloque toute issue vivante
et nous ferme à la joie qui sourd de toute chose
où nous fûmes sans fin neige et soleil printemps
ombre lumière et chair
la rumeur d’ être en fête
la danse sans entrave et l’ herbe au chemin sûr
 
vous dire
ombre lumière et chair
ce qui se passe en nous brûlés de givre atroce
l’ espoir qui nous déchire
l’ orage d’ombre aveugle où se défont les mains
à l’ heure claire et nue des chevauchées d’ étoiles
 
*
 
vous dire
humaine et sans vertige
                                    la joie
                                    qui nous attend là bas
au beau milieu du jour
non pas
            la cendre froide
où nous étions couchés
                                    fourbus
pris au piège de vivre un jour sans récompense
non pas la boue impure
             la vase où rampent les reptiles
où les saisons du crime
couvrent les jours des pauvres gens
                                                 et font de nous
et de nos liens d’espérance et de sang
des ombres de silence errant au long des soirs
au désert qui nous guette entre vivre et mourir
 
*
 
ce qui se passe en nous ne brouille pas nos yeux
mais les éclaire
et trempe notre force au plus noir de la peine
et nous ramène au temps de nos oiseaux d’écume
 
au temps
de notre juste enfance
où les saisons de croître et de mûrir à l’aise
et de vaincre l’horreur qui sue sur le trottoir
parmi la foule en crue nous font signe de vivre
                                éclairs face au mystère
qui nous ruine d’absence entre vivre et mourir
empreintes du ciel bas qui rouille nos étoiles
et nous vole notre âme
de vigne et de moisson
de seigle et de bras nus et d’espoir en chemin
vers notre lieu de rêve
 
 
où nous saurons  à l’aise
donner un sens humain
                              à notre élan de neige tendre 
siècle habitable et beau
journée à boire au soleil
 
enfance
où nous étions larmes
jeunesse
où nous étions en armes
 
je n’oublie rien
 
j’avance
source en la main vivante
étoile au front
et fleur éclose en la mémoire où l’herbe chante
au lieu grave et serein où la pierre nous garde
 
j’avance
vers la lumière affable
vers l’ herbe millénaire où vivre est un prestige
fleur et diamant blé dur orange et fleur de sang
où l’homme est un visage et non plus un esclave
dans la course sans frein que se font les hivers
 
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