ITINÉRAIRES
&
CONTACTS DE CULTURES

volume 21-22
1° & 2° semestres 1995

Mohammed Dib

UNIVERSITE D'ALGER
Equipe de recherches : Sémiologie du texte littéraire et analyse du discours.

UNIVERSITE PARIS-NORD
Centre d'études littéraires francophones et comparées.

L'HARMATTAN












COMITÉ DE RÉDACTION
Jacqueline ARNAUD (décédée), Jacqueline BLANCART, Charles BONN, Beïda CHIKHI, Claude FILTEAU, Jeanne-Lydie GORÉ, Michel GUERRERO, Jean-Louis JOUBERT, Fernando LAMBERT, Maximilien LAROCHE, Bernard LECHERBONNIER, Bernard MAGNIER, Bernard MOURALIS.

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
Centre d'études littéraires francophones et comparées.
Université Paris-Nord, Avenue J.-B. Clément,
93430 VILLETANEUSE.

RESPONSABLES DE LA PUBLICATION
Charles BONN & Jean-Louis JOUBERT

COORDINATION DE CE NUMÉRO
Charles BONN

DIFFUSION, VENTE, ABONNEMENTS
Editions L'Harmattan, 7, rue de l'école polytechnique,
75005 PARIS.

ISSN : 1157-0342





La photographie de couverture a été choisie par Mohammed Dib lui-même parmi celles de Philippe BORDAS, dans le recueil Tlemcen, ou les lieux de l'écriture. Paris, Revue noire, 1995, 160 p.


Table

Roger FAYOLLE Université Paris-3. 9

Ecrivains, écrits vains ?. 9

Charles BONN Université Paris-Nord. 13

Présentation. 13

Farida BOUALIT Université d'Alger 18

La logique chromatographique de la trilogie Algérie. 18

Guy DUGAS Université de Montpellier 3. 25

Du réalisme descriptif au symbolisme romanesque : Etude d'un fragment de L'Incendie  25

Soumya AMMAR KHODJA Université d’Alger 27

« Le Peuple est le royaume de Dieu... » : Expressions de la religion dans Le Métier à tisser  27

François DESPLANQUES Université de Nice-Sophia Antipolis. 31

Sur deux nouvelles de Dib :  Au Café et Le Talisman. 31

Assia KACEDALI 37

Université d’Alger 37

En quête d’une autre histoire :  Lecture de deux nouvelles :  Naëma disparue et Le Talisman  37

Anne-Marie GUALINO (Beziers) 41

Les Terrasses d’Orsol ou l’indicible appel 41

Saloua BEN ABDA (Paris) 45

Poétique de la traduction dans Neiges de marbre. 45

Denise BRAHIMI Université Paris 7. 49

A propos du Désert sans détour :  la dérision du parapluie. 49

Passerelles & intertextes. 51

Isaac Célestin TCHEHO Université de Ngaoundéré (Cameroun) 53

D’un texte à l’autre : l’écriture itérative en question chez Mohammed Dib. 53

Martine MATHIEU Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3. 57

Mohammed Dib : Errances et pèlerinages. 57

Zineb ALI-BENALI Université d'Alger 63

Arfia revient cette nuit 63

Najeh JEGHAM Angers. 67

Ecriture et création perpétuelle : entre M. Dib et A. Meddeb. 67

Afifa BERERHI    Université d’Alger 71

Aux voix(es) du désert : le Sens. 71

Beïda CHIKHI    Université Paris-Nord. 75

Dans la flamme de l’énigme :  Mohammed Dib et Edmond Jabès. 75

Parole et silence : La rive sauvage. 79

Charles BONN Université Paris-Nord. 81

Les pouvoirs du langage. 81

Mohammed Souheil DIB.. 90

La perspective chronologique dans l’esthétique dibienne. 90

Yamilé GHEBALOU-HARAOUI ADISEM, Université d’Alger 93

La parole-vi(e)sion dans O Vive. 93

Fewzia SARI-MOSTEFA-KARA Université d’Oran. 97

Le cheminement spirituel de l’écriture chez Mohammed Dib. 97

Naget KHADDA Université Paul Valéry (Montpellier 3) 101

Nouveau projet social et métaphore mystique :  A propos du diptyque :  Dieu en barbarie et Le Maître de chasse  101

Bibliographie. 109

Livres de Mohammed Dib. 113

Textes courts, extraits et interviews, dans des recueils et des périodiques. 115

Etudes publiées traitant de l'oeuvre de Mohammed Dib, et anthologies. 121

Travaux universitaires sur l'oeuvre de Mohammed Dib. 125

Articles sur l'oeuvre de Mohammed Dib. 129

Publications du Centre d’Etudes littéraires francophones et comparées (Université Paris-Nord) 147



Roger FAYOLLE
Université Paris-3

Ecrivains, écrits vains ?

Le 16 février 1993, paraissait à Alger le numéro 6 de Ruptures. Cet "hebdomadaire national indépendant" avait été créé, au début du mois précédent, par Tahar Djaout et une petite équipe d'amis journalistes. Leur courageuse ambition était de faire de ce journal "le lieu de rencontre, l'espace d'expression et de débat de tous ceux qui oeuvrent pour une Algérie démocratique, ouverte et plurielle."[1] Un mois et demi après sa fondation, Ruptures considérait comme "un honneur et une consécration" de pouvoir offrir à ses lecteurs le premier texte que Mohammed Dib ait "publié en Algérie depuis son exil". C'était en effet un événement que cette adhésion de l'un des fondateurs de la poésie et du roman algériens au projet de ses jeunes émules : un porte-parole de la génération de l'indépendance tendait la main aux porte-parole d'une nouvelle génération soucieuse de rompre définitivement avec un proche passé calamiteux. Le titre du texte inédit que Dib offrait à Ruptures proposait un jeu de mots homophonique (et une énigme) : ECRIVAINS, ECRITS VAINS. Cet étrange intitulé, le cours tragique de l'Histoire lui a bientôt donné, sinistrement, valeur de prophétie funeste. Vains écrits peut-être, en effet, comme l'affirme Dib, ces oeuvres littéraires publiées en français à Paris par des écrivains maghrébins condamnés au déchirement ou à l'exil. Mais vains écrits aussi, sans doute, ces textes courageux et ces analyses lucides proposés pendant quelques mois par les rédacteurs de Ruptures, qui n'a pas pu survivre à l'assassinat de son directeur, en mai 1993.

Sous ce titre désenchanté, Dib qui, depuis 1952, publie romans et poèmes, a confié à Djaout, dont l'oeuvre, commencée vingt ans plus tard, est restée inachevée, des réflexions sur le problème, si souvent ressassé, du statut de l'écrivain maghrébin de langue française : quel sort est réservé à ces nombreux auteurs algériens, marocains, tunisiens qui, depuis des décennies, ont été amenés à recourir au français pour exprimer leurs rêves ?

Mais, d'abord, qui a pu lire ce texte ? Publié à Alger, il avait comme premier public les intellectuels démocrates qui, depuis des mois, occupent une position intenable au coeur de la société algérienne, entre un pouvoir qui n'a plus d'existence légale, ni même d'existence tout court, sinon par le recours à la répression, et à une organisation rétrograde dont la haine pour tous les méfaits de la modernité prend pour cible tout ce qui leur paraît représentatif de cette modernité : l'étranger européen, le technocrate, le savant, le penseur laïque, etc. En février 1993, ce public vivait à la fois dans l'angoisse du présent et dans l'espoir d'un renouveau. Ruptures était un des rares lieux où pouvait s'esquisser le projet d'un avenir meilleur : "l'Algérie de Djaout vivra !", comme l'affirmera le titre principal du numéro du journal publié après l'assassinat de son directeur. L'on peut se demander quelle place l'article de Dib occupait dans un tel contexte éditorial et social ?

Un universitaire français est-il bien placé pour le faire ? Nous sommes certainement très peu nombreux, en France, à avoir pu lire Ruptures et à connaître cet inédit dibien. Pourtant, il s'adresse également à nous, car l'auteur s'interroge aussi sur la place qu'il occupe aux yeux de ceux qui se font juges de "la littérature française". Il dénonce avec vigueur l'aveuglement et les parti-pris du "Tout-Paris littéraire". Pour peu que nous touchions, de près ou de loin, à ce Tout-Paris-là, nous devons entendre cette voix et essayer de lui faire écho. Mais ce ne peut être sans éprouver un peu de ce sentiment qu'exprimait Aragon quand, en 1961, il préfaçait le premier recueil de poèmes de Dib, Ombre gardienne : "Puis-je de mes yeux français saisir la naissance de la poésie algérienne ? (...) Ces mots sont les nôtres, les miens (mais) je m'étonne de cette hospitalité (...) qui me laisse entrer dans l'intime d'une maison où je me sens une sorte de profanateur". Je pourrais donc dire ici : "Puis-je de mes yeux français" saisir le drame vécu et exprimé en français par un écrivain algérien et par des intellectuels algériens ? Ai-je le droit d'entrer dans cette maison dont je ne puis être qu'un hôte étranger, quelle que soit ma sympathie ? Mais j'aimerais pouvoir ajouter : ne parlons pas de "profanation" car, plus importante que les différences de nos communautés nationales est la ressemblance de nos aspirations qui nous font exprimer, dans la même langue, les mêmes rêves et les mêmes idéaux. Peut-on s'abandonner à la désespérance et croire qu'il ne peut y avoir, de votre côté, que de vains écrits et, du nôtre, que des jugements erronés ? Tâchons de remplacer ce jeu des exclusions réciproques par un effort de redéfinition des frontières qui puisse nous réunir sur un même territoire.

De l'aveu de Dib lui-même, cet article n'a pas été spécialement rédigé pour Ruptures. C'est une suite de réflexions qui "datent de bien avant sa parution" et qui "auraient dû être, à l'impression, séparées par un blanc[2]. Nous en proposerons donc un commentaire, comme s'il s'agissait d'une série de fragments, en essayant toutefois de montrer l'unité de ceux-ci par des rapprochements avec l'ensemble des oeuvres du poète, dans lesquelles apparaissent, de façon récurrente, les thèmes traités ici.

1) Dib commence par évoquer une situation de crise, qui concerne aussi la littérature, et il marque une opposition entre la "littérature parisienne" et la "littérature française". Celle-ci lui semble être épargnée par les difficultés du moment : c'est "la littérature parisienne" qui "ne prospère plus" mais "la littérature française n'y perd rien", riche qu'elle est sans doute d'un héritage divers. Cette première remarque est présentée comme la maxime d'un moraliste ou d'un historien objectif. Elle est aussitôt relativisée et mise au compte d'un acteur qui a un rôle particulier à jouer dans cette affaire : "On voit toujours les choses à sa mesure. Ainsi à la mesure de mon illusion les vois-je." Il s'agit donc bien de l'opinion personnelle de Dib sur la situation actuelle de la littérature écrite par et pour les Parisiens. Il laisse entendre qu'il s'était fait quelque illusion sur la place de la littérature proprement dite dans la bonne société parisienne. N'est pas reconnu comme écrivain celui qui simplement le voudrait parce qu'il pense en avoir manifesté les talents. Il faut d'abord montrer ses papiers. La bonne société existe comme telle, grâce à ses domestiques, qu'elle peut faire venir de loin et dont elle peut payer les services. Un écrivain maghrébin, comme Dib, a d'abord ce caractère d'être radicalement étranger au "Tout-Paris des Lettres" et il a cela de commun avec "les bonnes portugaises" d'être perçu comme un immigré. Circonstance aggravante : un immigré qui ne rend pas de services et qui ose espérer être reçu comme un égal. Le "Tout-Paris des Lettres" le tient donc à l'écart, "loin derrière" les "bonnes portugaises" qui, au moins, sont utiles...

Un rappel, timide, intervient alors : "Le monde va loin, hors des murs de Paris." Dib lui-même, par sa personne et par son oeuvre, n'en apporte-t-il pas la preuve vivante ? "Mais qui, à Paris, le sait ?" Il lui reste une revanche : rappeler au microcosme germanopratin que "le monde ignore beaucoup d'écrivains parisiens". Une fois cette flèche décochée, Dib tire de ces premières remarques une leçon pratique et, d'apparence, simple : "vouloir se faire admettre dans le Tout-Paris des Lettres, pour un écrivain maghrébin, pari stupide." Telle est la conclusion catégorique de cette première séquence. Mais cette conclusion me paraît presque impliquer la renonciation à être un écrivain tout court. Car comment réussir à en devenir vraiment un sans être publié par un éditeur qui procure cette consécration et qui habite "Paris – Rive Gauche" : au mieux dans la célèbre Collection blanche de Gallimard ou, en tout cas, dans la collection qui semble faite pour les Maghrébins : "Méditerranée" aux éditions du Seuil. Dib est passé par là. Depuis quelques années, il a abandonné les éditions du Seuil et – symboliquement – il a échappé à la littérature parisienne pour être publié, de l'autre côté de la Seine, dans "La Bibliothèque arabe" des Editions Sindbad, en plein quartier de la Goutte d'Or... Ce n'est plus là "le Tout-Paris des Lettres" ! Il y a donc plusieurs Paris mais Paris, capitale, est toujours le Paris de la "Complainte" d'Ombre gardienne [3] : "Pour l'exilé, Paris obscur c'est un enfer." Il est resté cette "ville grande comme une planète, (...) s'ouvrant comme seules savent s'ouvrir les forêts, en reculant à mesure, en se dérobant sans cesse... "[4] Y venir, pour un Maghrébin, qu'il soit écrivain, ou manoeuvre, ou chômeur, c'est risquer de n'y être, à tout jamais, qu'"un Habel perdu".

2) Dans une seconde séquence, Dib évoque, aussi abruptement, le vol de la langue française, qu'"ont commis les écrivains maghrébins". C'est une insupportable audace aux yeux des Maîtres-Jurés de la littérature parisienne qui font comme si la langue française était à eux et leur appartenait. Mais quoi ? Le fait est là et, à défaut de pouvoir plus longtemps être considérée comme un larcin, cette pratique littéraire de la langue française par des étrangers d'outre-Méditerranée doit être, aux yeux des Parisiens, interprétée comme un merveilleux cadeau de leur part. Ils attendent donc que "nous les en remerciions". On pourrait en effet citer (mais Dib ne le fait pas) beaucoup d'écrivains francophones de pays anciennement colonisés qui chantent les louanges de la langue française et qui célèbrent ce don du ciel. Observons la même réserve mais chacun saura bien à qui penser. Dib préfère inverser le rapport de débiteur à créancier :

"Mais qui, des uns, devrait remercier les autres ? Et si, parce que nous en mangeons aussi de ce gâteau, nous lui apportions quelque chose de plus, lui donnions un autre goût ? Un goût qu'ils ne lui connaissent pas.".

Simple hypothèse. Car comment les Parisiens pourraient-ils admettre que celui qui, venu du Maghreb, écrit dans leur langue, serait capable de donner à celle-ci de nouveaux pouvoirs et, tel Eïd des Terrasses d'Orsol, de découvrir les secrets de la ville en cherchant à nommer les affreux "habitants de la fosse"[5] ? Dib se garde, ici, de prendre un tel risque. Il se plie, sarcastique, en remerciements ironiques pour ces "prix littéraires qui ne trouvent pas preneurs et dont nous honorent des jurys aussi magnanimes qu'obscurs". Pensons au Prix de Carthage, décerné en 1953 à La Statue de sel de Memmi, au Prix "Encre vive" décerné en 1966 à Khaïr-Eddine pour Faune détériorée, au Prix des "Enfants terribles", décerné à Boudjedra pour La Répudiation, etc, etc. Dib lui-même a reçu, dès 1952, le Prix Fénéon pour La Grande Maison ; en 1961, le Prix René Laporte pour Ombre gardienne ; en 1963, le Prix du Collège poétique de Menton ; en 1966, celui de l'Union des Ecrivains Algériens ; en 1971, celui de l'Académie de Poésie pour l'ensemble de son œuvre, etc, etc. Aussi copieusement pourvu, il sait de quoi il parle... Il feint d'admettre que les grands Prix Littéraires français "ont été, après tout, créés pour les auteurs français" et il s'amuse à imaginer l'Algérie en mesure de décerner l'équivalent d'un Goncourt ou d'un Nobel et peu portée à les attribuer à "tel écrivain français" ou à "tel écrivain suédois". La République des Lettres serait-elle donc condamnée à être compartimentée selon les frontières des Etats ?

3) Dib reprend alors le problème du recours à la langue française par des écrivains du Maghreb, mais en adoptant, cette fois, le point de vue de ceux-ci et non plus celui des critiques parisiens, gardiens de la langue. Il propose à nouveau une maxime de portée générale pour souligner "quel malheur (c'est) que d'écrire dans une autre langue que la sienne". Il appuie cette plainte d'une prière, empruntée à Luther : "Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort !" (Garde-nous, Seigneur, dans ta Parole !). Le lecteur, familier des romans de Dib, reconnaît ici une citation faite dans Neiges de marbre, publié en 1990. Le narrateur de ce roman évoque, lui aussi, un malheur : celui d'être séparé, par le mur de la langue, de sa fillette, Lyyl, qui grandit loin de lui, en Finlande. Il est venu passer quelques semaines auprès d'elle et : "Peu à peu, écrit-il, j'oublie mes craintes et jusqu'à ce mur de la langue dressé entre nous. De même, elle, sans la moindre erreur. Peu à peu, nous nous découvrons une parole commune à travers l'autre, la parole étrangère. Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort. Parole qui nous suffit, nous unit. Il semble inconcevable, en cet instant, qu'une paille puisse aucunement s'y glisser."[6] Chose curieuse, dans le roman, la phrase de Luther semble exprimer un bonheur, celui que le père et la fille éprouvent à se retrouver dans une langue commune, une langue spirituelle, qui transcende les différences entre leurs langues maternelles. Mais sans doute ont-ils accès à celle-ci par les vertus de l'amour. Dans l'article de Ruptures, deux groupes coexistent et s'affrontent. L'un, dominé, a emprunté la langue de l'autre, dominateur. C'est comme si le premier s'était exilé de "la Parole" pour n'adopter que les mots. Mais, en même temps, ce malheur a un prix : "C'est ce malheur-là qui nous fait écrivains." Drame existentiel, culturel et, en quelque sorte, métaphysique. La situation est inverse de celle de Lyyl et de son père. Ceux-ci, enfermés dans leurs langues différentes, accèdent par l'amour à "la Parole" commune. Ecrivains parisiens et écrivains maghrébins se servent de la même langue mais ils restent séparés par une étrangeté radicale : celle de leurs origines et de leur culture. Ils ne sont pas du même pays terrestre et ils ne se cherchent pas une patrie spirituelle commune.

Dib se pose alors une question : son pays peut-il être malheureux d'avoir des écrivains comme lui ? Il ne parvient pas à l'imaginer. Ou bien l'Algérie n'éprouve aucune souffrance d'avoir produit de tels écrivains. Ou bien elle ne se doute même pas qu'il puisse y avoir là un autre motif particulier de souffrance. "Je ne sais ce qui est le pire", conclut Dib : être ignoré de son peuple ou lui être indifférent ? Ici s'esquisse le regret d'une autre rupture : non plus celle qui sépare les écrivains maghrébins des écrivains parisiens, mais celle qui éloigne les  Maghrébins écrivains des autres  Maghrébins.

4) L'auteur semble ici revenir en arrière, comme s'il se faisait à lui-même cette réflexion : "On ne peut exprimer une chose injuste, sans y mettre quelque chose de juste." Qui est "on" ? N'importe qui et, par exemple, ces Français qui reprochent aux écrivains maghrébins de leur avoir "chipé" leur langue. Ils n'ont pas tout à fait tort puisque ce vol les "irrite" et les "dérange". Il ne s'agit plus cette fois du "Tout-Paris des Lettres", mais de "certains Français", assez nombreux pour qu'"à chacune des rencontres (de Dib) avec le public, il s'en trouve un qui (le) prend à partie et qui (le) somme de (se) justifier". Peut-être est-il naturel que ces Français-là soient irrités, mais que peut leur répondre l'écrivain, sinon qu'il lui est "naturel d'écrire en français" ? De quoi devrait-il donc s'excuser auprès de ceux dont il sait parler et écrire – naturellement – la langue ?

Ainsi Dib éprouve-t-il cruellement la condition de l'écrivain maghrébin de langue française, doublement tenu en marge. D'une part, il est une sorte d'émissaire méconnu de son pays d'origine, qui l'ignore ou qui l'a renié ; de l'autre, il n'est guère reconnu dans le pays d'accueil, porté à se scandaliser de la possibilité même d'un tel métissage culturel. Ainsi s'est instaurée une situation d'incompréhension radicale que symbolise, par exemple, dans les premières pages de  Habel, le face-à-face de Habel et de Sabine : celle-ci reproche à celui-là d'être toujours "muet", lui qui, pourtant, "parle à tout ce qu'il voit, rencontre, touche" (Habel, p. 12). Cette irrémédiable impuissance des mots, même lorsqu'ils appartiennent à une même langue, dans l'énorme Babel humaine, Dib n'a jamais cessé de la déplorer, par exemple dans Le Sommeil d'Eve[7], quand il retrace le désarroi de Sohl devant Faïna : "Paroles, paroles, passerelles jetées par-dessus l'abîme. Et d'un abîme à l'autre, la vie en lambeaux" (Le Sommeil d'Eve, p. 175). Et pourtant, sans la nomination des choses, sans la désignation des sentiments, sans l'échange de signes capables d'exprimer le réel et la vie, quels rapports humains sont-ils possibles ? Comment échapper à la solitude ?

5) Cette angoissante question obsède Mohammed Dib dans toute la dernière partie de son article : où rencontrer une communauté ? Y a-t-il un remède à la solitude ? Il s'adresse un instant à lui-même pour faire ce constat : "L'usage de la langue française ne te fait pas rencontrer la communauté française mais aller au devant de toi-même – et de ta solitude". La communauté de langue ne suffit pas à créer une communauté de culture ou d'identité. Peut-être permet-elle au contraire à l'étranger de mieux comprendre à quel point il est, effectivement, un étranger pour ceux dont il pratique la langue. Ils n'ont pourtant jamais semblé exiger qu'il n'utilise leur langue que pour parler de son pays. A-t-on jamais entendu un chroniqueur littéraire réclamer des romanciers maghrébins "qu'ils nous mijotent de bons  tajines bien de chez eux" ? Ne serait-ce pas, en réalité, leur unique attente ? En effet, Tahar Ben Jelloun a obtenu, en 1987, le Prix Goncourt pour La Nuit sacrée sans doute parce qu'il a su, dans ce roman comme dans quelques autres, évoquer ce dont raffolent les lecteurs européens : la condition de la femme maghrébine écrasée sous le poids de la tradition, la fréquentation des hammams, des confessions d'ordre érotique, le tout empreint d'un misérabilisme "oriental"...

Au cours de ces dernières années, la plupart des romanciers du Maghreb ont pourtant signifié leur refus de jouer un tel rôle et de se laisser enfermer dans les frontières de ce Maghreb pour touristes. Dib cite les noms de plusieurs écrivains qui ont délibérément situé leurs oeuvres ailleurs. Il est facile de retrouver là des allusions à  Un Eté à Stockholm (1990) de Khatibi ; au dernier roman d'Assia Djebar qui se situe dans l'Arabie des premiers siècles de l'Islam :  Loin de Médine (1991) ; à  Une Peine à vivre (1991) de Rachid Mimouni, qui emmène son lecteur dans une république bananière d'Afrique noire ; à L'Invention du désert de Tahar Djaout qui, depuis Paris, "rêve du désert africain et arabe" ; à  L'Ange aveugle (1992) de Tahar Ben Jelloun qui nous emmène dans une enquête sur la Mafia en Italie du Sud. Dib n'oublie pas d'évoquer sa propre "trilogie nordique" :  Les Terrasses d'Orsol, Le Sommeil d'Eve, Neiges de marbre (1985-1990), qui ont pour cadre une Finlande réinventée.

Après avoir ainsi donné plusieurs exemples de la capacité des écrivains maghrébins à sortir du cadre de leur pays d'origine, tout comme Le Clézio, Claude Simon, Dominique Fernandez, Sollers, Echenoz, etc (qui ne relèvent pas tous de la "littérature parisienne") savent sortir de France, Mohammed Dib s'inquiète pourtant encore du bien fondé d'une telle entreprise : "Nous n'aurions peut-être pas dû faire ça." Dib lui-même mis à part, les romanciers maghrébins cités sont, en tout cas, vite revenus sur leur continent. Assia Djebar a écrit Chroniques d'un été algérien (1993) pour commenter des photographies prises en divers lieux d'Algérie ; Rachid Mimouni a situé  La Malédiction (1993) dans Alger aujourd'hui ; Tahar Ben Jelloun, avec  L'Homme rompu (1994), a retrouvé le Maroc. Dib, dans Le Désert sans détour (1992) abandonne sans doute la Finlande mais c'est pour égarer deux personnages dignes de Beckett dans un désert indéterminé, loin de toute attache.

6) "Le désir d'enracinement ailleurs se brise de ne jamais rencontrer une communauté." L'exil n'est supportable que s'il permet de se donner d'autres racines. Mais n'est-ce pas là un rêve fou, qu'on ne saurait concevoir sans risques et sans y être forcé ? Habel a été chassé par son frère aîné, qui l'a littéralement arraché aux siens, comme si cela pouvait être sa seule chance d'exister vraiment : "Va, découvre des villes, apprends à connaître les pays. Prodigue ta vie. N'écoute pas notre désir de te garder près de nous, désobéis-nous et pars. Fais de ton existence quelque chose qui te ressemblera. Détache-toi comme notre mère t'a retiré puis détaché d'elle..." (Habel, p. 55). Terrible expérience car, en fait, ainsi déraciné, il a été réduit à "affronter tout nu (...) la solitude, la férocité" (id., p. 37) et il répond à son frère : "Non, je ne serai jamais séparé de vous, Frère, c'est une chose qui n'arrivera pas car elle ne dépend ni de vous, ni de moi ; nous ne pouvons pas échapper l'un à l'autre." (id. p. 57). Dans cette ville étrangère, il est "aux mains des infidèles (...), en un lieu sauvage (...) un monde perdu, des hommes perdus, un Habel perdu." (id. p. 69).

Dans le texte publié par  Ruptures, Dib reprend, avec insistance, ce thème, essentiel dans son oeuvre, du malheur de l'exilé. Tout ce qu'il écrit, en employant la langue de ce pays où il s'est introduit, loin de lui permettre de découvrir d'autres frères, ressemble à un suicide chaque fois renouvelé : "Chaque mot que tu traces sur la page blanche est une balle que tu tires contre toi." Il faut se rendre à l'évidence : l'écrivain maghrébin qui vient en France avec ses romans et ses poèmes écrits en français est tout simplement semblable à "ces bohémiens qui campent aux abords d'une ville et qui sont soupçonnés de voler les poules de l'autochtone." Il sera laissé aux marges et traité comme un Gitan maudit.

En un dernier sursaut, Dib cherche à se rassurer en parlant de cette situation comme si elle était le prix à payer pour être "un écrivain". Quel qu'il soit, celui-ci a intérêt à faire l’expérience du malheur : "le confort n'est pas ce qui convient le mieux à un écrivain." Il ne saurait s'accommoder d'un cocon protecteur. Il semble, soudain, que toute appartenance à une nation ou à une communauté d'idées ou de sentiments, toute recherche d'une identité collective autre que celle que confère la pratique littéraire, soient oubliées ou tenues pour négligeables. Tout écrivain, pour être un écrivain, a besoin de connaître la souffrance initiatrice. Mais celle de l'écrivain maghrébin de langue française est particulièrement profonde et formatrice. Son statut de bohémien est clairement symbolique, puisqu'il "reste là à camper sur le terrain vague d'une langue" dont les autres lui disent qu'elle n'est pas sa langue, alors qu'elle lui donne de merveilleux pouvoirs.

Dib a souvent souligné l'insupportable contradiction dans laquelle le place sa situation d'exilé. Me vient à l'esprit ce qu'il fait dire au narrateur de  Neiges de marbre : "J'ai déjà perdu un pays ; plutôt, le mien m'a perdu. J'en ai cherché un qui veuille m'adopter» (p. 166) et, plus loin : "Je cherche toujours une terre où placer ensemble mes deux pieds, ne pas en avoir un ici et l'autre là ; où allonger mon corps avec une pierre sur laquelle je puisse poser ma tête. Sois en ce bas-monde comme un étranger, cela s'est dit. Moi, je cherche une terre qui veuille de moi» (p. 170). Dans de tels propos, il est tentant de deviner la voix de Dib lui-même. Mais cette désolante expérience qui le retranche du jeu social se trouve précisément être celle qui fait de lui un véritable écrivain. Comme c'est le cas pour Habel ou pour Eïd (des Terrasses d'Orsol), sa situation d'immigré lui donne vocation à nommer ce que les autres ignorent ou cachent. Campant "sur le terrain vague d'une langue", il est celui qui "marche au bord des ténèbres du monde" (Les Terrasses d'Orsol, p. 9) et qui s'est donné pour dangereuse mission de les dissiper. Etranger, sans attache, il peut, mieux que quiconque, recourir à l'écriture pour "apprivoiser ou, au moins, tenter de le faire, la parole et la vie" (Neiges de marbre, p. 67) qui, autrement, s'enlisent dans la banalité du quotidien et dans une obscure insignifiance.

Cela ne suffit pas à le rendre heureux et la quête de son identité d'homme n'en reste pas moins désespérante. D'autres poètes ont connu le même désespoir, en d'autres temps et en d'autres lieux que le Paris du XXème siècle, si cruel pour le Maghrébin exilé. Dib conclut son article par une citation de Rilke, qui a souvent déclaré que l'artiste n'a de patrie qu'en lui-même, en particulier dans la huitième des Elégies de Duino :

"Nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement quelque part... C'est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine, pour y naître après coup et chaque jour plus définitivement".

Notre auteur avoue n'avoir jamais "rien lu de plus désespéré que ces lignes". Mais n'a-t-il pas lui-même multiplié d'aussi désespérants aveux sur l'impossible ou interminable quête de l'identité, qu'il s'agisse d'une origine à inventer ou d'un nom à découvrir ? Songeons, par exemple, à ce qu'il fait dire au Musicien ivre dans Les Terrasses d'Orsol : "Le nom que tu portes, ce n'est pas ton nom. Vous le savez tous (...) que votre nom n'est pas votre vrai nom, que vous en avez un autre (...) Votre vrai nom, c'est celui que vous emportez avec vous dans la tombe» (p. 151). Du moins cette angoisse est-elle partagée par de nombreux poètes qui, pourtant, ignorent cette souffrance particulière d'écrire dans une autre langue que leur langue maternelle. Dans sa quête hors du champ de la littérature française, Dib a rencontré Rilke ; il aurait pu en rencontrer d'autres, comme l'Espagnol Machado disant : "Il n'y a pas de chemin (...). C'est en marchant que vous tracerez votre chemin." Par delà les frontières artificiellement fixées dans le temps et dans l'espace, Dib n'échappe-t-il pas ainsi au malheur de ne jamais "rencontrer une communauté", deux fois évoqué dans ce bref article ? Sans doute la communauté des artistes n'est-elle qu'une communauté idéale et n'apporte-t-elle pas une vraie fraternité vivante. Mais...

Dans cette chronique désolée où Dib aspire à rompre avec la malédiction de la solitude née de l'abandon du pays d'origine et du rejet du pays d'accueil, peut-être appelle-t-il de ses voeux une Algérie nouvelle où l'on ne soit plus maudit d'avoir emprunté la langue de l'Autre et d'avoir le tort de vivre chez l'Autre. Y a-t-il une fatalité d'une telle malédiction ? Etre un grand écrivain parmi beaucoup d'autres, d'origines diverses, cela ne permet-il pas d'y échapper ? Treize ans après, Dib n'a-t-il pas entendu ce qu'écrivait Mohammed Khaïr-Eddine, rendant compte du recueil de poèmes Feu, beau feu [8] ?

"Les écrivains maghrébins sont aujourd'hui parvenus à cette croisée de chemins où le choix réel n'est plus celui de l'expression dans cette langue ou dans cette autre, mais l'existence même d'une expression active. Doivent-ils continuer à se torturer mentalement ? Ou doivent-ils, une fois pour toutes, entrer dans la danse d'où leur intransigeance notoire les a exclus ? Doivent-ils considérer toujours leur perdition comme une fin en soi, comme un aboutissement, ou doivent-ils cesser carrément de hurler et travailler comme les autres ? Non ! Ces écrivains isolés politiquement sont tenus de reparler autrement(...). Leur errance est due essentiellement à la mauvaise gestion de leur talent. Ce n'est pas un problème de culture, c'est une affaire de civilisation... Ce pays si vide et si cruellement pressuré, si peu maître de soi, comment en arrive-t-il à nier ses potentialités, ses créations et sa structure historique ? Dib est conscient de cette dangereuse situation. C'est pourquoi il écrit encore et il s'exile ici à son corps défendant.".

Ecrits vains ? Est-il possible de se résigner à l'emploi d'une telle épithète ? Ce serait renoncer à être un écrivain.

Janvier 1994


Charles BONN
Université Paris-Nord

Présentation

L’œuvre de Mohammed Dib est à la fois une des plus anciennes de la littérature algérienne francophone, et une de celles qui marquent encore le plus profondément l’actualité brûlante de ces toutes dernières années. Considéré comme un des fondateurs de cette littérature dès les années 50, Mohammed Dib s’inscrit en même temps dans les débats les plus tragiques du présent, comme le montre le texte liminaire de Roger Fayolle avec lequel on a tenu à ouvrir cet ensemble.

Cette double résonance de cette œuvre est due au fait que Mohammed Dib est sans nul doute le plus grand écrivain maghrébin de langue française. Pourtant la connaissance qu'en a le public n'est pas à la hauteur de l'importance qui est la sienne : il est connu surtout à partir de ses trois premiers romans, écrits dans le contexte des débuts de la Guerre d'Algérie, alors que l'essentiel de son oeuvre a été publié plus tard, à partir de 1962. Il est vrai que cette oeuvre exigeante s'est développée au fil des ans en changeant parfois de "manière", et que rien ne déconcerte autant une critique pressée. D'ailleurs cette critique n'est-elle pas, trente ans après l'Indépendance de l'Algérie, en partie tétanisée par un passé colonial français lorsqu'elle se penche sur des écrivains algériens, passé colonial qui empêche dès lors de lire leurs textes comme de simples textes littéraires ?

Mohammed Dib est né le 21 juillet 1920 à Tlemcen. Après avoir exercé divers métiers, il est en 1950-51 journaliste à Alger-Républicain. Cet environnement militant explique en partie l'écriture de ses trois premiers romans publiés, La Grande Maison (1952), L'Incendie (1954) et Le Métier à tisser (1957), trilogie qui décrit l'Algérie colonisée et la lente prise de conscience progressiste. Ecriture qualifiée souvent abusivement de réaliste, même si cette tonalité y est dominante. L'itinéraire-prétexte du jeune héros Omar lui permet en effet de donner à voir successivement la misère urbaine, les premiers soulèvements de paysans dans les campagnes et l'apprentissage du prolétariat dans la petite industrie naissante. Mais ces trois romans, jamais manichéens, révèlent aussi à une lecture plus attentive cette préoccupation des pouvoirs de la parole qui ne cessera de hanter l'écrivain à mesure que son écriture mûrira.

D'ailleurs dès cette époque Dib écrit d'une manière plus personnelle des textes moins connus, dont la veine dominera lorsqu'après avoir été expulsé d'Algérie en 1959 il publiera des recueils poétiques de plus en plus exigeants (Ombre gardienne, 1961 ; Formulaires, 1970 ; Omneros, 1975 ; Feu, beau feu, 1979 ; O Vive, 1987.). En 1962, le roman Qui se souvient de la mer est une peinture de la guerre qui choisit délibérément le fantastique plutôt que le réalisme pour suggérer l'horreur, cependant qu'en 1964 Cours sur la rive sauvage développe la quête initiatique autour de laquelle se construit en partie le volet non-réaliste de cette oeuvre, et qu'on retrouvera dans La Danse du roi (1968), Dieu en Barbarie (1970), Le Maître de Chasse (1973), Habel (1977), Les Terrasses d'Orsol (1985), ou Le Sommeil d'Eve (1989).

Pourtant ces textes sont aussi une interrogation angoissée sur la modernité. Modernité d'une Algérie à l'identité problématique dans les trois premiers : La Danse du roi nous questionne sur la possibilité de dire la mémoire et sur le décalage de ceux qu'habite un passé envahissant dans une modernité amnésique ou faussaire. Dieu en Barbarie et Le Maître de Chasse radicalisent ce doute sur la légitimité d'une modernité technocratique : non pas dénonciation politique, mais questionnement sur les pouvoirs de la parole et de l'action, même pétrie de bonnes intentions. Habel va encore plus loin, introduisant de plus une subtile variation sur l'exil dans la grande ville européenne et sur la marge où la folie fascine.

C'est sur cette "Rive sauvage" que se placent délibérément les romans récents de Mohammed Dib, jusqu'au sombre dépouillement de Neiges de marbre (1990), où l'autobiographie est presque directe, ou de Le Désert sans détour (1992). L'amour, la folie et l'écriture vont souvent de pair dans cette oeuvre, jusqu'à l'hallucination dans la poésie ou dans Habel, Les Terrasses d'Orsol ou encore Le Sommeil d'Eve, cependant que dans leur prolongement, Neiges de marbre et L'Infante maure (1994) sont redécouverte émerveillée et tragique à la fois de l'enfance et de la paternité, qui l'une et l'autre ne sont données que dans leur perte. Et si certains pourront lire Le Désert sans détour en rapport avec ce traumatisme dans les rapports entre l'Occident et le Monde Arabe que fut la Guerre du Golfe, alors même que le texte était écrit avant cette dernière, c’est qu’il en suggère indirectement les résonances les plus profondes : les résonances existentielles. Là encore on en revient à cette question fondamentale de toute l'oeuvre de Mohammed Dib : celle des Pouvoirs de la Parole, qui conditionne tout simplement, à travers celui de l'écrivain, le statut de l'humanité toute entière dans son rapport avec le réel, le Monde, c'est-à-dire la Vie.

*

Autant dire que l’œuvre de Dib attend encore que la critique s’en fasse l’écho à la mesure de l’importance capitale qui est la sienne. Il y a de toute évidence une sorte de timidité des chercheurs devant une œuvre aussi capitale. Peut-être parce que l’écrivain s’est parfois ingénié, probablement à son insu, à dérouter les critiques ? Un roman (et un titre) comme Habel, par exemple et parmi d’autres, a pu ainsi être interprété de façons multiples et chaque fois réductrices, parce que chacun ne voit dans la polysémie de textes où diverses cultures se croisent et se complètent, où l’actualité n’est jamais absente mais est à chaque fois mise en perspective neuve, qu’un aspect d’un univers infiniment complexe et simple à la fois, comme l’est la réalité qui nous entoure, laquelle ne pourra jamais être épuisée par un système d’explication quel qu’il soit. Le cas du Désert sans détour qu’on peut tout à fait lire en rapport avec la Guerre du Golfe alors qu’il avait été écrit bien avant, et ce sans que cette lecture soit fausse pour autant, est un autre exemple de cette polysémie d’une écriture trop riche pour être réduite à un seul schéma d’explication, même et surtout s’il provient d’un horizon idéologique que l’auteur ne renierait pas.

C’est probablement parce qu’elle fut parmi celles qui fondèrent, dès les années 50 et peu avant le début de la guerre d’Algérie, cette littérature maghrébine qui s’est tant développée depuis malgré tous les mauvais augures, que l’œuvre de Mohammed Dib est si souvent encore réduite à sa première trilogie « Algérie », composée de La grande Maison, L’Incendie et Le Métier à tisser. Pis : à un seul aspect de cette trilogie : un réalisme engagé dont on découvre depuis quelques années seulement qu’il convient de le relativiser. La grande Maison vient encore d’être réédité en collection de poche en 1996, et figure en extraits dans tous les manuels, tant algériens que français ou d’ailleurs. Une étude de la réception de l’œuvre de Dib pourrait montrer que si cette trilogie « Algérie », trop hâtivement qualifiée de « réaliste », semblait combler dans les années cinquante des critiques militants anticolonialistes, ces mêmes critiques ne trouvant plus dans les textes ultérieurs de l’auteur l’illustration de leurs solidarités politiques passées, s’en détournent pour laisser la place à d’autres lectures, plus diversifiées. Comme si la sympathie politique empêchait de reconnaître la dimension véritablement littéraire de ces textes. Il faut dire que peu d’oeuvres littéraires sont aussi peu réductibles que celle de Dib à des schémas préétablis, ne serait-ce que parce que l’écrivain change perpétuellement de « manière ».

Il était donc temps, alors que les lectures à partir de souvenirs militants de la guerre d’Algérie commencent à faire long feu sans être pour autant inexactes, et qu’en même temps l’actualité politique algérienne est redevenue sanglante, comme si ce pays était condamné à une sorte de fatalité de l’horreur, de proposer au public et aux chercheurs un ensemble de lectures de l’œuvre de Dib dont certaines consolident des voies déjà explorées, et dont d’autres proposent des approches carrément nouvelles. L’idée de cet ensemble avait été lancée il y a plusieurs années déjà. De multiples aléas, parmi lesquels le moindre ne fut pas le très grand nombre de textes reçus, nous ont fait retarder cette publication d’un peu plus d’un an. Il n’est jamais facile d’éliminer des textes, dont certains étaient néanmoins de qualité mais ne s’inséraient pas dans la logique d’ensemble de ce numéro.

*

On commencera par une rapide relecture de l'itinéraire de Mohammed Dib écrivain, en insistant sur des textes peut-être moins souvent abordés que les romans les plus connus, ceux de la trilogie "Algérie", ou bien en proposant de celle-ci, comme le fait l’étude de Farida Boualit, une lecture nouvelle ou inhabituelle. Sur la trilogie encore, Guy Dugas nous propose ensuite une lecture d’un passage précis de L’Incendie, cependant que Soumya Ammar-Khodja rétablit le lien de cette trilogie avec un des éléments de l’actualité algérienne de nos jours, la religion, dans le troisième roman de la trilogie, qui est aussi le moins étudié. Si dans ces trois premières études la célèbre trilogie trouve des lectures nouvelles, on s’attache ensuite à des aspects déjà moins balisés de l’œuvre de Dib : François Desplanques nous invite à redécouvrir Dib nouvelliste, dans deux textes bien connus et pourtant différents : Au Café et Le Talisman. Après quoi Assia Kacedali nous propose une lecture politique de deux nouvelles du second recueil. De ces oeuvres déjà anciennes de l’écrivain, on passe ensuite à trois textes parmi les plus récents : Une présentation générale des Terrasses d’Orsol par Anne-Marie Gualino, suivie de l’étude d’un thème plus précis et fort peu traité jusqu’ici, la poétique de la traduction dans Neiges de marbre. Denise Brahimi introduit enfin sur une note humoristique le Désert sans détour, auquel seront consacrées plusieurs études plus graves dans les parties suivantes. On remarquera que cette première partie semble ignorer les textes des années soixante et soixante-dix : c’est que ces textes font l’objet d’études posant des problèmes plus généraux sur l’ensemble de l’œuvre, comme parmi d’autres l’étude de Naget Khadda sur le diptyque Dieu en Barbarie et Le Maître de chasse avec lequel on clôt la troisième partie.

La deuxième partie de cet ensemble, même si elle prend souvent pour point de départ des textes précis de Mohammed Dib, les lit sous l’angle d’une double intertextualité. Si à la différence de Kateb redonnant vie d’une œuvre à l’autre aux mêmes personnages, nourrissant ainsi par un vaste jeu d’échos une mythologie unique, Mohammed Dib fait se succéder les expériences littéraires nouvelles, d’une œuvre à l’autre ou d’un cycle à l’autre, il n’en reste pas moins vrai que même différentes, ses oeuvres sont le plus souvent tissées de manière subtile de tout un réseau de renvois, ou peuvent encore se lire chacune de manière d’autant plus riche qu’on la met en relation parfois inattendue avec les autres. C’est ce que montrent d’abord ici les études de Isaac-Célestin Tcheho et de Martine Mathieu. Cette dernière voit en particulier dans le Désert sans détour une sorte de texte emblématique de l’ensemble de l’œuvre de l’écrivain. Les études suivantes de cette deuxième partie développent des comparaisons avec des textes d’autres écrivains en fonction à chaque fois d’un aspect essentiel de l’œuvre de Dib, qui permettent ainsi d’enrichir notre lecture de cette dernière. Zineb Ali-Benali lit le personnage d’Arfia ( La Danse du roi et  Mille Hourras pour une gueuse) en rapport avec une nouvelle bien connue de l’écrivain algérien de langue arabe Tahar Ouettar. Najeh Jegham quant à lui montre un travail comparable sur l’écriture chez Dib et chez Meddeb, ce que systématise ensuite l’étude d’Afifa Bererhi. De plus l’un et l’autre partent du Désert sans détour, texte sur lequel le présent ensemble peut ainsi également constituer une sorte de dossier. Cette réflexion à plusieurs voix sur écriture, désert, mystique et intertextualité dans des textes plus récents de Mohammed Dib se termine enfin par l’étude plus synthétique de Beïda Chikhi, qui met dans cette optique l’ensemble de l’œuvre de Dib en rapport avec celle de Jabès, dont on sait que l’apport est essentiel chez notre écrivain. De plus le travail de Beïda Chikhi dépasse la seule intertextualité duelle, pour convoquer aussi d’autres écrivains maghrébins actuels, et elle apporte ainsi à cette deuxième partie une synthèse finale qui introduit également la réflexion sur les pouvoirs du langage à laquelle est consacrée la troisième partie.

J’ouvre cette troisième partie, en ce qui me concerne, par un texte-programme sur les pouvoirs du langage, qui reprend en grande partie en l’actualisant ce que je disais déjà dans mon livre sur Mohammed Dib publié en Algérie en 1988[9] : ce livre avait été en effet fort mal diffusé, avant de devenir introuvable. Il était pour ainsi-dire mort-né. Or j’y avais développé une approche synthétique de l’œuvre de Mohammed Dib qui reste la mienne, à laquelle je tiens, et que je n’avais plus dès lors qu’à actualiser quelque peu pour la faire enfin connaître. J’ai été de plus très heureux de voir que l’écrivain Mohammed Souheil Dib avait grandement appuyé un de mes arguments majeurs lors du colloque de Tlemcen. Toute modestie mise à part, j’ai donc trouvé que son texte, plus récent, complétait et illustrait fort bien ce que je dis dans ce texte-programme, et il m’a semblé judicieux de les rassembler ici.

Le texte de Yamilé Ghebalou qui suit développe avec justesse une réflexion trop rare encore sur la poésie de Dib, que l’auteur considère pourtant avec raison comme plus importante que ses romans, mais qui effraie encore plus la plupart des critiques, tant il est vrai aussi que la critique de la littérature maghrébine de langue française a toujours privilégié le roman, c’est-à-dire un genre somme toute importé, au détriment de la poésie qui trouve bien plus sa place dans la grande tradition littéraire arabe, même si celle de Dib est universelle.

Parole, écriture, spiritualité sont chez Dib indissociables. La plupart des articles de ce recueil l’auront montré, particulièrement dans sa deuxième moitié. Or l’un des intérêts de cette association et de cette comparaison, alors qu’on sait quelle triste actualité l’islamisme est en train de conquérir, est de souligner combien la spiritualité liée chez Dib à l’expérience d’écriture en ce qu’elle a d’extrême, ne peut se prêter à des amalgames hâtifs et sectaires. Bien au contraire, alors qu’on assassine les écrivains, la parole essentielle de Dib, plutôt que d’ignorer une spiritualité que des obscurantistes voudraient réduire à leur prosélytisme, en développe la dimension d’universalité et de progressisme. On a donc terminé ce recueil d’articles par des textes de synthèse des deux spécialistes de Dib les plus reconnues, Fewzia Sari et Naget Khadda. Et c’est volontairement qu’on clôt cet ensemble par celui de cette dernière, qui montre dans Dieu en Barbarie et Le Maître de chasse le courage politique de cet écrivain fondamental, auquel était déjà consacré le texte liminaire de Roger Fayolle.

Grâce à notre banque de données Limag, tenue à jour en permanence par la Coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines, autour de l’Université Paris-Nord, on a pu pour finir publier ici la plus importante bibliographie consacrée jusqu’ici à l’œuvre de Mohammed Dib. S’il est relativement facile en effet de signaler les livres publiés par cet auteur ou les études publiées traitant de son oeuvre, il l’est déjà moins de relever comme on l’a fait ici les thèses qui lui sont totalement ou partiellement consacrées. On en a probablement omis plus d’une, qui figurent parfois dans la banque de données mais dont l’index, si le nom de Dib ne figurait pas dans le titre, ne le comportait pas non plus. Quant aux articles, tant ceux de Mohammed Dib que ceux qu’on a écrits sur lui, il est évident qu’on est loin ici d’être exhaustif, ne serait-ce qu’à cause des multiples aléas d’un travail de collecte collectif. Mais rien n’empêche les lecteurs qui constateront des erreurs ou des omissions de me les signaler : ils contribueront ainsi à un travail de longue haleine qui ne sera d’ailleurs jamais terminé...

NB. Quatre des textes qui composent cet ensemble, ceux de Zineb Ali-Benali, de Mohammed Souheil Dib, d’Assia Kacedali et de Fouzia Sari, ont été dits au colloque organisé à Tlemcen en décembre 1992 par l’Association culturelle Ahbab Cheikh Larbi Ben Sari. On tient à remercier ici Mme Benmansour de nous avoir autorisés à les publier.


D’une œuvre à l’autre :
Petite chronologie


Farida BOUALIT
Université d'Alger

La logique chromatographique
de la trilogie Algérie

Dans le contexte culturel algérien, Mohammed Dib est une figure de référence unique en son genre comme le prouve la réception de ses oeuvres dès les années cinquante.

En effet et du point de vue de la littérature dite d'expression française de cette période, Mohammed Dib a été perçu comme celui qui a concilié, en un équilibre heureux, éthique et esthétique dans le sens d'une attente comblée. En comparaison, à cette époque et même plus tard, Mouloud Feraoun et Mouloud Mammeri ont été lus comme péchant par l'éthique (à tort ou à raison, la question est en train d'être envisagée par la critique qui se soucie davantage aujourd'hui de la valeur littéraire de leurs oeuvres) : ils ont été taxés, souvent sans nuance, d'écrivains assimilationnistes sans cependant être identifiés aux écrivains algériens des années vingt qui l'étaient, du moins de façon moins contestable. Quant à Kateb Yacine, il aurait péché par l'esthétique : il a certes été "jugé" fascinant mais surtout illisible. Le nom de Mohammed Dib est donc entouré d'une aura à la constitution de laquelle participe activement cette conciliation d'une activité artistique et d'une histoire qui lui donne(rait) explicitement sens. D'ailleurs les commentaires affichés en quatrième de couverture des trois romans de la trilogie Algérie programment de façon évidente leur lecture idéologique.

Cet équilibre a été en outre largement investi par la critique universitaire. Naget Khadda a analysé dans une thèse de troisième cycle (publiée en 1983) ce qui, dans un rapport de détermination, est l'esthétique d'une éthique[10]. Charles Bonn, dans un ouvrage édité en 1988, a mis au jour la coalescence de l'esthétique et de l'éthique dibiennes à travers l'exploration de la notion hybride d'"écriture idéologique"[11]. Enfin Beïda Chikhi, pour ne citer que les chercheurs spécialistes de Mohammed Dib les plus connus, a étudié, également dans une thèse de troisième cycle (publiée en 1989), la stratégie symbolique de la relation au monde de l'esthétique dibienne dans sa tentative de se dégager de l'optique réaliste[12].

Pour notre part, la question que nous posons à la trilogie Algérie est celle de son programme chromatographique envisagé dans sa confrontation à cet équilibre caractéristique de l'écriture de Mohammed Dib. Précisons au passage que nous avons forgé la notion de chromatographie pour appréhender la double activité du signe de couleur en texte indépendamment de son indexation préalable au sens, qu'il relève de l'illusion référentielle (réduction de la chromatographie à la chromatique dans une visée simplement descriptive) et / ou de l'illusion sémantique (réduction à une sémiologie préétablie des couleurs).

La prise en compte de cette double activité de la chromatographie, signifiante et signifiée, autorise la conception d'une socio-poétique de la couleur à même d'impliquer une prise sur le monde qui est son enjeu décisif. Ainsi, venue du hors-texte au texte, la couleur textuelle marquée par ce passage engendre du sens : elle participe de l'inconscient social du texte ordonné par un projet idéologique inhérent à ce texte[13].

Nous dirons par conséquent, mais d'une manière qui peut sembler abrupte dans cet espace restreint, qu'ayant à la fois un statut social et un statut littéraire, la chromatographie dans la trilogie de Mohammed Dib est toute désignée pour signifier la manière dont l'oeuvre inscrit son rapport aux circonstances de l'époque comprise entre 1939/1941 (fortement thématisée) et le début des années cinquante (période d'écriture et de publication).

L'articulation de l'oeuvre au social, dans le contexte diégétique (et extra-diégétique) de la colonisation est travaillée par la question primordiale du devenir algérien qui se dessine dans le processus de textualisation d'un projet idéologique auquel participe la chromatographie. Pour se convaincre de la pertinence des conclusions de l'analyse chromatographique, il faut avant tout préciser que la question de son programme est sollicitée par les oeuvres retenues : à la faveur de la rigueur de certains parallélismes, des éléments diégétiquement marqués connaissent systématiquement deux états antagonistes, celui de la couleur et celui de la non-couleur qui n'est pas absence de couleur mais sa syncope dans des situations symptomatiques.

En effet, la mise en focus de cette duplicité se réalise, à chaque fois, à travers une scène emblématique qui la révèle. Cette scène concerne un événement qui sur le plan de la diégèse est singulier, d'amplitude faible ; statut narratif d'autant plus distinctif que cette scène entretient des rapports étroits avec un événement itératif, à forte amplitude. Au niveau chromatographique, cette scène singulière représente l'expérience ultime de la couleur textuelle en l'un de ses deux pôles (couleur ou non-couleur) en tant qu'il convoque explicitement l'autre, conjoncturellement exclu.

Nous avons, pour son exemplarité, exploité une scène mettant en jeu une substance qui occupe une place de choix en tant que mot-thème dans la trilogie, à savoir "le pain", substance nourrissante obsessionnelle dans les trois romans. Cette scène est constituée de l'arrivée du "panier" providentiel qui atterrit littéralement au milieu de la "chambre" de la famille de Omar hantée par "le vieux problème du pain" (La Grande Maison, p. 157) ; elle est représentative de l'ordre non-couleur vs couleur. Une seconde scène convoque le même personnage, Omar, transportant sur son dos des "écheveaux de laine" (Le Métier à tisser, p. 79) et illustre le pôle couleur vs non-couleur mais nous ne faisons que la citer pour étayer notre thèse avant d'introduire notre lecture de l'épisode de l'incendie.

L'achromie chronique de la quotidienneté

La première scène est en effet exceptionnelle du point de vue de la narration parce qu'au plan de la diégèse ce "panier", pour la seule et unique fois, vient combler le besoin de manger de cette famille. Cette scène est d'autant plus significative qu'elle engage un microcosme social composé de tous ceux qui "ne mangent pas à leur faim".

Le caractère providentiel du contenu du "panier" motive son hyperbolisation par le biais de plusieurs facteurs : sa consécration par les membres de la famille et pour finir par toute la communauté de Dar Sbitar qui "vivait le drame d'un peuple déchiré" (L'Incendie, p. 152) ; son impact sur le cours des événements puisqu'il influe positivement sur les relations familiales auparavant tendues (La Grande Maison, p. 163) ; ses proportions "gigantisées" (La Grande Maison, p. 156) ; le mystère entretenu de sa provenance surtout pour le lecteur informé après Aïni (La Grande Maison, p. 158) ; sa valeur distinctive : il s'oppose, contenu et contenant, au "couffin" (contigu) de Aïni qui "n'a jamais eu de panier comme celui-ci" (La Grande Maison, p. 156) ; ce "panier » partage en effet avec le "couffin" la même unité spatio-temporelle (signifiante et signifiée) : à quatre pages de celle consacrée à l'apparition du "panier", le même jour ("ce jour-là"), Omar "revenait à la maison" accompagné de sa mère, "un couffin au bras contenant des herbes, des légumes avariés qu'il avait ramassés entre les étals du marché" (La Grande Maison, p. 152) ; par ailleurs, cet acte de "ramassage" est itératif puisque "cette besogne, il devait l'accomplir quotidiennement, en sortant, à onze heures, de l'école" (La Grande Maison, p. 153). On en déduit donc que les repas quotidiens se composent de ces "légumes avariés" tandis que les "richesses" que contient le "panier" et qui "étaient chez eux, (qui) étaient à eux" (La Grande Maison, p. 157) sont "extra-ordinaires".

Cependant, ce "panier" est d'abord et surtout saisi dans sa dimension métonymique (de contenant) puisqu'il est principalement destiné à satisfaire le regard de ceux qui ne l'ont pas encore "vu" : "Ma, Ma, Viens voir"/"Regarde de tes yeux" (La Grande Maison, p. 155), "Elle nous dit de nous dépêcher d'aller voir. Eh bien, allons voir" (La Grande Maison, p. 156), "Regarde, Ma" (La Grande Maison, p. 157). Omar et Aïni sont ainsi sollicités non en tant que simples observateurs mais en tant que témoins oculaires impliqués dans la matérialisation d'un désir commun à toute la famille : manger à sa faim grâce cette "abondance" qui reste cependant dans le "panier". Cet aspect est intéressant pour notre démonstration d'autant que le personnage étranger à la famille (Zina, voisine et amie de Aïni), élu pour accomplir le même acte de témoignage, oppose à son objet un déni révélateur : "A peine franchit-elle le seuil : -Tu vois, lui dit Aïni./-Je vois quoi ? demanda la voisine » (La Grande Maison, p. 161). Cette interrogation met au jour ce qui, en mimétisme du regard, a manqué à ce "drôle de panier" pour qu'il "crève les yeux" : la description de son contenu (au-delà du simple inventaire). En effet, les substantifs inhérents aux substances qui remplissent le "panier", qui sont pourtant énumérées et réénumérées en l'espace de quelques lignes (par exemples : "pommes de terre" cinq fois, "viande"/"viaaaande !" quatre fois, etc.), ne reçoivent au niveau lexical aucune expansion qualificative.

De cette absence de la description, en ce qu'elle consiste en cette expansion et en ce qu'elle implique le regard, de l'absence également de la prise en charge par le narrateur de cette énumération (le soin en est laissé aux personnages), on conclut que ce qui importe du point de vue (exclusif) de ceux qui en parlent c'est la substance dans son être de nourriture et non son paraître. Ainsi, l'adjectif qualificatif, qui n'est qu'accident de la substance, est en quelque sorte évincé de la providence, élective du substantiel. On est alors autorisé à penser que la voisine Zina, exclue de cette providence alors que, comme Aïni, elle "sue pour faire vivre (ses) enfants" (La Grande Maison, p. 60), ne peut "voir" ce qui vaut non d'être vu mais d'être mangé (mais qui n'est pas pour elle). Ces conclusions initiées sur le plan syntaxique sont confrontées au plan diégétique : Ce contenu n'est, de façon explicite, ni déballé, ni accommodé, ni consommé. Le lecteur ne connaîtra pas le plaisir (ou la satisfaction) qu'aurait pu éprouver cette famille à manger ces "richesses" abondantes. Ce n'est pas le cas pour ce qu'il en reste au bout de trois jours et qui n'est plus à même de rassasier : "Eh bien, justement, ce jour-là il y avait quelque chose à manger : une poignée de riz (...). Il y avait aussi des légumes ; il en restait de ceux que le cousin Mustapha avait apportés trois jours plus tôt" (La Grande Maison, p. 168). L'"abondance", cependant, n'est déjà plus qu'un souvenir : "La terrine aurait pu tenir dans le creux des mains. Et ils étaient six" (La Grande Maison, p. 175). Ainsi, cet événement qui bouscule positivement la quotidienneté est traité de façon elliptique et, à la faveur de cette paralipse[14], la jonction entre l'exception et le quotidien est assurée sans rupture. Par conséquent, l'écriture exploite ce qui rapproche et non ce qui sépare. De ce fait, aussi providentielles que soient ces "richesses", elles offrent des similitudes significatives avec tous les légumes qui composent l'ordinaire de la famille de Omar dans les trois romans de la trilogie : convoités et conjoncturellement accessibles ou non convoités et quotidiennement accessibles, les légumes signalés dans la "chambre" familiale sont mis en texte dans leur fonction nourrissante exclusive de leur "paraître" littéralement superficiel.

Pourtant, dans un autre contexte que celui de cette "chambre" et dans un autre état d'esprit d'un même personnage (Omar), le superficiel de substances isotopes de "légumes" devient substantiel : "Il retourna dans la foule qui emplissait les rues. (...) Lampes à carbure et ampoules électriques accrochées en festons tout au long des trottoirs par les marchands de fruits éclairaient des éventaires qui ruisselaient de couleurs vives et appétissantes" (Le Métier à tisser, p. 166).

Sous la lumière mobilisée pour les mettre en valeur, les "couleurs"-substances qui émanent des « éventaires » par « ruissellement » mettent en appétit. Or, « appétissant » est un trait inhérent du contenu du "panier" soumis, comme les "éventaires", au regard d'Omar sans pour cela que ses couleurs soient textualisées. On peut donc déjà constater par association que l'un des éléments descriptifs qui font défaut à la mise en texte des "richesses" du "panier" est vraisemblablement celui de leurs couleurs. Un autre exemple va permettre d'affiner cette déduction : "Les garçons (Omar et ses compagnons de Bni Boublen-le-haut) s'en allèrent rôder ailleurs. Ils cueillirent des mûres sur les haies vives et les mangèrent en frissonnant dans l'ombre des fossés : ces fruits sauvages distillaient un jus acide sur la langue. Les drupes des pruniers, blancs, rouges, violacés, tombaient en une écoeurante profusion. Ils en emportèrent une provision dans de larges feuilles de figuier." (L'Incendie, p. 23).

La "profusion" de ces fruits colorés est d'autant plus répulsive que ceux-ci s'opposent aux "fabuleuses cerises" immédiatement en aval : "Mais les fabuleuses cerises, celles qui chargeaient les branches dans les champs des colons, excitèrent leur envie" (p. 23). Convoité mais inaccessible, ce fruit défendu reste un fruit de légende interdit même au regard : "Quelques-uns proposèrent de franchir les clôtures. Omar s'y opposa" (p. 23). La distance des "drupes des pruniers" à leur équivalent sémantique "cerises", terme issu du même générique, est celle qui sépare le réel "écoeurant", dont on fait "provision", de l'irréel "fabuleux", luxe plus qu'inaccessible.

Cependant, avant d'en déduire un quelconque théorème quant aux valeurs inhérentes à cette distribution de la couleur, il faut encore convoquer deux autres situations qui impliquent l'actualisation de "fruit".

Ainsi, dans le même contexte spatial que celui des "drupes" (colorées) et des "fabuleuses cerises" (sans être ni paraître réels) contiguës, apparaissent d'autres drupes : celles de la récolte exceptionnelle de Bni Boublen-le-haut : "Et les cerises ! Et les bigarreaux ! Ah ! c'était une belle saison. La récolte avait été fameuse. Dans les familles des cultivateurs, on en mangea même, des cerises piquées, entamées par les oiseaux, qu'on ne pouvait porter sur le marché. (...) Kara songea aux olives. (...) Bochnak, Ben Youb...faisaient les mêmes comptes dans la chambre noire de leur coeur" (L'Incendie, p. 99-100). Ici le fruit (non coloré), lorsqu'il n'est pas avarié et de ce fait réservé à l'autoconsommation, est un luxe dont les cultivateurs, qui "mangeaient et vivaient pauvrement" (L'Incendie, p. 100), ne jouissent pas directement : il est converti en valeur marchande et il est important de noter que cette opération de conversion se décide dans une "chambre noire" (même métaphorique).

Et enfin nous relèverons une ultime mise en texte de "fruit" qui concerne celui (non coloré) que reçoit parfois Omar à Dar Sbitar en échange de menus services rendus à la voisine (La Grande Maison, p. 9.) ou celui (également non coloré) qu'apportait quelquefois tante Hasna parmi des "quignons de pain rassis" (L'Incendie, p. 162).

La mise en parallèle de tous les énoncés cités permet de mettre au jour leur structure chiasmique induisant différentes combinaisons de quatre pôles dont dépend l'actualisation de la couleur ou sa syncope :       

 

 (1) OBSCURITÉ

 

/

 (2) LUMIÈRE

 
 

 á

ã

ä

á

 
 

 â

å

æ

â

 
 

 (3) ACCESSIBILITÉ

 

/

 (4) INACCESSIBILITÉ

 

.

a) 1 x 4= non-couleur (cf. fruits des cultivateurs : luxe convoîté mais destiné à la vente / les « cerises légendaires des colons » auraient leur place ici).

b) 2 x 3= couleur (cf. « drupes des pruniers » valence négative).

c) 1 x 3= non-couleur (cf. « fruits sauvages », non convoîtés, mangés « dans l’ombre des fossés »).

d) 2 x 4= couleur (cf. « éventaires » : contenu convoîté : valence positive).

Concernant les substances répertoriées dans ces équations, l'inaccessibilité de certaines d'entre elles est relative comparée à celle des "fabuleuses cerises" qui est absolue et leur possible acquisition par le "vol" le confirme.

Il s'agit à présent de soumettre le "panier" providentiel à l'épreuve de la configuration représentée ci-dessus : son contenu, appétissant comme celui des "éventaires qui ruisselaient de couleurs vives et appétissantes", est abondant comme les "drupes des pruniers" qui "tombaient en une écoeurante profusion" ; ce mouvement de chute se lit comme la traduction littérale de celui, métaphorique du "panier" : "(Aïni) se demandait probablement d'où leur tombait tout cela" (La Grande Maison, p. 157).

Pourtant, malgré ces similitudes, aucune couleur ne lui est attribuée. En cela, le contenu du "panier" est semblable aux "mûres" séparées des "haies vives" pour être mangées "dans l'ombre" et aux fruits-marchandises évalués "dans la chambre noire (des) coeurs". Au vu de ces connexions, il s'avère que pour le "panier" le pôle accessibilité/inaccessibilité n'est pertinent que dans son ambivalence : en tant que providentiel, il est l'exception accessible au moins une fois. Par contre, le pôle obscurité/lumière fortement thématisé dans la scène du "panier" permet de justifier la syncope de la couleur. En effet, à l'instar des "mûres" et des fruits des cultivateurs destinés à la vente, le "panier" est plongé dans le noir pendant qu'il était désigné pour être "vu" : Omar et sa mère qui devaient le "regarder" sont, paradoxalement, atteints de cécité : "Après l'intense réverbération de la cour, leurs yeux ne distinguèrent plus rien dans la pénombre qui noyait la pièce. Ils furent plongés dans une eau noire et reposante. L'éblouissement du dehors les aveuglait encore" (La Grande Maison, p. 155).

Ce "noir", couleur-substance, n'est en fait qu'une nuance de l'obscurité-substance constitutive de cette chambre : de jour comme de nuit (même sous l'éclairage électrique), été comme hiver, cet espace dysphorique ne se départit pas de son obscurité inhérente et ce dans les trois romans : "La lumière d'une ampoule électrique sans abat-jour, accrochée au plafond, trouait la nuit" (La Grande Maison, p. 113)/"De larges taches d'humidité rampaient au plafond et sur les murs, dévorant le crépi de chaux. Au travers, suintait l'ombre, eût-on dit, qui s'accumulait dans la chambre" (Le Métier à tisser, p. 37).

Ce rapport à l'obscurité englobante du "panier" et du "couffin" justifie leur jonction au point de la non-couleur. On peut dès lors conclure que cette obscurité, dysphorique, est dans tous les cas exclusive des couleurs (nous rappelons qu'il s'agit des couleurs qui qualifient la substance et non de celles dont le statut est de la déterminer comme dans "piment rouge" synonyme de "piment de Cayenne"). Ainsi, la "chambre" obscure (dénotative), la "chambre noire (des) coeurs" (métaphorique) et "l'ombre des fossés" (spatialisée grâce à la préposition "dans") s'inscrivent dans une logique chromatographique qui évacue les couleurs ; ceci que la substance qui la présuppose soit ou non accessible.

En regard de la lumière, le phénomène est plus nuancé : si la substance est non convoitée et accessible, sa couleur est franchement répulsive ; si la substance est à la fois convoitée et inaccessible, sa couleur est actualisée et souvent dans une forme emphatique.

Pour le second cas de figure, la valeur d'inaccessibilité, révélée (au sens chimique) par l'actualisation de la couleur, dépasse le seul type de la substance alimentaire. Il en est ainsi du changement de statut de certains personnages entraînant une série de mutations qui touchent à la contiguïté spatiale et aux relations intersubjectives. Nous citerons deux exemples :

– Zhor, la compagne de jeu de Omar : sa tenue vestimentaire, notamment sa "tunique", maintes fois mise en lumière lors de scènes baptisées par la critique "initiation érotique du jeune Omar", n'a jamais été décrite du point de vue de sa couleur sauf, lorsqu'après son mariage Omar ne l'aperçoit plus qu'à distance lors de visites qu'elle rend à sa mère : "Zhor, il l'entrevoyait seulement de loin, l'espace d'un éclair, en tunique de soie rose et avec des boucles d'oreilles d'or. Qu'elle avait changé !" (Le Métier à tisser, p. 43).Le luxe de la substance ("soie"/"or") combiné à la couleur ("rose"/"or") qui implique la mise au jour du sème /lumière/ de l'"éclair", participent de l'inaccessibilité de Zhor du point de vue d’Omar.

– Mama, la soeur de Zhor, dont le mariage coïncide avec son départ de Dar Sbitar, est ainsi décrite en ce jour d'exception : "Ce jour-là, en dépit de sa gentillesse, elle avait été inaccessible, ornée d'or fin et peinte" (L'Incendie, p. 11-12).

Dans les deux cas, la couleur, signe d'inaccessibilité, participe du luxe que symbolise l'"or". Dès lors, elle constitue le seul contact possible avec son objet-substance lequel, à défaut d'être proche ou acquis, s'appréhende du regard à l'instar des "éventaires" sus-cités. Par ailleurs, ces deux exemples présentent l'intérêt de la caution explicite du critère d'accessibilité/inaccessibilité quant à la logique chromatographique du texte de la trilogie. De cette façon, les "richesses" du "panier", acquises (elles "étaient à eux") ne pouvaient pas également, selon ce paramètre, recevoir l'attribut de la couleur. Nous affirmerons donc, d'une part que le quotidien des communautés engagées dans les différents énoncés exploités jusqu'ici est frappé d'achromie et, d'autre part que, s'il l'est, c'est parce qu'il est dysphorique et par conséquent incompatible avec le luxe dont la couleur signe l'éloignement.

Pour mettre davantage l'accent sur l'incompatibilité symptomatique de la couleur avec l'obscurité, signalons que dans Le Métier à tisser le phénomène est encore plus évident. L'"atelier"/"cave"/"soupirail" ne se départit jamais de son obscurité dysphorique, comme la "chambre" de Aïni, et la "laine", qui fait sa raison d'être en tant que matière d'oeuvre, ne reçoit jamais d'attribut de couleur. Or, lors d'un événement singulatif qui se déroule à "la fontaine du Lion", cette même laine subit le traitement inverse : "des échevaux de laine aussi grands que lui (Omar) le revêtaient de la tête aux pieds d'une plantureuse fourrure qui dégouttait de couleurs acides et crues, rouge, jaune, vert, indigo..» (p. 79).

L'hyperbolisation des "échevaux de laine", "aussi grands que lui", s'effectue sur le modèle, en amont, de celle du "panier", "aussi grand qu'elle" (Mériem), que l'énoncé convoque par association. Ce même énoncé convoque également, par association, les "fruits sauvages (qui) distillaient un jus acide" (par le biais de "dégouttait de couleurs acides"), les "drupes des pruniers, blancs, rouges, violacés, (qui) tombaient en une écoeurante profusion" (les "écheveaux" sont thématisés dans le sens du sème/salissure/isotope d'"écoeurante" d'autant que "la foule s'écartait" au passage de Omar en protestant) et, enfin, des "éventaires qui ruisselaient de couleurs vives et appétissantes" (le verbe "dégoutter" est isotope de "ruisseler").

L'espace nous manque pour suivre la production de sens de ces différents parallélismes dont le soulignement ne vaut ici que pour appuyer la thèse d'un programme chromatographique de la trilogie lisible à la faveur d'une écriture/lecture paradigmatique. Nous retiendrons simplement que l'opération de focalisation chromatographique qui touche les "écheveaux de laine" est d'autant plus évidente qu'ils se décolorent en quelque sorte dès qu'est franchi le seuil de l'"atelier" où il est arrivé qu'"il fit subitement si noir (...) qu'on ne s'y aventura plus qu'à l'aveuglette" (p. 29), tout comme dans la "chambre" de la famille de Omar.

En outre, cette obscurité de l'espace fonctionne comme la caution diégétique de la valeur symbolique de "noir" associée au désespoir des principales catégories sociales qui composent la société de la trilogie :

– "Le désespoir d'Aïni provenait d'autre chose... (...)." Même notre pain est noir comme est noire la nuit qui nous entoure"" (Le Métier à tisser, p. 40). A ces mots de Aïni font écho ceux de Hamedouch face aux autres ouvriers-tisserands (comme lui), une dizaine de pages en aval :

– "Nous avons connu, c'est possible, quelques instants de bonheur. Mais à côté de ça, que de jours noirs" (p. 52).

Aïni et l'ouvrier-tisserand parlent comme Ba Dedouche, le fellah de Bni Boublen inférieur qui "parle bien" en s'adressant aux autres fellahs : -"Si  notre pain est noir, si  notre vie est noire, ce sont eux (les colons) qui nous les font ainsi" (L'Incendie., p. 39).

La superposition de "Pain noir"/"nuit noire"/"jours noirs"/"vie noire" est plus que crédible puisque les groupes sociaux qu'elle implique vivent tous dans l'obscurité (même les fellahs "nichaient dans les trous de la montagne" La Grande Maison, p. 123) et que ce "pain noir", symbole de la subsistance, est aussi un objet diégétique substantiel : "pain noir", synonyme de "pain bis", opposé à "pain blanc" synonyme de "pain français", est celui que consomment régulièrement toutes les couches sociales de l'entité textuelle "peuple algérien". De ce fait, "pain noir" contribue à déterminer un "être ensemble" de "l'homme algérien".

Le triomphe illusoire du "rouge" (de l'espoir) sur le noir (du désespoir)

Si le texte dibien invite à la lecture de son programme chromatographique, il exige, pour sa fiabilité, que soit prise en compte la scène, emblématique par excellence, de l'incendie à laquelle il s'identifie.

Cette scène (L'Incendie, p. 127-130) constitue en effet le seul moment où la couleur ("rouge") triomphe magistralement (cf. procédés de transformation d'emphase) de la "nuit"/"ciel sombre"/"brouillards nocturnes" grâce à son "immense brasier", ses "flammes sanglantes", ses "torches magnifiques". Ce moment, investi symboliquement d'une éthique de l'espoir porté par "une volonté de révolte incommensurable" (p. 131), est le lieu générateur de métaphores inhérentes telle que celle du phoénix qui renaît de ses cendres : "Le monde où ils étaient enracinés, dont ils étaient une parcelle vive, allait définitivement mourir pour renaître différent. A cette heure trouble où tout s'écroulait, où la voie à laquelle ils étaient habitués, bouchée d'un seul coup devenait impraticable, celle de l'avenir s'ouvrait" (L'Incendie, p. 135). Le sens de cet "avenir" est délivré quelques pages en aval : c'est le retour à la "lumière pour ceux, par conséquent, supposés vivre dans l'obscurité : ""Ils chassent les nôtres de la lumière, de la terre qu'ils cultivent"" dit Commandar (p. 141), l'homme de la "parole brûlante et douce".

En outre, le "feu", purificateur ("incendie propre, qui avait nettoyé l'emplacement"), annonciateur du "jour de la Résurrection" pour ces désespérés de l'ombre, est relayé un peu plus en aval de l'incendie, par un autre genre de feu qui purifie à son tour la ville de Tlemcen en des termes quasi identiques à ceux réservés au "feu" de Bni Boublen : "Le dur et sombre hiver de Tlemcen, brûlant comme un glaçon, n'allait se déclarer qu'en fin janvier (...). En attendant, un embrasement furieux entreprenait sa marche, en triomphe, d'arbre en arbre, et chaque arbre était une torche vivante. Les vieilles pierres de la cité, elles-mêmes, se vêtirent de clartés rouges. Puis se résorbant dans sa propre ardeur, le feu tomba. Tout s'épura dans cette incandescence et, dès lors, chaque trait du pays se dessina à travers la netteté lumineuse d'une atmosphère de douceur, dans une couleur enfin reposée" (L'Incendie, p. 144-145).

Cependant, l'espace de "couleur enfin reposée" et son "atmosphère de douceur" sont de courte durée puisque, quelques pages en aval, un espace et une atmosphère contraires se substituent à eux : "une atmosphère d'orage pesait sur Tlemcen"/"La nuit était tombée sur ce monde" (celui de Omar et des "siens")/"maintenant la nuit s'accumulait à la nuit ; cette grande torpeur anéantissait tout ce qui aspirait à vivre" (L'Incendie, p. 151). Cette contiguïté de l'espoir et du désespoir, valable aussi pour l'incendie de Bni Boublen, suscite la question primordiale du devenir de l'espoir plus que menacé par le désespoir. En d'autres termes, le "rouge" de la "Résurrection" serait-il inaccessible parce que l'espoir attaché au devenir de l'"homme algérien" n'est en fait dans le texte qu'une pétition de principe ?

La question à laquelle répond le programme chromatographique ne peut être traitée de façon exhaustive parce qu'il faut étudier dans le détail la distribution des trois couleurs qui l'engage en tant qu'elles sont mises en jeu dans la scène de l'incendie : "noir"/"sombre" (cf. "ciel"-"nuit"), "rouge" associé à l'expérience combinée du "feu" et du "sang", "gris" (le résidu de l'incendie est « un petit tas gris de cendre et de charbon »-le jour de l’incendie "la contrée avait son visage des jours néfastes, un gris de deuil revêtait cette matinée"). Nous nous contenterons donc de bribes de réponses en nous limitant à quelques situations caractéristiques situées en aval de l'incendie et impliquant des personnages censés être porteurs d'espoir.

Le premier d'entre eux est le militant Hamid Saraj. Ce préposé à l'espoir est fait prisonnier et enfermé dans un camp. Les conséquences de son enfermement sont mesurées par le personnage principal, Omar, à la fin du dernier roman de la trilogie : "Omar pensa ensuite à Hamid Saraj. Depuis que celui-ci avait été enfermé dans un camp, on eût dit que la voix de tout un peuple s'était tue. On ne voyait plus que des foules muettes, et qui avaient peur" (Le Métier à tisser, p. 202). Mais au moment de son emprisonnement, quelques pages en amont de l'incendie, il fut torturé avant de se réveiller dans "une horrible cellule" dont les murs sont "de couleur grise" et "son coeur calciné comme un charbon découvrait des points obscurs, frais" (p. 123). La couleur de la cellule, les "coins obscurs" de ce "coeur calciné", associés au résidu de l'incendie de tous les espoirs qu'ils convoquent, ne l'aident apparemment pas à recouvrer l'usage de l'instrument de l'espoir : la parole (politique). De toute façon, cette parole, même recouvrée, aurait eu une portée limitée : "Il (Omar) se souvint de Saraj et, avec lui, d'autres ouvriers. Leur langage, Omar s'en rendait compte maintenant, eût semblé un idiome étranger au jugement d'un Hamedouch" (Le Métier à tisser, p. 181).

Omar, lui-même, qui suit un parcours initiatique, devrait être le premier candidat à l'espoir. Or, à la fin du troisième roman de la trilogie, devant le spectacle des mendiants auquel "il s'arracha péniblement", il profère (et ce n'est pas la pemière fois) la formule-type du désespoir : "Trop tard...Trop tard", répéta-t-il, ne sachant pour quelle raison il disait cela" (p. 200) ; cette suspension de sens est révélatrice de ce que ce "trop tard" n'est pas inhérent à une situation en particulier ; cela ne signifie pas pour autant qu'il est sans objet mais qu'il est plutôt de tous les objets. Notons que Omar, qui désespère ainsi, vit "entre les murs gris" de Dar Sbitar (La Grande Maison, p. 69), espace souvent assimilé à une prison (sur le modèle de la "cellule" de Hamid Saraj) et son visage est "gris" à l'instar de celui des autres locataires dont "les visages, à la maison, se creusaient, devenaient plus gris" (La Grande Maison, p. 149). Il arrive également qu'il ait de la "cendre" dans la bouche, "cette cendre des longues heures où il n'avait eu aucun aliment" (La Grande Maison, p. 50).

Ainsi, ce qui, en association avec l'incendie (le "gris" des "cendres" de la renaissance), aurait pu le prédisposer à l'espoir, participe au contraire de son désespoir. Ce désespoir dans lequel la trilogie est immergée emportera peut-être davantage l'adhésion au regard de l'événement le plus remarquable en aval de l'incendie : l'apparition des "mendiants". De surcroît, ceux-ci constituent moins une réalité diégétique qu'une figure esthétique, support du projet éthique quant au devenir algérien en texte.

Ces "mendiants", indifférenciés, "silhouettes" aux contours imprécis, sont désignés à plusieurs reprises comme le miroir sans complaisance de la réalité de la société qu'ils côtoient. Or, ils semblent directement engendrés par l'incendie : "Dans toutes les rues déambulaient leurs silhouettes mal ficelées, grises et sales. C'était là (devant les magasins) qu'ils s'enracinaient et s'éteignaient comme des brandons exténués. (...) Ces nouveaux mendiants ne donnaient même pas de la voix" (Le Métier à tisser, p. 13-14)/ »Une cendre froide saupoudrait ces êtres sans identité » (Le Métier à tisser, p. 17). On constate en effet que ces "silhouettes", éteintes "comme des brandons exténués", "grises", saupoudrées de "cendre froide", sont données à lire comme les résidus de l'incendie dont ils gomment jusqu'à la velléité d'espoir. Plus précisément, ils constituent la figure du compromis qu'inscrit le texte entre le désespoir ("noir") et l'espoir ("rouge") que ces mendiants, muets, le plus souvent "immobiles", "indifférents", qui semblaient "hors de ce monde", n'éprouvent ni ne peuvent éprouver.

Nous finirons sur leur "gris" qui se révèle être celui du statu quo qui ordonne l'inconscient du texte. Nous sommes autorisée à parler de l'inconscient du texte parce que "gris", comme les autres mots de couleur sont de façon quasi exclusive des mots du narrateur, aptes de ce fait à signifier l'idéologie du texte (que nous ne confondons pas avec celle de l'auteur) quant au devenir algérien pendant la colonisation.

Ainsi, entre l'éthique du désespoir auquel on n'est pas résolu et l'éthique de l'espoir qui ne dépasse pas la profession de foi, la chromatographie réalise le "gris" qui n'est ni le "noir" de l'un, ni le "rouge" de l'autre. Sa double détermination, "gris de cendre"/"gris de deuil", le fait tenir des deux à la fois.

Le texte n'ignore cependant pas la configuration chromatographique idéale de l'espoir telle que suggérée par l'incendie : "rouge" (du feu) renaissant du "gris" (des cendres) qu'il évince : "Le henné allumait ses cheveux (ceux de Aïni) qui eussent dû être gris" (La Grande Maison, p. 75). Cette expérience, unique et dérisoire au regard de l'espoir d'un "peuple", a tout de même le mérite de signifier l'impossibilité de sa réalisation au lieu où elle est attendue.

Et c'est peut-être cette oscillation incessante entre deux pôles contradictoires, dont "gris" assure chromatographiquement l'équilibre, qui est à l'origine de la réception particulière de la trilogie Algérie et de son assignation à une place de choix dans l'ensemble de la littérature algérienne (voire maghrébine) dite d'expression française. L'effet de lecture, s'il venait à être analysé, pourrait bien être déterminé par l'habileté du texte à faire douter de ce dont il est convaincu (les raisons de désespérer) et à faire croire à ce dont il doute (l'espoir, présent sous des formes plus chimériques que symboliques : un incendie trop grand pour être vrai, un cheval (blanc) qui vole (trop haut)).


Guy DUGAS
Université de Montpellier 3

Du réalisme descriptif
au symbolisme romanesque :
Etude d'un fragment de L'Incendie

Notre étude portera sur la description qui ouvre le chapitre XXXVI de L'Incendie, c'est à dire le dernier. Il s'agit des pages 179-180 dans l'édition originale (181-182 dans l'édition de poche). Commentaire de texte limité qui tendra à démontrer qu'au delà du "réalisme populiste", à la volonté de témoignage basé sur des faits précis, que l'on s'accorde à reconnaître à la trilogie "Algérie" [J. Déjeux], l'oeuvre de Dib annonce déjà, dès ces premiers romans, la recherche des profondeurs psychologiques et politiques qui caractérise les suivants. C'est dire que l'on se souciera moins de confronter le récit aux événements qui, dit-on [F. Desplanques et J. Déjeux], l'ont inspiré, que de montrer en quoi une description apparemment réaliste est mise si subtilement, et en connivence avec le lecteur, au service du symbolisme romanesque.

Cet exercice, réminiscence d'un cours sur "Le descriptif dans le roman algérien de la première génération", se veut également pédagogique, et peut donc être considéré comme une contribution à l'étude du descriptif dans la littérature maghrébine de langue française, démontrant que Dib a bien entrepris dès ses premiers romans "une série de variations subtiles et savantes à partir du paysage méditerranéen, celui de l'Algérie qui est son pays d'origine" [J. Déjeux].

A l'encontre des lieux communs

L'Incendie, publié en 1954 – c'est à dire au moment précis où se déclenche la lutte armée pour l'Indépendance – évoque des événements antérieurs d'une quinzaine d'années, puisque se déroulant dans l'hiver 1939-40, qui fut effectivement très sombre pour le peuple algérien, sur les plans climatique et politique.

On constate dès la première lecture que cette description d'une région de l'ouest algérien, noyée dans la grisaille et sous une bruine comme on en attend davantage dans la campagne anglaise, va à l'encontre de toute idée reçue d'un Maghreb, terre de soleil et d'oasis, avec Arabes se reposant à l'ombre d'un palmier. L'Incendie a donc ceci de commun avec les romans coloniaux de l'entre-deux-guerres qu'il donne l'impression de se situer bien loin de cette Algérie de carte postale, vulgarisée par la littérature exotique et de voyageurs. Nous verrons néanmoins que ce qui est pour les uns volonté de réalisme sera chez l'autre subversion de cette même volonté.

Mais cette description sinistre de la campagne algérienne va également à l'encontre de celles fournies à l'incipit du roman (comme du reste par la couverture de l'édition de poche, empruntée à un tableau de Delacroix montrant des "Arabes au repos" [titre du tableau] dans un paysage sec et désertique !) où, s'il est question de "terres stériles", c'est du fait de la rareté de l'eau, de la sécheresse et d'"éclaboussures de lumière" conférant malgré tout à la vie quotidienne une certaine sérénité (p. 12)... Il est vrai qu'à ce moment là "nous ne sommes encore qu'en été 1939" (p 8).

Première entrée : Structuration du passage

On note que cette description, limitée à une journée de la vie des fellahs de Bni Boublen, s'organise autour d'une structuration spatio-temporelle marquée :

2.1. Par une chronologie très nette au plan temporel : "six heures", "à huit heures", "vers huit heures, "le soir", "jusqu'à la nuit".

2.2. Au plan spatial, par un va et vient constant intérieur/extérieur : "l'atmosphère", "les maisons", "dehors les chemins", "les lointains", "dans les habitations exiguës", "à l'intérieur des demeures", "hors des murs".

Alors que la temporalité vise à maintenir au sein du passage l'illusion de la réalité comme elle se vit, la spatialité y induit donc une volonté subjective et – on le pressent déjà – probablement symbolique.

Au sein de cette organisation, la nature et les hommes apparaissent étroitement associés, comme le montre une énumération telle que celle-ci : "les arbres dénudés, les étroites maisons, les hommes qui cheminaient au loin dans les champs", au point que se crée, malgré les aspects négatifs de la description, le sentiment d'une forte symbiose entre les terres et ceux qui en vivent.

Mais le procédé va bien au-delà de la simple association lorsque le descripteur évoque ces "journées mélancoliques" d'"êtres sans gaieté" ; ou lorsque, jouant habilement avec la bisémie du terme "horizon", il met en parallèle "les lointains gris et bouchés" du paysage et la "vie sans ouverture, sans horizon" de ceux qui l'habitent (on notera plus loin une autre bisémie du même genre, celle du terme "pays", pouvant être compris au sens géographique comme au sens politique).

2.3. Si bien qu'on ne peut lire que symboliquement ce lent cheminement des paysans vers la nuit : nuit qui selon la structure chronologique adoptée ne manquera certes pas de succéder à la journée ici présentée, mais aussi "nuit coloniale" désespérément prolongée (l'usage de l'imparfait itératif est particulièrement significatif). Par des jeux stylistiques (associatifs, sémantiques et phonétiques) constants, Mohammed Dib semble ne pas vouloir proposer seulement une description d'un paysage physique, mais aussi – et sans doute surtout – un paysage intérieur. Impression qui sera renforcée par l'analyse des indications de formes et de couleurs dans ce fragment.

Deuxième entrée : indications de formes et de couleurs

3.1. A ce niveau également, la tonalité dominante de la description est d'une infinie mélancolie, s'exprimant à travers des indications météorologiques : brouillard, ciel uniformément gris et bruine continuelle, des couleurs monochromes, "assourdies", du blanc au gris, et l'absence de toute forme ou contours bien nets ("supprimait les distances", "invisible", "impalpable"). En somme un paysage noyé de grisaille et de tristesse, "somnolent" dans une misère dont il semble ne jamais pouvoir sortir (Or n'oublions pas notre précédente conclusion, à savoir l'adéquation entre le paysage physique et celui des âmes...).

3.2. Il est néanmoins une phrase qui, faisant nettement rupture avec toutes les impressions, tous les effets dominants précités, oriente notre lecture vers le symbolique :

"Parfois les lointains profonds et bleus se dégageaient ; ils avaient quelque chose d'étrange à certaines heures, surtout le soir : un soleil défait éclairait soudain la contrée, déchirant toutes les nappes blanches et humides, qui s'en allaient en déroute, et le pays se montrait à cette minute dans toute sa force, se dessinait en traits accusés et lumineux que renforçait la venue de l'ombre crépusculaire.".

Il est facile de percevoir dans cette phrase un contraste recherché avec toutes les dominantes du fragment :

Au plan sémantique :

– Nette variation des indications météorologiques (avec apparition du soleil, à valeur symbolique toujours très forte chez Mohammed Dib. Ici l'astre "étrange" se substitue, en positif, aux "flammes sanglantes, d'un sinistre éclat" qu'avait allumées l'incendie qui donne son titre au roman, et dont le narrateur a déjà souligné que "jamais plus il ne s'éteindrait".

– Introduction de formes et de couleurs : « bleu », « éclairait », « traits accusés et lumineux »...

– La temporalité elle-même est brisée : au sein du déroulement monotone et toujours similaire d'une journée saisie à divers moments, on donne ici à voir un instant ("à cette minute"), et plus encore un instant exceptionnel ("parfois").

– Champs sémantiques nouveaux venant contredire la dominante précédente (lumière vs obscurité, force vs faiblesse, combat vs abattement, mouvement vs fixité).

Au plan syntaxique : des phrases nerveuses, de structure simple, et régies par des verbes d'action, qui rompent avec les phrases longues, asyndétées de la description ("les arbres dénudés, si solitaires"), dans lesquelles les procédés d'association, de juxtaposition d'expressions de même construction, ont – comme ici – pour fonction d'éloigner le prédicat d'un verbe, lui-même faible (verbe d'état souvent modélisé (semblait, paraissait, était présumé..), ou verbe à faible valeur d'action (cheminaient, trottaient..).

Au plan phonétique, une phrase également exceptionnelle et une évolution sensible, des consonnes fricatives et voyelles ouvertes récurrentes dans la description, aux occlusives et aux voyelles fermées, ici multipliées (à signaler aussi la présence de hiatus) : "éclairait soudain la contrée, déchirant toutes les nappes blanches et humides, qui s'en allaient en déroute, et le pays se montrait dans toute sa force...".

Conclusion

Comment donc interpréter ce passage ? Les associations, les allusions, les symboles et les multiples jeux sémantiques conduisent naturellement le lecteur attentif à considérer ce paysage de façon métonymique : certes le pays, comme ses habitants, restent noyés dans la misère, la nuit et le désespoir ; certes ils paraissent s'y abandonner, "défaits" et "solitaires"... Mais prenons garde au feu qui couve, et à cet instant où il resurgira, révélant "le pays dans toute sa force", pour vaincre la fatalité et mettre "en déroute" les forces d'asservissement.

Une lecture attentive de ce fragment permet donc d'y déceler une volonté de mise en place d'une stratégie trompeuse d'objectivation du discours[15]. En effet tous les impératifs d'une description réaliste semblent ici réunis – ce qui pourrait passer aussi bien pour un emprunt au réalisme socialiste des milieux que fréquente alors Mohammed Dib (on n'a pas manqué de mettre en relation les événements dont il est question dans ces pages avec ceux qui sont censés les avoir inspirés, ni d'obtenir l'assurance de l'auteur sur son "dire vrai") que pour une souscription au modèle narratif dominant dans l'Algérie de l'immédiat après-guerre, quand la littérature d'auteurs arabo-musulmans peine encore à émerger : celui d'un roman colonial refusant exotisme et couleur locale au prétexte qu'ils sont également trompeurs sur la réalité de la Colonie.

Ce ne sont toutefois là qu'apparences d'un discours dibien magistralement travaillé, qui prétend beaucoup moins donner à voir que suggérer, dans l'ouverture de la fin d'un roman (n'oublions pas que nous sommes à son ultime chapitre). Un discours qui déborde ainsi les cadres établis pour les remettre en cause de l'intérieur, avec la complicité du lecteur, par l'implicite et le symbolisme de la description.

Si bien qu'après une telle lecture, on ne peut qu'être réticent à considérer, comme convenu, l'oeuvre de Mohammed Dib selon trois ou quatre cycles bien distinct, la trilogie Algérie à laquelle appartient L'Incendie participant d'un "cycle réaliste", par opposition aux cycles suivants : cycle "symbolique" ou cycle "nordique". Dans l'ensemble de ce roman, à lire comme une allégorie – et, au-delà, d'un roman à l'autre de Mohammed, quel qu'en soit le prétendu cycle – se tisse un réseau symbolique très subtil et très dense. Le propos de ce commentaire limité était d'en relever la trace dans un domaine, celui de la description, où semble généralement s'appliquer le plus explicitement, lorsqu'on y souscrit, le protocole réaliste (surtout, comme nous l'avons vu, dans le contexte d'énonciation au sein duquel Dib évolue).


Soumya AMMAR KHODJA
Université d’Alger

« Le Peuple est le royaume de Dieu... » : Expressions de la religion dans Le Métier à tisser

Cette étude se veut une toute première esquisse d’une analyse portant sur la présence en texte des marques, quelles que soient leurs formes, de la religion. Pour l’heure, nous sommes à ce stade : relever les énoncés qui, à chaque fois, renvoient au thème que nous proposons d’étudier pour en délimiter les significations, le statut de la religion à l’intérieur de l’oeuvre.

Cadre du récit

Il met en scène des personnages à la veille d’un grand événement (8 mai 1945) comme le laisse clairement deviner la fin du texte signalant l’arrivée des « A-ME-RI-CAINS ! ». Plus que cela, c’est toute la lourde angoisse amassée tout au long du roman qui semble commencer à se dénouer car « Quelque chose d’inouï s’était sûrement passé dans le monde. » Et Omar, plein de cette prescience, a le corps qui se redresse : « Sur ce corps haut... se dressait la tête pointue avec ses petits yeux noirs. Le front droit et uni... Le visage avait une expression sérieuse, presque farouche. ».

C’est donc pendant la deuxième guerre mondiale que se déroule l’histoire, dans la ville de Tlemcen. Nous retrouvons des personnages et des lieux déjà rencontrés : Omar, Aïni, Dar Sbitar... La pauvreté est extrême, toujours présente ; réduisant la mère à pousser son fils à ne plus aller en classe : « Apprends un métier ! Tu ne tireras rien de tes livres. » De ce fait, Omar, à l’âge de treize ans, accède au monde du travail, au monde des adultes.

Dans la cave étouffante servant d’atelier de tissage, il entreprend une sorte de descente aux enfers qui va l’initier à l’aliénation des hommes. Aliénation que tous vivent et ressentent de manières diverses : à travers une acceptation triste et amère, un insupportable mépris de soi, une révolte, une fureur impuissantes, une quête tourmentée : « Algérie ! Algérie !. Où sont tes hommes ? Qui est-ce qui les tirera de leur sommeil ? Le chagrin populaire est grand, le chagrin populaire est immense » (p. 103).

Parole exprimant le désarroi collectif, une errance de l’être se cognant aux parois rugueuses du désespoir et du silence. Silence de la peur et de l’inquiétude rendu à travers l’évocation de l’absence du militant nationaliste Hamid Saraj : « Depuis que celui-ci avait été enfermé dans un camp, on eût dit que la voix de tout un peuple s’était tue. On ne voyait plus que des foules muettes, et qui avaient peur. Elles devenaient tout à coup sensibles à un danger qu’elles avaient jusqu’à présent ignoré. De plus en plus, les gens se méfiaient. » (p. 202). Silence – immobilité précédant les grands mouvements. C’est ce que laisse présager la fin du livre.

Expressions, attitudes religieuses ; affirmation d’une culture

Nous pouvons avancer, en première instance, que les marques, dans le texte, de la religion musulmane disent une appartenance culturelle spécifique. Le cadre de production et de publication étant celui de la colonisation (et de la guerre de libération), il s’agit d’affirmer à l’Autre une des composantes identitaires de ce peuple dont l’oeuvre veut expliquer et justifier le combat. Marque culturelle particularisante, différentielle, à chaque fois affirmée, rappelée au colonisateur à tel point qu’aucun texte du mouvement national n’en fera l’économie.

Des termes, des expressions puisés du champ culturel musulman parsèment le texte : Allah, le Coran, la Borda dont il est expliqué en bas de page qu’elle est le « chant des morts », « serviteurs de Dieu » derrière laquelle se profile la langue arabe pour un lecteur averti... Et il arrive que la description prenne le temps de s’arrêter sur le rite des ablutions et sur la prière d’un personnage, Lamine Ghouti, habillé à l’ancienne et se distinguant des autres tisserands par son allure propre et soignée : « Lamine continua à se laver posément le visage, les bras, les pieds. Il termina en se passant ses mains mouillées sur la tête et la barbe. Cela fait, il redescendit dans la cave, se rhabilla, se reboutonna jusqu’au menton et resta longtemps à prier, sans bouger, parfois debout, parfois le front contre terre ». (p. 54). Séquence-document donnant à voir la gestuelle de la prière en rite musulman. Mais plus que cela, le personnage est présenté dans cette attitude comme l’image même de la dévotion douloureuse : « Omar l’observait de son coin. Il avait vu quantité de personnes prier, mais aucune comme ce Ghouti Lamine. Sa mimique avait une muette éloquence qu’on rencontrait rarement chez d’autres. Pendant qu’il faisait ses dévotions, cet homme sévère avait l’air très malheureux. ».

C’est que ce personnage est porteur d’une grande souffrance, que tous les autres exprimeront d’une manière ou d’une autre, et que l’attitude de la prière dévoile dans toute sa nudité, sa vérité. Là, il n’est pas besoin de cacher. Ce qui ne se dit pas en mots se laisse librement voir à travers la pratique publique de la prière. Cette souffrance, on le verra, n’est pas uniquement individuelle, elle est collective ; celle d’un peuple perdu à la recherche de son âme. Et même quand Lamine Ghouti voudra calmer les propos de ses semblables clamant, dans la fatigue et la fureur, leur haine d’une réalité de servitude qui n’en finit pas de durer, en déroulant une rhétorique religieuse prônant la résignation et l’obéissance (car qui se révolte contre son sort se révolte contre Dieu), il n’en aura pas moins exhibé, à travers la prière, le désarroi existentiel qui taraude son être.

A l’ombre de la Borda

Le texte prend son essor à partir de l’ombre de la mort, du deuil. Faim, froid, grande misère ; tel est le vécu quotidien des personnages. Une plainte intérieure va se tisser comme en creux du texte, une tragédie va se jouer concernant le présent d’un peuple. Elle s’incarne symboliquement à travers le chant des morts de la religion musulmane qu’égrène Omar dans un état de demi-sommeil : «... engourdi sans être vaincu par le sommeil (...) en lui, un flot d’images courait. Il voyait des psalmodieurs de Coran défiler en tête d’un enterrement. Il les suivait, persuadé que chaque pas accompli derrière les porteurs de bière réjouissait le défunt. On mourait beaucoup. Il ne manquait que ceux des convois qu’il ne rencontrait pas dans ses pérégrinations. Pour chacun de ces morts inconnus, il avait une pensée de sympathie. Il avait appris de longs passages de la Borda qu’il débitait pour le repos de leur âme. » (p. 9).

Allah ! Pour supporter l’insoutenable : la dépossession

Il y a une présence massive qui hante de bout en bout Le Métier à tisser de Mohammed Dib : celle des mendiants. Paysans dépossédés de leurs terres par les autorités coloniales et désormais voués à l’errance. Cette présence envahissante fonctionne comme le miroir de la condition historique des autochtones colonisés. Elle interviendra à chaque fois que le texte voudra signifier la réalité insoutenable de la colonisation : déracinement, solitude, faim, maladie, errance, abandon, mort. Ils entrent et s’installent dans les rues de Tlemcen et sont désormais l’autre face des citadins colonisés. Face aveuglante et pourtant inévitable qui ose à peine se dire, s’accepter et qui s’offre au regard. Image d’une humanité déchue ayant peine à se supporter. Silencieuse, discrète mais à la présence insistante, obsédante. Et de la résignation douloureuse s’exhale une plainte, un appel au secours : « Allah, viens à mon secours, l’existence m’est à charge ! Pourquoi détournes-tu tes regards de ta créature ? Reprends cette âme qui t’appartient... » (p. 119). Paysans spoliés, transformés en mendiants, en une sorte de troupeau hébété, ils viennent raviver la mémoire sommeilleuse des Tlemcéniens, la perception de certains d’entre eux de l’état de colonisation – et cela est exprimé par des voix de vieillards, est-ce un hasard ? :

« Que savez-vous de ce qui les a arrachés à leur coin de terre ? Musulmans, ne parlez pas à la légère ! »(...) « Je n’arrive pas à croire que notre peuple endurait tant de souffrances ! » (p. 82).

« L’autre demeure »

Les tisserands, tout en travaillant, parlent souvent de leur situation. L’essentiel du roman est composé de ces discussions où les uns et les autres montrent leurs caractères. Tout tourne autour de leur vécu commun consistant à subir une exploitation féroce. Un salaire dérisoire qu’il faut réclamer à plusieurs reprises pour, à peine, survivre. Leur dignité humaine s’en trouve fortement entamée.

Ces discussions se déroulent, la plupart du temps, comme un psychodrame où les ouvriers déversent leur trop-plein de souffrances, leur honte de se suffire d’une situation aussi étriquée, aussi sombre. Omar assiste à ces « débats-déballages », s’en remplit la tête et les yeux et n’en pense pas moins. Ocacha, « bon géant », « à la voix pleine » est tout à la fois une conscience lucide et tourmentée (il finira par partir), Hamedouche, le rouquin, coléreux et excessif, manifeste, dans ses moments de « crise », la haine de soi et des autres : « Je suis un misérable... Qu’est-ce que je fous en ce monde ? Où vais-je ? J’ai le coeur pourri ! » (p. 129). Hamza, Mostefa Rezak formulent directement des questions existentielles : « Quelle est l’utilité de la vie ? » (p. 102) « Homme, qui es-tu ? » « Où êtes-vous, hommes de vérité ? » (pp. 110, 111)... A l’autre bout, sont répercutées les voix de la résignation, parade pour pouvoir vivre l’invivable et qui sont principalement celles de Lamine Ghouti, déjà cité, et le vieux Ba Skali.

Se dessine, à partir du point de vue de l’acceptation, une sorte de notion de péché, de blasphème. Est iconoclaste toute attitude remettant en question l’ordre établi, l’ordre colonial. Ainsi Ghouti dit à Omar, lui parlant de son père décédé : « Il tenait des propos qu’une oreille de musulman ne peut pas entendre. Tous les hommes, prétendait-il, sont pareils et égaux... Comment cela peut-il être ? Ils sont pareils et égaux devant Celui qui les a créés, oui ; mais dans la vie... (Il eut un mouvement de dénégation de la tête.) Ce n’est pas possible. » (p. 56). Mais il ne déclare pas cela avec l’apaisement que donne l’énonciation d’une vérité, de « La Loi ». Au contraire, il semble souffrir de cette loi et s’abandonnant à ses doutes, un court instant d’égarement, il voudrait bien se laisser tenter par cette idée terrible, indicible laissant entendre que tous les hommes sont égaux. Mais rien, dans son champ de vision, ne vient conforter cette folie. Une condition tellement lourde, semblant remonter à des siècles, est impossible à changer. Et cette impossibilité devient, pour ainsi dire, plus légère à porter quand elle est sacralisée. L’ordre du réel rejoint l’ordre du sacré. Il devient immuable et intouchable. Toute tentative de l’ébranler est assimilé à un acte de désobéissance, de rébellion envers la religion : « Comme si Dieu n’existait plus ! ». Les propos tenus par le personnage de Ghouti le montrent bien : dans une réalité inquiétante et avilissante, la présence de Dieu rassure, calme. Et si le bonheur est impossible ici-bas, il reste promis dans « l’autre demeure ». C’est Ba Skali, un vieillard écrasé par la pauvreté et la tristesse, qui le dit : « Notre part nous sera accordée dans l’autre demeure... » (p. 52).

« Le peuple, c’est le royaume de Dieu... »

Comme nous le constatons, l’expression du religieux n’apparaît pas à des moments vides, neutres. La pratique religieuse s’exerce à des moments de grande souffrance, de grande intensité des sentiments. Supporter l’insupportable présent – la féroce exploitation des patrons [16] s’acharnant sur les artisans – en psalmodiant des versets dans l’atelier sombre et malodorant :

« Skali se mit alors à marmotter des versets du Coran, accompagné aussitôt en sourdine par Ghouti Lamine. Les deux voix, l’une rêche et nerveuse, l’autre coulante, profonde, qu’on devinait mieux exercée, se soutinrent mutuellement et finirent par se fondre en un seul chant, plongeant la cave dans une atmosphère d’oraison. » (p. 59).

D’autre part, il apparaît que croire ou ne pas croire en Dieu n’est pas le vrai problème. Le fait est que la foi en Dieu n’est pas, à elle seule, suffisante pour combler un vide existentiel, pour illuminer la nuit noire des hommes en butte à leur vécu de servitude et de misère, se heurtant à l’absence de bonheur. Car dans ce roman aucun personnage n’est heureux.

Ocacha, réplique, à certains égards, du militant nationaliste Hamid Saraj, pose un regard lucide et interrogateur sur son présent et celui des siens. Il sait le pourquoi des choses, de la condition d’aliénation mais n’a pas encore les moyens de définir précisément le changement. Vers la fin du texte, il s’en va, comme il l’avait annoncé à Omar, n’en pouvant plus de vivre dans un état d’impuissance. Il s’en va mais le lecteur imagine aisément son engagement futur, proche, dans un mouvement bouleversant l’ordre colonial. Mais avant de disparaître de l’espace textuel, il a cette belle phrase : « Le peuple, c’est le royaume de Dieu... » (p. 147).

Phrase qu’il adresse à Omar, en dehors de l’atelier, en pleine marche, dans la douceur et la lumière du jour. A cet endroit du récit, se produit ce qui ressemble à un croisement de référents culturels, religieux. Le discours d’Ocacha a des accents bibliques. Il paraît comme le pèlerin qui va porter la bonne parole, la bonne nouvelle : « Personne n’a enseigné le peuple, et pourtant il porte la vérité en lui (...) il y a longtemps, petit, je suis parti sur les routes... Et j’ai vu le peuple, je l’ai connu. Depuis, je n’arrive plus à me refaire à l’existence immobile. » (p. 147). L’objet de cette bonne parole est le peuple détenteur de la vérité, de la connaissance. Aucun indice ne vient révéler la nature de cette vérité mais le lecteur saisit au moins qu’elle se calque sur « la saine respiration du monde » (il faut ici penser aux connotations d’étouffement créées par la mise en place du microcosme/cave où se joue la tragédie de la colonisation) et qu’elle a les dimensions de l’universel. Si le peuple possède la vérité essentielle, important à Ocacha à un tel point qu’elle lui fait prendre les routes et lui rend insupportable la sédentarité, c’est qu’il a entre les mains la clef d’un mystère ! Alors il faut aller vers lui.

Cependant ce mystère n’est plus d’ordre messianique mais temporel, c’est-à-dire révolutionnaire. C’est le peuple qui va devenir le sujet de son Histoire, accomplir le geste de la reprise de son destin. De manière discrète, retenue mais passionnée se profile donc la position de l’auteur concernant son pays sous domination coloniale. Ocacha a la vision d’une situation en attente, en cours de maturation, d’un futur où elle va se délier, se métamorphoser ; et cela se passera sur terre. Le message du pèlerin est d’ordre temporel. Cela est clair. Mais il s’est produit, à notre sens, un double mouvement : sacralisation du peuple – « Le peuple, c’est le royaume de Dieu... » –, lieu élu de Dieu ; laïcisation de Dieu car il descend, va vers le peuple. Double mouvement qui suggère toute l’intensité, la densité que revêt cette séquence qui à nulle autre ne ressemble. Tout se formulait en lieu fermé : cave, gargote, maison ; l’annonce faite à Omar se réalise à l’extérieur, dehors, dans le mouvement de la marche et dans la clarté du printemps naissant (alors que l’hiver, pluie et froid, avaient sévi, jusque là, dans tout le roman).

*

Ainsi, le religieux ne sature pas le texte, mais son expression n’est jamais banale, banalisée. Selon son point d’apparition, il fonctionne comme affirmation d’un élément constitutif d’une identité algérienne, comme le révélateur de la souffrance, du deuil des êtres mais aussi de tout un pays : chant de la Borda, chant des morts que déroule Omar dans un demi-sommeil où défilent des convois funèbres, récitation de versets par Lamine Ghouti et le vieux Ba Skali, à l’intérieur de la cave créant ainsi une ambiance tragique (car là souffrent et supportent les hommes, avec l’aide de Dieu). Il fonctionne comme une aide à la résignation, au fatalisme : accepter son état de servitude et taire son tourment et ses révoltes car tel est le vouloir de Dieu ; et à l’autre bout, il est invoqué à travers un entrelacement(sacralité-temporalité / Peuple-Dieu) pour suggérer au lecteur que la liberté de la terre algérienne est au bout de la marche du peuple.


François DESPLANQUES
Université de Nice-Sophia Antipolis

Sur deux nouvelles de Dib :
Au Café et Le Talisman

Les nouvelles ont joué un rôle important dans l’histoire de la littérature maghrébine d’expression française, parce qu’elles pouvaient aisément s’appuyer sur le support de la presse et des revues. C’est ainsi que Dib, à ses débuts du moins, a publié plusieurs de ses nouvelles, ensuite rassemblées en deux recueils : Au café et Le Talisman [17]. Mais cet aspect de la création de l’écrivain n’a guère attiré l’attention de la critique[18].

Pourtant, dès 1947, dans un article sur “La nouvelle yankee”[19], Dib avait réfléchi sur ce genre et l’on est en droit de penser que c’est sa propre conception qu’il exposait autant que celle des maîtres américains lorsqu’il écrivait : “Une short-story ne contient pas une intrigue ; l’action, quand il y en a, est limitée à l’excès, est traitée de manière lapidaire. C’est en réalité une progression de sensations papillotantes, pensées libérées, qui se disposent en un hasard rigoureux, aussi solidement et bien plus que le raisonnement logique”[20]. C’est dire que la matière elle-même importe moins que la manière et l’intrigue beaucoup moins que la poétique.

Dans le cadre de cet article, il est impossible de vérifier la pertinence de ces propos sur l’ensemble des deux recueils. Le choix pouvait-il dès lors échapper à l’arbitraire ? Non, sans doute, mais pour tenter de le réduire, nous avons retenu les deux nouvelles qui ont donné leur titre aux recueils, preuve de l’importance que Dib lui-même leur attachait. A cela s’ajoutent deux arguments complémentaires : l’action de “Au Café” se situe en ville et relève d’une esthétique à dominante réaliste ; “Le Talisman” se passe à la campagne et, si le réalisme n’en est pas absent, le lecteur est surtout sensible à la qualité poétique du texte. Dans les deux cas cependant, nous voudrions montrer comment et pourquoi le lecteur se trouve pris par ces récits et comment Dib nous entraîne au-delà de l’anecdote.

*

Au Café – le titre le montre assez – fait référence à un lieu, qui tient une place importante dans la société maghrébine. C’est là que les hommes viennent se rencontrer et tuer le temps. Il n’est pas sans intérêt que ce café – assez sordide si l’on se réfère à la description qui en est donnée à la première page de la nouvelle – ne porte pas de nom. Dib s’attache moins au décor qu’à l’atmosphère : ”Un brouillard de fumée dense, écrit-il, s’amassait sur tout cela et, lentement, sous la clarté blanche des ampoules se diluait en une vapeur diffuse et âcre.” (p. 11) Les hommes sont à l’image du lieu où ils se regroupent : pauvres et incertains. Il est à noter que le narrateur, qui s’exprime à la première personne, se tient à l’écart, “seul devant une table” (p. 11). Voilà qui prépare la rencontre qui va suivre.

Au monde du dedans s’oppose le monde du dehors : “Je regardai la porte ; une étrange lourdeur m’enchaînait à mon banc. Derrière les vitres, le ciel était pesant et funèbre. Avec un hululement sourd et ininterrompu, le vent secouait les grands arbres de la place du beylick, qui se fondait dans l’obscurité.” (pp. 11-12). Plusieurs fois le narrateur revient sur ce temps pluvieux, venteux, hivernal. C’est la morte saison, accordée à la tristesse des sentiments du narrateur. Dès le début du récit un détail nous est donné sur l’heure qui va dans le même sens : “Il était tard.” Cette notation sera reprise à la fin du récit : “Ce soir-là, je m’attardai encore plus que d’habitude au café. Dehors, dans la rue, une pluie sombre et grasse comme de la poix clapotait et gargouillait opiniâtrement.”.

L’action est aussi dépouillée que le décor. Pour l’essentiel, elle se limite à deux personnages : le narrateur, un chômeur, et l’homme (on ne saura jamais son nom) qui vient prendre place à la même table. Son entrée en scène a été préparée par un long moment d’attente souligné par le jeu des répétitions : cinq fois le verbe attendre est repris, dont trois sans complément (p. 13). Plus bas dans le même passage, on relève encore : “Voilà trois ans que cela dure, pensai-je. Trois ans que je vis dans la crainte de rentrer chez moi.”.

C’est seulement après trois pages[21] où il ne se passe rien que l’inconnu fait son apparition. Toutefois l’attente se prolonge encore un certain temps (plusieurs pages, car le nouveau venu n’est pas bavard). Ce dernier est longuement décrit par le narrateur qui met l’accent sur le caractère étrange du personnage : “L’expression qu’on découvrait sur le visage de l’homme était aussi insolite que celle du regard : on eût dit qu’il venait d’un pays lointain, qu’il ne connaissait pas la langue des gens qui l’entouraient, et que c’était pour cela qu’il se contentait, comme il le faisait, de contempler personnes et choses sans espoir de communication.” (p. 15).

Un premier tournant est pris lorsque l’inconnu laisse tomber cette phrase : “Frère, je sors de prison.” (p. 16). Encore faut-il remarquer que l’explication ne vient pas immédiatement. Le personnage du narrateur se referme dans ses réflexions et ses souvenirs, parfois interrompus par de brefs échanges, et c’est seulement cinq pages plus loin que l’explication nous est donnée introduite par la phrase : “Voici l’histoire qu’il me conta” (p. 21). Un jour, un coup de poing trop fort, donné, par l’inconnu, a entraîné mort d’homme pour une banale affaire de vol, due à la faim. Le récit ne porte pas tant d’ailleurs sur l’affaire elle-même que sur la vie en prison et les sentiments de culpabilité et de révolte du condamné.

Ce récit touche moins par son caractère dramatique que par sa subtile simplicité. Dib excelle à créer chez son lecteur un sentiment d’attente en retardant le plus possible l’histoire du meurtre. La nouvelle est contée de manière linéaire, à deux exceptions près : un souvenir du chômeur concernant un voyage à Paris et, bien sûr, le récit du meurtre et du séjour en prison. Mais pour le reste nous suivons le déroulement de la soirée au café. Ainsi l’intérêt dramatique se déplace. Ce qui importe, c’est la vie elle-même, dans sa banalité. Dib suggère, sans jamais le dire, que les rôles auraient pu être échangés, entre le chômeur, père de famille qui a honte de rentrer chez lui tant que ses enfants ne sont pas endormis, et cet homme dont tout le malheur est d’avoir, lui aussi, connu la misère et la faim.

Cette proximité des personnages est encore renforcée par le système d’énonciation. Le premier narrateur, le chômeur, s’exprime à la première personne. C’est donc par ses yeux que nous découvrons le décor : “Seul devant une table, je regardais les groupes qui bavardaient sans relâche.” (p. 14). Et c’est encore par ses yeux que nous découvrons l’entrée du second personnage : “Il posa des regards profonds, insupportablement absents, sur la salle, les gens, les murs ; je fus troublé par leur expression” (ibid.). Comme on peut l’observer, ce récit à la première personne permet non seulement de voir l’ancien prisonnier par les yeux du chômeur, mais aussi de connaître les réactions de ce dernier. Mieux encore, c’est lui qui résume, pour une part, l’histoire du prisonnier. Car il ne se contente pas de le voir, il l’écoute et se remémore, pour partie, ses propos : “Il s’exprimait lentement, d’une voix distincte, quoique basse ; ses lèvres, en remuant, révélaient leurs contours fermes. Je voudrais me rappeler toutes ses paroles” (p. 21). Le récit du meurtre est donc partiellement à la troisième personne, mais dans les moments de plus grande intensité, c’est le meurtrier lui-même qui parle. Ainsi un second discours à la première personne, il est vrai rattaché par une incise, prend le relais comme dans ce passage : “Je le regarde, dit-il. Il reste allongé à mes pieds, le visage tourné vers moi, les prunelles exorbitées, la bouche béante.” (p. 22). Et si l’on regarde de près ce qui se passe dans le finale du récit, on constate que s’opère un complet retournement des rôles. Voici le passage par lequel débute le dernier temps de la nouvelle :

Ayant dit ces mots, il retomba dans son mutisme. Sa physionomie même se figea. Cette immobilité jointe à ce silence faisait naître progressivement en moi – je le sentais – de la crainte : j’avais peur de mon voisin. Je cherchais ce que je pouvais bien lui dire, mais je ne trouvais rien.     
Ce fut lui qui se mit à parler.         
- Chienne de vie, proféra-t-il distinctement. (pp. 26-27).

Comme on le voit, c’est le prisonnier qui a le dernier mot. C’est lui, l’anonyme, et par là-même le représentant des secrètes pensées du peuple, qui dégage la leçon de l’histoire. Le chômeur, lui, écoute et se tait.

Comment expliquer ce mutisme du premier narrateur ? Par la peur de son voisin, comme il est dit dans le texte[22]. Mais le lecteur comprend à ce moment que la peur a changé de sens. Au début de la rencontre, elle s’expliquait par la crainte de l’inconnu, perçu comme mendiant. A la fin, la crainte n’est plus de même nature ; d’ailleurs l’ancien prisonnier propose à son compagnon de lui payer une seconde tasse de thé. Mais le chômeur garde en lui les paroles inquiétantes du rebelle : “C’est votre monde qui me dégoûte. Les hommes en souffrent trop. Il vaudrait mieux nous supprimer. Sinon... Sinon... nos bras poussent et s’allongent de plus en plus. Quand nous aurons assez bu de cette lie, c’est nous qui vous supprimerons.” (p. 26). Autrement dit, la résignation n’est plus de mise. Le récit, dramatique mais anecdotique, fait place à un discours politique.

Mais Dib se garde bien, en habile conteur, d’assumer pareils propos. Il laisse l’initiative à ses personnages. Il échappe ainsi au dogmatisme. Le texte se referme presque comme il avait commencé. Mais on devine que l’action n’est pas close. Si le temps de la révolte approche, il n’est pas encore venu. Et d’ailleurs les deux hommes s’attardent sans que l’auteur nous dise s’ils ont encore parlé. Peut-être ont-ils tout simplement gardé le silence. Le silence est en effet une vertu majeure de cette nouvelle comme de beaucoup d’autres oeuvres de Dib. Et le récit se referme, par le rappel de la pluie, de l’heure tardive, mais surtout du lieu : “au café” qui nous renvoie directement au titre de la nouvelle, et par delà, au titre du recueil.

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“Au Café” s’apparente par son réalisme à la trilogie Algérie, plus, il est vrai, par sa thématique que par le mode narratif utilisé. Car ici l’anonymat des narrateurs est essentiel ; Dib réduit l’action au minimum et s’attache avant tout à suggérer un climat, le malaise et le mal être du colonisé. Il en va bien autrement dans “Le Talisman” ; dans cette nouvelle en effet, l’auteur nous plonge en pleine guerre de libération et les procédés d’écriture sont beaucoup plus complexes, qu’il s’agisse des structures du récit, de son aura poétique ou des énigmes qui se posent au narrateur et, à travers lui, au lecteur.

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Le texte s’ouvre sur cette phrase : “Je suis revenu chez moi.” (p. 123). Nous voici donc à nouveau en présence d’un narrateur anonyme et d’un récit à la première personne, à cette différence près que le je, en tant qu’acteur, participe à un drame collectif, d’où l’émergence assez fréquente dans le texte d’adjectifs, de pronoms et de verbes à la première personne du pluriel. Dès la troisième page du récit nous rencontrons cette phrase : “De nos montagnes, je n’avais jamais franchi les limites auparavant” (p. 125). Nous apprenons rapidement que la voix qui parle est celle d’un paysan. Rien que de très ordinaire mais on verra que le maintien de la première personne pose problème par la suite, dans une perspective réaliste.

Le prologue est suivi d’un blanc qui a valeur d’ellipse et c’est alors que débute le récit proprement dit : “...Ç’avait commencé par un fracas de portes défoncées.” (p. 125). Opération de bouclage par l’armée, bientôt suivie par le dynamitage du village tandis que` les paysans sont conduits sous bonne garde dans “une bâtisse de pierre” et “entassés dans une salle profonde” (p. 126). Après une nouvelle ellipse, toute l’horreur se déchaîne. Un officier “aux yeux glauques” déclare aux prisonniers qu’ils n’ont que cinq minutes pour livrer les noms des maquisards, leurs parents et amis. Les paysans se taisent. Au bout des cinq minutes, l’officier fait poignarder un jeune garçon sous les yeux terrifiés de ses compagnons. La scène se reproduit par deux fois. Puis c’est au tour du narrateur d’être désigné. (p. 134). C’est alors que le texte bascule. Jusque là, le récit et les descriptions avaient été menés sur le mode réaliste. A partir de ce moment, la nouvelle se poursuit de manière onirique, comme dans un cauchemar : “Dès lors – que s’était-il passé ? – un sommeil plein de panique où ma conscience fondit s’empara de moi et me submergea. (p. 134). Cette plongée du narrateur à l’intérieur de sa propre conscience nous fait passer en quelque sorte de l’autre côté du miroir. Après la succession des événements vient la succession des images. Cette dernière pourrait être incohérente. Elle ne l’est pas dans la mesure où demeure chez l’étrange dormeur le vif désir d’interpréter ces images, et, s’il échoue dans son entreprise, il voit s’ouvrir une autre piste, celle de la remontée vers les souvenirs d’enfance, qui l’amène à découvrir, tout au fond de lui, le talisman. Cette quête intérieure n’est pas sans rappeler celle d’Iven Zohar dans Cours sur la rive sauvage[23]. On le voit, personnages, épisodes multiples, affrontement entre deux camps, la nouvelle action n’est pas seulement complexe, elle repose sur une montée de l’angoisse jusqu’à ce que la cruauté des bourreaux fonde sur le narrateur lui-même ; l’histoire prend alors une tout autre allure.

Ce récit central est encadré par un prologue et un épilogue qui se répondent par tout un jeu de correspondances : même paysage de montagne, même solitude, même soleil, même vent ; le narrateur qui s’en revient vers sa terre prononce la même phrase : “J’habite l’air et la lumière qui brilleront éternellement.” (p. 124)[24]. Le marcheur se transforme en guetteur chargé d’espoir. Le prologue s’achève en effet sur ces paroles prophétiques : “Le soleil pourra décliner chaque soir et se lever le lendemain et se recoucher ensuite : vigie sans défaillance, je passerai tout ce temps les yeux ouverts. Ils se rappelleront leurs demeures, leur champs, ils reviendront ; et moi je n’aurai pas monté la garde en vain.” (pp. 124-125). La même imagerie cosmique et le même souffle prophétique se retrouvent aux dernières lignes de la nouvelle : “Mais voici que l’auréole, comme une pierre précieuse au repos, rentre ses rayons et dans la nuit de ces montagnes fait briller une clarté plus profonde. Je veillerai, j’attendrai.” (p. 139).

Par ce jeu de reprises entre l’ouverture et le finale, il est clair que Dib boucle admirablement le texte de la nouvelle tout en laissant la porte ouverte à l’imagination. Mais il faut aussi noter que le prologue et l’épilogue où dominent les présents sont l’un et l’autre donnés comme postérieurs au récit du massacre, qui, lui, est tout entier rapporté au passé[25]. Simple analepse ? C’est ce qu’il conviendra d’étudier de plus près. Pour l’instant il suffit de rassembler les premières observations qui se sont dégagées de la lecture : Dib délègue ses pouvoirs à un héros narrateur. Celui-ci en tant que personnage assume le malheur des siens jusqu’au martyre ; le récit central est parfaitement linéaire (même s’il s’opère un changement de style au moment où les tortionnaires s’emparent du narrateur), mais la nouvelle considérée dans son ensemble ne l’est pas, qui va du présent au présent via le passé.

Après avoir étudié les données de base du récit, il convient d’en souligner la qualité poétique et, pour cela, d’étudier le traitement de l’espace et du temps mais aussi, d’une manière plus large, la transfiguration du réel.

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Dans “Le Talisman”, la fonction référentielle de l’espace est réduite au strict minimum. On ne trouve aucun indice toponymique. Même le nom du pays où se déroule l’action n’est pas cité. Dès les premières lignes, deux mots attirent cependant l’attention : “montagnes” et “dechra ”. Le premier qui évoque les hauts lieux de la résistance, le second qui est conservé en italique sous sa forme arabe permettent au lecteur de s’orienter dans l’histoire qui commence, même si c’est d’une manière approximative. N’étaient ces indications et les traces de destruction qui apparaissent plus loin, le paysage décrit ressemblerait à beaucoup d’autres paysages méditerranéens. La poésie naît ici du contraste entre le vide et la densité cosmique. Pour évoquer ce splendide paysage de montagne aride et désolé, le narrateur convoque tous les éléments : la terre sous la double forme de la glaise et du roc ; le feu du ciel, le soleil ardent ; l’air rendu plus sensible par son mouvement : “le vent court et grommelle” ; et même, le plus inattendu de tous en pareil lieu, l’eau, évoquée au détour du chemin par le biais d’une métaphore : “au bout, on est accueilli par une espèce d’anse. Aussitôt on s’y sent plus isolé qu’en haute mer.” (p. 123).

A partir de ces données premières, la nouvelle s’articule entre deux lieux réels en même temps que symboliques : la dechra, située sur la hauteur, dans la lumière, et le bâtiment où sont conduits de force les malheureux paysans. Ce dernier est situé, lui, au fond d’une vallée où il ne pénètre qu’une lumière parcimonieuse : “On nous conduisit à une bâtisse de pierre et, là, entassa dans une salle profonde. Avec son sol pavé de dalles, ses murs crépis et squameux, celle-ci ressemblait à un vieux hammam : – un hammam sans vapeur, sans ruissellement d’eaux bouillantes, mais retenant la même pénombre.” (p. 126). La descente des villageois avait déjà été vécue comme une descente aux enfers. Le lieu sinistre où on les enferme ne peut que confirmer leurs craintes : ce lourd bâtiment de pierre apparaît comme un tombeau et l’image des “eaux bouillantes” confirme que le temps des supplices est proche.

Pour ce qui est du temps, aucune indication de date. Les quelques repères chronologiques indispensables à la compréhension du récit se réfèrent, comme il normal pour le paysan narrateur, à la marche du soleil, à la lumière et à la chaleur. Ainsi nous dit-il que l’opération de bouclage a commencé à l’extrême fin de la nuit : “On n’y voyait rien ; l’aube tendait juste un fil blanc à l’horizon.” (p. 125). Le premier supplicié est sans doute exécuté vers la fin de la matinée ; le narrateur note en effet : “Il faisait déjà très chaud. L’air se mit à fourmiller de brandons attisés.” (p. 129). Pour les paysans, plus que l’heure importe la durée. Celle-ci peut être objective. C’est ainsi que l’on trouve cette remarque au tout début du récit : “Sur tant d’années de combats, notre part fut de quinze jours ; quinze jours de fer et de feu.” (p. 125). Mais conformément à l’esthétique de la nouvelle, l’action principale ne dure que quelques heures. Et dès lors que la menace se précise, la perception de la durée, tout comme celle de l’espace d’ailleurs, se brouille. A peine enfermé dans la bâtisse avec ses compagnons, le narrateur s’interroge : “Nous n’y avions passé que peu d’instants. Etions-nous là enfermés depuis des semaines ? Qu’étaient-ce que ces murs qui se rapprochaient insensiblement ?” (p. 126)[26]. Un retour à la durée objective, cette fois dramatiquement courte, s’opère quand le tortionnaire déclare aux prisonniers : “‑ Vous n’avez que cinq minutes pour parler” (p. 128). Les marques temporelles ne manquent pas dans cette partie du récit consacrée aux exécutions pour noter l’enchaînement des scènes. Mais quand vient pour le narrateur le moment d’être désigné comme victime, et que sa conscience ordinaire défaille, il témoigne de son désir de “supprimer le temps, origine des souffrances.” (p. 135) Ce désir fou mais tellement enraciné dans l’homme qui souffre peut se réaliser de deux manières : soit par la mort immédiate, soit en remontant le cours du temps. C’est cette seconde voie qu’emprunte le narrateur quand il déclare avoir entrevu “un souvenir sans prix” (p. 136).

Ainsi peut-on dire que dans “Le Talisman”, le temps, outre son indéniable fonction dramatique, exprime la vision poétique du narrateur. En effet celui-ci mesure le temps à la course du soleil et la perception qu’il en a est liée à ses craintes et à ses espoirs.

D’une façon plus générale, on constate que toute la réalité est transfigurée par le jeu de l’écriture. Non pas que la réalité soit niée, bien au contraire ! Jamais sans doute Dib n’a montré plus nûment l’atrocité des massacres. Tout est dit : la cruauté des tortionnaires, les blessures horribles des victimes, leurs derniers sursauts. Oui, tout est dit. Tout est enregistré, tout est restitué dans une langue sobre, en une série de phrases brèves, incisives, jamais alourdies par le moindre commentaire. Mais quand tout est fini, un rayon de soleil vient éclairer le visage de la victime enfin délivrée. Cette lumière est la même qui baigne le paysage évoqué dans le prologue et dans l’épilogue. Certains penseront peut-être que Dib nimbe la victime de l’auréole du martyre. Sans doute. Mais il ne faut pas oublier que la scène nous est rapportée par un paysan musulman[27]. Et cela aussi est une réalité. Tout comme le sont, dans un autre sens, les gardes qui se déchaînent contre les villageois : “Des créatures humaines se seraient-elles déchaînées de la sorte ? Non assurément ! Cette troupe de démons s’abattit sur tout le monde, frappa dans tous les sens” (p. 128). Plus loin, les mêmes, montant la garde, se métamorphosent “en statues de pierre” (p. 132). Voilà bien pourquoi il ne faut pas parler d’idéalisation, mais de transfiguration. La poésie sourd du regard et des images qui expriment la vision.

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Reste à s’interroger sur les trois énigmes de la nouvelle : le retour du narrateur, la lecture impossible et le talisman qui donne son titre au texte.

Le narrateur lui-même souligne par deux fois, en des termes identiques, l’ignorance dans laquelle il se trouve quant à son retour : “Le chemin, dit-il, qui m’a ramené a emprunté de si curieux détours que, le voudrait-elle, toute ma mémoire diurne et nocturne serait incapable d’en reconstituer le parcours.” (pp. 124 et 130). Pareille insistance fait signe, d’autant plus que la formulation ne laisse pas d’être ambiguë. En effet, la première partie de la phrase suppose un certain savoir, tandis que la seconde affirme avec solennité l’impossibilité pour la mémoire de recomposer le parcours présenté comme labyrinthique. Cette première aporie en entraîne une seconde. Toute notre raison raisonnante nous invite à poser que le personnage, puisqu’il raconte son histoire, est sorti vivant de l’aventure. Tel est le point de vue de Jacqueline Arnaud qui écrit, à propos du narrateur et de son talisman : “Tandis qu’il cherche à le déchiffrer, il oublie la douleur et, seul de ses camarades, il échappe à la mort.”[28] Peut-être. Mais la même raison et l’organisation même du récit nous incitent à penser qu’il n’avait aucune chance d’échapper à ses tortionnaires. Dès qu’il est enfermé dans la “salle profonde”, il se sent d’ailleurs comme mort : “Malgré moi, dit-il, je prenais l’attitude de la mort, me voyais tel qu’à l’heure où la terre accueillerait ma dépouille.” (p. 127). Simple appréhension ? Peut-être. Mais pourquoi aurait-il échappé aux bourreaux implacables qui ont tué avant lui Ramdane, Saïd et Yahia ? Quand les tortionnaires s’emparent de lui, il éprouve une douleur ardente et, quelques instants plus tard, il dit ressentir “un incendie qui [le] dévorait, [l]’attaquait au noyau le plus sensible de l’être.” (p. 134). On peut donc penser que le retour au pays natal a valeur de métaphore en même temps que d’euphémisme : le narrateur n’est-il pas lui-même comme ces âmes qu’il croit entendre dans le vent et qui “remontent sûrement de l’autre paysage entr’ouvert par delà celui-ci, de cette autre contrée gardée par un sommeil d’arbres noirs et de gel” (p. 124), autrement dit du pays de la mort ? N’était-ce pas déjà le cas dans “L’Héritier enchanté” ?[29] L’hésitation est à tout le moins permise. Certes, il y a là un saut dans l’inconnu, mais la littérature fantastique ne s’est pas privée de telles incursions dans l’au-delà, ou à l’inverse de telles intrusions de l’au-delà dans le réel.

D’ailleurs la seconde énigme qui est posée au narrateur et à son lecteur tient justement au miroitement des signes et, donc, à l’impossibilité de déchiffrer le sens. Dans son sommeil, proche de la mort, où il s’éveille à une extrême vigilance, le narrateur entrevoit des bribes de lettres ou de mots, voire de phrases, qui dansent sous ses paupières, s’effacent ou se télescopent avant qu’il ait pu interpréter ces étranges hiéroglyphes. Il doit renoncer à son effort d’interprétation et conclut en ces termes : “Bien que je ne sois pas instruit de tous les mots, tant s’en faut, j’eus la prompte conviction qu’il[30] dérivait d’une langue située au-delà de toutes les langues et qui les rendrait, si elle était connue, toutes inutiles.” (p. 136). Cet archi-langue est évidemment un leurre. Ce questionnement revient souvent dans les poèmes, dans les nouvelles et dans les romans de Dib. On le trouve notamment dans une autre nouvelle du même recueil intitulée “La Dalle écrite”. Et Jacqueline Arnaud écrit très justement : “Les deux récits, au-delà de l’anecdote, présentent une allégorie de l’écriture : on peut s’y perdre dans les significations proliférantes, mais leur seule recherche peut aussi être une voie de salut, que le Sens existe ou pas.”[31]

Reste la troisième énigme, celle du talisman. Le Grand Robert nous apprend que le mot entre dans notre langue en 1637 venant de l’arabe tilsam ou tilasm, du grec de basse époque telesma, “rite religieux”. Voilà donc un mot qui a voyagé et qui nous arrive chargé de sens. Il signifie : “objet, (pierre, anneau, etc.) sur lequel sont gravés des signes consacrés et auxquels on attribue des vertus magiques de protection, de pouvoir.”[32] Voici maintenant comment le mot-thème est introduit dans le texte :

Et j’entrevis ce souvenir.               
En des temps très reculés, j’avais adopté un jeu. Il consistait, avec des mots inconnus, à graver certaines formules sur des objets que je choisissais avec soin : galets, feuilles, morceaux de bois, os. Cela fait, je les dispersais et je formais le voeu que chacun devînt un talisman pour qui le découvrirait et le garderait. Un jour, par une attention particulière et dans le dessein de surpasser tout ce que j’avais déjà réalisé, je composai la plus puissante sentence qui se pût concevoir et, comme les autres, la confiai au sort. 
C’était elle qui flottait devant mes yeux. Remontée du séjour caché où son voyage inimaginable l’avait conduite sans qu’il l’eût tant soit peu altérée ! Et c’était moi qui la recevais ! (pp. 136-137).

Que l’on veuille bien excuser la longueur de cette citation en raison de sa beauté et de son intérêt. Assurément, Dib utilise le mot talisman en toute rigueur de terme, puisqu’on retrouve ici tous ses traits définitoires : le support naturel mais choisi, l’écriture d’une énigme de manière ritualisée, le tout ayant un caractère salvateur. Mais on perçoit aussi un rapport d’analogie entre le retour du souvenir, le retour du narrateur et le retour de l’écriture. La création littéraire s’enracine dans la mémoire profonde, elle passe par une ritualisation des signes pour le bonheur des lecteurs inconnus, et elle est ce par quoi l’écrivain échappe au temps et, d’une certaine manière, à la mort, si du moins l’habite un désir de surpassement et de perfection. Ainsi se trouvent surmontées les contradictions que nous indiquions plus haut. L’homme meurt, le narrateur est immortel. C’est bien, me semble-t-il, ce que Dib lui-même suggère lorsqu’il prête à son double, le narrateur, ces ultimes paroles : “Pendant que je me livrais à mon interrogation inquiète, le jour s’était levé sur un espace où la souffrance est réparation, le silence parole, le vide objet, la question réponse, le déchirement réconciliation.” (p. 138). Et en effet, à travers le récit d’un déchirement, ô combien cruel, dont il fait mémoire, Dib, qui est le talisman, l’homme des deux cultures, fait oeuvre de réconciliation.

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Si différentes que soient les deux nouvelles étudiées, l’une plus simple, plus “lisible”, l’autre plus complexe, plus énigmatique – et en cela elles illustrent assez bien les deux pôles de la nouvelle chez Dib – elles ont en commun de sonder l’homme et ses abîmes de misère avec lucidité mais sans une ombre de mépris ou de haine, avec mesure, avec générosité, avec grandeur. De la grandeur, il en faut assurément au narrateur dans “Le Talisman” à propos de ceux qu’il appelle “les sacrificateurs” : “De ces derniers, certes, les circonstances m’ont séparé ; j’étais la lettre et ils étaient les lecteurs. Mais je pouvais bénir mon corps disloqué, fendu, brûlé. Elles auraient pu être différentes, faire d’eux la lettre et de moi le lecteur.” (p. 138). Comment, relisant ces paroles avec près de trente ans de recul, ne pas songer aux nouveaux “sacrificateurs” qui ensanglantent l’Algérie ? Mais comment ne pas voir aussi que le poète est celui qui transmue en or la boue de l’Histoire ?

Ce que j’écris ici du nouvelliste vaut aussi pour le romancier. D’ailleurs les mêmes thèmes, parfois les mêmes figures, circulent d’un genre à l’autre. Pourtant la nouvelle est autre chose qu’une esquisse de roman. Elle a en elle-même sa perfection. En peu de pages l’auteur doit savoir planter son décor, créer une atmosphère, introduire ses personnages, nouer et dénouer les fils du récit. Certes, car il n’est pas de nouvelle sans histoire. Mais c’est l’au-delà de l’histoire qui importe surtout à Dib. Et c’est là qu’il excelle. Avec une lenteur calculée, sans jamais forcer le ton, avec élégance et sobriété, il conduit au bord du mystère.


Assia KACEDALI

Université d’Alger

En quête d’une autre histoire :
Lecture de deux nouvelles :
Naëma disparue et Le Talisman

Mohammed Dib, qui a publié son premier roman en 1952 avec la volonté affirmée de se faire l’avocat d’une cause, est l’un des écrivains algériens de langue française dont la première prise de parole coïncide avec un temps fort de l’Histoire de l’Algérie : celle de la lutte anti-coloniale. Après l’indépendance, il avait déclaré que son seul souci désormais serait d’aller vers des régions inexplorées, de « faire oeuvre d’écrivain dans le sens le plus plein du terme »[33]. Or, ce recueil de nouvelles, intitulé Le Talisman et publié en 1966, nous donne à lire des textes dont la plupart réfèrent encore au temps de la guerre. Pourtant le traitement de la guerre de libération nous apparaît sensiblement modifié comparé à celui mis en oeuvre dans la trilogie. Il semble bien que ces nouvelles, toutes conçues entre 1955 et 1962 à l’exception de La Dalle écrite qui, elle, fut composée après l’indépendance, constituent une espèce d’écriture transitoire entre les premiers romans de la trilogie et ceux qui suivront.

En effet, elles révèlent selon nous une nouvelle appréhension de l’Histoire et une réécriture de celle-ci. Ne sont-elles pas une sorte de laboratoire où s’élabore une écriture autre, qui, au départ réaliste, s’affirme de plus en plus symboliste ?

C’est à la lumière de ces considérations que nous avons voulu analyser deux de ces nouvelles : Naëma disparue et Le Talisman.

Mais avant d’aller en quête de l’Histoire dans ces fictions, quelle en est l’histoire qui la donne à lire ?

Naëma disparue

Naëma a disparu depuis cinq semaines, probablement arrêtée et emprisonnée. Commencent alors pour le narrateur, son époux, une longue attente et une quête désespérée. Il erre dans les rues de la ville à la recherche de sa femme et pour meubler le vide de son existence. Il est, lors de ses sorties, continuellement confronté aux réalités quotidiennes de la guerre. Durant cette épreuve, il traverse diverses étapes : conscience de l’absurdité de son existence, désir de mourir, volonté extrême de survivre et enfin découverte de l’engagement personnel et de la solidarité dans la lutte. Au-delà de son indifférence à soi, par-delà la pensée obsédante de Naëma, il finira par trouver une raison de vivre : en acceptant les clés de la boutique d’un cordonnier qui avait été tué sous ses yeux, le narrateur devient pour la première fois acteur volontaire de l’Histoire en train de se faire.

Le Talisman

Comme dans l’autre nouvelle, dans Le Talisman, un narrateur à la première personne nous introduit dans un monde et des pensées hantées par la guerre. Celui-ci, après une absence indéterminée, revient dans sa région natale. Il retrouve un paysage familier mais aussi un village abandonné, désert, détruit où gisent quelques vestiges d’une vie antérieure. Ce spectacle engendre une réflexion sur le devenir de ces lieux : retrouveront-ils leurs habitants ? Le passé resurgit alors, celui de l’irruption de la guerre rompant le calme de ces montagnes. Le narrateur décrit la scène qui va bouleverser sa vie : à la suite d’une descente de militaires, les villageois sont faits prisonniers et conduits dans un lieu où plusieurs vont subir à tour de rôle des tortures jusqu’à ce que mort s’ensuive. Quand vient le tour du narrateur, la scène de la torture est éludée dans le texte et la victime transcende ce moment douloureux en ravivant l’imaginaire et le souvenir de pratiques mystiques auxquelles il s’adonnait dans son enfance.

Présence du référent historique

Le référent historique est incontestablement présent dans les deux nouvelles. La guerre reste la toile de fond à travers divers épisodes qu’un lecteur algérien ou français pourra aisément reconnaître.

C’est ainsi qu’il faut lire l’expression du narrateur dans Naëma disparue lorsque celui-ci dit : « nous y passerons tous dans cette guerre »[34], le syntagme « cette guerre » référant à une guerre déjà connue du lecteur. Le signifiant « guerre » réapparaît maintes fois dans le récit, développé par tout un champ lexical qui rend compte de l’intensification de la violence des affrontements, de la fureur des armes, de la mort au quotidien.

Dans Le Talisman, rafles, massacres, pillages sont évoqués plus succinctement ; le temps de la torture est par contre plus développé.

Dans les deux nouvelles, on trouvera des indices référant à des réalités historiques. Dans Naëma disparue, l’allocation du front qu’une femme voilée apporte régulièrement réfère à une réalité de la guerre de libération. Le Front envoyait effectivement une somme d’argent à la famille des militants montés au maquis ou faits prisonniers. De même dans l’autre nouvelle le référent historique est présent à travers l’évocation de l’oncle du narrateur :

Mon oncle mutilé de la Grande Guerre s’avança, joignit ses deux mains, montra sa jambe amputée [35].

Le lecteur peut lire dans cette phrase un rappel de la participation des Algériens à la première et à la seconde guerres mondiales à l’issue desquelles ils espéraient obtenir une reconnaissance de leurs droits, espoir finalement déçu. C’est ce que raconte la séquence où l’oncle montre sa jambe mutilée au moment où son neveu vient d’être choisi pour être torturé, sollicitant par ce geste la gratitude des militaires tortionnaires pour les services qu’il a rendus à la France. Cette scène n’est qu’une transposition au niveau de la fiction d’une réalité historique. La demande de reconnaissance ne sera pas entendue puisque le neveu, le narrateur sera tout de même torturé.

Mais si l’Histoire s’impose au fil du texte à travers les nombreux événements mentionnés, à travers toute une thématique de la guerre, au moyen d’indices tels que ceux que nous venons de souligner, elle n’en reste pas moins confuse. Aucune date ne permet au lecteur de situer avec précision les périodes évoquées. Ainsi le retour du narrateur dans ses montagnes après sa libération (ou son évasion ?) aurait-il eu lieu pendant la guerre ou après celle-ci ? Par ailleurs, le lieu repérable dans Naëma disparue grâce à l’indication descriptive « les collines bleues de Mansourah » ne l’est plus dans l’autre nouvelle exempte d’informations toponymiques. Nous décelons ainsi un gommage discret de certains points d’ancrage réaliste.

Le rapport au temps

A une Histoire archivée officiellement par des événements datés, l’auteur substitue une Histoire dont les repères temporels sont révélateurs d’un rapport très personnel au temps.

Ainsi dans Naëma disparue, ce sont les moments de la journée qui rythment l’écoulement du temps et les événements s’inscrivent dans cette suite ininterrompue et sans cesse recommencée des jours et des nuits qui se relaient les uns les autres. La relation au passé de ces événements se juxtapose à une narration au présent comme si le rappel de ce passé réactualisait celui-ci dans la mémoire du narrateur. Par ailleurs, le présent alternant avec le passé renforce l’idée de l’itératif, voire de l’habitude. La guerre, ainsi relatée, par ce jeu temporel, par la reprise des mêmes faits – fusillades réitérées de page en page, mort jalonnant les déambulations du narrateur dans la ville –, apparaît comme une agression continue.

Dans Le Talisman, la subjectivisation est encore plus flagrante. Les paysans dont fait partie le narrateur se situent temporellement en se référant à des données naturelles : moments de la journée, course du soleil dans le ciel, cycle des saisons. C’est ainsi que s’explique la disparition de ces indications temporelles dès l’instant où le narrateur et ses compagnons sont emprisonnés et donc coupés du monde naturel extérieur. La séquence de la prison et de la torture introduit alors une suspension du temps. Durant toute cette partie, la plus longue de la nouvelle, le temps s’arrête.

Un abîme de temps s’était creusé [36],

déroutant au début le narrateur qui perd ensuite toute notion de durée.

Etions-nous enfermés là depuis des semaines ? [37].

A l’écoulement naturel du temps se substitue celui de la mort, celle des suppliciés, qui se répète toutes les cinq minutes. Le même acte de violence recommence à intervalles réguliers suivi du même tableau consécutif au meurtre : après le meurtre du jeune Ramdane, « entre le bois, le sol était tout éclaboussé de sang »[38].

De même après celui de Saïd, « homme d’une quarantaine d’années », « entre les pièces de bois, d’épaisses flaques vermeilles s’étalaient »[39].

Ici la torture, par la façon dont elle est mise en scène, par la structure itérative du texte, échappe à une histoire précise, en l’occurrence celle de la guerre de libération, pour accéder à une représentation plus large, plus générale de l’horreur répétitive. Cette thèse est une annonce de ce que Dib écrit un peu plus tard dans Qui se souvient de la mer :

L’horreur ignore l’approfondissement, elle ne connaît que la répétition [40].

Prédominance du Je

Le narrateur-auteur des romans précédents se substitue dans ces nouvelles à un narrateur-acteur de la fiction.

La primauté et la permanence du narrateur à la première personne confèrent à ces textes un caractère autobiographique. On pourrait les qualifier de récits de souvenir ou de témoignages d’une expérience personnelle. Le texte de Naëma disparue n’a-t-il pas la forme d’un journal dans lequel le narrateur décrit ses occupations et préoccupations au fil des jours qui passent ? Le début de la nouvelle ne rappelle-t-il pas le style d’une lettre adressée à un narrataire virtuel dont les marques restent discrètes dans l’ensemble du texte ? Dans Le Talisman, nous découvrons aussi un narrateur qui est à la fois conteur et témoin des événements, sujet et objet de son discours. Dès le début de la nouvelle il annonce au lecteur l’aboutissement d’une double quête :

Je suis revenu chez moi.                
J’ai retrouvé mes montagnes.

Retour dans un lieu dont il a été exilé et réappropriation d’un bien qui lui a été soustrait. L’accentuation de la première personne à travers les divers pronoms personnels et possessifs, annonce la place primordiale qu’occupera le narrateur dans cette nouvelle, sa maîtrise de soi et du monde. Même si le Je se confond parfois avec un nous s’unissant ainsi à une collectivité dont il partage l’existence et le destin,

Nous y passerons tous dans cette guerre.     
Nous avons payé trop cher pour hésiter ou reculer.

(dans la séquence de la tragédie collective vécue par les paysans, la séance de tortures, le nous devient l’instance narrative la plus fréquente et rend bien compte d’une expérience commune de la douleur), il s’en distingue néanmoins. Dans Le Talisman, le Je continûment présent se caractérise par une sorte de lucidité et de conscience soutenues qui lui confèrent une réelle supériorité. Et lorsque le narrateur devient l’un des acteurs principaux de la scène de torture, le Je se déploie massivement pour raconter l’histoire d’une résistance. Quant au Je de l’autre nouvelle, il n’a pas du tout la même envergure, tout au moins au début du récit, que celui du Talisman. En marge de l’Histoire, de la lutte collective, le narrateur dont l’anonymat contraste avec la caractérisation nominale de son épouse est un être qui ne participe qu’accidentellement aux événements, qui ne prend pas parti contre l’Autre, le colonisateur. Il n’est pas ce héros que l’Histoire modèle et archive. Les seuls personnages nommés dans Naëma disparue sont la femme et les enfants du narrateur, ceux dont l’absence ou la présence remettent en question celui-ci. La détermination de son fils Rahim face à la guerre et au colonialisme le met mal à l’aise.

Entre nous, avoue-t-il, il y a déjà cette déchirure [41].

La disparition de son épouse va le conduire à assumer un rôle qui n’est pas traditionnel ni conforme aux rôles masculins dans la société algérienne : garder les enfants. L’héroïne bien qu’invisible est Naëma. Elle joue un rôle central dans la transformation du personnage de l’époux. Paradoxalement, son absence va se transmuer en force agissante. La quête de Naëma par le narrateur se transforme en quête de soi et d’un sens à sa vie. Cette femme de l’ombre, dans les coulisses de l’histoire, laisse entendre une autre Histoire : celle d’une inversion des rôles historiques. Précédant son mari dans l’engagement militant, elle subvertit l’image de la lutte anticoloniale dont le discours officiel donne une représentation prioritairement masculine. Le détail de l’allocation du Front renforce cette nouvelle perception d’une femme émancipée politiquement qui, dans cette guerre, devient le chef de famille subvenant aux besoins des siens. Elle investit des espaces qui traditionnellement lui sont fermés. Ainsi c’est elle qui se trouve hors du foyer alors que le mari s’occupe des enfants. Personnage fort énigmatique, Naëma est en quelque sorte une esquisse de Nafissa, l’héroïne de plus grande envergure de Qui se souvient de la mer. Ce roman un peu plus tard permet de mieux éclairer tout ce qui se trouvait en germe dans cette nouvelle tant au niveau de la personnalité des personnages qu’au niveau de leur trajectoire. Ecriture d’une autre histoire que nous révèle ce traitement des personnages. Ecriture d’une autre histoire aussi dans la nouvelle du Talisman qui s’oriente de façon plus nette vers le symbolisme.

Ainsi, le narrateur victime de la guerre va tenter d’échapper au temps de l’Histoire par des pratiques mystiques de déchiffrement de signes lui permettant de se soustraire temporairement à l’espace-temps de la torture et de se transporter dans un ailleurs. En fait cette attitude est à rapprocher de celle des Algériens qui, victimes de l’agression physique et psychologique de la colonisation, trouvaient refuge dans les pratiques rituelles, mystiques, maraboutiques. Cette ascèse introduit le narrateur dans le monde ésotérique des symboles représentés par des lettres qui renvoient à une tradition islamique très développée.

Ainsi les deux signes qui s’imposent au narrateur et qui sont en quelque sorte les clés d’une vérité, le carré et la spirale, sont les symboles de tout une pratique mystique. D’après le Dictionnaire des symboles[42], le carré magique est l’un des supports de mots magiques employé comme talisman, comme protection. Quant à la spirale, « motif ouvert et optimiste », elle représente « les rythmes répétés de la vie, la permanence de l’être sous la fugacité du mouvement ». L’apparition de ces deux signes pour le narrateur ont un effet prémonitoire. Destiné à vivre parce que protégé, il fait partie de ces êtres élus, initiés, dont le sacrifice, le martyr est une étape obligée pour la reconquête de soi. Toute la fin de la nouvelle est le récit de cette ascèse, d’une quête des lettres à déchiffrer et d’une quête de l’être à découvrir. L’événement de la torture ne sert plus à mettre en scène l’horreur de l’agression physique du colonisateur sur le colonisé. Le politique s’estompe pour laisser place à une expérience individuelle, à une quête métaphysique de la symbiose de l’être et du monde que le début et la fin de la nouvelle reproduisent d’ailleurs en écho.

Je n’ai plus besoin pour m’abriter, d’une maison, pour me réchauffer d’un âtre, pour subsister des fruits de la terre. J’habite l’air et la lumière qui brilleront éternellement.

On notera de nouveau l’attitude du narrateur toute exempte d’animosité envers le colonisateur. A la limite, il bénirait le sort qui fit de lui un torturé. Plutôt être le torturé que le tortionnaire.

De ces derniers (les tortionnaires) certes, les circonstances m’ont séparé : j’étais la lettre et ils étaient les lecteurs. Mais je pouvais bénir mon corps disloqué, fendu, brûlé. Elles auraient pu être différentes, faire d’eux la lettre et de moi le lecteur. [43]

Pour le narrateur ces événements sont le résultat de circonstances. Cette appréhension de l’événement rend compte d’une sorte de neutralisation de l’origine du mal.

*

En définitive, ces nouvelles, par leur structure narrative et actantielle, accordent plus d’importance à l’individuel qu’au collectif. En effet, même si le peuple est présent dans l’évocation de ces souvenirs de guerre, même si les représentants de ce peuple se conduisent héroïquement comme ceux de la prison dans Le Talisman ou deviennent involontairement héros comme le manoeuvre-maçon dans Naëma disparue qui, accusé d’attentat probablement à tort, est tué, sauvant ainsi ses compatriotes, ils ne constituent pas le héros collectif qui occupait l’espace textuel de L’Incendie.

Ces textes, au contraire, sont beaucoup plus le récit de la réalisation d’un individu, d’une victoire personnelle sur soi-même, la guerre étant alors perçue comme un moyen de s’éprouver et de s’affirmer.

Enfin la disparition des marques spatio-temporelles ne vise-t-elle pas une dépolitisation du texte ? Ne témoigne-t-elle pas de cet acheminement de l’écrivain vers cette nouvelle écriture qu’il souhaitait, celle de l’écrivain plus que celle du chroniqueur ?

Quant au changement de registre d’expression qui se manifeste par un décrochage sensible du réalisme et une affirmation de plus en plus symboliste, il est révélateur de la volonté de l’écrivain d’appréhender et de dire autrement l’Histoire.

Tlemcen, le 18 février 1993.


Anne-Marie GUALINO
(Beziers)

Les Terrasses d’Orsol ou l’indicible appel

Appels indicibles à la réponse ultime que la réalité semble contenir sans pouvoir la justifier, certains romans ne sont que l’expérience de ces questionnements sur le sens, l’esprit, le coeur. Au-delà de toute théorie sur le langage, c’est cet « appel » et cette « réponse » que nous guettons comme une nécessité première. Ainsi en est-il pour le roman de Mohammed Dib, Les Terrasses d’Orsol. Lorsque leur questionnement reste inabouti « c’est la plongée et c’est l’abîme, la lumière descend, elle traverse l’épaisseur et les ténèbres... et en esclave, elle se glisse comme l’eau... »[44].

Dans cette descente jusqu’aux noires profondeurs, il y a ce phénomène de la « néantification » où « ni événement ni objet ne subsistent, et la volonté, si elle apparaît, sera nue et pure puissance d’impossible déploiement »[45]. L’oeuvre, résultat de cette volonté, est là, cependant, témoignage d’une authentique tentative de saisie de sens, totalité réduite à la fulgurance d’une étincelle de passion. Or c’est elle, la passion, le propos de ce récit. Elle réactualise l’amour, l’altérité, la fraternité, la charité, notions banalisées par le discours médiatique qui nous les transmet ainsi déformées et réduites à l’état de prurit social, dénuées de solutions ; la passion de Dib, elle, les redécouvre dans leur absolu et nous les propose à nous, lecteurs malhabiles de nos vies à travers ce récit sans concession, non pas comme une réponse mais plutôt comme l’ultime recours, celui de l’écriture.

Dans Les Terrasses d’Orsol, le propos semble tissé d’appels sans réponse, ce qui ne décourage pas l’entêtement du narrateur en proie à cette maladie de l’âme ou de l’être par la contemplation dépressive d’un monde qui ne cesse de nous interroger, nous menant jusqu’à cette phase de « néantification » dont parle Maria Zambrano dans son petit livre méditatif : Les Clairières du bois. On y sentira tout au long de la lecture la force d’une expression osciller entre les extrêmes de la confession et de la parodie, écriture de la douleur.

Au premier acte du récit le narrateur qui parle à la première personne, ne masquant aucunement son jeu, est projeté dans son problème existentiel (cancer ou dépression ; divorce ou renaissance) par les propos volontairement ambigus du docteur Rahmony, dont la mort devancera ironiquement celle du narrateur. Il déambule, il monologue et il parcourt Jarbher, cette ville étrangère dont la beauté s’exténue dans une fosse. Cela intrigue le promeneur indiscret jusqu’à susciter des questions sur ces populations muettes des bas quartiers quand lui ne voit que le luxe partout autour de lui. Puis, dans un second acte, c’est l’invitation au voyage, ensorcelante passion vécue au creux de l’île avec Aëlle. Enfin le triptyque se referme sur la déambulation citadine ; voyageur ou émigré, le narrateur retrouve dans la ville le même discours absurde qu’au début, sans espoir, cette fois, d’y pouvoir rien changer tandis que séparé d’Aëlle, sans passeport d’amour, il n’est plus qu’un voyageur sans visage et donc dénué de but, suicidaire.

Trois discours s’entrecroisent donc, triple attitude, triangle parfait où une voix de conteur se met à imprégner subtilement la narration, la transformant en histoire tragi-comique, de ces histoires qui font rire et pleurer quand un conteur habile s’en empare et les fait vivre sur ces places de marché, théâtres de la parole. Cette voix, elle commente la description, elle s’infiltre dans les propos, composant un contrepoint savant, des lignes parallèles de niveaux de conscience qui se répondent sous les yeux du lecteur attentif qui, lui aussi, ne manque pas d’être oppressé par cette dynamique du néant, mais gagné aux interrogations que celle-ci renvoie comme en un jeu d’écho, s’il a la patience et le courage de lire cette cantate infernale où seul l’amour-passion brille comme un soleil éphémère. Paradoxalement, le titre lui-même, lié à l’image de la terrasse, lieu féminin important dans la maison arabe traditionnelle, évoque la puissance d’un regard surplombant un paysage sans autre but que la contemplation pour elle-même. Simplement un regard lucide, presque froid, un de ces regards neutres qui engendre l’angoisse et qui force les questions sans que l’on puisse s’y dérober. Seules justifications à l’existence, deux accords parfaits : la rencontre-fusion au coeur du récit avec Aëlle, que nous avons nommée : l’invitation au voyage et la mort-fusion ou l’appel indicible à la fin du récit, sur deux prénoms qui vont se perdre dans le néant, unité retrouvée par-delà les grimaces du sens et l’impossibilité de toute action :

Et vous savez, j’ai retrouvé le titre du film que j’ai vu là-bas. Ça m’est revenu tout seul. For Ever... Je retrouverai Aëlle aussi.

-Ed, tu es à Jarbher. Je suis Aëlle.

-Aëlle. Ah, Aëlle... Elle est là-bas à Jarbher (p. 24).

Symboles négatifs et sarcasme : un jeu d’ombres

Confession et expression libératrice, c’est à ce niveau-là que l’écrivain défoule ses ombres. L’écriture comme thérapie sublimée est une sorte de témoignage en direct des sensations de frustration provoquées par l’existence elle-même : « Ne surnageait d’autre sentiment en moi que celui d’avoir rêvé ma vie et que l’heure était venue de se réveiller » (p. 34). Cette force qui réveille le narrateur s’exprime par une symbolique négative et par le sarcasme qu’il défoule dans l’écriture elle-même devenue le lieu de sa propre errance. On remarque dans ce récit un renversement de polarité qui fait basculer de façon univoque les symboles du positif au négatif. Pour échapper à la dualité maladive qui mènerait à la folie et pour échapper à la démagogie d’un discours double, celui de la ville, Dib semble retrouver l’unité dans la vision désespérée d’une humanité grouillante et absurde, suprême « néantification » de toute tentative de sens. La mer qui est symbole de fécondité ne contient que des monstres ; la lumière est devenue la compagne des cauchemars ; la ville n’est que le lieu du mensonge ; les êtres sont des reptiles quand ils survivent, des acteurs quand ils croient vivre ; le quotidien est voué à l’illusion. Il n’y a rien de rassurant dans cette évocation tragique de toute vie, celle du narrateur n’étant qu’un exemple parmi tant d’autres.

Quant à l’aspect parodique, il est l’autre élément de cette expression libératrice qui fracasse toute idée convenue et la réduit à une étonnante ineptie : « Mais jugez plutôt de mon état, l’état où j’étais alors : en proie à la plus misérable des crises morales, une crise à s’agenouiller ou à pleurer » ( p. 20). Cette sorte de moquerie à l’égard de soi est une constante dans le récit et cela confine au grotesque lorsqu’il décrit la fosse avec ces créatures « au piteux gazouillis » (p. 45) ou à la caricature quand il s’attarde au portrait du garçon d’étage de l’hôtel dont il dit à propos du pourboire que « ces gens-là ont une finesse d’ouïe incomparable pour une certaine musique des mots » (p. 90) ou au tracé décapant quand il relate une soirée mondaine « A moitié dressé, mon verre à la main, je leur tourne alors mon compliment avec l’emphase de celui qui a été long à comprendre et, pour finir de me tirer d’affaire, je trouve bon de leur avouer tout ce qu’ont d’insolite pour moi, étranger, ces heureuses commémorations » (p. 58).

Ce demi-jour sardonique éclaire le rire souterrain et très triste qui sous-tend cette écriture serrée, confession transcendée : « Des questions sans réponse (...) la glace de la psyché me renvoie mon image fondue dans la pénombre crépusculaire, il me répugne d’allumer, j’aime rester avec mes pensées, sans lumière, sans témoin » (p. 26). Oscillation des questions qui nous amène au jeu mystérieux d’une aventure de l’être, puisqu’après tout, il s’agit d’une histoire d’amour au plus fort de la dérive d’un individu. Et c’est cela que nous appelons l’invitation au voyage, l’appel libérateur de l’amour, la délivrance provisoire.

L’invitation au voyage : l’eau et le feu

Après la rupture avec sa femme : Eïda et leur fille Elma (p. 24, 25, 100, 101), il y a l’idée de ce lieu de vie qui persiste, ténacité terrienne de la terre de l’origine : « Il me reste Orsol s’il ne me reste plus de famille et j’attends » (p. 101). Ce lieu qui fait partie de sa mythologie personnelle n’est que le lieu du rien, un centre vide [46] qu’il va quitter, il ne le sait pas encore, pour les rives d’une aventure dont la banalité confine au Tout : le voyage, les îles, la rencontre avec la femme, sa femme, la seule. Ainsi la mer retrouve, ondoyante, pour peu de temps, sa fécondité première puisqu’elle fait germer l’amour.

Un thème apparaît alors complémentaire de la maternité de la mer, celui du regard d’Aëlle. La couleur verte des yeux d’Aëlle va revenir tout au long du récit, par vagues, comme un leitmotiv, présence ou nostalgie. Le thème du regard a son importance ; il apparaît, disparaît et réapparaît à l’horizon de cette écriture comme un radeau de sens : la seule direction réelle que cette dérive signifie : « C’est l’eau saturée de lune verte de ses yeux » (p. 148), ou bien « la verte limpidité de ses yeux » (p. 163), ou bien encore « ses yeux parlent et sourient vert » (p. 160) devenant flamme : « une voix de flamme verte » (p. 170), devenant chanson d’ondine : « ces grands yeux verts qui chantent et changent constamment d’air » (p. 182). Alchimie secrète de ces yeux aussi bien eau, flamme ou air, résumé des puissances élémentaires.

Mais il y a également entre lac et jardin, évocation ombragée quasi romantique ce doux entracte où le corps se découvre sans limite dans la contemplation amoureuse et fervente : « c’était dans la maison de l’île, j’étais couché et voici ce que j’ai vu un matin : j’ai vu Aëlle toute nue à la fenêtre, belle et blanche comme une statue des jardins. Je me suis assis dans mon lit, me rappelant soudain, je cherche, encore à cette heure, quoi ? » (p. 167). L’unité de la vision, comme une apparition, ne se dissocie pas de l’évocation érotique, tendrement esquissée : « J’ai l’impression de dégager une chaleur de fourrure, de porter la canicule en moi, mais elle ? Mon regard la touche, le feu de ma fourrure va sur elle et retourne me lécher le coeur » (p. 159). C’est la dualité de l’humide et de l’incandescent quand la flamme s’exténue en eau. Bipolarisation de l’amour, le feu et l’eau, l’homme et la femme.

Progressivement la mélodie solaire va s’amplifiant et c’est la passion, insoutenable comme l’impossible : « et je ne faisais qu’ouvrir les yeux et les refermer et les rouvrir pour les refermer aussitôt, ne pouvant soutenir l’éclat d’un tel soleil » (p. 170). Et ce soleil devient noir comme la mort annonciatrice qui guette de séparation les amants : « ces grands yeux verts qui chantent et changent constamment d’air comme si d’autres yeux se cachaient derrière et chantaient d’autres airs et que l’espace qui les sépare soit noir et le soleil un coeur plus intensément noir dans cet espace » (p. 182).

Cette cendre au centre de la lumière change brusquement les perspectives. C’est l’éclatement de tous les repères spatiaux et temporels qui disparaissent, anéantis par le mystère de la flamme noire et dévoreuse. Il n’y a plus de temps : « d’abord il y a cette blancheur qui dure indéfiniment, plus blanche que le visage du temps » (p. 159) ; il n’y a plus de lieu : « tout est là, mais le monde rentre en soi ; (...) » La mer est étrangement cette espèce de non-lieu, cette sorte d’espace où tout peut arriver, berceuse de secrètes invitations : « nous voguons... mon attention est restée tout ce temps fixée sur la ville qui, déployée frontalement en sombres jeux d’orgue au moment du départ (...) puis, château de brume s’est mise à pâlir » (p. 123-124). Pâleur, blancheur ou absence, le monde extérieur n’est que présence incertaine, fantomatique ou brumeuse. Les couleurs s’annulent, les couleurs de vie disparaissent pour ces résidus de l’absolu que sont le blanc et le noir.

Dès lors c’est le voyage où ne comptent plus les noms, les personnages ; il n’y a plus d’histoire, il n’y a plus d’intrigue, il n’y a que l’acte d’être au plus fort de sa certitude, il n’y a que la passion qui est ce « soleil noir » qui consomme et consume le désastre d’une vie auparavant dérisoire, lui redonnant tout à coup la puissance de la métamorphose d’où cette annonce prémonitoire au tout début du récit : « Une porte s’entrouvrait devant moi et elle donnait, je dirais volontiers, sur une autre réalité, un jour inconnu, plus grand, d’une force mystérieuse » (p. 35).

L’écriture elle-même s’absorbe dans cette sorte de mirage qui miroite l’infinité des sens et renvoie au narrateur la seule certitude, celle des corps. Roman paradoxalement sensuel ; un érotisme discret et poignant qui est la seule garantie d’existence, le seul élément authentique dans cette paraphrase de l’éphémère qu’est la vie, reflet d’une hypothétique réalité : « Reflets, reflets à perte de vue, frissons, jeux de lumière, notre embarcation taille son chemin à travers une aveuglante solitude (...) Le soleil ne cesse de se répandre en coulées incandescentes dont le souffle ardent nous lèche la figure (...) Noire incombustible, notre gabarre seule échappe à cette mise à feu générale dont elle occupe toujours le centre si loin que nous soyons allés » (p. 129). Aventure ou initiation ? Ce voyage en trois couleurs : blanc, rouge, noir repose sur les trois éléments de la métaphore : l’eau-reflet, le soleil, le bateau dont le message ainsi codé semble signaler à notre lecture la persistance d’une confrontation pathétique et romantique entre l’absolu de la passion et la relativité de tout passage.

La parenthèse amoureuse refermée, l’île : loin, le narrateur se remet à arpenter les sentiers de la ville, de toutes ces villes, émigré de l’absolu, émigré d’une terre promise.

La déambulation citadine : un regard sur l’ordre des choses

Tous les participants à cette histoire ont un nom, une identité, une esquisse de vie. Il y a Eïda (sa femme), Elma (sa fille) ; le docteur Rahmony (son médecin), Aëd (le narrateur), Jarbher (la ville florissante avec sa fosse), Orsol (la ville d’origine), Aëlle (l’amante) ainsi que ces ébauches que sont ces personnages indispensables à toute histoire, avec ce quelque chose de dérisoire dans la futilité voulue de leur intervention qui n’est pas sans rappeler les silhouettes des personnages du nouveau roman dont l’existence n’est que dans le regard intérieur du lecteur ou du narrateur, intériorité suprême où le descriptif tend vers l’abstraction. Ainsi une atmosphère d’anonymat règne sur ces personnages sur lesquels le narrateur ne s’y appesantit guère et cela contribue à épaissir les mystères de ce propos dont on ne sait s’il s’agit d’une enquête ou d’une quête. L’enquête sur la fosse qui se trouve au bas de la ville, en bord de mer, semble absorber dans un premier temps toutes les forces de compréhension du narrateur qui cherche à élucider le sens de cette absurdité criminelle et qui, dans ses rapports, tente d’éveiller les responsables administratifs compétents. Cette fosse, sorte de poubelle métaphorique du progrès et du bonheur de la ville (civilisation occidentale) est cette chose dont on ne parle pas, que l’on évite, surtout dans un milieu policé (diplomatique ou universitaire ou d’affaire), dans cette ville de gens bien élevés où règne une forme de luxe adaptable peut-être à l’idée de bonheur. Il y a le monde d’en haut (la ville et son aisance) et le monde d’en-bas (la fosse et la pauvreté) avec « cette vague odeur de charnier » (p. 69). « Comme si la fosse était en mesure de me souffler des confidences à ce sujet, je me suis penché au-dessus et ainsi à l’affût j’ai attendu, disposé à faire preuve de patience » (p. 68). Les personnages du silence sont là, réduits à la survie bestiale, dans une muette interrogation.

La description de la ville (p. 191) est un modèle destructeur de toutes les utopies de bienfaisance et de solidarité (p. 36 à 41). Où sont les repères ? Où sont les balises de sauvetage ? Comment échapper au naufrage ? « L’énorme ville gronde inutilement autour de moi » (p. 175) est une des réflexions désenchantées du narrateur.

La fosse et la ville sont cette dualité obsédante qui transforme toute tentative de prise en main de la réalité en utopie et en illusion. « Je veux dire, à quoi sert de construire tant ? Moi, Toi, nous ne sommes que des voyageurs » (p. 172). Il y a un véritable enfer (la fosse) et un paradis en toc (la ville) dont les discours de progrès ne convainquent personne : « C’est justement ça dis-je. Combien il serait beau de voir tous les pays débarrassés de ce fléau qu’est la misère » (p. 175). Il s’agit d’une enquête concernant le non-sens, voire la barbarie de la misère :

 De quoi est-il question depuis le début, si ce n’est de ça et seulement de ça : les pauvres de toutes parts qui rachètent le monde, et nous n’avons ni la possibilité d’écarter la question, ni la possibilité de lui échapper, nous sommes au coeur de la question si distants d’elle que nous pensons l’être par moments...  (p. 177).

Cette enquête, c’est aussi l’inanité des discours politiques et économiques : « Les logements : ce n’est qu’un prétexte. Leur véritable idée, idée qu’ils se sont mise dans le crâne, c’est de tout faire autrement qu’il n’est naturel de le faire » (p. 174). A force d’arpenter les rues, le narrateur devient ce voyageur sans visage, semblable en cela à tous ses frères humains. C’est alors que cette enquête se transforme en une véritable quête du sens, seule possibilité, peut-être, d’échapper à l’enfermement matérialiste du luxe ou de la misère.

Deux petites phrases nous ont interrogé par la structure même de la réflexion et semblent nous donner une des clés de cette quête méditative. Quand il parle de la misère le narrateur indique : « nous sommes au coeur de la question si distants d’elle que nous pensons l’être par moments » (p. 177). Ailleurs il énonce une réflexion du même type révélatrice de ses préoccupations profondes : « notre gabarre seule échappe à cette mise à feu générale dont elle occupe le centre si loin que nous soyons allés » (p. 129). La structure de ces phrases est quasiment identique et le contenu est une preuve de la relativité du rapport qui existe entre les êtres et les choses. Ce déplacement qui transporte son centre avec lui, valable en toute situation signale l’absence de tout absolu en même temps que la liaison constante de chaque individu avec les autres, dont il fait nécessairement partie, fraternité obligatoire, non choisie, évidente. Cette proximité du problème auquel nul ne peut échapper est le propre même de notre destinée à tous. Nous sommes tous liés malgré les disparités et les injustices. Bien sûr la ville n’est qu’un faux paradis et l’émigré qui veut en profiter nous renvoie l’image de ce que nous sommes tous : « Il est venu chercher du travail comme maints autres, ça se voit, il le porte sur lui. Et il a dit des fous, ceux qui vivent ici » (p. 177). Dans la ville que l’on parcourt tous les gens sont des fous ou des êtres de passage. Douce ironie que ce terme de passage qui n’est autre que le lent défilement, comme dans ce film dont le narrateur a oublié le nom, des images de toute une vie :

 ceux qui y vivent, fais-je en riant. Vous êtes alors aussi un fou. – Moi, je suis de passage. Simplement de passage. – De passage, de passage. Depuis combien de temps ? – Douze ans et quatre mois (...) même si je dois mourir ici, je n’aurai été qu’un voyageur  (p. 172).

On comprend que cette promenade d’un regard qui se pose sur le monde n’est rien tant qu’une méditation sur le passage et l’aspect dérisoire de toute vie liée à la mort, la guetteuse, celle qui nous unit dans une fraternité obligatoire : « Et d’ailleurs qu’est ce qui différencie l’autre de moi... ». « Je suis son frère. Son frère ou quelque parent à lui... » (p. 171). Une telle parole n’a pu tomber de ses lèvres par hasard ; nous sommes tous frères dans cette émigration qu’est la vie et dans cette fraternité qu’elle impose ne serait-ce que par le destin commun qu’elle ordonne, la mort, à laquelle nous sommes tous conviés de quelque bord que nous soyons : « Un homme n’est que son frère / puisque son frère c’est lui » écrit Joë Bousquet dans son poème Les deux fossoyeurs extrait du recueil : Connaissance du soir. Le thème de l’émigration est donc transcendé par celui du passage qui ne fait qu’accentuer l’obsession du double, de la fraternité qui au-delà de l’enquête (tout discours politique, social, économique, intellectuel), ouvre les perspectives de la quête (bonheur, sens, vie, amour, mort, fraternité) exprimant ainsi l’inquiétude métaphysique devant tant de questions sans réponse. Cette profession de foi de l’errance est l’inabouti de l’appel qui se réduit à cette phrase incomplète : « Cette fois, il comprend qu’il peut s’en aller... ayant ou n’ayant pas appris qu’il est en réalité parti en quête de ce que tout le monde cherche... » (p. 179).

Que peut-il émerger de ce paysage anonyme de la ville où tout se brise ? Cette ville bâtie du haut de sa fabuleuse architecture sur les frontons de la pauvreté, paquebot aux amarres, témoin inutile, n’est même pas un lieu ; elle n’est qu’un espace entre le tout et le rien, la réalité et l’illusion, résultat pour le moins ambigu de la détresse humaine.

C’est dans cette sorte d’interrogation jaillie d’une intériorité blessée qu’il faut situer la démarche profonde et essentielle de ce récit. Parcours sinueux de la question sociale, de l’individualité, pour s’apercevoir qu’il faut éclater ces notions parcellaires pour mettre au jour la coexistence d’une fraternité infernale. En parcourant sa propre intériorité ne pénètre-t-on pas la gémellité tragique qui unit un à tous ?

Cet émigré de l’absolu broyé par les effluves vampiriques de la ville (les motards), retrouve au seuil de la mort son jumeau positif, juste le temps de croiser Aëlle : Elle, l’amante dont la première lettre du prénom est aussi la première lettre du mot Amour comme la première lettre de l’alphabet. D’ailleurs Ed ressemble étonnamment à la fin du prénom Mohammed comme au mot End anglais. C’est sur ces traces sonores de deux prénoms, ouverture et fermeture, que l’impasse suicidaire trouve sa solution. Cet amalgame subtil est bien à la manière du désespoir tranquille qui anime ce texte difficile de lecture, vibrant d’une passion contenue et extrême qui prend le lecteur à partie et lui interdit d’être indifférent.


Saloua BEN ABDA
(Paris)

Poétique de la traduction
dans Neiges de marbre

Dib est un de ces écrivains qui ne cessent de s’interroger sur leur écriture, sur ce travail qui est le leur en même temps que celui de la langue, des langues à travers lesquelles ils forgent leurs textes. Or, parmi ces interrogations, le fait qu’il se situe au carrefour de plusieurs langues va être un pré-texte au sens où plusieurs dialogues avec des textes religieux philosophiques, « maternels » vont se tisser autour de cette trame qui est le passage d’une langue à l’autre, le récit d’un faire, celui du traducteur. Dans le roman Neiges de Marbre, on peut ainsi parler d’une véritable poétique de la traduction.

Comment ce récit, dont le personnage principal est un traducteur, nous parle-t-il de la communication, thème central, de sa possibilité et (ou) de son impossibilité ? Comment s’organise ce roman comme transformation d’un texte à l’autre ainsi que comme méditation sur ces différents passages d’un discours, d’un lieu, d’un temps à l’autre... ?

Traduire l’intraduisible

a) Le narrateur traducteur :

Le narrateur se présente comme quelqu’un dont le métier consiste à traduire. Nous ne sommes pas renseignés sur le cadre au sein duquel il exerce cette profession ; il nous indique seulement :

C’est mon métier, traduire. Activité qui donnerait à penser, et sur elle-même, et sur ce que l’on fait. Se luxer le poignet à force d’écrire sans être écrivain, tout en l’étant et quelquefois meilleur écrivain que d’aucuns plus connus ou reconnus comme tels, oui, c’est une activité paradoxale. (p. 57).

D’emblée, ce métier est mis en parallèle avec celui d’écrivain, ce qui nous met sur la voie du rapport étroit entre l’écriture et la traduction dans ce roman. D’après la suite de ce passage, être traducteur pour le narrateur signifierait être un écrivain marqué par le double et l’équivoque.

Nous affectionnons, nous traducteurs, avancer derrière un masque emprunté et qui est pour nous l’autre écrivain, toujours un étranger. Et afin que l’équivoque, ou la confusion soit totale, excitante, nous nous imposons de changer sans cesse de masque et, de masque en masque, d’en adopter un de notre sexe aujourd’hui, le lendemain du sexe opposé. Sorcellerie, imposture, machiavélisme du double : au choix. (p. 57-58).

Celui qui se présentait au départ comme traducteur se définit un peu plus loin comme « écrivain d’au-delà des frontières », qui serait en fait un « producteur de texte indigène ». Quant à la traduction elle-même, elle est acte de métamorphose d’un texte original : « J’en suis à ce stade, à réécrire des pages qui, libérées de leur état premier, devront accéder à une nouvelle naissance. » Nous reviendrons sur ces aspects de la traduction auto-explicitant le fonctionnement de l’écriture, en proposant une théorie.

Si l’on se place du côté de la diégèse, ces remarques sur le narrateur semblent secondaires par rapport au « sujet » du roman, la relation privilégiée entre un père et sa fille. Cependant, on s’aperçoit que la traduction concerne la plupart des autres personnages du roman ; qu’elle ne se cantonne nullement à être une profession mais constitue une activité généralisée marquant les moments de la vie quotidienne.

Certes, le contexte entraîne la nécessité d’une telle adaptation des messages : le narrateur ne connaît pas la langue du pays où il se trouve, langue qui est celle de sa fille, de sa belle-mère, etc. La seule personne qui comprend sa langue est sa femme, « Roussia ». Celle-ci exerce également le métier de traductrice, sauf que sa conception de la traduction est antagoniste de celle du narrateur. Cette différence de conception quant à la traduction se trouve étrangement être à l’origine de leur mésentente devenue si radicale qu’elle entraîne le déchirement et la séparation du couple.

Paradoxalement donc, la compréhension de la même langue n’implique pas nécessairement la compréhension entre les êtres. Elle n’empêche pas ici l’installation d’une distance infranchissable entre eux. Bien que Roussia joue le rôle d’intermédiaire, son truchement n’améliore pas la communication, peu s’en faut. Dans le premier chapitre, le narrateur malade et hospitalisé rencontre un vieil homme qui s’adresse à lui dans la langue de ce pays du Nord ; Roussia traduit ses paroles au narrateur : opération superflue puisque l’essentiel passe par « son chuchotement, cette voix d’un bois mort qui tentait de revivre, de reverdir. Car communiquer c’est aussi être attentif à la spécificité d’une voix, cela même qu’on ne peut traduire. » De même père et fille se passent facilement de la traduction de Roussia.

b) La non-traduction

Car étrangement, la relation privilégiée entre le père et sa fille se construit entre deux individus qui ne parlent pas la même langue. La communication entre eux est si omniprésente que la tentation est forte d’oublier cette donnée. La fille, issue d’un couple mixte, ne parle pas la langue de son père, elle en comprend seulement quelques bribes. Ainsi, la généalogie linguistique est en rupture par rapport à la généalogie tout court.

Or cette incompréhension va être l’occasion d’aborder de diverses manières la langue de l’autre. Par exemple, chacun dans sa langue, père et fille se racontent mutuellement des histoires ; la fille en retiendra le signifiant :

Pour n’en point connaître le sens, ma diablesse de fille ne retient pas moins chaque mot que je prononce, ne le conserve pas moins dans son oreille.

Il ne s’agit donc pas de traduction mais d’une sorte d’assimilation des phonèmes de l’autre langue, ce qui n’empêche aucunement la communication :

Peu à peu, nous nous découvrons une parole commune à travers l’autre, la parole étrangère. Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort. Parole qui nous suffit, nous unit... (p. 18).

Union malgré la différence, visualisée ici par la variation des caractères typographiques. Ailleurs, ce qui devrait constituer une barrière de langue va être l’occasion d’instants d’illuminations où le sens, non pré-existant, va être découvert peu à peu.

Le mot étranger « valo » constitue l’intitulé du chapitre ; la fille interpelle son père en lui disant ce mot ; il ne le comprend pas mais elle ne peut le lui traduire, lui en donner l’équivalent dans une autre langue. Obscur, ce mot étranger va être interrogé et confronté à la réalité ; il se révélera en coïncidant avec son référent : la lumière. C’est dès lors une véritable illumination du sens pour le narrateur. L’obscurité sur laquelle il a commencé par buter se résout finalement en lumière, ce que désigne justement le terme « valo ». On sait par ailleurs que le sème lumière est très valorisé dans toute l’oeuvre de Dib. Traduit en finnois, le mot connaît une nouvelle naissance. Ce qu’il est important de signaler ici, c’est que le signifiant autre pose question pour le narrateur et le lecteur également. L’opération du vouloir dire, de l’interprétation ne va plus de soi.

Dans une autre séquence, le signifiant étranger est l’objet de la découverte du jeu de mots :

Que l’on parle avec des mots, pour Lyyl, c’est chose connue déjà, allant de soi. Mais que les mots puissent parler eux-mêmes, tenir leur propre langage, être portés à jouer, cela, elle est en train de le découvrir. Que les mots jouent, savent le faire, eux avec elle, elle avec eux. C’est venu le plus simplement du monde. (p. 23).

C’est ainsi que la petite fille découvre la proximité phonétique entre « kochka », la chatte et « kachka », le porridge. Nous ne sommes donc pas ici dans le monde de la traduction, où le mot étranger est abordé d’un seul point de vue et selon une finalité unique, son échange par un signe connu. Différentes approches constituent autant de suggestions de lectures du signifiant étranger.

c) L’opacité signifiante

Les mots « valo », « kachka », « barzakh », les prénoms « Roussia », « Lyyl », « Lauralee », « Talilo », etc... ne sont pas (seulement) introduits pour donner un effet de couleur locale dans ce roman qui a pour cadre un pays du nord d’ailleurs jamais nommé ; l’opacité des mots étrangers permet en suspendant la lecture de prendre la mesure phonétique, graphique du mot ; il s’agit là d’un fonctionnement de type poétique.

D’autre part, cette butée du sens place le lecteur en situation de décrypteur d’une langue énigmatique, à l’image du père qui cherche à deviner, à comprendre les mots prononcés par sa fille. D’ailleurs les deux personnages aiment bien jouer aux devinettes. Le chapitre « La main et la mémoire » y est consacré et à ce jeu-là, ils sont imbattables.

D’autres récits seconds plus développés se présentent également sous la forme d’énigmes proposées à la petite fille : le récit de la cerisaie par exemple apparaît peu clair a priori : « Tu vas te demander (à quoi rime pareille histoire ; plus tard ; tu comprendras ; je l’espère. » On peut sans doute considérer les termes de langue étrangère disséminés dans le roman comme des micro-récits énigmatiques.

Qu’ils soient ou non traduits importe peu, c’est la quête de sens qu’ils sollicitent, qu’ils mobilisent qui est importante. D’où ces passages consacrés à la découverte progressive du référent de termes du langage quotidien comme « valo » ou « kachka ». Car le lecteur également se pose la question : à quoi rime pareille histoire de mots ? En fait, c’est l’évidence de la communication courante qui est mise en cause, car ces bribes de langue étrangère, dénuées qu’elles sont d’un signifié déjà là, font accéder à un autre type de compréhension, celle où le signifiant est neuf, vierge de tout signifié, de toute dénotation.

A travers toute son oeuvre, Dib s’efforce de rompre avec le sens galvaudé des mots, avec les stéréotypes de pensée véhiculés par la langue, de révéler la part d’étrangeté des mots et par là-même du monde. Cette ouverture-quête du sens s’apparente au cheminement des mystiques. Les termes étrangers fonctionnent comme ces opacités évoquées par le narrateur :

Dans chaque vie, par moments, comme des noeuds d’obscurité se condensent et, ténébreux comme ils sont, ne cessent plus de vibrer. Toute la lumière du monde peut venir vous visiter après ; eux demeurent, ne se défont pas, n’offrent de prise ni à cette lumière ni à aucune lumière. Eux parce que ce sont des opacités qui pensent.

De même, dans Neiges de marbre, la langue étrangère représente au niveau linguistique l’étrangeté du monde ; le pays évoqué ici n’est pas tant étranger par sa situation géographique ; il est métaphore de l’étrangeté fondamentale de l’être humain, l’autre face du monde familier où il habite. Dualité représentée par le couple thématique du jour et de la nuit, de la lumière et des ténèbres dans ce roman. La langue étrangère incarne dans l’écriture même cette notion d’étrangeté.

Sur le chemin de la traduction : écarts et rapprochements

a) Intertextualité ou la coexistence de deux signes

Ainsi peut-on comprendre également le fonctionnement des discours, fragments textuels se référant à la culture arabe, qui interfèrent avec ce récit se situant dans un pays du nord. Au moment où on s’y attend le moins un verset incomplet du Coran s’impose dans le cours de la lecture :

Sortira du feu qui dira : « Point de divinité, sinon Allah » ; sans cette timbale, elle ne peut pas se laver les dents. (p. 23)

Or ce passage est doublement étranger parce qu’il vient d’une autre aire culturelle ; parce qu’il ressort d’une parole sacrée alors qu’il est introduit dans une séquence de la vie quotidienne, à la limite terre à terre. L’effet de ce dialogisme est bien entendu un échange mutuel des caractères des deux types de discours : sacré et profane. Ce texte cité étant traduit, il existe déjà dialogisme entre l’original et la version nouvelle, les deux en sont transformés ; ainsi que le signale Antoine Compagnon : « Le texte original profite des rapports et des distances multiples qui s’instaurent entre lui et ses traductions ».

En tout cas, cet écart est d’autant plus surprenant dans ce passage qu’aucune indication typographique ne vient signaler au lecteur qu’il aborde un nouveau genre de discours. Dès lors, après un temps d’ajustement de sa compréhension, il se trouve déporté dans un ailleurs ; il ne saurait s’endormir dans une lecture familière. Le discours d’information journalistique concernant les massacres de Sabra et Chatila produit le même effet de choc vu qu’il est en totale rupture avec le reste du passage :

J’applaudis et constate combien les yeux de ma fille appelaient ces applaudissements. On massacre à Sabra et Chatila. Elle l’a fait en mon honneur et pour mon seul agrément, et moi j’ai applaudi. Femmes, enfants palestiniens ; on massacre. Toujours escorté, mené par elle, je vais, nous allons rejoindre les autres à la cuisine où le petit déjeuner nous attend. (p. 112).

Une sorte de voix intérieure impose au narrateur un texte concernant un événement grave de l’actualité arabe. La même voix seconde est connectée sur le territoire où se trouve la mère mourante :

Continent lointain qui reste le mien, pour combien de temps encore : sans me reconnaître autant de science, je suis instruit des noms aussi, de même que je suis instruit du nom d’une qui se meurt couchée là-bas dans son lit...

Cette fois-ci, le passage est en italiques ; la distance avec le territoire maternel s’en trouve soulignée. Les différents fragments concernant la mère du narrateur posent la question de sa généalogie. Quand il observe sa fille, une autre part de lui-même est transportée dans le pays maternel vers son enfance et le lien premier qu’il y a établi avec sa mère. Cette méditation sur la continuité généalogique se déroule par le biais d’une discontinuité discursive et linguistique.

Tout se passe comme si la recherche de similitudes visait à pallier à ces écarts de langues ainsi qu’à cette distance géographique. Ainsi sont notées les ressemblances entre la mère du narrateur et sa propre fille : « Ces rires ; les mêmes. Chez Lyyl et chez celle qui se meurt là-bas dans son pays » ; il se retrouve enfant dans sa fille : « Moi enfant, voici ce qu’elle est. » (p. 190). Même sa femme Roussia est rapprochée de sa grand-mère algérienne : « une telle ressemblance ! Elle m’avait frappé d’emblée. » Tentatives de lier sans arrêt les êtres du passé à ceux du présent, ceux du pays d’origine au pays actuel, connections multiples, traductions dans le sens de traducere, conduire d’un endroit à un autre. Dans ce jeu intertextuel, la citation n’est pas une manière de se référer à une autorité, même si le fragment cité est tiré du livre sacré. Ce qui est important, c’est l’acte de faire comparaître un autre texte, un « ailleurs » du texte actuel.

Ce mouvement par lequel l’autre texte fait irruption, c’est ce qui « troue » l’histoire contée pour montrer sur quelle page écrite différemment elle se superpose ; sans qu’on puisse trouver de fin à cette superposition, sans qu’on puisse décider quelle écriture est plus présente que l’autre. En effet, si un discours surgit avec une telle force, c’est qu’il est fortement présent, comme une trace tenace de l’autre langue. C’est comme si l’écho d’un discours autre se faisait entendre dans le cours du récit. Dans écho, il y a l’idée d’une prolongation des mots, d’un retour de la parole différée par rapport à son origine, en même temps qu’une sorte de détachement. On pourrait dire que ces fragments venus d’ailleurs sont le fait d’une voix du narrateur qui en est séparée :

Le narrateur voudrait-il se taire, sa voix, la voix qui dit « je » n’en continuerait pas moins toute seule. N’en parlerait pas moins comme à soi seule.

C’est sans doute cet auto-dialogue, ce monologue à deux voix qui instaure la part d’étrangeté au coeur même de l’écriture. On s’aperçoit que ces deux types de discours, se référant à des territoires culturels différents, cohabitent dans ce roman. Ne sommes-nous pas en présence de ces deux signes auxquels il est fait allusion à plusieurs reprises ? Il s’agit de cette référence à un motif récurrent dans le texte coranique : la dualité des signes du jour et de la nuit, liés et pourtant inassimilables l’un à l’autre. Un verset du Coran est cité à ce propos :

Nous avons fait de la nuit et du jour deux signes ; nous avons rendu sombre le signe de la nuit, clair le signe du jour.

On peut dire qu’en tant que lecteur du Coran, Dib appartient à une généalogie, à une « filiation de l’imaginaire » selon l’expression de Khatibi. En reprenant l’un des leïtmotive du Coran, Dib s’inscrit dans un ordre de filiation poétique. En effet, cette notion donne lieu à cette opposition entre nuit et jour, ténèbres/lumière qui structure le roman : la première partie se déroule en été dans la pleine lumière ; la dernière partie a lieu dans un pays situé plus au sud, en hiver. En fait, il s’agit davantage d’une métaphore du deuil qui frappe le narrateur séparé de sa fille. De son côté, le personnage de Lyyl a sa face lumineuse et sa face d’ombre ; son aspect physique lui-même se dédouble, ainsi que son nom : Néfertiti-Lyyl.

Le verset coranique auquel il est fait allusion dans le titre d’un chapitre « Les deux signes » constitue un noyau sémantique autour duquel gravitent un certain nombre de séquences du roman. L’intitulé du chapitre est un intertitre rhématique, selon l’acceptation de Genette, c’est à dire qu’il nous informe sur la forme même du texte, sa composition.

Si l’autre langue travaille le texte sous forme de fragments lancinants qui surgissent au gré de la mémoire, elle se signale aussi par la présence de ses phonèmes ; ces derniers passent d’un terme à l’autre, en tissant des liens fondés sur la proximité phonétique.

b) Rapprochements de signifiants

Au-delà ou en-deçà du sens, l’auteur réorganise la matière signifiante de son texte en combinant des mots, en rapprochant les signifiants de l’arabe, du français et du finnois. Nous sommes ici dans un mode d’écriture paragrammatique selon la définition donnée par Julia Kristeva : « L’expansion d’une fonction signifiante précise à travers l’ensemble d’un signifiant textuel donné écartant le signe et le mot comme unité de base de la signification » et encore « le paragrammatisme pose comme point de départ une fonction signifiante minime concrétisée par une ou plusieurs lettres (ou phonèmes, qui sont ici des marques distinctives et non pas des expressions). ».

On constate que le nom de la petite fille Lyyl constitue justement cette unité signifiante principale qui essaime littéralement dans tout le roman. Son homophone L’île nous met sur la voie d’un rapprochement entre le nom de la fille et le thème de l’île. Il s’agit, bien entendu, d’un thème spécifique de l’univers dibien, auquel on peut rattacher les notions de joie, illumination, espace-temps privilégié, etc. Un des récits seconds contés par le narrateur à sa fille a justement pour cadre une île, lieu qui provoque un véritable choc émotionnel :

Oh ma fille, ce coup au coeur. La vue de cette île, une féerie qui semble rire de ta première surprise par le foisonnement de ses fleurs sauvages autant qu’on puisse le souhaiter.

Un certain nombre d’autres mots vont ainsi former une chaîne signifiante liée au nom de la petite fille : Valo, Talilo, nom d’un poète, Perle, Elanto, Laura-lee, nom d’une amie de Lyyl, Papa Tulee... Ce prénom de la petite fille se métamorphose, en changeant de graphie, en s’augmentant d’une lettre, de signes de ponctuation : Lyyli ; Lûûl ; L.Y.Y.L... Car aimer pour le narrateur c’est nommer de plusieurs manières, jouer avec le nom de sa fille :

Détachant une feuille de mon carnet, je trace les lettres L.Y.Y.L. toutes les majuscules... Tu vois ? Ca, c’est ton nom, Lyyl. N’est-ce pas ? Prends le d’un côté ou de l’autre, à l’endroit ou à l’envers, il reste le même. (p. 190).

Ce nom se pluralise donc par la graphie, il produit également un adjectif « lilienne ». Or ce nom est homophone du terme arabe leil, désignant la nuit, à partir duquel est formé le nom féminin Leïla. Il s’agit d’un terme particulièrement marqué chez les Arabes, qui ponctue en quelque sorte les moments d’enthousiasme.

Ce sont donc les connotations du mot arabe qui vont être véhiculées par ce prénom. D’autre part, sa traduction en « nuit » oriente le lecteur sur le réseau sémantique des ténèbres, particulièrement riche dans ce roman ; Lyyl possède donc deux visages : illumination puisqu’île splendide, ténèbres si l’on se réfère à la signification du signifiant arabe. Ce nom participe donc de la configuration signifiante liée au phonème li ainsi que de l’univers sémantique du mot arabe ; il est donc une véritable matrice signifiante, où viennent se fondre aussi bien les signifiants de l’une que de l’autre langue. De même, le prénom de la femme du narrateur, « Maroussia » à l’origine, va prendre une double connotation en se transformant en « Roussia », « Roussia » signifiant en arabe femme russe et s’apparentant à l’adjectif français rousse : ces connotations sont relevées dans le passage suivant :

Roussia ne s’appelle pas Roussia en fait, elle s’appelle Maroussia. Mais je l’ai appelée ma Roussia au début et ce nom Roussia lui est resté. Il lui est resté pour moi, l’emploi que j’en fais est personnel, Russe et rousse qu’elle est. Et mon nom, Borhan, mon nom  aussi, elle l’a abrégé en Borh pour son usage personnel. Borh qu’elle prononce plutôt Borg, ce qui est naturel chez les Russes puisqu’ils ont tendance à utiliser le g à la place du h. (p. 28).

Les noms sont par excellence le lieu de la transformation adaptation à l’autre qui conservent néanmoins trace de leur forme première ; ce fonctionnement typiquement littéraire fait proliférer le sens en jouant des signifiants, en les combinant, et les maintient alors que la traduction en général cherche à substituer un signifiant à un autre pour rendre compte d’un signifié.

*

A travers ces quelques exemples, nous avons essayé de montrer que la traduction n’est pas seulement un thème du roman  Neiges de marbre. Ecrire y est un traduire : non pas donner la nouvelle version achevée d’un texte se substituant à un autre ; mais ne pas abolir la distance inaliénable entre les deux ; la découvrir et jouer de l’opacité du mot étranger sur lequel bute le sens ; méditer sur les transformations d’un soi partagé par cette dualité.

C’est d’autre part confondre les signifiants pour multiplier références et connotations. On voit que ce type d’écriture travaille à la marge de la traduction en tant que substitution de signes par d’autres d’une autre langue, opération qui ne tient pas compte du jeu sur la littérarité.


Denise BRAHIMI
Université Paris 7

A propos du Désert sans détour :
la dérision du parapluie

Point n’est besoin de dépasser la typographie pour affirmer qu’il y a au moins deux manières – chez Mohammed Dib – toutes deux confirmées et exhibées par un livre récent, Le Désert sans retour [47] Chacun connaît les prestiges et les séductions de l’une d’entre elles, qu’on pourrait dire poétique et mystique. C’est donc l’autre qu’on retiendra ici, celle de l’ironiste persifleur et sarcastique, liée à un grand talent de caricaturiste qui s’exprime en visions drolatiques et féroces.

On en prendra pour exemple dans ce même récit (si récit il y a) un personnage qu’on aimerait appeler, bien que son créateur lui ait donné un autre nom, « l’homme au parapluie ». Par où nous accéderons d’ailleurs au désir de cette créature méfiante, qui est de garder l’anonymat.

Suffit pour commencer de savoir que nous sommes dans le désert et qu’il y fait continûment, inexorablement beau. Aussi bien, il se confirme très vite que les fonctions de ce parapluie-là ne sont pas celles qu’on en attend ordinairement.

1ère remarque : ce parapluie est le substitut d’une arme, il pourrait être un sabre par exemple, et fait l’objet d’un geste qui s’en souvient. Que n’aurait dit Monsieur Prudhomme s’il s’était trouvé lui aussi dans le désert ce jour-là !

2ème remarque : ce parapluie est un adjuvant important de son propriétaire, dont il signifie l’humeur et souligne les opinions. C’est un attribut nécessaire à l’affirmation de son Moi.

3ème remarque : ce parapluie contribue à la pose, à sa solennité, à sa pérennisation. Il sera statufié, éventuellement et parce qu’il le mérite, au poignet de son maître.

S’il reste une place à prendre dans la famille des Fenouillard ou des Perrichon... Mais on objectera la keffieh ; et sans doute, c’est bien à des détails comme celui-là qu’on reconnaît l’identité : brigadier, vous avez raison.

Que ce parapluie soit un moyen d’affirmer l’immobilisme n’est pas fait pour nous étonner. Une certaine manière de se fixer, qui pour être arbitraire n’en est pas moins fière. D’autres, du même geste, plantaient naguère au sol des petits drapeaux : Sol exotique et sauvage peut-être ; n’importe, ce qui compte, c’est d’affirmer qu’on n’en bougera pas. Après quoi l’imagination poético-lyrique peut se déployer, et le parapluie, à l’occasion, contribuer à son envol. Le parapluie n’en est pas moins l’organe et le symbole du potentat au point qu’on ne sait plus qui des deux confère son importance à l’autre. Aussi bien ne quitte-t-il jamais le bras de son maître, quitte à y être simplement suspendu, en attendant d’entrer dans sa fonction déictique – n’ayons pas peur des mots, et avançons nos preuves : « Le gros matou lui montre du pépin où... » etc. (p. 58).

Et comme c’est le cas de le dire dans le désert, voilà que nous brûlons, et que le vrai sens approche – le sens du parapluie s’entend, que le gros homme va nous aider à deviner : c’est grâce au parapluie que le sens des écritures sera déchiffré, en vertu d’un principe bien connu des initiés : « Un parapluie est un instrument de lecture. Ne l’oublie jamais. » (p. 85).

Ainsi donc le parapluie dans le désert, pour absurde qu’il ait pu sembler aux ignares que nous sommes (absurde, voire surréaliste, rappelons-nous sa place sur la table de dissection) – ce parapluie avait du sens, touchait au sens, s’apprêtait même à le découvrir. Et voilà pourquoi un homme bien avisé ne part pas dans le désert sans parapluie : bien joué, Monsieur Hagg-Bar (pour enfin l’appeler par son nom).

Cependant, même ou surtout avec de pareilles certitudes, on n’échappe pas à un moment qu’il faut bien appeler crise – tout étant sans doute dans la manière de l’interpréter. Le parapluie, comme moyen de persuasion, perd parfois de son efficacité, et si le parapluie perd de son sens, avec quoi le lui rendra-t-on ? Son propriétaire peut alors se permettre de le ravaler au rôle de tabouret, médiocre appui pour un postérieur trop rebondi. Mais qui peut dire si cet avatar ne prépare pas une autre et plus glorieuse transfiguration ?

Car le lecteur a fini par s’attacher à ce pépin ridicule et même à le regretter. De quel droit un autre hurluberlu, jadis solidaire de l’homme au parapluie, se permet-il maintenant de décrire l’objet comme la marotte aux mains d’un fou ? N’est-il pas plus fou lui-même de croire qu’il a reçu révélation ou consécration de quelque secte d’initiés ? Et plus ridicule, le collier de dignitaire qu’on lui remet à cette occasion, et dont il a la faiblesse d’être ébloui ? Parapluie dérisoire, assurément, mais, au règne des marottes, qui se sent capable d’évaluer les degrés de la dérision ?


Passerelles & intertextes


Isaac Célestin TCHEHO
Université de Ngaoundéré (Cameroun)

D’un texte à l’autre : l’écriture itérative en question chez Mohammed Dib

La littérature maghrébine de langue française offre des exemples d’écrivains qui ont fait du palimpseste leur passion : leurs oeuvres publiées à tels moments contiennent des éléments, souvent de premier ordre, qui se trouvaient déjà dans un ou plusieurs de leur(s) texte(s) antérieur(s). Entre les mains de ce type d’auteur, l’écriture procède en grande partie par effacements et réinscriptions, exactement comme dans une expérience de (re)construction sur des ruines d’anciens édifices. Le cas de Kateb Yacine est sans nul doute le plus souvent cité, lui-même ayant déclaré à plusieurs reprises qu’il a (ré)écrit un seul et même texte sous des titres apparemment différents.

Pourrait-on le dire de Mohammed Dib aussi ? Il semble que non, si l’on s’en remet à Kateb Yacine. En effet, celui-ci, dans une conférence donnée à Alger en 1967, a procédé à la lecture de l’oeuvre de Dib en ces termes rapportés par Marc Gontard :

Il y a des écrivains qui, comme Mohammed Dib par exemple, à chaque livre, semblent rompre avec un monde passé pour en aborder un autre, ce qui fait que chacun de leurs livres peut se lire séparément, sans référence aux autres.[48].

La confusion entre la biographie et la bibliographie de l’écrivain n’est-elle pas à l’oeuvre dans ces affirmations ? Les propos de Kateb auraient toute leur pertinence s’ils s’appliquaient à la vie que Dib a menée notamment jusqu’en 1959, année de son expulsion d’Algérie par les autorités coloniales. Car Dib a touché à un peu de tout à cette époque : instituteur (1939) ; comptable dans les services de l’armée (1940) ; employé de chemin de fer (1942) ; interprète d’anglais auprès des armées alliées (1943) ; dessinateur de maquettes de tapis, peintre d’occasion (1945-1947) ; journaliste à Alger Républicain, en même temps que Kateb Yacine (1950) ; employé de commerce (1956)... Pendant tout ce temps, il ne cesse d’écrire des poèmes et des récits romanesques. Il est donc évident que sa vie est meublée de bric et de broc entre 1939 et 1959. Le reste de sa vie est accaparé par sa profession d’écrivain.

Il en va autrement de son oeuvre. En 1967 quand Kateb tient ses propos, Dib a à son actif six romans, deux recueils de nouvelles et un recueil de poèmes. Certes, tous les titres ne semblent pas relever du même centre d’intérêt, mais il paraît forcé de soutenir que les constituants de cette production peuvent se décoder « séparément, sans référence aux autres », comme le dit Kateb.

Dib lui-même a parlé de Trilogie Algérie, pour désigner ses trois premiers romans ; il n’a jamais trouvé anormal que la critique aussi utilise cette terminologie globalisante. Cela revient à dire qu’il est judicieux, à plus d’un titre, qu’une partie au moins de son oeuvre soit considérée dans un sens qui est aux antipodes de celui où Kateb Yacine se situe. Du reste, des critiques, d’Eric Sellin à Beïda Chikhi, en passant par Jean Déjeux et d’autres, ont décelé des liaisons assez étroites entre certaines de ses oeuvres. Toutefois, le sujet est loin d’être épuisé.[49] Dans leurs études, les uns et les autres ont tendu à accorder trop peu d’attention à Un Eté africain ; c’est pourtant un des textes à partir desquels l’examen permet d’établir avec encore plus de profit l’importance du système itératif chez Mohammed Dib.

Dans le même ordre de pensée, un texte qui a paru dans le numéro 1 de la revue Terrasses, à Alger, en juin 1953, n’est mentionné nulle part, alors qu’il serait très utile. Ce texte est intitulé Les Hommes sans vocation. Bien qu’annoncée comme devant paraître six fois par an, la revue Terrasses ne dépassera pas le cap d’un numéro. Jean Sénac en était le directeur-gérant. Dans le comité de rédaction figure le nom de Mohammed Dib, à côté de ceux de Sauveur Galliero, Mouloud Mammeri, Jean de Maisonseul, entre autres. Cette unique livraison contient quelques articles courts, des commentaires de spectacles, mais surtout des textes inédits d’Albert Camus, de Jean Sénac (qui signe aussi Christian-Pérez et Gérard Coma), Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Mohammed Dib... Le texte de ce dernier (pp. 12-20) ne comporte pas d’indication générique ; mais c’est incontestablement une narration romanesque au début de laquelle il est précisé : « (fragments) », et à la fin, « (à suivre) ». Le sous-titre du texte est « Oncle El Hadj ».

Cette dernière information permet déjà d’entrevoir des connexions avec des textes ultérieurs : un personnage de Un Eté africain et Qui se souvient de la mer, oeuvres parues en 1959 et 1962 respectivement, s’appelle (est-ce un hasard ?) El Hadj. De façon tout aussi évidente, le titre de l’extrait de 1953 se retrouve au chapitre IX de Un Eté africain où l’on peut lire : « ceux-là seuls sont des hommes sans vocation » ; pourtant, l’expression même n’est pas incluse dans le corps du récit ainsi intitulé en 1953. En réalité, ces quelques signaux s’avèrent être l’arbre qui cache la forêt. Il y en a davantage, dont l’examen débouche sur la découverte de l’existence d’un réseau, beaucoup plus dense qu’on ne l’aurait imaginé, de structures itératives dans l’écriture de Mohammed Dib. Nous verrons ainsi que l’extrait datant de 1953 est la matrice vers laquelle renvoient un ou plusieurs aspects des oeuvres ultérieures, qu’il s’agisse du Métier à tisser (1957), d’Un Eté africain (1959), de Ombre gardienne (1961) ou de Qui se souvient de la mer (1962). Ceci au niveau du cadre et du temps de certains épisodes, de certains personnages importants, des préoccupations exprimées et même des formes des discours qui sont tenus.

Dans Les Hommes sans vocation, l’action se déroule, au plan global, dans la ville de Tlemcen. Au sein de ce lieu, le point focal est une boutique située au « quartier, centre d’une activité intense où se traitent toutes sortes d’affaires. » La structure du lieu focal est déterminée par un principe de binarité topologique qui le rend très fonctionnel : l’on distingue le dedans et le dehors de la boutique, c’est-à-dire, d’une part, l’endroit où les personnages principaux sont fixés et, d’autre part, son complément, c’est-à-dire celui où les autres personnages évoluent de manière à garder comme point de mire ce premier lieu, l’intérieur de ladite boutique donc. L’auteur fait du dedans un observatoire et un lieu observé : les uns font attention au dehors à partir de là, tandis que les autres regardent par là du dehors.

Cette binarité topologique et fonctionnelle est réexploitée tour à tour dans Un Eté africain et dans Qui se souvient de la mer, dans des termes presque identiques. « Djamal T, sans lever les yeux sur ce qui se passait dehors, percevait néanmoins le brouhaha de plus en plus nourri » (1953, p. 18) revient sous la forme : « (Djamal) s’approche de la porte et regarde le mouvement de la rue » (1959, p. 93) ; puis : « El Hadj, paisible, (...) regarde tranquillement dehors » (1962, p. 48)[50]. Dans ces trois cas de figure, il est question, encore une fois, du même espace élargi ( la ville de Tlemcen, en Algérie), du même espace ramené à la dimension d’un quartier, puis d’une rue commerçante et d’une boutique (celle de El Hadj).

A la question de savoir à quel moment cet épisode se déroule, Les hommes sans vocation et Un Eté africain fournissent des réponses identiques : « C’est aujourd’hui vendredi » (1953, p. 14) a son calque : « C’est aujourd’hui vendredi » (1959, p. 89). Ces éléments appartiennent au même épisode, celui du mendiant.

Plusieurs personnages mis en scène dans Les Hommes sans vocation réapparaissent, avec, pour l’essentiel, la même configuration, dans Un Eté africain et Qui se souvient de la mer. Ainsi avons-nous dans les trois textes la paire Djamal – El Hadj autour de laquelle gravitent les mêmes visages individuels ou collectifs.

Le personnage nommé Djamal T... dans Les Hommes sans vocation se retrouve dans Un Eté africain sous le nom de Djamal (tout court), après qu’il ait en quelque sorte fait une incursion dans Le Métier à tisser où le narrateur précise à son sujet : « Djamal Terraz, un authentique fils de grande famille, lequel tirait le diable par la queue » (chapitre IX). Dans Qui se souvient de la mer, le « Je » narrant de certains épisodes, malgré cet anonymat pronominalement codé, porte en fait un masque transparent, pour qui a lu l’oeuvre antérieure de Dib : l’on reconnaît sans peine Djamal, tellement les paroles prononcées, les questions qu’il se pose ou qu’on lui pose, ses traits psychologiques, son entourage immédiat et d’autres éléments liés à lui ont des rapports spéculaires soulignés avec ce Djamal T... de 1953, à qui El Hadj fait une démonstration concrète de solidarité humaine une fois le mendiant ayant fait irruption dans son échoppe : autant de détails datant de 53 qui sont reproduits par la suite dans les romans.

El Hadj, d’ailleurs, garde exactement le même nom partout. De 1953 à 1962, il est toujours perçu dans le rôle de propriétaire de la boutique dont il est question, et surtout, d’ami, de conseiller averti de Djamal. Toujours disposé à stimuler son ami, à le soutenir moralement afin qu’il retrouve la raison de vivre, El Hadj fait montre, invariablement dans les oeuvres, de lucidité et de maturité, tandis que Djamal demeure, quant à lui, porté vers des fantasmes inhibiteurs. En 1962, comme d’abord en 1953 puis en 1959, l’auteur brode autour du même module d’opposition entre l’homme qui a les pieds sur terre et celui qui ne maîtrise aucun des quatre points cardinaux.

Dans le sillage de cette paire actantielle promenée partout, l’auteur fait entrer ou sortir, selon ses besoins, les mêmes figures d’une oeuvre à l’autre : un mendiant dont Dib se sert pour illustrer le sursaut de générosité que l’on peut encore retrouver chez certains hommes ; une cohue constituée « Des femmes voilées, des vieillards que des enfants guident par la main ». Ces derniers termes tirés de Qui se souvient de la mer sont exactement ceux déjà utilisés par Dib dans Un Eté africain et Les Hommes sans vocation. L’image obsessionnelle est celle d’un univers lugubre à souhait, peuplé invariablement de personnages à problèmes. Dans une oeuvre comme dans l’autre, ils gardent tous la même attitude, accomplissent les mêmes gestes, tiennent le même langage, ou peu s’en faut. Chacun d’eux et tous ensemble demeurent confrontés à un même destin remarquable par son caractère immuable. L’itération de l’écriture semble donc ici figurer cette immuabilité hypertrophique, un leitmotiv dans l’oeuvre considérée.

Une des idées aussi répétées dans celle-ci est la déchéance humaine. Quand son processus atteint son paroxysme, semble soutenir Dib à travers Djamal Terraz, l’être se morfond dans l’introspection radicale, dans un miroir de contemplation douloureuse de la dégradation ontologique : le complexe d’inutilité s’installe alors pour de bon. Pourtant, l’homme a des potentialités, que les circonstances de la vie l’amènent à ignorer malheureusement. Chronique, ce complexe nullifie tout effort visant à pousser l’homme à « conquérir le trône ». Même ce personnage qui proclame sa royauté dans Le Métier à tisser tient sur lui-même un discours de la dérision. Celui qui lance, sans y croire, « Je suis le roi », s’appelle Osman-la-mort ! Il veut dire que tout lui échappe, même s’il était destiné à mieux.

Cette problématique est ainsi exprimée dans Les Hommes sans vocation : « Vous êtes un monarque méconnu ; vous portez la couronne, et il vous faudra conquérir le trône » ; et dans Un Eté africain : « Vous êtes un monarque méconnu, vous portez la couronne : il vous faudra conquérir le trône ».

La substitution des deux points à la virgule initiale est sans conséquence notoire sur l’illustration du procédé itératif dont il est question chez Dib. Ce discours sur la royauté inexploitée est repris, dans des termes essentiels, aux pages 53 à 54 de Qui se souvient de la mer.

Les reprises de certaines parties du texte initial dans des textes publiés par la suite mettent ensemble des oeuvres de même nature, le genre romanesque en l’occurrence. Peu importe ici que Qui se souvient de la mer soit un récit onirique alors que les autres sont des narrations réalistes. En fait, et plus exactement, le système itératif fait intervenir différents genres, en particulier le roman et la poésie.

En effet, des parties de Ombre gardienne, oeuvre poétique, ont d’abord paru dans Un Eté africain, un roman. Aux pages 95 à 97 de ce dernier titre, les paroles d’un chant sont attribuées au personnage nommé Yamna Bent Taleb (qui est très vraisemblablement « La vieille Yamna » qui resurgit aux pages 21 à 22 de Qui se souvient de la mer). Le chant est présenté en sept morceaux, découpage correspondant aux mouvements du personnage. Sous le titre « Une voix », ces morceaux sont rassemblés en un texte poétique à six strophes dans Ombre gardienne. Le poème qui suit directement celui-là, intitulé « Sur la terre en passant », se trouvait déjà dans La grande Maison, le tout premier roman de Mohammed Dib, paru neuf ans avant Ombre gardienne.

Il est certain que Dib a commencé par s’essayer à la poésie avant d’en arriver à la création romanesque. Les textes qui acquièrent leur autonomie dans le recueil de 1961, textes apparemment sortis des oeuvres romanesques antérieures, effectuent donc en réalité un retour à leur forme d’existence initiale. Dib s’en sera servi comme d’outils de rupture de l’hétérogénéité narrative qui caractérise le texte romanesque. L’écrivain confère ainsi une fonction d’auxiliarité à ses poèmes sans détruire leur nature première de genre autonome.

Ce détour permet de mettre en lumière le fait que Dib, en se reprenant, voyage entre des genres littéraires différents, en même temps qu’il se meut entre des oeuvres de même catégorie générique. Dans ses exercices d’itération, l’auteur se donne aussi la liberté d’effectuer des retouches plus ou moins remarquables : les reprises se font en changeant ce qu’il faut changer.

Les Hommes sans vocation, Le Métier à tisser et Un Eté africain sont des récits à la troisième personne : un narrateur extra-diégétique est le relais entre l’histoire et le lecteur. Dans Qui se souvient de la mer, c’est plutôt le récit à la première personne qui nous est servi. L’on a donc, en tout, tantôt quelques changements, tantôt des itérations totales. Cela donne, par exemple : « La maison n’est pas faite pour lui » (1959, p. 62) qui devient : « Je ne pouvais plus tenir à la maison » (1962, p. 46) ; « Il regarde rarement sa femme, mais chaque fois qu’il y pense il est frappé par son expression d’inaltérable jeunesse. » (1959, p. 63) devenu : « Nafissa eut à cet instant quelque chose d’incroyablement enfantin, et je désirai contempler son corps nu ; pas une seule fois elle ne s’était dévêtue devant moi » (1962, p. 37)...

Dans ce dernier exemple, tiré de Qui se souvient de la mer, le désir du personnage (« Je », c’est-à-dire Djamal) est exprimé plus clairement que dans Un Eté africain. Qui se souvient de la mer exprime sans fioriture, Un Eté africain se fait davantage suggestif ; mais l’explicite reprend assez vite le dessus :

 Celle qui a la charge de nos existences, se dit Djamal, considérant l’ovale allongé de son visage. Il ne peut nier qu’elle soit jolie. Son menton pur est d’une beauté tendre, que relève la finesse des lèvres légèrement arquées. La roseur des joues trahit encore mieux l’extrême jeunesse de Nafissa  (1959, p. 63).

L’on n’a pas ici une variation importante, à proprement parler. « La finesse des lèvres légèrement arquées » de Un Eté africain est reproduit dans Qui se souvient de la mer sous la même forme digne des poèmes anté-islamiques : « Ses lèvres arquées et fermées » (p. 39). Que ce soit « Il » ou « Je », la voix narrante produit un discours itératif, à très peu de choses près.

Cette conclusion est pertinente même dans le cas où se glisse une variation au niveau temporel. L’on peut reprendre, à cet effet, l’épisode du mendiant. En 1953, Dib écrit : « Un mendiant s’approcha de la porte du magasin ». En 1959 et 1962, il réécrit tour à tour : « Là-dessus, un mendiant s’approche de la porte du magasin » et « Je tressaille, mon regard tombe sur un vieux mendiant surgi de cette foule ». Dans les deux dernières moutures, le présent de l’indicatif se substitue au passé simple du premier texte ; mais le caractère subit de l’événement, que peut-être ce pseudo-changement aurait pu atténuer, est parfaitement préservé par les termes tels que « là-dessus » ; « Je tressaille » ; « surgi de ». Le glissement temporel du passé simple au présent de l’indicatif, sans doute, introduit quelque nuance ; mais en s’en tenant à l’essentiel, les textes demeurent les mêmes de 1953 à 1962.

Au début de Les Hommes sans vocation, entre autres hypothèses envisagées par El Hadj spéculant sur les idées qui tentent Djamal, figure celle-ci : « épouser peut-être une femme de coeur ». Ni Un Eté africain, ni Qui se souvient de la mer ne mentionnent cet élément, et pour cause. Si Djamal T... est encore un jeune, célibataire, dans le premier récit, on indique qu’il a 28 ans et est l’époux de Nafissa dans Un Eté africain, tandis qu’il est nettement plus âgé dans Qui se souvient de la mer. Cette dernière oeuvre, par ailleurs, nous révèle un El Hadj qui s’engage dans l’action nationaliste sans plus de retenue ; il est d’ailleurs tué. L’auteur tient donc compte de certains paramètres dynamiques tout en manipulant l’écriture itérative. Notamment, Dib prend soin d’actualiser ses textes. En 1953, évidemment la situation socio-politique en Algérie ne pouvait être exactement celle qui prévaut dans les oeuvres ultérieures : la guerre a éclaté le 1er novembre 1954. Dib emprunte à chaque moment de l’Histoire de quoi retoucher à bon escient le texte préexistant. Ce faisant, il tient à garder certains éléments angulaires de l’écriture pour que celle-ci demeure itérative.

Il tient également compte des nécessités esthétiques. La scène de l’apparition du mendiant se dédouble dans Les Hommes sans vocation : un mendiant apparaît encore à Djamal, mais il s’agit cette fois-ci d’un rêve, d’une vision en différé (ou flash-back). Cette scène est traitée elliptiquement dans Un Eté africain, mais est reprise dans Qui se souvient de la mer avec presqu’autant de détails que dans le texte de départ. Il s’agit d’un élément onirique, et l’on sait quelle part d’onirisme Dib, de son propre aveu, a injectée dans l’écriture du roman de 62. De par sa nature onirique donc, cet épisode a dû lui sembler moins indiqué dans Un Eté africain que dans Qui se souvient de la mer, texte de « pressentiment et de vision », par définition, selon Dib lui-même.

En d’autres termes, chez celui-ci, procéder à des reprises n’implique pas seulement de simples transferts d’une oeuvre à l’autre. L’auteur détermine lui-même les lieux, les moments où il doit ou non répéter « in extenso ». Le palimpseste a ses exigences, ses subtilités, et Dib semble en connaître les secrets : c’est le privilège de l’artiste véritable qu’il est.

La grille de l’itération au sein de laquelle Dib travaille comporte trois cas de figures :

1er cas : l’itération « in extenso » : le texte d’arrivée est totalement identique au texte de départ ;

2e cas : l’itération – troncation : le texte d’arrivée comporte moins d’éléments que le texte de départ ;

3e cas : l’itération – extension : le texte d’arrivée comporte plus d’éléments que le texte de départ.

L’ordre de succession des éléments, dans les cas 2 et 3, peut varier au sein d’une même structure de répétition de base. C’est dire que Dib passe par l’itératif pour produire de la variété, dans l’ensemble de l’oeuvre.

Il semble trouver le procédé répétitif tellement intéressant que, en plus de s’en servir dans plusieurs oeuvres différentes, il cède à la tentation de le pratiquer aussi dans le microcosme d’une seule oeuvre. Un Eté africain en offre peut-être les meilleures illustrations, comme le confirme le tableau suivant :

 

Texte de départ

 

Texte d’arrivée

 

p. 9

Rahma arrive...la domestique se retire

 

La servante Rahma arrive...Rahma se retire

p. 47

p. 10

Yamna pose un verre... thé bruyamment

 

Yamna pose un verre... thé bruyamment

p. 47

pp. 10-12

C’est d’autre chose...moi aussi

 

Il s’agit d’autre chose...moi !

pp. 47-50

pp. 14-15

Tenez, ca me rappelle...partout des anges

 

Tenez, ça me rappelle...partout des anges. Que Dieu le juge

pp. 52-55

p. 51

Les gens, chez nous...bien sûr !

 

Les gens, chez nous...génération !

p. 55

p. 55

Vous, Moukhtar Raï...souvent

 

Vous, Moukhtar Raï...souvent

p. 182

.

Trois fils thématiques évoluent parallèlement dans le roman : le drame de l’Algérie, celui de Djamal et celui de Zakya. Ce dernier personnage est une jeune fille qui voudrait s’émanciper, dans le bon sens du terme, des traditions sociales. Curieusement, toutes les itérations auxquelles Dib procède, telles que consignées dans le tableau ci-dessus, se localisent uniquement dans les segments impliquant Zakya et sa famille. Les chapitres I, VI et XVII concernés sont des épisodes se déroulant exclusivement dans l’enceinte de cette famille.

Le drame de Zakya, c’est de ne pouvoir échapper aux scléroses de sa société, malgré ses velléités de changement. « Ombres, ombres, ombres... Je ne vois que des ombres ». Telles sont les dernières paroles de Zakya, sur lesquelles le roman se termine également. C’est un discours de clôture tout en répétitions. Les structures répétitives contribuent donc aux procédés de mise en exergue des aspects psychologiques, mais aussi sociologiques, et peut-être philosophiques du drame du personnage. Elles rendent concrète, pour ainsi dire, l’idée d’immobilisme de Zakya, d’immuabilité de la société émasculatrice. Les forces inhibitrices font tourner le personnage et la société en rond. Pour le dire, l’auteur passe par un discours qui revient sur lui-même.

Il procède de la même manière pour exprimer une idée semblable au sujet de Djamal Terraz. Celui-ci et sa famille luttent de leur mieux afin de corriger le destin. Pour quel bilan ? Le narrateur nous en informe dans un langage à connotation répétitive : les termes « une demi-douzaine de fois » ; « d’une demeure à l’autre » ; « retrouvé les mêmes voisines (...), la même marmaille » ; « dans tous les coins »...(1959, p. 61), dans le compte-rendu du narrateur, sont assez explicites, dans le sens de l’itération figurant l’immuabilité de la condition humaine.

Un des mots génériques dans les oeuvres de Dib est « l’horreur ». Or, écrit l’auteur dans la postface de Qui se souvient de la mer, « L’horreur (...) ne connaît que la répétition ». Il est donc tout à fait indiqué de chercher à retrouver, comme nous l’avons fait, les rapports entre l’écriture itérative et des données relatives aux personnages voire à la vision globale de l’auteur. L’itératif est une marque de l’obsessionnel. Il apparaît bien, chez Dib, un phénomène de hantise. La psychanalyse, peut-être, nous éclairera davantage dessus...

Dib soutient, toujours, dans la postface de Qui se souvient de la mer, qu’il ne faut pas voir dans l’écriture « aléatoire » qu’il privilégie à cette époque-là autre chose que « le résultat d’une intuition ». Nous pouvons avancer la même explication ici. Mais les reprises sont par trop voyantes pour qu’il soit effectivement et uniquement question d’inconscient ou de phénomène intuitif. Une fois les éléments angulaires de son activité créatrice ayant été mis en place, l’auteur ne quitte plus ni ses personnages, ni les lieux où ils se meuvent, ni les idées qu’ils brassent. Il aménage les lieux de duplication de leurs itinéraires.

La parturition ne serait-elle pas, comme chez Tahar Ben Jelloun (qui l’a expliqué par ailleurs)[51], une expérience passionnée de lutte entre le créateur qui traque ses créatures et ces dernières qui hantent simultanément le créateur ? Quel que soit le cas envisagé, dans l’oeuvre de Mohammed Dib, l’écriture itérative est dépourvue de gratuité.

NB. Nous tenons particulièrement à exprimer, in memoriam, notre gratitude à M. Jean Déjeux qui nous confia l’unique numéro de Terrasses lors de notre séjour à Alger quelque temps avant son départ définitif d’Algérie. Ce fut également lui qui facilita nos tout premiers contacts directs avec Mohammed Dib en Italie en 1983. Nos relations épistolaires ultérieures avec Dib donnèrent un éclairage nouveau au cours que nous donnions alors à l’Université de Yaoundé, sur Un Eté africain. Que Dieu prenne soin de l’âme de Jean Déjeux.


Martine MATHIEU
Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3

Mohammed Dib : Errances et pèlerinages

Un texte de Mohammed Dib paru en 1992, Le Désert sans détour (Récit ? Parabole ? Roman, annonce l'éditeur. Soit.), me semble emblématique de toute l'oeuvre de l'écrivain. Le titre tient en partie son rôle d'annonce –c'est bien de désert qu'il est question par la suite – mais pour l'essentiel, il apporte un décalage ironique au propos qui se développe : les deux personnages qu'on y découvre ne cessent de tourner en rond dans un espace à la fois étriqué et infini où nul terme apaisant ne semble accessible. Dans une acclimatation orientale parodique d'une quête don-quichottesque, M. Hagg Bar et son subalterne errent à la recherche d'un campement mythique. Certes, c'est le thème nostalgique canonique de la poésie arabe des atlals qui s'inscrit ainsi dans une intertextualité ostentatoire, mais les dénominations humoristiques, voire grotesques –le valet s'appelle Siklist ! – montrent assez qu'il ne faut pas chercher le sens trop exclusivement du côté d'un hommage et d'une pieuse reprise de la tradition arabe. La référence au texte biblique signalée dès l'épigraphe ( Nous partîmes donc d'Horeb et nous marchâmes, par tout ce grand et terrible désert... Deutéronome I,19) ouvre de toute façon plus large la possibilité d'interprétation symbolique. Quelle course, quelle épreuve entreprennent donc Siklist et son maître ? Quel havre, quel lieu originel aimantent leur périple ?

La réponse n'est pas tout à fait aisée, et n'apparaît éventuellement dans le fil du texte que sous des formules énigmatiques, telle (p. 56) :

Ils avançaient parce qu'ils croyaient que ça les avançait. Il n'en était rien. En quelque sorte, ils étaient arrivés et ne le savaient pas...

Pistes qu'on hésite d'autant plus à emprunter qu'avec ce discours narratorial d'autorité (auquel l'italique confère l'écart solennel d'un oracle intemporel) alternent des passages où le récit (rendu alors en caractères romains) se fait plus chaotique, à l’amble de la démarche des personnages[52] L'interprétation s'en trouve elle aussi contrainte à des ruptures, des bifurcations, des reprises et des doutes.

Errances

Narrations en fragments

Cette conduite de narration n'est pas particulière à ce texte, mais bien au contraire dans la manière habituelle de l'auteur, en esquisse dans les premières oeuvres, de plus en plus élaborée dans les derniers cycles. Ignorant le principe de linéarité continue, le récit procède en effet chez Dib par parataxe. Soit que se succèdent plusieurs énonciateurs. Ainsi Le Sommeil d'Eve est-il constitué de la juxtaposition de deux soliloques. Soit (et c'est le cas le plus fréquent) qu'une seule et même instance d'énonciation recoure à des modalités d'expression variables : de celle de la distanciation dans une narration à la troisième personne ( et là, le narrateur peut s'avérer omniscient aussi bien que lacunaire) à celle du discours (selon l'acception de Benveniste) dans lequel, qui plus est, s'installe un imbroglio vertigineux des marques d'interlocution.


Je me suis tue, mais pas ma voix, ou peu importe, la voix qui dit je et va continuer. La voix qui interpelle et ne s'entretient qu'avec elle-même. Une parole en s'adressant à lui qui parlera seule là où elle est.

Le Sommeil d'Eve, p. 11.

Celui qui dit, Je, aveugle allant d'obstacle en obstacle (...).

Neiges de marbre, p. 25.

Le narrateur voudrait-il se taire, sa voix, la voix qui dit, Je, n'en continuerait pas moins toute seule. N'en parlerait pas moins comme à soi seule.

Ibid., p. 47.

Se substituent ainsi marques de personne et anaphoriques distincts alors que les référents se confondent dans l'indistinction. Dans Le Désert sans détour, "il" ; "ils" ; "je" ; "nous" réfèrent à l'identique aux voyageurs en déroute.

L'auteur se livre donc à l'entremêlement constant des rôles personnage / narrateur, au brouillage fréquent des repères énonciatifs. La source d'énonciation du texte à lire n'en apparaît pas pour autant multiple en général, mais plutôt éclatée, et surtout pulvérisée, la tentation qui, sur l'ancrage de quelques indices[53], pointe de temps en temps de lire ces textes comme des fragments d'autobiographie. Le "je" qui semble en tel endroit le signe de l'épanchement lyrique prend, dans le paragraphe suivant, tout à fait la valeur du "il" qui, en outre, confine plus à l'impersonnel qu'à la "non-personne"[54]. Dans ces constructions en emboîtements, au-delà d'un "je" se dessinent les contours de bien d'autres "je" possibles. Et le projet qui consiste à mettre en pièces avec application le piètre culte du moi relève d'intentions à la fois esthétique et mystique.

Archange à la croisée des temps et comme tu es avec nous, que je sois le dernier des hommes si je continue à vouloir n'être que moi entre deux, entre trois, quatre, cinq autres moi.

Le Désert sans détour, p. 128.

Parmi les procédés de mises en abyme, on peut même ranger la récurrence manifeste de séquences dans lesquelles s'impose une citation qu'il est difficile d'attribuer à un auteur précis. Soit qu'une mémoire individuelle s'avère défaillante.

En attendant ce jour, en attendant demain, je peux me dire (avec le poète dont ma mémoire infidèle a laissé perdre le nom) :      
folie en vain.              
ton oeil aux lointains.
emprunte sa nostalgie (...),

Les Terrasses d'Orsol, p. 86.

le premier vers d'un poème avait fait irruption en moi.
Partons, partageons l'argile et la peine...        
C'est tout. La suite ? Envolée à jamais.          .

Le Sommeil d'Eve, p. 43.

Soit que la chaîne des relais renvoie la création à un passé immémorial. Ainsi, un père chante-t-il pour sa fille.

Tout en haut des arbres.                
Dors mon bébé, dors.

Neiges de marbre, p. 56.

une berceuse que sa propre mère lui chantait (Ibid. p. 215), berceuse reprise en écho ailleurs.

Un blond bonhomme chante comme pour empêcher que le décor ne s'écroule sur lui.(...).        
Dors, mon petit, dors, (...).            .

L'Infante maure, p. 43-44.

Soit encore que, susceptible d'être traduite, l'oeuvre ne puisse plus être considérée comme celle d'un être unique, ni le traducteur rester lui-même monolithique.

J'ai encore traduit quelques pages ; c'est mon métier traduire. Activité qui donnerait à penser, et sur elle-même, et sur ce que l'on fait. Se luxer le poignet à force d'écrire sans être écrivain, tout en l'étant et quelquefois meilleur écrivain que d'aucuns plus connus ou reconnus comme tels, oui c'est une activité paradoxale. Nous affectionnons, nous traducteurs, avancer derrière un masque emprunté et qui est pour nous l'autre écrivain, toujours un étranger. Et afin que l'équivoque, ou la confusion, soit totale, excitante, nous nous imposons de changer sans cesse de masque et, de masque en masque, d'en adopter un de notre sexe aujourd'hui, le lendemain du sexe opposé.

Neiges de marbre, p. 57-58.

Histoires en miroir

Puisque derrière un auteur ou un narrateur s'en perçoivent d'autres, on comprend bien que les histoires elles-mêmes se surimpriment les unes aux autres, ou se dédoublent en un procédé spéculaire.

La matière fictionnelle que travaille Dib est souvent reprise de récits fondateurs empruntés à diverses cultures : orientale bien sûr, mais aussi occidentale, y compris dans ses extensions les plus septentrionales. Ainsi, l'histoire présentée dans Le Sommeil d'Eve (celle d'une Finlandaise –au nom arabe de Faïna = la perdition ! – mariée à Oleg mais amoureuse de Solh, l'Algérien ) peut-elle troubler lorsque Solh est progressivement désigné comme loup, ce qui l'oblige à s'assumer elle-même en louve ( N'oublie pas, Faïna, que tu t'appelleras Louve aussi annonce la sentence anonyme qui troue le premier monologue, p. 29). Elle s'éclaire quelque peu par l'allusion récurrente au titre de l'oeuvre du peintre finlandais Hugo Simberg, La Fiancée du loup. Elle est davantage encore mise en lumière par l'aveu que fait Dib, dans son introduction à la littérature finlandaise[55], de sa prédilection pour des récits fantastiques finnois comme celui d'Aino Kallas (1878-1956), intitulé La Fiancée du loup.

De plus, dans l'univers dibien, aucune histoire n'est définitivement enclose en un volume. Non seulement l'auteur procède par cycles, ce qui permet le retour des personnages (la trilogie initiale, Algérie, permettait de suivre, de roman en roman, le destin d'Aïni, de Zhor, et surtout d'Omar...), mais il s'autorise même à reprendre un personnage d'un cycle à l'autre. Djamal Terraz, qui apparaissait dans Le Métier à tisser (troisième volet d'Algérie), se retrouve dans Un Eté africain. Du moins, le nom est-il réutilisé, car il n'est pas sûr que le personnage soit identique. Dib procède plus par variations que par duplication pure et simple. De même, le personnage de Lily, aperçu dans Habel forme-t-il un lointain écho (et d'autres rapprochements s'imposent, au-delà de l'homophonie) à la jeune Lyyli de l'Infante maure, elle-même évidente modulation de Lyyl de Neiges de marbre. Ou bien encore Habel, personnage éponyme d'un roman de 1977, ne peut-il pas ne pas rappeler (d'autant que sa relation conflictuelle au frère y contribue par ailleurs) un personnage biblique, à une lettre près, le "H" qui semble pour l'auteur une lettre totémique tant elle ponctue la majorité des dénominations de gens et de lieux. Une scène onirique mettant face à face deux protagonistes, Faïna et sa mère, (et d'autant plus métaphorique qu'on peut en l'occurrence décrypter le nom de Solh, qui est d'abord celui d'un personnage – en arabe = réconciliation -) le pointe particulièrement :

A propos de la guerre du Proche-Orient, elle mentionne un nom et s'arrête pour me demander comment il s'écrit. Je sursaute et dis, quoique j'aie bien entendu : "Quel nom ?" Elle répète : "Solh. Est-ce qu'on l'écrit avec h à la fin ?" (...) Et sans laisser paraître mon trouble, je dis : "Oui, je crois avec h." Alors elle se lève et va tracer en majuscules sur, aurait-on dit, la table de la loi de Moïse : SOLH.

Le Sommeil d'Eve, pp. 83-84.

Outre les personnages, des micro-séquences narratives-types, ou s'il n'y a pas tout à fait amplitude de développement, des motifs narratifs présentent, des oeuvres des années 60 à celles de la dernière décennie, une récurrence obstinée dans une mythologie dibienne qui se réapproprie des éléments mythiques universels[56].

Au premier rang de ces motifs-clés, s'impose celui de la tribulation dans des lieux labyrinthiques. Dans Un été africain, Djamal Terraz erre sans but précis dans le dédale des rues de la cité, tandis que Zakya, la jeune bachelière dont l'histoire est menée en parallèle manifeste un état similaire, quoique plus intellectuel, de flottement et de désarroi. Dans Qui se souvient de la mer, inaugurant la veine fantastique de l'auteur, la ville, tout en se pétrifiant progressivement dans le basalte, offre l'occasion d'interminables marches à des êtres indéfinis en proie à l'angoisse que procurent d'envahissantes « nouvelles constructions » ou de potentiels « minotaures ». Dans Cours sur la rive sauvage, la cité fantastique de Ville-nova où apparaissent des « Vorasques » n'est que « désordre babylonien », embûches à surmonter pour « parcourir le labyrinthe au bout duquel tu te retrouveras ». Quant à l'étranger des Terrasses d'Orsol, il reprend inlassablement ses déambulations dans Jarbher, cette étrange ville d'exil, à la recherche de repères.

Et j'ai marché dans cet écheveau de couloirs entortillés, j'en ai sondé, exploré les profondeurs, je ne pourrais pas dire combien de rues, de défilés, j'avançais dans un sens et aussitôt j'avais l'impression de me tromper. Des impasses, des impasses, partout. J'avais le sentiment de me perdre, de sombrer surtout dans leur silence qui allait s'enflant, augmentant et occulte hissait autour de moi ses nappes secrètes, unies. Ses nappes à l'équilibre parfait.

(p 13).

Contrairement cependant aux situations des romans précédents, dans celle-ci, le personnage-narrateur assigne un but précis à ses explorations puisqu'il tente de retrouver un endroit (oh combien insolite dans ce pays si harmonieux en apparence) un jour aperçu, et aussitôt fui dans l'épouvante. Malgré le silence des indigènes, malgré ses propres résistances intérieures, il parvient à ses fins et retrouve le lieu dantesque.

Les monstres que j'ai vu grouiller là-dedans étaient, je le savais, des hommes. Qui peut-on être à Jarbher pour se trouver relégué dans cette fosse, – et qui pour l'ignorer ? Je me souviens de tout un groupe, il était noué autour de quelque chose que ses membres semblaient se disputer, élevant des murmures ou des gémissements qui auraient été grotesques s'ils n'avaient été aussi lamentables (...) Puis pas un n'a bougé, rien n'a plus rappelé chez eux la vie de quelque façon, ou qu'il se fût agi d'humains.

(p 53).

Ces étranges proscrits à la lisière de l'humanité, le personnage central d'Aëd (Mohammed, aède ?) est le seul à pouvoir (ou vouloir) les voir, jusqu'à ce que sa conscience se dissolve dans l'amnésie qui l'emmure petit à petit. Mais à l'oubli des personnages semble s'opposer en symétrie la résistance du souvenir de ce qui peut bien avoir été un traumatisme "primitif" pour l'auteur, tant ce motif de l'humanité en détresse, représentée métaphoriquement ou non par des mendiants, motive l'écriture dès les tout premiers textes. Ainsi peut-on rapprocher de l'extrait précédent tel passage du Métier à tisser, écrit 28 ans plus tôt pour évoquer l'irruption dans Tlemcen de paysans sans travail, réduits à la mendicité :

Ce fut alors qu'on se heurta à ces silhouettes qui avaient l'air de fantômes grotesques (...) Personne ne comprit sur le moment ce qui les attirait. Venaient-ils quérir une hypothétique pitance ? (...) Dans toutes les rues déambulaient leurs silhouettes mal ficelées, grises et sales. Ils se traînaient partout. (...) C'était là qu'ils s'enracinaient et s'éteignaient comme des brandons exténués. De temps à autre, on avait le sentiment qu'ils cherchaient quelque chose. Leurs mouvements étaient ceux d'une reptation imperceptible. Puis ils recouvraient leur immobilité (...) Tassés plutôt sur eux-mêmes, ils s'accroupissaient sur place (...).

Déjà dans ce texte de 1957, qu'on qualifie trop vite de réaliste se fait jour un travail de symbolisation dont Dib a déclaré par la suite (cf. Postface de Qui se souvient de la mer) qu'il était pour lui le seul moyen de « dire l'horreur » sans user ou affadir le choc qu'elle doit provoquer. Aussi, plutôt que de recourir à des reproductions iconiques, s'attache-t-il à faire surgir, dans des productions créatives souvent sibyllines comme le langage des rêves, des représentations latentes dans l'inconscient collectif[57].

Pèlerinages

La trace archaïque

Autre motif obsédant, élément mythique archétypal que l'auteur se réapproprie sur un mode très personnel ( mais quand on s'appelle Dib – en arabe dialectal = le loup –, comment y échapper ?), celui du fauve, tapi en l'homme.

Dans l'introduction du numéro d'Europe déjà signalé, Dib soulignait encore son intérêt pour une nouvelle du finlandais Timo K. Mukka qu'il avait aidé à traduire et adapter, "Le loup" :

La surréalité de la bête contamine et finit par envahir toute la réalité ambiante jusqu'à la mystérieuse, troublante substitution finale, loup contre homme.

Dans les propres romans de Dib, tel qui est homme, amant tendre et attentif, peut néanmoins devenir loup qui souffre, et fait souffrir la femme qu'il aime. C'est le rapport cruel dont prend conscience, dans Neiges de marbre, le narrateur-rhapsode (« Papa, lui, coud des histoires, c'est plutôt sa voix. Tout le temps et je regarde sa bouche qui coud et les dents qui cousent dans sa bouche (...) » déclare, p. 41, de façon suggestive Lyyl, la petite fille qui relaie par moments la narration). Lui qui se fondait sur « un autre désir au revers : celui d'une union, d'une jonction remontant au point de départ à partir du point de rencontre (...) » ne peut que constater un indépassable clivage, amplifié tout au plus par la différence des origines et des langues, qui le pousse à fuir.

Sur l'heure, je fus un animal qui ne trouvait plus sa place sur terre, ne comprenait pas à quelle fin il avait été créé.

(p 132).

La même situation et quasiment les mêmes personnages réapparaissant dans L'Infante maure, la petite Lyyli tente de nier les absences de son père « aux yeux de loup » :

Une question destinée à une troisième personne absente. Je me demande qui ? Je ne trouve pas. Je ne trouve pas, pas, pas.

(p. 139).

ou de les dédramatiser en rationalisant à sa façon :

Papa est un nomade (...) sa patrie est un campement dans le désert.

Pauvre subterfuge que déjoue implacablement la mère :

Mais ce n'est pas pour retourner dans un désert qu'il est parti, Lyyli Belle.

Ibid. p. 104.

Cette malédiction du divorce de l'homme et de la femme, la fine Lyyli la résume dans sa curieuse sagesse :

Les mamans et les papas : des aveugles qui voient tout autre chose quand ils en arrivent à s'aimer sauvagement. Ils voient tout autre chose et je me demande si c'est aussi merveilleux que ça au bout du compte, puisqu'on en devient aveugle. Je l'ai entendu dire.

Je ne tiens pas à connaître cet amour, moi. S'il faut tuer et en mourir. Si c'est tout ce qu'on peut faire pour ceux qu'on aime, et rien d'autre.

(p. 140).

C'est donc encore la même relation douloureuse entre Solh et Faïna, faite d'élans et d'impossible union, que narre Le Sommeil d'Eve. Mais ici, l'amour, au rebours de l'analyse de Lyyli, semble percer l'être à jour, et donne à la femme cette insoutenable intuition qui provoque en Solh le retour du profondément enfoui :

Echo, la mémoire déchirée qui n'en finit pas de me répondre, Faïna.

Le Sommeil d'Eve, p. 125.

Affluent alors, chez cet homme pacifique et tendre, les images lointaines de la guerre d'Algérie : la mort de proches, la violence des « autres », et sa violence en réaction, sauvage, déchaînée (« Alors je me mis à tuer (...) », p. 131) qui effrayait même ses compagnons de lutte.

Mais à compter de ce moment, j'étais devenue leur bête noire. Une bête dont ils avaient à l'évidence peur, en plus.

(p. 134).

Cette violence primitive, cette propension au mal inhérente à l'humanité, Lyyli, toute enfant, les perçoit, et tente de les conjurer de façon magique.

Le vent repasse. Il cherche quelque chose ou quelqu'un. Peut-être ces choses qui se cachent comme des lops. Les lops ? Ce sont des loups qui ne sont pas des loups, mais qui ressemblent à des loups ! Rien que d'y penser ! (...) C'est nulle part, cette forêt et ses lops prêts à sortir, à courir de chaque côté, à vous poursuivre (...).

L'Infante maure, p. 40.

Rappelons-nous que la même foi dans le pouvoir de transformation de la réalité par la transformation des signifiants habitait Lily, qui voilait et dévoilait Habel en écrivant de lui qu'il était « Kannibal ». Lyyli, quant à elle, ne se contente pas de biaiser avec la réalité, elle peut la refuser et s'en créer une autre – en forgeant un mot neuf.

Quand je suis seule, je ne suis jamais seule. (...) A tout je préfère la compagnie de ce qu'on trouve au jardin et, d'abord, les arbres. Quelquefois j'y rencontre ces étrangers, les haïoks. (...) Quand papa n'est plus avec nous, c'est là que pas un jour les haïoks n'oublient de venir. Sans que j'aille les chercher. Il sufit d'attendre, ils n'oublient pas. Mais à présent qu'il est avec nous, ils apparaissent moins souvent. A force de partir et de repartir, deviendra-t-il lui aussi un haïok, et plus haïok même que les autres : ceux qu'on ne connaîtra pas, qu'on ne rencontre jamais ? Peut-être.

L'Infante maure, p. 50.

Bien sûr, le néologisme provoque chez le lecteur le besoin d'élucider, et pousse à conjecturer (Faut-il y voir des aïeux ? des esprits tutélaires ? des trolls ?). Sans doute peut-on aussi, en de tels endroits, accepter d'en rester au juste suggestif. Il n'est pas évident qu'on gagne toujours à éliminer le halo d'imprécision, recherché ou imposé, en le réduisant au dicible, à l'univoque.

L'indicible origine

Les mots usuels de la tribu ne conservent que rarement la pureté de signification à laquelle aspire le poète. Toute langue s'avère défaillante à communiquer pleinement. Elle peut même se révéler, entre les êtres, une barrière plus étanche qu'une frontière concrète. Dib exploite, dans son "cycle nordique", la symbolique de la situation frustrante de l'étranger ignorant la langue de l'autochtone[58].

Entre cette femme et lui, des signes passent, non les mots.

Neiges de marbre, p15.

L'incompréhension linguistique devient l'essence même du tragique, quand elle en vient à séparer le père (algérien) et la fille (finlandaise) :

Alors perdant patience, elle hurla le mot, toujours le même, plus fort, encore plus fort :

- Valo ! Valo ! Valo !

Je la regardais impuissant. Rendue furieuse par mon ineptie, elle me houspilla, secoua, frappa, tout en fondant en larmes.

Une tragédie vraiment. Et l'envie de cracher votre âme.

Ibid. p22.

Et l'auteur de tenter, de temps à autre, non l'expérience d'une neutralisation uniforme, mais la gageure d'une expression babélienne[59] qui passe les langues et conjugue leurs différences. Au moins dans les nominations qui laissent libre champ à sa toute puissance créative. Loin d'enfermer les personnages dans une caractérisation par la nationalité, les prénoms (par le jeu des paronymies et des réappropriations de prononciation) les font, le plus possible, citoyens du monde, accessibles à l'autre. Ainsi, Aëd rencontre-t-il lors d'une excursion sur une île édénique Aëlle, incarnation – et désignation – du féminin universel, dans Les Terrasses d'Orsol. Quant au couple de Neiges de marbre :

(...) elle s'appelle Maroussia. Mais je l'ai appelée ma Roussia au début et ce nom Roussia lui est resté. Il lui est resté pour moi, l'emploi que j'en fais est personnel, Russe et rousse qu'elle est. Et mon nom, Borhan, mon nom aussi, elle l'a abrégé en Borh pour son usage personnel, Borh qu'elle prononce plutôt Borg, ce qui est naturel chez les Russes puisqu'ils ont tendance à utiliser le g à la place du h. (p. 28).

La portée du nom peut échapper à la maîtrise des personnages, et ne mettre au jour que la résistance du sens – et des Lois – à l'appréhension individuelle. Faïna, qui a laissé son amant en France pour revenir accoucher en Finlande, croit pouvoir doter l'enfant à naître d'un destin libre :

(...) il s'appellera Alexis, si c'est un garçon. Il ne pourra pas ne pas porter ce nom. C'est tellement beau, Alexeï, l'homme de Dieu. Dit en russe, ce nom n'exprime pas un rapport de maître à serviteur, mais uniquement une nuance de protection.

Le Sommeil d'Eve, p. 126.

Et cette mère de ne plus désigner son fils que du diminutif "Lex" !

Mais le vrai langage humain, le premier, le seul, c'est, au-delà du culturel, celui de la sensibilité qui permet la fusion avec l'autre dans des instants de grâce, aperçus d'une complétude originelle à la fois fugitifs et hors le temps. En voici un, qui s'établit dans la belle simplicité d'une scène familiale :

Où les mots ne font plus beaucoup le poids. Où la connivence est pure parce que muette, ces moments comme il y en a par moments, un moment surtout : celui où elle est dans son lit, son lit tel d'abord que je la vois s'efforcer de le refaire, déménageant au pied ce qui est à sa tête et à la tête ce qui est au pied et s'y appliquant avec un soin tout lyylien, sans bruit, la tétine bien en bouche, puis son lit tel que, n'ayant pas tardé à mener son entreprise à bonne fin et gardant toujours le silence, elle s'y couche. A travers les barreaux, elle m'observe alors, assis à travailler à l'autre bout de la chambre. Continuant de garder le silence et continuant à tirer sur sa sucette, elle attache ses yeux sur moi pour ne plus les détacher (...) Dans la quiétude qui règne du haut en bas de la maison, sans que soit prononcé un mot par elle ou par moi, nous échangeons des regards, regards non moins calmes que la paix qui nous environne. Et tout est là, – pour toujours.

Neiges de marbre, p. 24.

Passage qu'on ne se lasse de relire pour sa fluide immanence, et la familiarité dans l'étrangeté que la langue française y atteint.

Cette adhésion immédiate au monde, cet abandon naïf à sa seule sensibilité, l'adulte ne les retrouve que par éclair, lui, « l'aveugle qui se cogne d'obstacle en obstacle », quand l'enfant les adopte tout naturellement, en particulier Lyyl, dans sa lumineuse perception. Seul le langage merveilleux de l'enfant perce les opacités qui résistent aux hommes. Pour nous amener sans doute à cette conclusion, Dib (il est vrai qu'il privilégiait l'enfance dès le cycle premier en valorisant le jeune Omar) accorde une place croissante dans ses derniers textes au personnage de Lyyl / Lyyli. L'attente du règne de "l'homme-roi"[60] se mue en l'avènement d'une Infante maure.

Royale enfant parce qu'éternelle enfant, Lyyli possède un pouvoir infini qui lui permet de parler à des arbres, à des forces impalpables, et de concevoir aisément, elle qui n'a jamais quitté sa Finlande aux longs enneigements, le désert de sable des récits paternels. Elle unit les contraires, et comble l'absence qui pourrait faire de son père l'étranger renvoyé à ce qu’elle nomme, par une impropriété « naïve », son « étrangement » :

Et je demande :          
- Papa, tu es là ?       
Des paroles qui peuvent être de moi ou de n'importe lequel des objets, des meubles présents et même de l'air entre eux, même des murs.           
Je n'ai plus besoin de me lancer dans de lointaines expéditions pour le retrouver. Le lien n'est jamais dénoué.

L'Infante maure, p181.

Par la seule grâce de sa présence, elle abolit les limites de l'espace et du temps. En elle, la petite Nordique, Borhan a l'assurance de la permanence de sa mère, restée en Algérie ; ou bien encore, le geste tendre qu'elle lui inspire ressuscite-t-il le père mort il y a longtemps.

Le souvenir de mon père disparu quand j'étais à peine plus âgé qu'elle survit dans une sensation analogue de mes mains, une empreinte qui demeure au creux des paumes. (...) Lyyl est-elle avertie déjà de cela, qu'il lui restera ce souvenir, ce rêve ? Sans doute n'y a-t-il d'amour que dans la connivence et le secret des rêves partagés.

Neiges de marbre, p. 106.

Si bien que c'est tout naturellement à elle qu'échoit l'honneur de rencontrer (Rêve ? Hallucination ? Point n'est besoin d'explicitation), au milieu du désert, ce cheikh immémorial que M. Hagg Bar et son compère Siklist recherchaient vainement. De son côté, elle le reconnaît sans hésitation pour un grand-père avec qui elle peut, d'un commun langage, méditer sur le monde.

- La neige est pure.

Et lui, le cheikh reprend en écho :

- Pur, le sable rend également le monde pur. Tu sais maintenant pourquoi je m'entoure de tant de sable.

L'Infante maure, p. 153.

Recevant un enseignement de l'ancêtre, elle est aussi celle qui permet la révélation. Dans sa clairvoyance d'enfant, elle est même tout près de percer le grand mystère de l'enfance du monde.

- Les atlals ! s'exclame alors le vieux monsieur, la gorge serrée par l'émotion, ce qui de sa part me laisse tout ahurie.

- Les quoi ?

- Retourne là où tu as déposé la bête et lis ce qu'elle a écrit. Des atlals, à n'en pas douter. Va, fillette.

Je cours vers l'endroit où je pense retrouver la fausse écriture du basilic. Elle n'y est plus ! Le sable est redevenu la page blanche, nette qu'il a été et sera à jamais, le vent, ce vent qui ne reprend haleine à aucun moment, l'a soufflée et, si faible qu'il soit l'a effacée. Trop tard.

Ibid. p. 159.

Si la fabuleuse formule est redevenue illisible[61] pour Lyyli comme pour le commun des mortels, c'est que le monde doit rester indéchiffrable aux hommes. Mais la quête et les pérégrinations qui obligent à le parcourir ne sont pas pour autant inutiles. Lyyli fournit une raison suffisante :

De marcher simplement sur cette route est déjà un bonheur.

L'Infante maure, p. 144.

Certes, on est toujours « déjà arrivé » avant que d'être parti. Et le parcours dans la vie apporte cette unique certitude. On ne devient que ce que l'on est. Faïna, dans sa folie, en accroissait la révélation.

"Si je me convertis à ta religion, Solh, j'aimerais prendre comme nom, Faïna.".       
Et cette estafilade au coeur de nouveau. Elle voulait s'appeler du nom qu'elle portait.

Le Sommeil d'Eve, p. 139.

Nul n'échappe au destin qui lui est réservé. Une fois de plus, c'est Lyyli qui l'explique, le plus naturellement du monde, inspirée ou non par l'Ange qui se tient à ses côtés, comme il le fait pour chacun de nous.

Mon grand-père connaît le jour de sa mort et, me semble-t-il, je connais aussi le jour de la mienne.

L'Infante maure, p. 164.

L'origine personnelle, l'inscription dans une culture ne peuvent donc être reniées, mais ne sauraient représenter l'unique préoccupation, le but égocentrique du voyage. Celui-ci n'a d'intérêt que s'il oblige au contraire à dépasser les bornes du moi, à rencontrer – même douloureusement – l'autre (l'individu ou le générique), et à s'inscrire humblement dans la chaîne.

(...) assis à l'entrée de sa tente, en silence, grand-père a levé sa main tannée, puis montré simplement l'immensité du sable. Et ce que j'ai compris alors : le sourire d'étoiles me priait de bien considérer le monde quand il se fait désert et d'en avoir pitié.

Ibid. p. 164.

Rencontrer l'autre, et lui parler, car la parole est alors acte de communion et non recherche du sens ou d'une illusoire transparence. Comme l'analysait Charles Bonn[62] à propos d'Habel, cette recherche-là ne mène qu'à l'impasse.

Le désir que manifeste Habel est bien celui d'une parole et d'un sens, mais cette parole et ce sens sont essentiellement, comme on l'a déjà vu, leur propre perte, dans leur énonciation même.

Parler, même si l'autre ne semble pouvoir entendre, comme dans l'exemple de Solh auprès de Faïna sombrant dans la folie.

Je reprendrai lentement, patiemment, interminablement mes monologues avec elle. Qu'elle ne se déshabitue pas d'entendre par ma voix la parole humaine. L'unique lieu...

Le Sommeil d'Eve, p. 171.

Ce lieu unique qu'est la parole, seule vraie destination de l'homme, quelle écriture plus que celle de Dib en procurerait l'évidence ? Dès le départ sous-tendue de préoccupations mystiques[63], longtemps tourmentée, elle atteint dans son cycle récent à un équilibre, une grâce qui infusent durablement. Au-delà du plaisir phatique ou de l'émotion esthétique, c'est bien une résonance intime qu'elle tend à ébranler, en ne cessant d'exprimer ce qui ne peut se dire ni se passer de mots.


Zineb ALI-BENALI
Université d'Alger

Arfia revient cette nuit

Je marche je marche :  
Les mots que je porte   
sur la langue sont         
Une étrange annonce.   .

Arfia aurait pu dire ces vers qui sont une sorte de résumé de son itinéraire spatial et spirituel, sa marche et sa démarche. On pourrait reprendre à son propos ce proverbe attesté partout en Algérie, y compris dans les contes :

Les mots sont balles tirées             
une fois sortis, on ne peut les rattraper.

Arfia, dont je voudrais suivre le parcours, dans l’histoire racontée et dans l’univers des symboles, est elle-même comme une balle tirée, et qui fait retour, en un effet boomerang. Cette « ancienne combattante », qui fut une porteuse d’armes, devient une porteuse de mots et de mémoire. Plus personne ne l’attend, et plus personne n’est prêt à l’écouter. Elle « revient » dans deux oeuvres de Dib, qui se reprennent et se répondent, écho et image semblable et différente.

Comment peut-on déchiffrer cela ? C’est ce que je voudrais examiner ici :

– dégager, dans les deux textes retenus, les caractéristiques de ce personnage que l’on peut désigner comme personnage « tellurique » ;

– puis aller à la rencontre d’autres personnages semblables, dans la littérature algérienne. Ce dernier point se justifie par le fait que l’oeuvre littéraire se situe dans un paysage culturel, dont l’une des composantes est constituée par les autres oeuvres, contemporaines ou non, avec lesquelles elle entretient, sciemment ou non, un dialogue multiforme.

*

Chacun aura reconnu dans mon titre le pastiche de celui de Tahar Ouettar, Les Martyrs reviennent cette semaine[64]. Ce recueil de nouvelles est comme un appel et un écho de l’oeuvre binaire de Mohammed Dib[65], ne serait-ce que parce que dans les deux textes (le second étant constitué en diptyque) se trouve le thème du retour aberrant, du retour qui perturbe un ordre établi. En effet, un héros tenu pour mort (c’est un héros justement parce que la mort permet de le classer comme tel, de le figer dans une signification unique et close) revient, ou doit revenir. Celui qu’on n’attend plus, qui a été expulsé du monde des vivants ne peut amener que désordre et confusion. Il quitte sa relégation dans la tombe et dans les mémoires du passé et vient demander des comptes.

Arfia, personnage fascinant et déroutant pour tous ceux qui l’approchent, opère ce retour dérangeant de multiples façons. Comment cela se produit-il ? Comment se fait la première apparition ? D’où revient-elle ? Quelles formes ce retour prend-il ? Autant de questions que l’on peut poser à propos de ce personnage et de son discours.

Arfia la nuit

Comme l’aimée de Qais, elle est placée sous le signe de la nuit. Mais il ne s’agit pas de la douceur créée par l’absence du soleil et qui serait comme son double. Arfia est enfantée par la nuit, comme elle sera réenfantée par la montagne. Elle surgit de l’imagination de Rodwan, sur une double limite, celle qui lie la ville à ce qui l’entoure et celle qui dénoue le jour dans la nuit.

...distrait qu’il était par ses réflexions il a littéralement buté contre elle (p. 16).           .

Surgissement brutal, inattendu, Rodwan dira le rôle de Arfia : « Un étonnement admiratif, doublé d’une sensation libératrice » (p. 16). On est étonné de rencontrer Arfia, et pourtant, confusément elle est attendue, peut-être espérée, comme une rupture dans un lent enlisement. Arfia sera un personnage des limites et des envers. Elle ne vit que la nuit, et disparaît le jour, comme si seules les ténèbres pouvaient lui donner consistance. Elle hante les rues désertes de cette Autre ville de la nuit, et elle réunit des marginaux (marginalisés par un certain ordre social) dans un lieu indéfini, dont on ne sait s’il est ruine ou palais, s’il est désert ou habité :

...Je ne suis pas la seule à me sentir revivre après dix heures du soir. On devient... on dirait plus léger (p. 22).

Arfia et ses semblables sont ressuscités dans la nuit, par la nuit, dans un temps et un espace à part.

Arfia la voix

Arfia, par-delà cette présence physique imposante, puisque c’est le seul personnage féminin chez Dib qui soit décrit de façon précise, parle et fait parler. Avant de surgir du noir devant Rodwan, elle est voix qui peuple la nuit :

J’entends vos voix dans les rues toutes les nuits (p. 23).

On peut distinguer deux genres de discours, qui se font suite : la narration puis la représentation-célébration qu’elle impulse et à laquelle elle participe. Arfia, c’est d’abord un récit quasi obsessionnel, qu’elle répète et répète, comme si la parole devenait rempart contre l’oubli, cette mort totale. Elle reprend le même épisode de la guerre de libération. Pas d’héroïsme, ni de haut faits. Pourquoi Arfia, qui a vécu d’autres événements, ne redit-elle que celui-ci ? Il me semble que cette traversée de la montagne, outre le fait que nous avons une sorte d’anti-récit héroïque, avec des anti-héros, présente une stratification de significations que l’on peut interroger.

Le passage par la montagne est une épreuve essentielle, qui va réorienter la vie, la transformer. Arfia et ses compagnons renouent avec les forces de la terre, avec ces forces chtoniennes. Dans le texte de Dib, le récit de la guerre est investi par un autre, celui de la confrontation initiatique avec les forces naturelles, ici la montagne. Celle-ci reste le lieu de la résistance d’un peuple, où les populations sont refoulées et où elles se retranchent. C’est le lieu symbole d’où les mouvements de contestation partent. C’est aussi une force agissante qui peut avaler et réenfanter Arfia et ses compagnons. Déjà, dans le premier texte romanesque de Dib, la montagne, « le Scharf El Ghorab », se dresse au seuil du récit ; elle appartient à un monde à part, séparé de l’autre par une « frontière » palpable, elle est du monde de la « solitude ». C’est ce même « Pic des Corbeaux » qui hante le récit d’Arfia.

Slim, le « sauvé », dit dans son délire la vérité de l’épreuve : il ne veut pas que la montagne l’avale. Il renoue ainsi avec le texte mythique qui reconnaît la terre et la montagne comme acteurs de la Vie. Slim ne veut pas être la victime sacrificielle offerte à la force obscure. Mais il sera tué et ressuscité par la montagne. Les vers, symboles du passage continuel de la mort à la vie, qui se sont mis dans ses pieds (lien avec la montagne et la terre) signalent l’épreuve. La fièvre lui fait voir juste : les cailloux, ces enfants de la montagne, se déplacent. Puis Slim sera réenfanté par la montagne et oubliera cette période de gestation contre la terre, quasiment dans la terre[66]. Arfia, celle qui «sait », maintient le souvenir de cette initiation. Elle dit en même temps une autre signification de la guerre : transformer fondamentalement les hommes, les renouveler.

Par la parole, Arfia maintient l’exigence qui fut celle de la lutte. Elle refuse que la révolution soit maintenant du domaine du passé (cf. p. 194). Mais son discours est marginalisé, comme elle l’est elle-même. A son retour, elle n’a plus de place, ni parmi les humains ni dans l’espace, puisque même les chiens ne l’approchaient pas. Discours vain alors ? Puisque personne ne veut l’écouter. Non, car elle dérange ; son dire va introduire une rupture dans une continuité d’apparente sérénité.

Arfia la représentation

Arfia est l’officiante d’une étrange célébration. Avec ses compagnons, elle donne, et se donne, une représentation, toujours la même semble-t-il. Wassem, le personnage-questionnement maintient sa vérité contre tout et tous, jusque dans la mort. Le portail n’ouvre pas sur un tas d’ordures dans une vieille cour mais sur un magnifique palais où il est reçu en grande pompe. La célébration obéit à un rituel qu’il faudrait interroger. La représentation est enfantée par la nuit, du halo de lumière que crée Babanag, le nain. Là encore on peut retrouver des éléments d’une scène mythique : le nain, lié aux forces souterraines des grottes et des gouffres, du ventre de la terre, lui dont le discours instaure la liberté par rapport à toutes les contraintes. Enfant de la nuit, il permet la représentation. La parabole qui sera montrée vient de ce carnaval, dont on trouve des traces chez nous[67], qui figure un monde renversé, travesti ou transformé. Par ailleurs Babanag figure dans son attachement « de chien battu » à Arfia le lien entre celle-ci et les forces souterraines.

Ainsi donc, Arfia, venue de la nuit et de la montagne, surgie de ce monde du refoulé et de l’oubli volontaire, par son discours (direct et figuré) opère une rupture dans le discours de la clôture et du figement. Marginalisée, elle n’aura de place nulle part, même pas en prison. Personne, de ce monde diurne, solaire et dominateur, ne peut, ni ne veut l’écouter. Surgie de la nuit, comme elle était revenue de la montagne, elle retourne à la nuit. Mais elle aura perturbé le tranquille ordonnancement de ceux qui ont clôturé le processus révolutionnaire.

Un personnage tellurique

Je propose de considérer ce personnage comme un personnage tellurique (lié aux forces de la terre), qui provoque et accompagne les fortes secousses qui rompent avec une continuité, voire une pérennité. Les personnages telluriques sont les acteurs-commentateurs (du faire et du dire) de profonds bouleversements, réalisés ou latents. Ils postulent un monde différent de celui en place. Ils sont donc hors système. Ils s’enracinent dans un autre monde et posent les questions fondamentales. Ils se replacent à l’origine des choses et maintiennent les exigences primordiales. On comprend alors qu’au plan mythique, ils soient liés aux forces souterraines et maternelles. Ils disent l’enfantement, possible ou contrecarré, d’une harmonie contenue en promesse dans le monde ancien. Arfia tient le discours de la révolution non encore accomplie, trahie... en renouant avec les forces de la montagne et de la nuit.

*

D’autres personnages, chez Dib ou chez d’autres écrivains algériens, appartiennent à cette catégorie de personnages telluriques ou éruptifs. Nafissa de Qui se souvient de la mer : Comme Arfia, elle communique avec le monde souterrain, le monde du dessous, premier et fondamental. Nafissa est présence marine et Arfia, bien que n’ayant jamais enfanté, est grosse de la mémoire de Slim et de ceux qui sont morts, avalés par la montagne et la nuit. Mais alors que Nafissa, malgré l’angoisse et la mort quotidienne, est porteuse de la sérénité des certitudes : demain, la lumière sera là, Arfia sait qu’il y a eu fourvoiement, et même détournement de révolution. Elle rêve alors de revenir au commencement, de la Révolution et du monde, pour refaire les choses. Alors que la quête de Nafissa débouche sur la déflagration du monde aérien et vertical, celle de Arfia ne réussit pas. Mais cherchait-elle à réussir ? Et Quoi ? Fait-elle autre chose que maintenir une Autre exigence ? Que dire : il y a une autre possibilité ? Elle introduit ainsi dans le discours lumineux de la Vérité de la Loi (Vérité parce que Loi imposée) l’ombre et le doute, on pourrait même dire la « relativité ».

Arfia peut rappeler Nedjma de Kateb Yacine. Le personnage fait, me semble-t-il, mentir son nom qui programme le rayonnement à partir d’une source. Nedjma clôture, elle aussi, un processus ancien : elle marque l’impossibilité du monde tribal et ouvre sur la recherche d’un monde nouveau. Elle qui n’enfante pas, cette « ogresse au sang obscur », accompagne la naissance d’un monde nouveau. La muette, puisqu’elle ne parle pas, échappe à l’enfermement dans une identité unique, refuse d’être bloquée dans un discours. Le voile noir de la fin et sa déambulation entre Constantine et Bône disent cette irréductibilité à une signification unique : le noir est, comme le blanc, absence de sens, justement par trop grande concentration de sens ; le voyage répété brouille en les mêlant continuellement les notions d’origine et d’aboutissement. « L’Ogresse au sang obscur » : cette désignation renvoie à une figure du conte populaire : l’Ogresse[68]. Nous savons que l’ogresse qui habite la forêt est liée aux forces primordiales, à la partie souterraine et éruptive de l’homme et du monde.

Mais Arfia rappelle surtout Messaouda SNP des 1001 années de la nostalgie de R. Boudjedra. D’abord par sa féminité débordante, éruptive ! Peu de personnages chez Dib sont campés comme Arfia :

Grande, membrue, le dos, jusqu’aux globes roulant des fesses, fendu par une ravine, et devant mamelonnante, les hanches épanouies (p. 16).

Elle rappelle encore l’ogresse, par son statut symbolique de « transmetteur-passeur » de voix : les cris des animaux avalés par l’ogresse le jour se font entendre au fond de sa gorge la nuit venue, dès qu’elle s’endort. Arfia restitue la mémoire de ses compagnons, mais aussi celle de tous ceux qui sont morts. Elle qui n’a pas d’enfant est une sorte de sosie des vieilles représentations de la déesse de la fécondité.

De même Messaouda a cette féminité envahissante. Elle est à l’origine du clan, qui ne se reconnaît qu’une mère à défaut du père au nom voilé/volé. Elle est la mère-origine qui n’enfante, comme dans le conte, que des jumeaux (exception faite de l’aîné que hante le spectre du frère absent et avec lequel elle forme le même couple gémellaire que ses autres enfants). Elle connaît l’histoire. Elle seule peut tenir tête au gouverneur dont elle connaît le passé : elle peut dire la rupture dans l’itinéraire et l’identité de ce personnage de l’apparence.

On voit ainsi en quoi Arfia peut être considérée comme un personnage tellurique, éruptif. Liée à l’histoire d’Avant, porteuse du souvenir et des promesses faites dans le passé, conduites par la lutte et oubliées une fois la paix revenue. Les deux instances discursives qui sont les siennes (narration et théâtralisation) instaurent entre hier et aujourd’hui une rupture qui ouvre sur le vide. Alors qu’hier tout, y compris la mort, avait un sens, aujourd’hui rien n’a plus de consistance, ni même un semblant d’existence. Comment continuer à vivre ? C’est la question de ce texte. Arfia, dans l’une de ses prises de parole, dans sa dernière harangue, pose l’exigence d’une vie « décente » :

...la vérité vraie, c’est qu’il faut qu’on soit heureux pour pouvoir vivre ! Vous comprenez ? C’est simple le bonheur. Et il ne faut pas qu’on vous trompe sur la marchandise : ça n’existe que là où un humain est un humain ! Et pas une bête de somme ! Et pas une bête d’abattoir ! (La Danse..., p. 173).

L’on voit que la quête de Arfia, quête de sens dans la vie, lancée dès les lendemains de l’indépendance du pays, reste plus que jamais d’actualité.


Najeh JEGHAM
Angers

Ecriture et création perpétuelle :
entre M. Dib et A. Meddeb

J'épie au cirque le plus vaste l'élancement des signes les plus fastes      
Et le matin pour nous mène son doigt d'augure parmi de saintes écritures
L'exil n'est point d'hier ! L'exil n'est point d'hier ! "Ô vestiges, ô prémisses"     
Dit l'Etranger parmi les sables, "toute chose au monde m'est nouvelle !"
Saint John Perse, Exil.

Nous proposons ici une étude comparative des deux récents romans de Mohammed Dib et Abdelwahab Meddeb, Le Désert sans détour et Phantasia[69]. Notre objectif est d'approcher ces deux écritures, au-delà de leurs différences scripturales, thématiques, spatiales..., selon un examen rigoureux apte à révéler leur lieu d'énonciation particulier. Car la lecture d'une écriture peut servir celle de l'autre, et les deux écritures peuvent s'éclairer par la lecture d'autres écritures ; ainsi, de texte en texte, l'interprétation peut progresser vers la saisie d'un lieu commun du sens.

Une première lecture des deux romans de Dib et Meddeb est confrontée d'emblée à l'étrangeté de leurs écritures, étrangeté qui réside dans l'absence d'une "histoire" nettement définie, dans le retour de certains motifs et figures, dans l'impression – qui saisit le lecteur – de ne pas avancer, de demeurer au seuil d'un sens insaisissable... cette impression serait même une sorte d'écho de la situation des deux personnages du Désert sans détour qui marchent sans avancer : "Faire et refaire des tours sur place, n'est-ce pas le sens même de leur marche, au bout du compte ?" (p. 75). Mais n'est-ce pas là la manière, surtout, de l'écriture de désigner son propre mouvement installé dans les "les lieux où il n'y a lieu que de soulever des questions" (Le Désert..., p. 115) ? Et la lecture de telle écriture se trouverait dans la perplexité, confrontée elle aussi à la même clôture apparente, appelée à la quête continue d'un sens qui se réserve dans la parole étrange et souveraine. Ainsi, dans Phantasia, est-il dit qu'"on feint de ne pas savoir que l'échange est une fiction, à la mesure d'un réel réduit, personnalisé en nos êtres, représentations fugaces, rêve dans le rêve, création perpétuelle sur la scène de la conscience" (pp. 18-19). Délicate entreprise que la lecture de tels textes, qui se laisserait facilement enfermer dans la simple paraphrase ; mais quelle autre manière suivre dans la tentative de maîtriser un sens fuyant ? Rester à l'écoute des textes, adopter la passive posture apte à faire participer au mouvement de l'écriture, et demeurer actif dans l'accueil d'une révélation qui illuminerait une lecture commencée, obscure : voilà les jalons de notre lecture des romans de Dib et Meddeb, activité passive qui cherche sa propre voie dans l'écoute des voix autres.

A approcher de plus près ces écritures, l'on s'éveille au retour de certaines figures et de certains motifs, retour qui révèle d'emblée une caractéristique du mouvement présidant à la constitution de l'oeuvre : le rêve, la marche continue, l'interrogation, le mal, la halte, l'énigme du sens. La progression de la lecture saisit ainsi un élément déjà inscrit dans la mémoire, lequel relance l'intérêt et motive l'attention portée sur les transformations qui s'opèrent le long du parcours. Car, à confronter leurs retours, ces éléments s'avèrent changeants, changés au gré du déroulement des textes. Hagg-Barr et son acolyte Siklist ont beau demeurer dans le même espace de sables, leur quête se précise au fil des pages et leurs êtres se métamorphosent. Et le personnage de Phantasia, en ces constants passages entre l'expansion et la contraction, accède à l'illumination dernière dans l'envol ultime de l'imagination.

L'étude de ces multiples et différentes répétitions révélera, comme nous l'allons montrer, cette vérité de la création qui est création perpétuelle, écriture souveraine qui (s') opère par le retour du même différent. Et c'est dans le rêve que l'être s'éveille à cette vérité de l'infini mouvement, qu'il saisit l'inscription et l'effacement de toute chose sur le chemin de la quête, et que l'écriture s'affirme palimpseste en sa manière d'inscrire dans ses propres fondements des dires anciens : dires islamiques qui sont lecture du monde et interprétation toujours renouvelée de l'énigme de l'être.

La scène de la création

C'est telle un spectacle que se présente la scène de la création dans nos deux romans. Spectacle que l'oeil seul saisit, en une sorte d'état de vide où rien n'apparaît, d'attente d'une advenue à (de) l'être. Cependant, ce vide et cette attente – cette attente dans le vide – semblent motivés par une "promesse", pressentiment fort d'un advenir certain, prédisposition à recevoir le témoignage de l'être en sa constitution, et par une soumission à un ordre d'attente : "Mais à travers les mailles du grillage apparaît je ne sais quoi. La promesse [...] / "Restez là, nous a-t-on dit. Vous allez voir bientôt ce qu'il faut voir. Ce qui doit advenir"" (Le Désert..., p. 25). Et la "promesse" se reformule, autre en sa répétition, drapée de l'interrogation qui la conduit vers sa réalisation : "Mais la promesse est-elle là ? Est-ce elle l'homme, jeune comme nous l'apercevons à travers le filet du treillage [...] ?" (p. 37). La promesse est en effet l'annonce de la venue à l'être de l'homme incarné éphèbe et nu, et arrachant une part de lui-même, une part qui est femme. Dans l'ouverture d'un désert se faisant un instant "jardin" (p. 39), l'homme naît et se double faisant être la femme, avant de découvrir les choses qui font le monde, où il vient, et de les nommer ; vaine entreprise quand il omet de se nommer, de s'apprivoiser lui-même. Voilà pourquoi la femme, d'ennui, s'endort : Sommeil d'Eve qui révèle à l'homme son "oubli", oubli aussitôt réparé dans l'éclat du nom dit qui assure le oui féminin qui réconcilie les deux parts et les ramène à leur union inaugurale ( p. 39). Scène close de l'advenue à l'être ? Retour dans un recommencement ? "Reconstitué", "rendu à lui-même", le désert garde le secret de la scène qu'il a offerte, et nous demeurons devant "la royale énigme" (p. 40), celle de l'homme redevenu un, celle aussi de ces pages qui accueillent son apparition, et sa disparition.

Quel sens reconnaître à cette scène qui vite s'estompe ? Et quelles relations cette scène entretient-elle avec le reste du texte ? Afin de répondre à ces interrogations, il convient de considérer une autre scène qui apparaît au fil de l'écriture, une scène qui est aussi une vision, un spectacle, cependant plus redoutable et plus agitée que la première. Car il s'agit d'un combat dont les protagonistes ne cessent de se reformer, de se transformer, jusqu'à confirmer leur vérité d'incarnation du mal : "Et nous voyons. / Deux hommes... deux espèces inconnues de bêtes... deux monstres..» (p. 26). Et la scène réapparaîtra plus loin, et deviendra celle de la Prostituée, de la machine, de l'araignée (pp. 70-71), scène du "mal à l'oeuvre dans le monde" ( p. 27).

L'écriture de ces deux étranges scènes manifeste un parallélisme certain : elles succèdent toutes deux à la "promesse" dont elles sont apparemment la réalisation (pp. 25, 37) ; elles apparaissent chacune comme spectacle offert à un oeil qui voit, et qui montre : oeil d'un "nous" qui, dans le désert, se soumet à l'ordre dit de "rester là" ; à travers un grillage planté dans les sables, se déroulent tour à tour les deux scènes, celle de la constitution et celle de la destitution, celle de la création et celle de l'apocalypse[70], celle de l'homme naissant dans l'union et celle de la bête installant la division.

Dans Phantasia, la même dualité se lit dans le flux de l'écriture. Dès le premier chapitre, s'écrit la naissance de l'homme et son accès à l'union dans sa relation avec la femme, laquelle naît à l'instant de sa découverte. Comme dans Le Désert..., c'est dans un "jardin" que la scène se réalise ; et elle succède également à l'ordre, un ordre toutefois autre : "J'aime à me voir perdu dans le chaos des ordres concurrents, proclamant l'impératif de l'être : sois, et la chose se prosterne devant moi, parfaite en ses ordres révélés, puis fuyante, elle s'évanouit" (p. 13). L'écriture rapporte ici la manière dont la chose, soumise à l'ordre créateur, apparaît avant de disparaître, selon son autonomie de mouvement. Car créer, c'est donner à voir la chose qui demeure néanmoins irréductible à la saisie, en son infini parcours de création. Entre ordre et désordre, elle circule souveraine, sortant d'un chaos, apparaissant au gré de l'ordre créateur, se réservant dans l'invisible de l'absence... Elle révèle ainsi le parcours créateur tel que l'a explicité Ibn Arabi : "Ainsi Il a renseigné sur Lui-même dans Sa parole : "Notre ordre quand nous voulons une chose est de lui dire sois et elle est[71]" ; alors Il a attribué le fait d'être à la chose elle-même qui relève de Dieu [...][72]".

Et le même ordre se lit dans Le Désert..., quand la voix dit : "Et encore : "Parole, Kun[73] ! Ce qui nous établit êtres de vérité et présents à la vérité. Ce qui, juste, nous conduit sur la voie juste" (p. 72) ; et plus loin : "[...] Pourtant âme errante, je ne cesse d'être, et là où je suis et là où je ne suis pas" (p. 72). Le même principe se formule dans les différentes écritures : création perpétuelle qui donne à voir l'advenue à l'être, selon un mouvement infini, au-delà de la présence et de l'absence. Cependant, l'écriture de Dib semble davantage situer le propos par rapport à l'homme, en sa relation avec la parole créatrice que sa voix répète (comme pour en souligner le perpétuel retour), et qui l'installe mouvant, changeant au gré de l'incessant passage, irréductible retour du même différent.

Mais comment lire la double scène à laquelle nous confronte l'écriture ? Quel sens saisir de l'apparition de la bête déjà évoquée ? Un détour par le roman de Meddeb nous semble permettre de lire cette scène du mal comme signe de ce qui échappe dans le mouvement infini de la création, mouvement qui brouille les pistes et qui témoigne de la différence du même : la chose est soumise à l'ordre créateur et, en même temps, libre en ses multiples incarnations ; l'être échappe à l'être, soi-même et autre indéfiniment changeant. Tel est le secret que l'un et l'autre textes disent. Phantasia : "Aucune parole ne rapporte le secret que je déchiffre derrière vos réalités" (p. 15) ; "De cette vérité, je te transmets peu. C'est un secret qui ne se partage pas. L'être est une orgueilleuse tombe, stèle muette qui conserve l'énigme" (p. 22). Le Désert... : "Ainsi l'hermaphrodite couronné, la royale énigme, c'est lui, comme il se tient devant nous" (p. 40) ; "Un mystère qui s'ajoute aux autres et la foi qu'à chaque instant, né de soi-même, on s'accouche soi-même" (pp. 112-113). Et le secret reste énigme, à jamais pris dans l'indéfini de la parole, dans l'infini recommencement : "On ne finit pas d'arriver" (Le Désert..., p. 118) ; car "l'acte se meurt dès qu'il se réalise" (Phantasia, p. 27).

Le rêve

En parlant du rêve, nous voulons approcher ce lieu où se présente l'énigme, lieu de béance qui ouvre à la question des visions, des apparitions étranges. Dans le premier chapitre de Phantasia, la mention du rêve se répète, insistante : "Tu rêves dans le rêve" (p. 15) ; "Notre chronique est une suite de rêves..." (p. 17). Ces mentions inscrites dès l'entrée du roman invitent évidemment à lire à leur lumière l'ensemble du texte : le parcours du narrateur n'est que rêve, et les rêves qu'il rapporte sont des rêves dans le rêve. Le rêve est lieu des images et du leurre, lieu indéfini de l'étrangeté, de l'altérité, de l'absence où s'incarne l'autre présence, écran nocturne à déchiffrer, à soumettre à la rigueur de l'interprétation.

Dans Le Désert..., la mention du rêve fait également retour. Répétée, elle entretient l'indécision quant à l'ensemble du texte. Ne s'agit-il pas, là aussi, que d'un rêve, rêve habité de rêves, ainsi multiplié et s'installant lieu du sens ? "Notre rêve ne sort pas de son rêve. Nous nous repaissons du sentiment d'avoir franchi le sombre fleuve et fait ce rêve..» (p. 41). Et l'alternance des chapitres en italiques et de ceux en caractères normaux pourrait indiquer une mise en abyme des rêves. Le récit de la marche de Hagg-Barr et Siklist serait un rêve : "... Je vois dans mon songe deux hommes arpenter le désert" (p. 55). Le rêve que raconte Siklist serait un rêve dans le rêve ; c'est d'ailleurs ainsi que le reçoit Hagg-Barr : "On a rêvé avoir rêvé" (p. 42). Tout semble donc se dérouler dans l'épaisseur du rêve, lieu certain qui occupe le désert, lequel est un lieu de l'effacement, vide qui menace de la perte. Entre le lieu redoutable de l'absence radicale et de la dévastation, et celui de la présence multiple, de la révélation qui motive la quête, s'écrit donc Le Désert... De même, Phantasia est l'itinéraire d'un personnage qui traverse la clôture de la modernité en crise, installant son exigence dans la béance du lieu esthétique du rêve, de l'imagination affranchie.

Entre inscription et effacement, la trace

A travers leurs manières respectives d'approcher le secret de toute création, de s'inscrire comme écritures du rêve, d'installer leur entreprise dans la proximité des périls menaçants, les romans de Dib et Meddeb affirment leur qualité d'écriture extrême. Ils donnent à voir l'expérience de l'être confronté à ce qui dépasse. Dans les deux romans, les personnages marchent sans arrêt ; ils parcourent des espaces divers mais tous habités par la dévastation. Le Désert... débute par le spectacle de débris d'armes et de corps, restes d'une guerre terminée dans les sables. Dès lors, la traversée du désert qu'entreprennent les deux compagnons est incertaine, errance fragile. Et, dans Phantasia, le narrateur se trouve dans la ville soumise à la montée inquiétante de la technologie moderne, et traverse l'horreur de l'apocalypse. Dans un cas, nous sommes devant l'espace ouvert de "nulle part" (Le Désert..., p. 33), et dans l'autre un espace dévasté et chaotique. Mais c'est la même marche sûre qui porte les personnages dans une même quête. Quête de quoi ?

L'interrogation est formulée, dans le texte dibien, et cherche à orienter la marche vers la précision d'un objectif qui en serait l'aboutissement : "Où allons-nous, Monsieur Hagg-Barr, avec cette hâte. Le savez-vous ?" (p. 82). La réplique de l'interrogé, sans apporter l'improbable réponse, souligne l'instant infini de la marche : "Pour l'instant, nous sommes les hôtes du désert, ceux qui errent sur le chemin qui chemine. Pour le moment, nous sommes dehors et nous cherchons la porte d'entrée, qui sera aussi la porte de la sortie. Tel est le sens de notre marche" (p. 83).

Il s'agit, d'abord, de comprendre la valeur de la quête, avant de chercher à en saisir l'objet. La quête est la marche continue, dont le but n'est qu'un leurre ; car "la porte" dont il est question ne peut exister dans l'immensité ouverte du vaste désert : "Nulle porte nulle part", chantait déjà Hagg-Barr (p. 33). C'est la marche qui importe, mouvement constant qui se révèle, enfin, quête de "la source du sens" (p. 105). De degré en degré, les activités de marche et d'écriture se rejoignent dans la même entreprise de frayage d'un passage délicat vers le sens. Et le lecteur se trouve porté, se laisse entraîner dans le cheminement fragile, abandonné à la perplexité constante : "[...] nous continuerons de suivre notre route à nous. Celle qui va, qui mène au sens. Cette route si par hasard elle nous perdait, si elle le faisait, c'est pour que nous nous retrouvions" (p. 106).

La même fragilité de la marche se trouve dans le roman de Meddeb. Cette fragilité assure toutefois la poursuite ininterrompue de la marche, en même temps que l'avancée du texte. L'écriture adopte la même posture du personnage marchant : elle se déploie entre l'incertitude imposée par les périls traversés et la conviction de l'aboutissement certain. Cette indifférenciation entre le mouvement du personnage et celui du texte est ce qui provoque le vertige de la lecture, nécessaire vertige apte à conduire à la saisie du sens. L'espace de l'écriture, comme celui de la marche, est assimilable à un lieu de perte toujours possible. Et dans l'espace changeant de l'avancée, la trace demeure le seul recours, la trace qui persiste au-delà du délabrement ; liée à l'effacement, la trace est cependant le signe d'une présence, d'une présence certaine, mais qui appelle à être déchiffrée.

"A être exilé sans trace alimentant le foyer du coeur, on se découvrirait homme de rien", dit le narrateur de Phantasia (p. 131). Et les deux compagnons du Désert..., en leur exil indéfini à travers l'immensité des sables, s'éveillent à l'importance de la trace et à son exigence d'un travail de déchiffrement[74] ; atlal : tel est le mot arabe qui dit les traces et que Hagg-Barr propose pour avancer dans la quête d'un sens de la traversée : "Il faut se contenter d'à-peu-près comme : traces de campements abandonnés, signes d'une écriture mystérieuse" (p. 85). Mais le sens échappe, pris dans le mouvement continu des choses, et Hagg-Barr se reprend rapidement pour souligner la fuite des traces, la fragilité des signes, le cheminement infini vers le sens : "Mais ce sont campements du vouloir dire, haltes du sens. Tatouages aussi comme au front des femmes, dont la coquetterie à elle seule n'expliquerait pas le port" (p. 86). Les traces ne sont qu'un degré intermédiaire dans la voie du sens, ébauche du travail perpétuel d'interprétation.

Palimpsestes

Qu'est-ce que la marche alors, sinon la traversée de l'espace de l'écriture, lettres brouillées, réserve indéfinie du sens ? La déambulation du narrateur de Phantasia et la marche des deux personnages du Désert... ne sont en définitive qu'un même élan vers la remise au jour des écritures déjà-là qui peuplent le monde. "Des écritures, il y en a plein le désert", confie Hagg-Barr à son compagnon de route (p. 84). En effet, aller vers "la source du sens", c'est reconnaître ces écritures qui constituent le chemin où cheminer revient à déchiffrer, à lire les traces inscrites changeantes dans l'espace mouvant de l'écriture.

Ainsi, lire et écrire sont-ils deux aspects d'une même activité d'élaboration du sens. A partir de la reconnaissance des écritures déjà-là, en leur effacement même, en leur apparence a priori illisible qui leur confère le statut de traces, se met en place l'entreprise d'écriture comme restauration, reconstruction, destinée à les rétablir dans l'éclat du signe. C'est cette opération complexe que désigne le roman de Dib en explicitant le rôle du parapluie, étrange instrument dont s'accompagne Hagg-Barr le long de son parcours dans le désert aride : "C'est la plume sèche qui sert à épouser chaque lettre sur le terrain, s'entend des écritures en question, éventuellement à les reconstituer, à les faire rendre au sol où elles se trouvent le plus souvent aux trois-quarts ensevelies" (p. 85).

Dès lors, la lecture de Phantasia, comme celle du Désert..., consiste à manifester d'autres écritures qui fondent le texte et participent à son élaboration. Le grand nombre de citations et de références intertextuelles que comporte le roman de Meddeb est évident et souligne la valeur du fonds culturel dans l'accomplissement de l'itinéraire du sujet et de l'écriture.

Car la mise en oeuvre de l'imagination, dans Phantasia, se réalise par la mise en perspective – essentiellement – de l'écriture d'Ibn Arabi ; et cela dès le premier chapitre du roman où l'insistance de la mention du rêve inscrit l'épaisseur de la pensée akbarienne aux fondements de l'écriture. L'éveil à la vérité du rêve installe le sujet – et le texte – dans le sillage de la création perpétuelle, par accès au monde de l'imagination, monde de la vérité. Telle est la vérité du monde que révèle la pensée akbarienne, en sa manière d'appréhender la tradition islamique établie par le Prophète :

Lorsque le Prophète a dit : les gens dorment, et quand ils meurent ils se réveillent, il a attiré l'attention sur le fait que tout ce que l'homme voit durant sa vie terrestre correspond aux visions de quelqu'un qui rêve, imagination qui exige une interprétation. L'univers est imagination / Et il est vrai en vérité. / Celui qui comprend cela / Saisit les secrets de la voie[75].

Aussi, par leur façon commune de souligner l'importance du rêve comme signe d'éveil à la vérité du monde, les romans de Dib et Meddeb inscrivent-ils leur travail dans la réhabilitation d'un fonds culturel islamique. L'intertexte islamique, dans les deux écritures, n'est pas simple illustration ou renvoi à un ailleurs des textes ; il est mis en perspective et se trouve constitutif de leur mouvement et porteur de leur sens. C'est la rencontre totale que tentent de réaliser ces deux écritures, rencontre de textes, d'époques, et rencontre avec la vérité de l'être, avec "ce qui nous établit êtres de vérité et présents à la vérité" (Le Désert..., p. 72).

En effet, la référence, dans l'écriture, à la tradition islamique, en même temps qu'elle indique un lieu d'énonciation particulier, rend compte du mouvement vers l'élaboration d'un sens en gestation. C'est ainsi que s'éclaire la mention des trois mots arabes dans le roman de Dib, imân, islâm, ihsân (p. 71), mots arabes dont l'étrangeté est évidente pour le lecteur ignorant la langue porteuse de la tradition islamique ; car il s'agit là de l'inscription d'un dit prophétique, celui – très célèbre – du bien-agir, de l'ihsân[76].

Ce hadîth manifeste l'épreuve du Prophète mis en présence de l'ange messager. Sa science prophétique, son haut degré d'imagination, son juste éveil à la vérité lui permettant d'interpréter l'apparence humaine, assurent à Mohammad la bonne maîtrise de soi lors de la rencontre ultime. C'est la même expérience que connaît le personnage de Dib, Hagg-Barr qui, abandonné par son compagnon, accède à la dernière rencontre, celle de la voix étrange, celle de l'ange du message. Et la densité qui caractérise les pages 118 à 127 du Désert... souligne l'intense illumination qui saisit Hagg-Barr, "foudroyé par l'excès de jour" (p. 124). Dans ces pages, le discours archaïque qu'entretient le personnage avec l'ange souligne le mouvement infini de la Parole et la béance de l'imagination, béance qui installe l'être dans la proximité de l'altérité radicale. Ainsi se réalise la "promesse" pour Hagg-Barr qui rejoint l'absence, qui disparaît dans l'autre figure, celle de l'idole, pierre sacrée qui conserve l'énigme : " Plus d'Hagg-Barr. Là où il se tenait, à l'endroit, dans le crépuscule qui enveloppe maintenant la terre, à l'endroit même, une idole se dresse" (p. 126). Une autre présence emporte le personnage, et la "source du sens se réserve ainsi dans le roulis du renouvellement infini, de la création perpétuelle : "Je me souviens et j'oublie. La pierre égare et retrouve sa mémoire et s'égare elle-même..» (p. 129).

Le discours archaïque est aussi l'une des techniques qu'emprunte Phantasia dans l'élaboration de son mouvement. Ce discours, à reconnaître dans l'ensemble du roman, se manifeste pleinement, sous une forme dialoguée et dialogique, dans le neuvième chapitre, lors de la première rencontre avec l'aimée. Aya est le signe qui semble né à l'écriture par la grâce de la calligraphie, à l'occasion d'un regard porté intense sur les lettres arabes dans un album calligraphique, "consonnes archaïques aux arêtes vives, isolées, sans points diacritiques, ni signes vocaliques, dépouillées jusqu'à l'indéchiffrable" (p. 194). Aya, au nom arabe et coranique, joint son discours à celui du personnage à travers un dialogue archaïque qui installe la circulation des signes changeants et ouvre à la béance du Livre du monde. L'intervention d'Aya oriente le personnage vers l'accès à la pluralité des textes et de la création en leur renouvellement continu. Cet itinéraire se réalise et se poursuit par la mise en oeuvre de l'imagination destinée à procurer la saisie de la vérité de l'être. Et la question de l'image est ici centrale : image, icône, lettre, image mentale..., toutes les possibilités qui mobilisent l'imagination créatrice sont traitées en leur rapport avec le travail d'écriture en train de se faire. C'est dans cette perspective qu'apparaît le hadîth rencontré dans le roman de Dib, écrit dans Phantasia en arabe : "L'imagination est le support de l'irreprésentable. En elle, adore Dieu comme si tu le voyais, " (p. 38).

Le même dit islamique se révèle ainsi constitutif des deux écritures de Dib et Meddeb. Cependant, tandis que, dans Le Désert sans détour, le dit prophétique semble plus énigmatique, inscrit dans l'intériorité du personnage habitée par "la promesse", il est, dans Phantasia, amplifié par la mise en perspective de son interprétation akbarienne qui en précise l'importance en relation avec la question de la représentation, de l'imagination, et de l'écriture. Ibn Arabi traverse l'écriture meddebienne tel un astre illuminant : il s'affirme dès le premier chapitre comme fondateur de l'écriture ; il procure la clé d'interprétation du voyage nocturne dans les cieux de Beaubourg ; il préside à l'expérience amoureuse avec Aya ; il conduit le personnage, dans son chemin d'exil, jusqu'à l'envol ultime dans l'alternance constante de la vie et de la mort, en communion avec l'univers, s'incarnant en un glorieux Phénix, en éternel renouvellement. Ibn Arabi n'est pas une référence extérieure au texte : il est le signe le plus évident de cet aspect de palimpseste qui sustente l'élaboration de l'écriture.

*

L'étude comparative des deux derniers romans de Dib et Meddeb permet donc la manifestation d'une commune réhabilitation du même fonds culturel islamique. Du même coup, elle rend compte de la constitution de leur entreprise comme création perpétuelle, palimpseste dont le sens se révèle dans la mise en perspective continue d'oeuvres anciennes que les textes appellent. C'est en définitive ce mouvement infini qui rend perplexe leur lecture. Glorieuse est cette perplexité qu'il convient de reconnaître, d'accepter et de suivre sur la voie du sens. Car, "la bonne voie est que l'homme s'oriente vers la perplexité ; alors il saura que la question est perplexité, que la perplexité est inquiétude et mouvement, et que le mouvement est vie, non immobilité, non mort, et existence, non néant"[77].

ANNEXE : Le hadîth du bien-agir

Umar rapporte : un jour que nous étions assis auprès de l'envoyé de Dieu, voici qu'apparut à nous un homme aux habits d'une vive blancheur, et aux cheveux d'une intense noirceur, sans trace visible sur lui de voyage, personne parmi nous ne le connaissait. Il vint s'asseoir en face du Prophète [...] et lui dit : "O Mohammad, informe-moi au sujet de l'islam". L'envoyé de Dieu lui répondit : "L'islam est que tu témoignes qu'il n'est de dieu que Dieu et que Mohammad est l'envoyé de Dieu ; que tu accomplisses la prière, verses l'aumône légale, jeûnes le mois de Ramadhan et effectues le pèlerinage à la Maison si tu en as la possibilité". L'homme dit : "Tu dis vrai", et nous fûmes étonnés de le voir interroger le Prophète et l'approuver. Il dit : "informe-moi au sujet de la foi (imân)". Le Prophète répondit : "c'est de croire en Dieu, en ses anges, en ses livres, en ses envoyés, au jour dernier, et de croire dans le destin, bon ou mauvais". "Tu dis vrai, dit l'homme, informe-moi au sujet du bien-agir (ihsân)". "C'est que tu adores Dieu comme si tu Le voyais ; et si tu ne Le vois pas, Lui te vois". L'homme dit : "informe-moi au sujet de l'Heure". Le Prophète répondit : "l'interrogé n'en sait pas plus que celui qui interroge". [...] Puis l'homme s'en fut ; je restai un moment jusqu'à ce que le Prophète me demanda : "O Umar, sais-tu qui interrogeait ? [...] C'est Gabriel qui est venu vous enseigner votre religion".


Afifa BERERHI   
Université d’Alger

Aux voix(es) du désert : le Sens

Nous vous avions désirés mais vous n’étiez pas nostalgiques,
nous vous avons réclamés mais vous ne vous êtes pas mis en route ;
nous vous avons émis des signes mais vous n’avez pas compris. »
L’Exil occidental.

C’est peut-être en réponse à ce commandement déguisé de Sohrawardi que Dib, après le désert immaculé des neiges nordiques, installe sa fiction dans l’infini désert de sable où l’écriture choisit son campement pour l’expérience limite de la quête identitaire. Déjà au XIIe siècle, le poète-écrivain perse de langue arabe était confronté au drame de l’exil comme aujourd’hui Dib nostalgique du lieu des origines : « Je suis toujours détenu dans les demeures de l’occident (...) j’ai sangloté, imploré, soupiré à cause de la séparation. » lit-on dans L’Exil occidental et huit siècles plus tard l’écho nous revient avec Dib :

Mon nom à moi ? (...) ce nom, le demanderiez-vous à une ombre, en occident, quand celui qui la projette se trouve en orient ?

La seule différence réside dans l’itinéraire de l’exilé. L’occident n’est plus le Maghreb, Kairouan où se trouvait assiégé le héros du récit de Sohrawardi, mais les pays du nord. Faut-il au passage préciser que le déplacement des frontières s’est effectué au gré de l’implantation des civilisations culturelles et technologiques ?

Le désir d’orient est métaphore de l’affranchissement et de la préservation de la différence. Alors l’orientalité s’inscrit comme réponse nécessaire à la question ontologique et son affirmation et sa sauvegarde permettent en outre le dialogue effectif avec l’occident.

C’est dans cette visée que Dib, après avoir souligné la relation conflictuelle du même et de l’autre, visible dans les oeuvres dites réalistes, entreprend la dialectalisation de ce rapport déjà pressenti dans le récit de Sohrawardi :

Parfait tu as réussi ta délivrance, mais tu dois retourner à la prison occidentale (...) si tu retournes à la prison, il te sera possible de revenir auprès de nous et de monter aisément à notre jardin (...). Tu finiras par t’affranchir totalement. Tu resteras à nos côtés en abandonnant et à jamais le pays occidental.

Il n’est point de départ sans retour, ni de retour définitif si ce n’est pour rencontrer la mort comme le laisse entendre la fin de la citation ou comme il advint du dernier héros de Mammeri. Dib dans son itinéraire romanesque réactualise le récit de L’Exil occidental. Séduit par la tentation de l’étranger, il franchit les frontières, mais l’ailleurs est lieu de nostalgie qui commande le retour vers l’ici originel. C’est précisément dans cette re-traversée que prennent naissance d’abord Habel puis la trilogie nordique et au point d’aboutissement Le Désert sans détour. Chacun de ces romans est un bivouac à la faveur de l’écriture – témoin et acteur – des errances sur la route – E’Tarik – conduisant à la source.

Dans la remontée vers soi, il y a d’abord la rencontre avec la symbolique mystique fortement imprégnée de soufisme, comme on peut le constater à propos de la relation amoureuse de Habel et Lily ou Faïna et Solh, conçue selon la vision soufie du Ichk, qui transcende la femme, moyen d’accès au divin. Et dans l’ultime étape il y a le désir franc de vouloir accéder au créateur et peut-être même l’audace de vouloir se substituer à lui en se fondant en lui. Ainsi la quête de soi est-elle régulièrement inscrite dans les différents projets romanesques, constamment renouvelée dans sa forme d’autant que l’écrivain ne cache plus son inclination pour le sacré. Et à la manière de Sohrawardi tout se passe comme si la fiction fortement onirisée se servait du texte coranique comme d’un « résidu diurne » pour répondre à la question existentielle. Apprécions la similarité d’un passage de L’Exil occidental et d'un autre du Désert sans détour :

Notre généalogie remonte au roi qui est notre aïeul suprême et qui n’a ni aïeul, ni père. Nous sommes ses serviteurs. Par Lui, nous nous éclairons ; de Lui nous nous inspirons (...) Il se révèle à toute chose. Et toute chose périt hormis sa face. » (L'Exil occidental).

... redevient l’hermaphrodite de la fin comme Il l’a été celui du commencement. Ainsi l’hermaphrodite couronné, la royale énigme c’est Lui. Ici est né le roi... Nul ne naîtra désormais de lui au-dessus de Lui ou au-dessous – nul ne naîtra de Lui – ni par art, ni par oeuvre de la nature – aucune créature vivante. » (Le Désert sans détour, p. 40).

Le texte dibien en ses pages inaugurales affiche ostensiblement son sens mystique :

Le porteur du Nom en présence de qui vous mettra l’ange seul quand il embrassera le monde... (p. 13).

Dès lors, l’univers du Désert sans détour se soustrait au social et à l’historicité. Et un des personnages de le confirmer : « Nous n’avions déjà pas d’histoire ». La narration à son tour joue à entourer d’incertitude les présomptions de concrétude. Le réel évacué fait place à l’imaginaire pour la mise en spectacle des visions, mirages (falsifications à peine déguisées des narrations mythiques religieuses), rêves de personnages hors du temps, hors de l’espace, sans passé ni projection sur l’avenir. Hors de ce monde, ils sont une ombre, « l’ombre de celui qui la projette » et qui constitue précisément le motif de la quête :

Nous cherchons l’inscription qui nous est destinée. Nous nous efforcerons de lire le message qu’elle recèle. Il ne nous restera plus que d’aller à la recherche de celui qui l’a écrite, déposée en lieu et place. (p. 86).

Tel est le programme qui répond point par point à l’exergue que nous avons retenue et qui conduit Dib, nostalgique du Nom, à prendre au sérieux l’histoire de l’Ecriture ainsi que le prescrit le Zohar prêchant « le malheur aux coupables qui prétendent que l’Ecriture n’est que simple narration ».

Alors l’intelligibilité du texte du Désert sans détour est à saisir à travers la résonance de la mise en écho des écritures, perceptible à travers l’alternance des caractères graphiques dans le cours de la narration. Les récits jaillissants de l’italique, sont des lieux-temps oniriques flottants, « grottes chaudes et sures » où la narration se fond dans et se confond avec l’Ecriture. Les chapitres 5 (pp. 37-41), 9 (pp. 69-73), 11 (pp. 92-94), 13 (pp. 107-108) et 15 (pp. 115-117) donnent à lire et à voir des morceaux de genèse, réactualisent les récits mythiques de la naissance et de la dénomination et scellent la rencontre du projet romanesque avec l’Histoire de l’Origine. Interpénétration ou symbiose des écritures dans la presque indistinction de la fiction faisant allégeance à la Récitation :

En appeler à l’indivis, notre dernier recours, notre secours.

Parole, kun ! ce qui nous établit être de Vérité et présent à la Vérité. Ce qui juste, nous conduit sur la voix juste  (p. 71).

Subordination de l’écriture dibienne à l’écriture originelle faisant de toute tentative scripturale un éternel effacement et recommencement sans au-delà :

Des écritures, il y en a plein le désert... Que peut-on ajouter à ce qui est déjà écrit ? Notre écriture, Notre signature ira sans plus rejoindre les autres se confondre avec elles et nous ne serons pas plus avancés. (p. 84).

l’oeuvre entière étant consignée dans l’Ecriture. Là se trouve inscrite la métaphore de la renonciation à soi :

L’atavisme parle seulement dans l’aphasie, d’où émerge l’identité.

N’est-ce pas Lui le diable et Lui qui leur forme des chaînes toujours plus lourdes ? Ces chaînes aux mailles d’acier qui sont les mots. (p. 54).

Des choses, des choses. des mots, des mots, ah mon pauvre ! Les deux hommes s’abîment là-dessus dans un silence partagé excluant la parole même si elle est faite pour ne rien dire. (p. 78).

Confiscation de la parole au profit de la révélation du nom devant la porte de la soumission librement consentie parce que porteuse de « promesse », celle de pouvoir dire « JE ». La reconnaissance n’est ainsi possible que dans l’entrelacement des voix.

Reste à savoir par quel moyen la parole humaine peut se sceller à la parole divine ? Il y a la possibilité de la psalmodie de la reconnaissance, soit le recours à la prière : « Nous avons été amenés là pour prier ». Dib souscrit à l’argument des mystiques qui voient dans la prière l’instrument guide de l’errance qui mène au Sens, point de réunification de l’ombre et de la lumière qui la projette c’est à dire le retour à l’origine par la résolution de la dualité, la reconstitution de l’unité première : « troisième Larron, troisième figure occulte mais tangible en qui fondent, s’allient, fluide unique, masse unique, héritage unique, cette chair de sang. » (p. 53).

Si l’écriture est redite d’un déjà inscrit, Dib ne peut qu’y renoncer et retenir l’ordre de lecture : IQRA ! fondateur du roman organisé autour de l’invite au déchiffrement de l’énigme :

Les atlal ! tu ne connais pas ? C’est justement ce que nous allons déchiffrer. Traces de campement abandonnés, signes d’une écriture mystérieuse. Le parapluie ! L’instrument pour les lire ! Pour en suivre les lettres embrouillées, et les débrouiller. Il sert à çà ! (pp. 84-85).

Une telle entreprise nécessite l’abstraction de toute chose, ce qui par voie de conséquence conduit à l’élection du désert, lieu à même d’offrir une vision du monde informelle. Dans le désert, « éternelle veille », ne reste que le parcours erratique pour le déchiffrement et la découverte du signe kabbalistique :

La porte d’entrée... celle du bivouac... Nous finirons par la trouver. Pour l’instant nous sommes les hôtes du désert, ceux qui errent sur le chemin qui chemine. Pour le moment nous sommes dehors et nous cherchons la porte d’entrée qui sera aussi la porte de sortie. Tel est le sens de notre marche. (p. 83).

Marche couvrant l’étendue engendrée par l’Aor, « ouragan lumineux », En-Nûr, qui éclaire et aveugle tout à la fois, deux attributs qui signalent Dieu comme présence-absence. La symbolique de la lumière est tout entière empruntée au texte coranique :

Je ne vois que cette flamme, elle use les yeux ; il n’y a qu’elle de vraie... Une et Unique, la lumière nettoie la terre, la lessive à blanc... Elle ne serait pas si elle ne vous laissait également l’âme meurtrie de nostalgie. Mais pourquoi cette blessure ? Pourquoi cela qui pourrait être beau et qui à coup sûr l’est, prend-il en même temps figure d’abomination. (p. 73).

C’est parce que Dieu est la lumière (Sourate 24, Verset 35) qu’elle est insoutenable au regard car Il est irréductiblement présence dans l’absence, donc inaccessible, « une chose qui restera, quoi qu’il en soit, innommée et innommable à jamais » (p. 123). Ainsi, à l’instant où l’infranchissable est frôlé, le sujet quêteur est « foudroyé par l’excès de jour » signe à la fois de la révélation et de l’interdit qui inspire la peur, la répulsion de l’affrontement avec Dieu. Reste donc intacte la fervente nostalgie qui en appelle « in perpetuum » au Texte. De fait l’écriture dibienne devient-elle indissociable de l’écriture du Grand Texte.

L’interpénétration des écritures se fait par la répétition de la Récitation et par l’effacement progressif des marques de distanciation au profit d’un processus d’identification, – Dib/Dieu – déjà confondus en leurs initiales. Identification également sollicitée par l’invocation du Nom :

J’entends ma voix détimbrée dire : "Iman, Islam, Ihsân" (p. 70).

Ici est à l’oeuvre le rite soufi qui préconise la répétition inlassable du Nom comme moyen d’entrer en contact avec le Divin et s’y fondre afin de pouvoir dire « JE », gagner « La liberté de parole » à l’instar de Dieu, briseur de silence. Ainsi la soumission (Islâm) est-elle paradoxalement le préliminaire à l’accession à la liberté de dire « JE » et donc de recouvrer son identité définissable par cette « intelligence avec les choses, avec tout ». L’identité c’est la rencontre du sens qui se produit dans « l’appel à l’indivis, notre dernier recours, notre secours » contre l’absurde. Car telle est aussi la lecture possible du Désert sans détour, une fiction où la représentation insoutenable de l’absurde trouve son contrepoids dans la référence au sacré.

A ce sujet nous sommes tentés de croire que le texte dibien constitue aussi, en parallèle, une réponse au texte théâtral de Beckett : En attendant Godot. Sans pénétrer dans une étude intertextuelle, on peut souligner la concordance des paramètres de la narratologie qui concourent à installer l’absurde. Mais d’abord, au passage, notons que Dib sensible aux procédés de la dramaturgie moderne – lui-même auteur d’une pièce – fait couler son texte dans les formes qui relèvent de la scénographie et ainsi la fiction donne-t-elle à voir autant qu’elle dit. C’est l’un de ces rares romans où l’écriture se prête avec tant de souplesse à la théâtralisation et même au genre cinématographique.

Voyons maintenant où s’opère la rencontre des textes dibien et beckettien et à quel moment s’effectue la distanciation de l’un par rapport à l’autre, donc un double procédé de convergence et de divergence, traduisant à son tour ce que nous évoquions dans l’introduction, le désir de s’inclure dans l’autre et l’affirmation de la différence. Dans le dialogisme où s’inscrit Dib, ce dernier établit un procédé d’homologie par lequel l’univers informel du Désert sans détour mime en quelque sorte celui où évoluent Vladimir et Estragon dont l’image se reconstruit dans le couple Hagg bar/Siklist, en permanente attente de ce qui doit arriver, Godot ou le porteur du nom... Il suffit de relever les indications spécifiques de chacun des personnages et leurs préoccupations pour conclure sans ambiguïté à leur parenté dans ce qu’ils sont hors du monde, hors de l’humanité, textes semblables également par leurs dimensions spatio-temporelles : les lieux sont in-circonscrits et invariables à la fois, faisant pendant à une mesure du temps complètement brouillée. S’ajoute à cela la perte du langage par assèchement de l’écriture et la dérive du sens gagnant les textes par la fréquence des quiproquos et du coq à l’âne. Quant aux objets, ils perdent leur fonction initiale : on remarquera l’incongruité de la présence d’un parapluie dans un désert accablé de soleil et dont l’usage est destiné à la lecture.

Ainsi Dib et Beckett se rencontrent-ils dans le partage de la vision du monde absurde métaphorisée par le désert chez l’un et par une pratique de la désertification chez l’autre. Tous deux s’accordent à nous confronter au non-sens, point à partir duquel la question du rétablissement du sens est soulevée et c’est là que s’inscrit la divergence et qu’est soulignée la différence. L’attente de Godot qui n’arrive pas – pour la circonstance nous partageons l’interprétation d’une partie de la critique qui retient le radical de Godot pour y lire, en anglais, Dieu – fait de l’absurde une donnée irrémédiable et insoutenable conduisant au suicide qui tente le personnage beckettien. C’est que le monde matérialiste avec ses contingences historiques et sociales ne semble proposer aucune alternative à celui, étranger aux autres et à lui-même : l’homme condamné à « l’exil et (au) désarroi ».

Reste le recours à la spiritualité comme solution de « secours ». Dib ne vient pas par hasard à ce choix qui est une promesse de réconciliation avec le monde. Il est passé au préalable par l’expérience du matérialisme. Alors que Beckett s’arrête sur un constat de faillite du sens, rendu entre autre par la fréquence répétitive du mot « rien », Dib entreprend de combler le vide ainsi engendré en exploitant les ressources spirituelles. Nous avons appris avec Lavoisier que la nature a horreur du vide, il y a donc nécessairement un sens qui assure « la survie dans l’évacuation de la folie » ou de la mort. L’image du désert en la nudité, l’esseulement, le tarissement du verbe, l’atrophie de la parole, l’assèchement du langage, les troubles de la communication, la dégénérescence de la fiction, sont une plongée dans l’irréel pour saisir la vérité. (« La vérité est au bout de l’irréel », dit J.E. Bencheikh).

La quête dibienne menée par étapes successives par la prise en charge d’abord de l’histoire et du social puis du sacré pose maintenant la question du devenir de l’écriture.

Dib serait-il parvenu au point d’achèvement dans Le Désert sans détour ? Toute nouvelle expérience scripturale ne peut être – croyons-nous – qu’une réitération dans la voix mystique, significative de l’engagement sur le chemin du retour. Le temps de la littérature de la désacralisation ( au sens large du terme) semble révolu, marquant ainsi l’essoufflement de l’idéologie qui la soutenait. Les signes précurseurs de cette mutation de la littérature maghrébine commençaient à poindre, nous semble-t-il, avec la reconnaissance de l’oralité, forme de régression (au sens psychanalytique du mot) ouvrant la porte béante aux « substrats mythiques, culturels et religieux », résidus garants de la mémoire de l’inconscient individuel et collectif : lieu de « la méditation des imaginaires ».


Beïda CHIKHI    
Université Paris-Nord

Dans la flamme de l’énigme :
Mohammed Dib et Edmond Jabès

« On peut tout inventer, hormis le silence :
Il nous invente »
(Edmond Jabès, Le Parcours)

« Cherche un nom
et à l’autre bout
regarde-moi respirer »
(Mohammed Dib, O Vive).

Toute histoire commence par une séparation et tient dans l’intervalle entre l’instant de la perte et celui de la restitution. Toute pensée qui accompagne l’histoire est métaphorique ; elle se déploie sur le rythme duel du visible et du caché. L’entre-deux est ce silence qui invente et réinvente sans cesse la grande question de l’origine du sens, du commencement et de l’identité.

Tout livre est absence permettant à la présence qu’il masque de se manifester, dans l’esprit du lecteur, sous la forme d’une activité de recréation. En somme, l’art se développerait, tel une métaphore, dans une chaîne de pensée métonymique. Un peu comme si dans une société donnée toutes les créations étaient contenues dans une création unique, première, masquant la présence du créateur, autrement dit : Dieu. Ainsi tout livre propose une histoire à partir d’une origine indécelable, d’un silence, d’un lieu d’invention que rien ne comblera jamais.

La question du livre entre dans la littérature algérienne comme un effet de convergences intellectuelles, suscitées par les conflits d’interprétation autour des livres sacrés et en particulier celui dont certains écrivains maghrébins ont effectué la traversée. C’est dans cette perspective que nous interrogeons les romans les plus récents de Mohammed Dib dont l’expérience mystique, nourrie de Livres multiples, interpelle des expériences semblables, participe à un acte de fondation.

Le concept de fondation est pris en charge en Algérie par trois dimensions du texte : le visible, autrement dit l’image, cette stratégie, « cet art d’agir sur la présence, là même, où elle est hors de portée grâce à des mots qui y touchent encore un peu†»1, l’intelligible qui conduit à la notion et fait advenir le concept, et enfin le sensible, foyer d’une autre recherche à partir de laquelle le concept se renouvelle et fait se refléter en signifiance les unités formelles à géométrie variable, qui, par l’artifice métonymique et l’emboîtement paradigmatique, mettent en forme l’invisible des pulsions fondatrices du corps-texte de l’écriture et font dire à M. Dib dans Les Terrasses d’Orsol :

Nous ignorons jusqu’où, unique, s’étend notre propriété. La ville qui me procure un sentiment de re-connaissance si extrême que j’en suis parfois effrayé, reste néanmoins taillée dans la plus solide et la plus accueillante des réalités (p. 179).

En privilégiant la métaphore et les jeux de transport de sens, les textes réalisent des échanges féconds entre les noms et les lieux, dont le sens à reconnaître est inscrit dans le corps, « la plus solide et la plus accueillante des réalités ».

L’option dibienne pour des histoires simulacres, énigmes à déchiffrer, participe de cette problématique de réinscription identitaire :

Même le nom que tu portes, ce n’est pas ton nom. Vous le savez tous, hein, que votre nom n’est pas votre vrai nom, que vous en avez un autre, que vous en avez un tas que vous vous donnez en dedans, en cachette et qui sont vos vrais noms, mais pas celui qu’on vous donne, et ces noms-là vous ne pouvez pas les dire (p. 151).

Ainsi, Les Terrasses d’Orsol se présentent comme l’exemple du poème symbolique type. Il manifeste/dissimule ce pour quoi il est écrit, et privilégie des modes de signification indirecte en prenant appui sur des effets de sens commutatif. Dib, Mammeri et Farès font se tenir, à l’horizon de leur œuvre poétique, l’acte de refondation du Nom propre ; et c’est là que se trouve la motivation profonde de leur écriture. Cette «indirection» des trajets métaphoriques de l’écriture suscite une curiosité herméneutique destinée à entraîner le lecteur dans le plaisir lié à la restauration vitale du Nom propre. Celui-ci est quasiment visualisé dans Les Terrasses d’Orsol, roman-poème entièrement gérés par les tropes qui, comme l’écrit R. Jakobson dans « Du réalisme artistique », « nous rendent l’objet plus sensible et nous aident à le voir » 2.

Cette poétique du voile (celle des tropes qui produisent l’opacité que le lecteur désire traverser) nous conduit progressivement vers une problématique du sacré.

Sacralisation du lieu, du nom premier, des fondateurs, de l’acte de fondation lui-même, qui nous fait entrevoir, au delà du livre-homme ou du livre-femme, comme dans les romans de Dib, le livre-Dieu, autrement dit la nécessaire intercession du mythe dans la restauration symbolique du Nom. L’opacité, le voile donc, suscite le désir de dévoilement en passant par le sacré, lieu possible d’un réaménagement des symboles du Nom propre à l’intérieur même d’une confrontation historique, qui déstabilise les codes et les fétichise dans la plupart des cas. Ainsi, le principe du dévoilement inscrit la créance mythique, fondatrice d’un être double, qui questionne et qui répond dans une relation dialogique. Dialogue avec l’autre, le Grand Autre, lieu du savoir et de co-naissance. Nabile Farès écrit à ce propos dans son analyse de Salammbô de Flaubert :

Donner l’éveil, sortir des ténèbres, rendre la parole au corps et le désir à l’âme, le discours du prêtre est un discours fondateur, non pas du monde, comme tendrait à nous le faire saisir toute recherche mythologique fondée sur la créance théogonique et cosmologique, mais discours fondateur de la parole de l’autre, de l’allocutaire3.

Ce discours, précise Nabile Farès, est fondateur d’un principe dialogique même s’il se déploie dans un champ de créance mythologique ou hallucinatoire. Le double jeu du voile et du dévoilement, en instaurant l’énigme comme lieu du Nom caché et en produisant sa question, appelle l’écart, c’est-à-dire « la différenciation symbolique » et « la tentation du remplissement » (Nabile Farès).

Le propos de Nabile Farès s’appuie sur le roman de Flaubert pour analyser la relation du voile (le zaïmph) au pacte fondateur de la cité de Carthage. La pénétration du divin (Tanit) dans l’humain (Salammbô) participe du « désir de dévoilement, d’amour » qui marque « le passage du sacré mythique au profane existentiel ». Matérialiser le divin par son propre corps, c’est devenir soi-même être mythique et s’assurer la puissance nécessaire sur la plénitude symbolique.

Ainsi, dans Cours sur la rive sauvage, la fondation de la ville Nova est tributaire d’une double dénomination humaine et divine : Radia-Hellé. Hellé étant l’anagramme de Elleh (dieu), l’adjonction Radia-Elleh signifiant littéralement en arabe satisfaction de dieu, ce par quoi se réalise la plénitude symbolique.

Par une organisation tropique généralisée qui participe de ce qu’en psychanalyse on appelle l’idéal du moi, l’espace d’énonciation clos et exclusivement subjectif s’autorise toutes les enjambées et toutes les transitions jusqu’au lieu sacré de la figure idéale indépassable : l’identité fantasmatique qui place le divin au cœur de l’humain. Le seul énoncé du «nom magique» Hellé s’accompagne de la conscience que celui-ci a été transmis d’un autre espace et gardé au fond de la mémoire du sujet. La substitution du nom propre fondateur, divinisé, au nom réaliste-commun-des-mortels, Radia, réactive le mythe qui dévie le texte dans le sens d’une écriture de l’utopie.

En fait, depuis Cours sur la rive sauvage, Dib, par l’intercession de son personnage Iven Zohar, fils de Vénus, mais faisant allusion au zohar de la tradition kabbalistique, entreprend une activité de réflexion sur la méditation, dans l’écriture, ouvrant sur l’extase qui le libère comme Etre et lui permet la communication avec l’Etre suprême et le nom fondateur enfoui dans la mémoire.

Le mysticisme dans le roman algérien se caractérise par la sacralisation du lien symbolique entre le Nom, l’homme et son lieu ; ainsi Hellé, la femme-déesse fondatrice a été créée par la force contraignante de son nom propre : ´Je prononçais à haute voix le mot ‘Hellé’…» et l’espace s’efface devant la divinité surgie d’un autre monde ; et depuis, on ne sait plus où finit Hellé et où commence l’espace ; on ne sait plus si elle est l’incarnation de la cité ou si la cité n’est que l’une de ses manifestations. Toujours est-il que le nom propre retrouve dans le discours mythique sa force créatrice originelle..

Ainsi, Hellé, comme Nedjma, est mythique parce qu’elle se situe à l’origine de quelque chose de nouveau, parce qu’elle intercède comme tous les fondateurs, en faveur d’une signification nouvelle figurée par la ville-lumière, substitut final de la ville-Nova, figuration de la cité utopique4.

Dib approche la question de la fondation de deux façons différentes : la première, socio-historique, dans le prolongement de ses premières productions, est exposée dans La Danse du roi, Dieu en Barbarie, Le Maître de chasse ; la seconde, poétique et mystique dans le prolongement de Cours sur la rive sauvage, se réalise dans Les Terrasses d’Orsol, Le Sommeil d’Eve et Neiges de marbre. Le passage de la première à la seconde est indiqué d’emblée par la désocialisation des noms propres, au profit de leur mythification : Hellé, Lily, Aëlle, Lyyl. C’est par l’intercession de ces noms que le sujet mystique renoue avec le nom suprême de Dieu et en fait la seule véritable origine à défaut de l’autre vrai nom sans doute à jamais perdu pour «l’exilé» :

La même sensation d’irréparable oubli ouvre sa déchirure en lui. Il ne se rappellera pas, il le sait, on ne se rappelle pas en de tels moments, et sauf à se voir renvoyé à un moment qui n’existe nulle part, ni dans le passé ni dans le présent. […] un instant qui n’existe nulle part, ce pourrait être aussi un nom. Et si c’est votre vrai nom ? Où trouver le vrai ? Je l’ai oublié. J’ai oublié mon vrai nom. Et oublié les autres (Les Terrasses d’Orsol, p. 201).

Aëlle est cette parole perdue que l’écrivain mystique retrouve dans l’extase de l’écriture. Peut-être la parole du livre… Les Terrasses d’Orsol, un écho à Yaël d’Edmond Jabès5, elle aussi comme Aëlle de Mohammed Dib, est à la fois sujet et objet de la quête de la vérité ? Pour l’heure, retenons cet aphorisme d’Edmond Jabès pris dans Yaël « l’identité est dans la distance. Ce qui est contemplé se prend à contempler » (p. 63). Aphorisme qui nous conduit directement vers la question du livre et nous amène à préciser que chez Dib le rapport mystique au Nom vient essentiellement de rites soufis et kabbalistiques socialisés, et de pratiques religieuses véhiculés au niveau du discours par la tradition orale.

Dieu, El, pour se révéler se manifesta par un point. (La Kabbale).

Cours sur la rive sauvage, Habel, Les Terrasses d’Orsol, Le Sommeil d’Eve, Neiges de marbre dialoguent intensément avec Le Livre des questions d’Edmond Jabès.

Tout le principe de la mosaïque des noms gère cette transmission dialogique en relation avec l’écriture et par delà avec El, El-leh, Dieu.

El, Elya, Yaël, Aely, chez Jabès6.

Hellé, Lily, Aëlle, Lyyl chez Dib.

Ces noms, chez l’un comme chez l’autre, sont fondateurs d’une parole à inscrire dans la généalogie du sens premier, aérien, fugitif, intemporel de l’écriture. L’échoïsation (Jabès-Dib) du radical El (Ailes, elle, lui) rapporte l’écriture médiative qui diffuse, chez Dib, de la fiction autour du radical sans l’atteindre, et chez Jabès, des aphorismes, qui le cernent, le contournent, l’observent tantôt de près, tantôt de loin, le soumettent à des dérives, mais le retrouvent intact au bout du parcours. Les fictions se désagrègent comme se désagrège l’histoire ; les aphorismes se télescopent et s’annulent dans l’affirmation et la négation pour redécouvrir, inentamé, le signe kabbalistique qui fait remonter aux origines de la séparation et de la dé-nomination, autrement dit, de l’effacement du nom premier au profit de la préservation de la question : quel est ton nom ?

La réponse n’est qu’un mystère suprême pour Dib comme pour Jabès, mystère qui rapproche de l’écriture : «Malheur aux coupables qui prétendent que l’Ecriture n’est qu’une simple narration» (Le Zohar).

La relation de Dib a l’écriture s’inspire fortement du Zohar. L’écriture, dans Cours sur la rive sauvage, est le signe nommé Hellé qui interpelle le sujet, l’appelle à le rejoindre, à l’honorer. Et si l’homme n’entend pas cet appel, ne comprend pas le signe révélé de l’écriture, il est appelé «insensé». «L’insensé» est ce qui se reflète comme signe incompris, inentendu dans le nom de Lily, de Aëlle, de Hellé et de Lyyl. Ainsi Iven Zohar, Eïd, celui qui dit «je», tentent d’aiguiser leur écoute et leur regard pour saisir ce qui se révèle dans l’absence de soi à soi qu’exprime chacun des éléments de la mosaïque des noms. Ainsi le «signe insensé» d’Iven Zohar reflété par Hellé dans Cours sur la rive sauvage, celui de Habel manifesté par Lily, celui de Eid manifesté par l’absence-présence de Aëlle, celui de Solh tentant de rejoindre Faïna et enfin le signe insensé de la petite Lyyl marquant profondément la nostalgie du sujet dibien :

Lorsque l’homme s’approche d’elle, elle lui parle à travers le rideau qui la sépare encore d’elle. L’homme commence alors à la comprendre petit à petit. L’homme se trouve alors à l’interprétation syllogistique. Ensuite elle parle à l’homme à travers un voile transparent. L’homme est alors arrivé à l’interprétation symbolique. Ensuite, quand l’habitude a rendu l’homme familier entre l’Ecriture, elle se montre à lui face à face et lui révèle les mystères qu’elle cache depuis le commencement des temps. C’est alors seulement que l’homme arrive à la connaissance parfaite de l’écriture et c’est alors qu’il devient maître de la maison, car tous les mystères lui sont révélés, sans qu’aucun d’eux lui reste caché. L’Ecriture dit alors à l’homme : «Tu vois que, dans les mêmes paroles où je t’ai montré auparavant un sens littéral, je te montre maintenant un sens mystique ; et de même que pour le sens littéral, toutes les paroles sont indispensables sans que l’on puisse rien y apporter et rien en retrancher, de même, pour le sens mystique, toutes les paroles écrites sont indispensables, sans que l’on puisse y ajouter une seule lettre, ni retrancher une seule». C’est pourquoi il sied aux hommes de s’appliquer avec zèle à l’étude de l’Ecriture et d’en devenir les amants (Le Zohar).

Ce principe amoureux et séducteur tel qu’il est décrit par Le Zohar, gère le rapport du sujet dibien à son écriture : parole, appel d’abord incompris, perte de la raison reflétée par le personnage féminin, dénommé en El, connaissance puis re-connaissance mutuelle, instauration du lien syllogistique, puis symbolique. Etape suprême du face à face et de la révélation qui peut en faire soit un maître, soit un fou, dans la mesure où le sujet n’est pas à même de supporter la totalité de la révélation. Mais dans le cas de Dib, la folie est une zone à risque, franchissable par le pouvoir de la quête mystique dans l’amour et la préservation de la question au sein même de la révélation. L’interrogation se fait lancinante et relance le désir du recommencement de l’expérience. Aussi, ces quatre romans de Dib sont-ils la répétition d’une même expérience d’écriture pour la rencontre mystique renouvelée avec El.

Le recommencement de l’expérience vise à éprouver l’écriture jusqu’à son extrême limite. Car, pour Dib, seule l’épreuve épanouit tout à la fois les mots, la fable et l’écriture, et permet cette remontée jusqu’au point suprême où se manifeste El. Chacun des livres cités de Dib se heurte à «l’insistant questionnement du commencement» : qui parle ? Dib répond «Celui qui dit Je». Et comme Dieu qui fut le premier à briser le silence, l’écriture tente de retrouver le moment initial de cette brisure. C’est la raison pour laquelle Dib l’a soustraite au social pour la confier à ce grand signe existentiel qui se signifie lui-même comme absence : absence de Lily et Faïna, soustraites au monde par la folie, absence d’Aëlle, absorbée par une dimension inconnue d’un lieu dé-nommé Jarbher, absence de Lyyl, enlevée par l’amnésie infantile.

La mosaïque des noms est en fait l’encerclement des lettres voilant le nom achevé de Dieu, limite à ne pas franchir. Ne reste que le chemin qui y conduit, nécessairement comme errance et nomadisme.

Or, Dib n’est pas un poète tenté par l’exil et l’errance perpétuelle. La brisure du silence est brisure du déjà-dit. Le commencement est commencement d’une autre histoire. La perte de Lily, d’Aëlle, de Lyyl n’est que la perte des simulacres. L’écriture les traverse pour rencontrer «celui qui dit Je», et se fondre en lui.


Parole et silence :
La rive sauvage


Charles BONN
Université Paris-Nord

Les pouvoirs du langage

langage souverain incompatible secret noyé dans l’écorchure universelle que ma vie s’y perde y vive sans justification qu’une nouvelle muraille de ténèbres se referme sur elle et sourde muette nul médiateur ne puisse la faire entendre parole qui creuse un espace vide.
(« Les pouvoirs », I, Formulaires, p. 75.).

Diachronie et pouvoirs du dire

L’Histoire littéraire se plaît à découper la vie et l’oeuvre des grands écrivains en différentes « périodes », le plus souvent successives. En ce qui concerne Mohammed Dib, la diversité de ses « manières » amène plus encore qu’avec un autre écrivain à recourir à cette approche tant décriée. D’ailleurs l’écrivain lui-même n’invitait-il pas, dans une de ses trop rares interviews, à considérer l’Indépendance de l’Algérie comme le moment d’une mutation radicale de son écriture enfin rendue à elle-même, moment où il aurait abandonné soudain la veine réaliste et populaire de la trilogie « Algérie » au profit de recherches plus personnelles, mais aussi plus ésotériques, dont Qui se souvient de la mer et Cours sur la rive sauvage offrent alors l’illustration ?

Aussi François Desplanques peut-il en 1972, vingt ans après La grande Maison, diviser l’oeuvre de l’écrivain en deux grandes « périodes » parfaitement symétriques s’articulant autour de l’axe de 1962 : une période « réaliste » de dix ans comportant quatre romans (La grande Maison, L’Incendie, Le Métier à tisser, Un Eté africain), un recueil de nouvelles (Au café) et un recueil de poésie (Ombre gardienne). Une période « surréaliste » de dix ans également, comportant de la même manière quatre romans (Qui se souvient de la mer, Cours sur la rive sauvage, La Danse du roi, Dieu en Barbarie), un recueil de nouvelles (Le Talisman), et un recueil de poèmes (Formulaires)[78]. Quelques années plus tard, Jean Déjeux divise l’oeuvre dibienne, qui s’est agrandie, en trois périodes cette fois, mais à définition plus floue. La première période reste la « période réaliste » de Desplanques, nommée ici par réduction au seul contenu période « du témoignage et du dévoilement ». La seconde, comprenant Qui se souvient de la mer, Cours sur la rive sauvage et La Danse du roi, serait celle d’une « descente dans les profondeurs », d’un « retour à la caverne ». Enfin viendrait, avec Dieu en Barbarie et Le Maître de chasse, un semi-retour, en des termes différents, au « dévoilement » de la première période, mais ordonné cette fois par une « passion de l’homme », formule fort peu dibienne à mon sens, et qui de plus ouvre le champ, par sa résonance chrétienne et son imprécision, à bien des interprétations hasardeuses et réductrices[79]. Jacqueline Arnaud quant à elle revient à une stratification binaire autour de l’axe de 1962, mais en incluant Qui se souvient de la mer (1962), dont l’objet est après tout encore la guerre d’indépendance et la prise de conscience politique d’un « homme sans vocation », à la première, même si l’écriture de ce roman est toute différente de celle de L’Incendie[80].

Certes, ces trois critiques précisent bien qu’il s’agit d’une simplification pédagogique, et que la manière « symboliste » de Qui se souvient de la mer ou de Cours sur la rive sauvage était préparée de longue date, puisque les premiers textes de l’auteur, comme par exemple le poème Véga publié dans Forge (Alger) en 1947, n’ont rien à voir avec l’écriture réaliste de la trilogie qui leur succédera. D’ailleurs, si Dib écrivain mène plusieurs « manières » de front, la succession chronologique de ses publications est, par la force des choses, plus linéaire. Ces classifications ont cependant en commun de s’en tenir à une stricte chronologie des oeuvres publiées. Et en faisant se succéder « manières » ou « périodes », elles privilégient le référent historique des romans, en se contentant de souligner la diversité apparente de leurs écritures, qualifiées hâtivement de termes aussi peu précis que « surréaliste » ou « symboliste » opposés à « réaliste ».

Or, il me semble que la diversité même de ces « manières » successives d’écrire est d’abord la manifestation d’une constante interrogation sur l’écriture et ses pouvoirs, sur les moyens dont elle dispose, non tant pour décrire, restituer, que pour produire le réel. Oeuvre militante, L’Incendie est, certes, « témoignage et dévoilement ». Pourtant l’activité journalistique et les positions connues de Dib à la même époque le sont plus encore. Surtout, L’Incendie nous apparaîtra d’autant plus efficace au service d’une idéologie, que son écriture répudie le discours de cette même idéologie : par une parole qui affiche sa convention, entre autres procédés, ce roman met en évidence la nécessité pour agir de trouver d’abord un langage producteur d’avenir et d’Histoire, lequel n’existe pas encore dans l’espace décrit. L’engagement de l’écrivain n’est pas celui du militant ou du journaliste. Il est certes en partie dans la réalité que le roman montre à un public différent de celui du journal. Mais, il est surtout dans le travail de l’écrivain sur le langage : le sien, comme tous ceux par rapport auxquels il se définit, et comme tous ceux aussi qu’il aide à inventer.

*

Cette réflexion sur le langage est bien ce qui constitue selon moi l’unité fondamentale de l’oeuvre de Dib. C’est dans un « autre côté » du langage que se situent, pour mieux le cerner, non seulement Cours sur la rive sauvage et Habel, deux romans fort distants dans le temps, mais encore de nombreux poèmes de Formulaires, Omneros, Feu, beau feu ou O Vive. Cet « autre côté » est également une des lectures possibles de l’un des derniers romans de Dib : Le Désert sans détour [81], qui peut être tout entier perçu comme un développement de cette Danse du roi sur laquelle se terminait le roman de ce nom, la royauté dérisoire et tragique de Hagg-Bar étant bien proche de celle de Rodwan, dans un désert comparable. Mais c’est bien déjà des pouvoirs du langage face à la réalité qui toujours lui échappe qu’il s’agit explicitement dans la postface de Qui se souvient de la mer. Et si L’Incendie est tension vers l’invention d’un dire politique nouveau tout autant que description de la misère des fellahs, on peut voir dans une sorte de bipolarisation de l’oeuvre d’avant l’Indépendance une autre manifestation de l’ambivalence même de la relation entre l’écriture et la réalité. D’ailleurs cette ambivalence ne se trouve-t-elle pas déjà dans le fait que les premiers articles connus de Mohammed Dib soient des articles de critique littéraire, comme par exemple le premier, publié dans  Forge en 1946[82], sur « La nouvelle dans la littérature Yankee », où Dib s’interroge déjà sur l’efficacité de l’écriture ?

La juxtaposition d’écritures face au défi de la réalité historique

Contrairement aux historiens de la littérature algérienne qui la précèdent, Jacqueline Arnaud inclut Qui se souvient de la mer (1962) dans la première des deux époques qu’elle dégage de l’oeuvre de Dib. Inclusion qui lui permet de centrer cette première époque autour de l’ambition, chez l’écrivain, « de peindre une vaste fresque de l’Algérie, de son éveil à un monde nouveau », quelle que soit la diversité d’écritures mises au service de ce dessein. Et certes, l’on pourrait étendre à toutes les oeuvres ainsi réunies le titre de la trilogie : « Algérie ». De plus, la chronologie de publication des romans correspond pratiquement à une chronologie référentielle : Si  La Grande Maison (1952) et L’Incendie (1954) montrent la lente prise de conscience politique des masses algériennes les plus défavorisées, à la ville puis à la campagne, et ce, dès 1939, leurs actions sont également consécutives et construites autour du même personnage central d’Omar un peu plus âgé dans Le Métier à tisser (1957), troisième volet de la trilogie. Cette fois, Omar a grandi et il est en butte, après deux ans de guerre mondiale, à la prolétarisation des artisans dont il partage, là encore, la misère. Or, si l’on voit avec Jacqueline Arnaud dans le narrateur de Qui se souvient de la mer l’un des personnages-pivots d’Un Eté africain (1959), Djamal Terraz, ces deux romans quoique d’écritures différentes et même si le narrateur de Qui se souvient de la mer n’est jamais nommé, peuvent constituer une nouvelle suite, centrée cette fois sur la guerre d’Algérie, dont le premier paru présenterait les débuts, vécus par un « homme sans vocation » (titre d’une nouvelle dont Djamal Terraz est également le héros), et le dernier la fin : le cataclysme sur quoi se termine Qui se souvient de la mer peut en effet être lu comme le symbole de la destruction du système colonial.

Pourtant l’intérêt de l’inclusion de Qui se souvient de la mer dans une première période de l’oeuvre, tout comme celui de la mise en valeur du personnage de Djamal Terraz, me semblent plus grands qu’il n’y paraît à première vue. Car il est évident d’une part, ne serait-ce que parce que Dib lui-même le dit dans sa postface, que Qui se souvient de la mer renvoie comme Un Eté africain à la guerre d’Algérie. Par ailleurs, si le narrateur de  Qui se souvient de la mer n’est pas nommé, son oisiveté et son itinéraire à travers la ville à la recherche d’un sens rejoignent bien ceux de Djamal Terraz, marié comme lui à Nafissa, père de deux enfants, et fréquentant assidûment l’échoppe d’El Hadj. D’autre part la critique n’avait pas manqué jusque là d’insister sur la part relative d’autobiographie dans les personnages d’Omar, de Djamal, ou du narrateur du dernier roman, qu’il soit ou non Djamal Terraz.

L’intérêt de cette inclusion, s’il est mince pour l’Histoire littéraire, me semble bien plutôt résider dans la juxtaposition de manières différentes d’aborder, à quelques années d’écart, la même réalité de l’Algérie en train de naître. La postface de Qui se souvient de la mer peut être lue à cet égard comme une sorte de semi-condamnation du réalisme, impuissant à rendre la vraie dimension de l’horreur. Or, même si le roman a été écrit semble-t-il assez rapidement tout à la fin de la guerre, son écriture est déjà en préparation, non seulement dans des poèmes écrits avant la trilogie, mais aussi dans des nouvelles du recueil Au Café (1955), comme par exemple « L’Héritier enchanté ». Surtout, on trouve le personnage de Djamal Terraz dès 1953 dans la nouvelle publiée dans la revue Terrasses dont il a déjà été question, « Les Hommes sans vocation »[83].

C’est-à-dire qu’à côté du personnage-prétexte à une description plus ou moins distanciée que représente Omar, Djamal représente dès l’époque de la trilogie une autre manière d’aborder la réalité nationale ; non plus celle d’un adolescent pauvre que Dib n’a pas été, même s’il l’a côtoyé[84] : mais celle, beaucoup plus intériorisée, d’un intellectuel adulte. Le sens à trouver, pour ce dernier peut rejoindre une dimension collective, mais à partir d’une quête parfaitement individuelle, pour ne pas dire individualiste. « Homme dans vocation », Djamal est d’abord, dans Un Eté africain, à la recherche d’un sens pour sa seule existence, ce qui le met par rapport aux autres personnages des divers récits de cette fresque en situation de marginalité. Les autres personnages du roman sont, l’un après l’autre façonnés par les événements. Djamal est en retrait de l’événement même s’il cherche l’action qui octroiera un sens à sa vie. Et si dans Un Eté africain, le récit dont il est le héros ne le met pas en rapport avec les personnages façonnés par l’événement ou par l’action collective, il sera dans Qui se souvient de la mer, alors même qu’il approuve l’action contre les « nouvelles constructions », seul vivant au milieu des statues dont la puissance inexorable le sauve, certes, des armes des momies, mais ne le sort pas de sa solitude.

Car l’action collective, si elle donne un sens, raréfie la communication, pétrifie la parole, et sacrifie aussi ce que tout individu a d’irréductible. On peut donc lire à un premier niveau ce développement progressif de récits ayant Djamal Terraz pour pivot, parallèlement à l’engagement collectif de la trilogie auquel Omar sert de prétexte, comme une sorte de prise de distance de l’écrivain par rapport à son propre engagement. Prise de distance au nom des droits de l’individu comme de la parole plurielle. Prise de distance qui aboutit dans deux interviews en 1963 et 1964 à ce sentiment de l’écrivain de reprendre sa liberté une fois le devoir collectif accompli.

*

Le niveau de lecture le plus intéressant de cette double production chez Dib me semble donc être celui d’une mise en spectacle de langages. Langages des personnages divers face à l’événement qui leur demande de le nommer en se situant par rapport à lui. Réflexion de Djamal T. sur le sens caché de l’existence, réflexion du narrateur de Qui se souvient de la mer sur les signes qui l’entourent et qu’il apprend peu à peu à percevoir tout en s’avançant dans une solitude de plus en plus grande. Réflexion de l’écrivain sur sa propre écriture à travers ce qui peut apparaître ainsi comme des variations différentes autour d’un même thème, variations qui posent le problème de l’écriture par cette juxtaposition même, tout comme par le fait que cette juxtaposition ne soit jamais schématique. Et c’est pourquoi cette juxtaposition, qui se trouve à des degrés divers dans chaque roman, ou d’une nouvelle à l’autre du recueil Au Café, ou d’un poème à l’autre du recueil Ombre gardienne, se trouve moins entre un texte et un autre texte de l’auteur, qu’à l’intérieur même de chaque oeuvre.

D’ailleurs elle ne se limite pas à la double production décrite jusqu’ici. On pourrait de la même façon dégager dans ces premiers textes de l’écrivain de nombreux passages « à la manière de », pratiquement exposés comme tels. Jacqueline Arnaud relève dans Ombre gardienne des poèmes à la manière de Verlaine, de Baudelaire, de Hugo, de Mallarmé, d’Aragon[85]. François Desplanques quant à lui relève dans L’Incendie des pastiches d’écrivains néo-réalistes italiens : Carlo Levi, Ignazio Silone, Elio Vittorini. Jean Déjeux montre la réutilisation dans le même roman d’articles de Dib lui-même publiés quelques années plus tôt dans Alger républicain. Et Jacqueline Arnaud note le passage constant de bribes de poèmes ou de poèmes entiers de l’auteur, des romans au recueil d’Ombre gardienne et inversement. Dib d’ailleurs signale volontiers sa réutilisation, par exemple dans Cours sur la rive sauvage, de tel aspect de l’Aurelia de Nerval ou de telle intuition de Jung. Relever des « emprunts » qui se cachent si peu est donc pure et simple tautologie (et ce n’est pas l’un des moindres pièges tendus malicieusement par Dib, me semble-t-il, à ses critiques...), si l’on ne voit pas que l’exposition même de ces emprunts par l’écrivain est bien une manière encore de montrer que, quelqu’impérieuse que soit la réalité qu’il nomme, l’essentiel pour lui n’est point tant cette réalité, que la réponse fournie par l’écriture, et les écritures, à son défi.

Ecriture et biographie, ou l’ambiguïté tragique du sens

L’auront oublié sitôt révélé ces mots plus que lui pressés de se perdre au loin,
(« Innocence de l’être », Formulaires, p. 20.).

Mais l’écrivain n’est pas seulement lecteur d’autres écrivains, ou de ses propres écrits. Il est aussi l’individu qui énonce. Dans son rapport avec sa propre écriture, son être même est en jeu, car autant qu’il fait être son écriture, son écriture le fait être.

Le texte s’élabore à partir d’une essentielle gratuité, qui est la liberté de l’écrivain. Mais en même temps il serait facile de relever d’une oeuvre à l’autre de Dib des constantes thématiques, imaginaires ou simplement événementielles, qui renvoient de toute évidence à sa propre biographie. Un tel relevé biographique manque cependant l’écriture. L’important n’est pas, par exemple, à partir du thème narratif de la mort du père, récurrent dans la quasi-totalité de l’oeuvre dibienne, de se demander ce que la mort de son véritable père a pu représenter pour l’homme Mohammed Dib. Mais de dégager à partir de ce qui est visiblement une hantise personnelle de l’écrivain, comment elle donne à la fois réalité au texte, et souligne l’irréalité du dire. Ainsi dans La Danse du roi la mort du père est-elle aussi une des variations sur l’origine de l’écriture.

De la même façon, « l’épouvantable amour qui ne peut aimer » dont est parcouru le récit de Rodwan dans le même roman et dont le récit ne livre jamais toutes les clés, ne me semble intéressant que dans la mesure où cette formule n’existe pas seule, mais s’intègre dans une phrase où il est question de « capter le visage d’ombre d’où s’écoulait le discours », d’« identifier la  parole ressassant ici et ailleurs l’épouvantable amour qui ne peut aimer, et son mutisme » (La Danse du roi, p. 51). C’est donc bien de l’origine de la parole qu’il s’agit, et peut-être aussi de celle de l’écriture. Aimer ou ne pas aimer ne va-t-il pas de pair avec parler ou se taire ? Par ailleurs si le visage d’ombre est le père, n’est-il pas dès lors origine de la parole dans l’évidence même de sa mort ? Mais s’agit-il forcément du père ? Certes non, puisque l’écrivain lui-même disparaît dans l’instant où il nous livre son dire.

Enfin, on sait combien les romans qu’on a groupés un peu rapidement sous le titre de « Trilogie nordique », puisqu’en 1994 un 4° roman, L’Infante maure [86], s’inscrivait chez un autre éditeur dans le même ensemble, Les Terrasses d’Orsol, Le Sommeil d’Eve, Neiges de marbre [87], ont suscité chez les critiques de supputations sur leur référent biographique. Mais la critique biographique est ici mise en échec de manière bien plus perverse encore : des textes comme Neiges de marbre sont si directement référentiels qu’ils rendent caduques toutes les enquêtes biographiques, puisque l’objet de ces enquêtes est donné d’avance. Dès lors c’est une fois de plus ce qu’une écriture directement référentielle entraîne comme réflexion sur le rapport entre écriture et réalité qui deviendra le seul objet d’étude intéressant. Biographie et écriture ici se confondent, rendant du coup toute enquête biographique vaine. Et c’est paradoxalement au moment où la réalité est livrée de la manière la plus abrupte, la plus apparemment non-littéraire, qu’elle échappera le plus...

*

Il y a donc entre l’écriture et la biographie, chez Dib comme chez tout écrivain, un rapport extrêmement complexe. Ce qu’il importe de décrire ici sera la manière toute particulière dont écriture et biographie se confèrent réalité et se l’enlèvent en même temps. Le biographique épaissit l’évanescence qu’est toute écriture. Il donne une apparence de réalité au simulacre qu’est le texte, qu’il semble authentifier. Mais en même temps il souligne la perte irrémédiable de réalité de laquelle l’écriture tire son existence. Car le biographique, comme l’horreur de la guerre dont se préoccupait Qui se souvient de la mer, est à la fois le point de départ et l’objet toujours perdu du dire, puisqu’il disparaît dans l’acte même de produire la parole, laquelle ne vit à son tour que de l’impossibilité où nous sommes de saisir son objet. Le texte n’a de réalité que de son énonciateur, et ne vit cependant que de la perte de cet énonciateur.

L’écriture des romans les plus personnels de Dib vit de cette ambiguïté que sa poésie décrit en partie. Les nouvelles l’explicitent quelque peu. Ainsi le narrateur de « La Dalle écrite », dans le recueil Le Talisman (1966) est-il pris au piège de son entreprise de déchiffrement, « aspiré par l’abîme » des mots, dont « le premier » est également le dernier de la nouvelle. Les mots de cette inscription, qui n’existe peut-être même pas, lui enlèvent toute la réalité de sa personne et de sa quête, à partir desquels il les faisait vivre. Ils l’enferment dans leur absence au monde qui est aussi la plus grande présence.

Or ce narrateur n’est pas un personnage distancié, et derrière son « je » il n’est pas interdit (mais non obligatoire) de voir une nouvelle ressemblance avec l’écrivain : si « le premier mot » est également le dernier de la nouvelle, cette dernière, de même qu’elle enferme en ses lignes la réalité problématique de son narrateur, n’est-elle pas également désignée dans le jeu entre sa propre parole et son mutisme ? (Si le premier mot est aussi le dernier, la nouvelle comme l’inscription sur la dalle ont-elles vraiment existé ? Et notre lecture du texte n’est-elle pas aussi illusion tout comme elle en est la seule et suprême réalité ?).

Allons plus loin : « Le Talisman », nouvelle qui donne son titre au recueil et qui le clôt, nous montre un narrateur « sauvé », au plus profond de la torture et probablement de la mort, par une sentence qu’il s’était amusé à graver pour les autres dans son enfance. Le passage où l’être se joue est à la fois retrouvailles de l’enfance la plus reculée, c’est-à-dire du souvenir biographique, et de l’écriture, dont le sens, d’ailleurs, importe peu. Mais ce passage manifeste également que l’être est donné par l’inscription pourtant destinée à d’autres et dont le sens s’est perdu. Et aussi que l’être n’existe que dans l’éblouissement de sa perte à travers la lecture même qui lui donne vie. Qu’importe alors qu’à la fin de la nouvelle le narrateur qui désormais habite, comme le père mort de La Danse du roi, « l’air, et la lumière qui brille éternellement », soit effectivement vivant ou mort ? L’écriture est cette « veille » et cette « attente » sur lesquelles se terminent la nouvelle comme le recueil : veille, attente, qui n’ont peut-être pas plus d’objet que la souvenance sur quoi se termine Qui se souvient de la mer, et qui pourtant ne sont que par la réalité et la non-réalité à la fois de cet objet. L’écriture donne l’être et le perd, tout comme elle n’existe que par la perte d’être de celui qui l’énonce.

Il n’y a donc pas un sens. L’écriture ne dit sans fin qu’elle-même, et que l’ambiguïté en quoi elle consiste parce qu’elle ne livre pas le sens un. Elle est ce vacillement entre réel et non-réel qui confère aux textes les plus personnels de l’écrivain leur vertige.

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Or cette ambiguïté, ce vacillement dans le rapport entre l’écriture et le réel, entre l’individuel et le collectif, entre l’autobiographique et l’imaginaire, rejoignent celui que ne cesse de manifester l’oeuvre de Dib entre une écriture plus personnelle, et le réalisme à visée plus collective de ses débuts. Ainsi,  Le Talisman, par la répartition des nouvelles à l’intérieur du recueil, donne-t-il certes une place privilégiée aux deux récits qu’on vient de décrire (surtout au deuxième). Mais ces nouvelles n’en alternent pas moins avec des textes plus distanciés, dont l’écriture réaliste de « La Cuadra », qui rappelle certes celle de La Grande Maison, mais aussi celle d’Emmanuel Roblès, par exemple, représente dans le recueil le pôle extrême.

La critique historique ne manquera pas d’expliquer cette diversité d’écritures par des époques différentes de composition. Mais outre qu’en ce qui concerne Dib on a déjà vu que des « manières » d’écrire ne sont pas nécessairement successives, il me semble que l’essentiel réside, non dans la date de composition de telle nouvelle, mais dans le fait qu’en 1966 Dib ait choisi de publier côte à côte dans un ordre qui n’est pas indifférent, des textes dont la diversité devient très vite complémentarité signifiante. D’ailleurs, s’ils désignent en partie l’activité solitaire de l’écrivain et soulignent la marginalité du narrateur-déchiffreur par rapport au groupe qui l’entoure, la nouvelle « Le Talisman » et le roman Qui se souvient de la mer sont aussi avec La Danse du roi et certaines nouvelles du récent recueil  La Nuit sauvage [88]les textes de Dib les plus durement inscrits dans l’épopée collective de la guerre d’Algérie.

C’est donc bien à tous les niveaux la rencontre de modalités diverses d’écriture qui produit le sens, tout comme la rencontre de lectures différentes d’un même texte de l’écrivain. Et de cette rencontre signifiante qui pourrait caractériser l’oeuvre entière dont la question ainsi exhibée est bien celle de l’écriture, le double récit d’Arfia et de Rodwan dans  La Danse du roi est peut-être une des illustrations les plus manifestes.

La limite des discours de maîtrise

Cependant le récit d’Arfia n’est pas celui de L’Incendie, et La Danse du roi est aussi ce texte qui nous ouvre tout grand sur le vide le portail d’un jeu scénique dérisoire et tragique. De même qu’est dérisoire et tragique, de l’autre côté du réel, la prétention de Kamal Waëd de trouver le bonheur de ses concitoyens dans le sens un d’un discours, même progressiste.

Pourtant Dib n’est pas un pamphlétaire. Pour qui sait lire, la critique politique de La Danse du roi, Dieu en Barbarie (1970) et Le Maître de chasse (1973) est dure. Mais jamais elle n’est polémique. Et surtout, là encore, c’est de langage qu’il s’agit. Sans abandonner la question essentielle des pouvoirs du langage et plus particulièrement de l’écriture, le romancier met en scène ici parmi d’autres langages, le langage du pouvoir ou de la cité nouvelle. Or ce langage, chez Dib comme chez Bourboune[89] mais selon des modalités différentes, est un langage sans mémoire, qui se réclame cependant d’un passé glorieux. Et il est aussi comme tout langage de pouvoir, celui qui prétend à la maîtrise de l’espace national, tout en niant l’opacité charnelle de cet espace et des hommes qui l’habitent, au profit de concepts qui dès lors n’osent plus avouer leur origine.

C’est pourquoi dans Dieu en Barbarie le technocrate Kamal Waëd cherche qui a donné l’argent pour ses études en France, et ne peut en même temps supporter une réponse à la question qui engage son être et celui du discours de « rationalité » qu’il incarne. Aussi ne peut-il sortir des remparts de la ville à la rencontre de ces steppes qui l’entourent et qu’il nie, mais vers lesquelles Lâbane, comme Arfia dans La Danse du roi, tend de tout son désir halluciné et de toute la violente poésie de son langage intérieur. Et lorsque de cette ville enfin les Mendiants de Dieu, dans Le Maître de chasse, sortent en quête d’une réponse qu’elle ne peut leur donner, il ne reste plus au discours du pouvoir ainsi confronté à la réalité, qu’à les faire supprimer par l’armée. D’ailleurs celle-ci tire depuis la route, prolongement de la ville et matérialisation de la volonté de maîtrise par le discours citadin sur un espace de réalité qui lui est étranger.

Cependant l’espace des steppes plus encore que l’entreprise des Mendiants de Dieu n’a rien de « subversif », au sens où serait subversif un discours apportant un sens autre et contraire à celui du discours de pouvoir. Mais sa subversion n’en est que plus redoutable, car la « réponse  se réduisant au mot : Rien » récuse la possibilité même d’un  sens, ou du moins sa nécessité, justification de tout discours. Chez les Ouled Salem, toute parole se trouve soudain incongrue, ce que même Hakim Madjar, chef des Mendiants de Dieu, aura du mal à accepter. Plus qu’un message politique et même si leur signification politique est évidente, Dieu en Barbarie et Le Maître de chasse sont donc une fois de plus traversée de langages.

Si ces langages sont, ainsi, touchés à mort par l’indifférence du réel ou de l’espace qui sans fin échappe à leur saisie de maîtrise, ou encore récuse leur prétention à lui quémander un sens, ils apparaissent comme autant de masques : ceux-là même à la levée successive desquels s’attache le récit de Rodwan dans La Danse du roi. La quête individuelle de l’écrivain dont il était question plus haut est donc là encore également une aventure collective. La traversée de langages qui ne vivent que dans la perte de la mémoire ou de l’espace qui les justifie, traversée qu’opère l’écrivain sur une courageuse, terrifiante et sereine « rive sauvage », nous concerne tous et ne cesse de concerner son pays alors même qu’elle semble le plus s’en éloigner.

La rive sauvage

Quel est, alors, le lieu de l’écriture et de l’être, s’il ne peut être nommé par le sens ? On touche bien là, me semble-t-il, l’interrogation essentielle d’une oeuvre dont elle était déjà le pivot dans les tout premiers textes, comme dans les poèmes de facture assez mallarméenne qui précèdent la trilogie. Or, cette interrogation, sous des formes diverses, n’a cessé de se développer et de s’affirmer depuis. L’hermétisme apparent des premiers poèmes, de romans comme Cours sur la rive sauvage ou Les Terrasses d’Orsol et d’une grande partie des quatre derniers recueils poétiques, Formulaires (1970), Omneros (1975), Feu, beau feu (1979), O Vive (1987) peut être d’abord considéré comme la perte de transparence inévitable d’une parole dès lors qu’elle invite son lecteur, non tant à la traverser pour appréhender un signifié extérieur à elle, qu’à l’habiter pour en saisir l’origine, l’être même. Car la connaissance ici ne peut plus avoir recours à ses voies habituelles : la quête initiatique en quoi se transformait Qui se souvient de la mer nous l’avait déjà montré. Comme dans toute tradition initiatique, elle nous apprenait très vite que son chemin est ignorance, et que la transparence du signe n’existe pas. Et cependant des textes apparemment plus limpides, comme La Danse du roi, Dieu en Barbarie, Le Maître de chasse ou Habel ne disent pas autre chose, même si on peut en faire aussi d’autres lectures.

L’inspiration orphique est une constante de l’oeuvre dibienne. De sa poésie surtout, mais aussi de bien des nouvelles. Dans les romans, Qui se souvient de la mer peut se lire déjà entièrement à travers ce thème de la mythologie grecque également très présente dans la tradition poétique arabe. Cours sur la rive sauvage renvoie à la version nervalienne du mythe, dans Aurelia en particulier, tout en opérant une sorte de retournement du texte de Nerval. Mais Aurelia était encore quête d’un sens, dans la transparence apparemment maintenue du signifiant. Le sens, chez Dib, n’est donné que dans l’éclatement et la fracture, de l’être comme du langage. C’est pourquoi à rebours du mythe, Radia demande à Iven Zohar de la regarder : le sens n’est donné que dans sa perte, et le texte donne à lire d’abord sa propre brisure comme son propre exil. Cependant l’écriture comme la parole est femme, et de la femme elle tire sa « tiède matière de désir » (Omneros, p. 21), tout comme sa fonction salvatrice de nomination de l’être. Habel est ce héros qui se confond en partie avec l’écriture, et à qui toutes les choses viennent demander un nom. Inversement le poète de Feu, beau feu est celui qui demande à la femme, à travers l’intensité érotique de son dire : « passante nomme-moi » (p. 99). C’est aussi ce que demande Ed à Aëlle dans Les Terrasses d’Orsol.

Le femme est, comme Habel, objet de désir en ce qu’elle est oeil qui nomme, et accueil dans cette nomination :

                   je cherche                   
                   l’oeil qui me nomme   
                   accueille-moi              
                                                        (Feu, beau feu, p. 64).

Elle est celle qui seule permet que surgisse à nouveau le chant pétrifié, car elle réconcilie, elle délivre l’être comme le faisait déjà Marthe pour Lâbane dans Le Maître de chasse, et comme le fait aussi, jusque dans la perte, Lily pour Habel. Qui se souvient de la mer nous avait montré la pétrification de la parole et la fuite du chant. La femme à laquelle s’adresse le poète de  Feu, beau feu « redonne la main au chant qui se désole dans la pierre et à la pierre elle-même qui erre orpheline sans gîte » (p. 95). C’est bien par son pouvoir de nommer qu’elle met fin à l’orphelinage. Et c’est en ce pouvoir entre autres qu’elle se confond avec l’écriture, par exemple dans la parabase d’« eros crypte », première partie d’Omneros précisément consacrée au corps de la femme dans son intimité la plus secrète :

plus ta persévérance dans le dessin la somme de se dévoiler la presse de questions la sonde la scrute et plus elle approfondit son mystère et c’est tout ce qui importe ce mystère (p. 21).

L’ambiguïté grammaticale sur l’antécédent non dit du pronom personnel objet « la », tout comme l’homophonie « dessein » – « dessin » sont ainsi signifiantes lorsque « plus ta persévérance dans le dessin la somme de se dévoiler la presse de questions la sonde la scrute et plus elle approfondit son mystère et c’est tout ce qui compte ce mystère ». L’ambiguïté n’est-elle pas la nature même de ce double pouvoir de nommer qui, s’il peut produire le sens clair, le sens un, ne peut nullement être saisi par celui-ci ? C’est bien sur elle en tout cas que se fonde le désir. Femme et écriture sont en effet l’une et l’autre « comme une aube demeurant obscurité comme un vide où s’élabore le destin la floraison fugace le printemps sans âge. » (p. 21).

Cette double ambiguïté permet à la femme comme à l’écriture, tout en étant l’une et l’autre celle qui délivre, de participer en même temps à cette mort, à cette nuit dont la vie lumineuse qu’elles donnent n’est à tout prendre que le contraire, et donc l’indissociable. Lily est celle qui rassemble, dans Habel. Mais elle l’est par son absence. D’ailleurs ne se confond-elle pas, aussi, avec l’Ange de la Mort ? Dans Le Maître de chasse déjà Marthe était, par son attente celle qui est à l’écoute de la nuit, d’un autre côté de la mort d’où Madjar, enfin, lui parlera. La parole que son amour rend possible est celle où Madjar mort célèbre la fête, au dernier chapitre du roman. Aussi cette parole est-elle tout autant silence. Elle est ces « syllabes de silence » en lesquelles « noire je t’aligne », dit le poète de Feu, beau feu (p. 45) parlant cette fois de la graphie même. Car si la femme est la parole qui délivre, elle est aussi celle qu’on trouve au-delà de la mort, dans « plus noir eros », dernier groupe de poèmes d’Omneros, alors même que « thanateros » a déjà célébré l’union de l’amour – et du verbe – avec la mort :

                   puis antérieur à toute parole      
                   comme une obscurité oublieuse  
                   l’agenouillement d’une chevelure               (p. 143).

Si l’amour et l’écriture sont nomination de l’être, ils en sont aussi la perte. Plus : il ne sont peut-être que dans cette perte qui est leur gloire, et qui seule octroie le pouvoir de nommer. « La prise de possession elle-même n’est rien d’autre qu’une porte ouverte sur l’abîme », dit l’auteur sur la couverture de Feu, beau feu dont certains poèmes célèbrent dans l’amour glorieux cette chasse qui donne son titre aussi à un roman, et y voient, toutes « barrières franchies »,

                   de s’épuiser licence    
                   de se confondre avec l’air          
                   au lieu où la chasse flambe                         (p. 50).

Cette perte est bien souvent la réponse ultime, le sens même et l’absence vertigineuse de sens. C’est en elle qu’aboutissent la plupart des romans depuis Qui se souvient de la mer, dont la fin déjà n’est positive que pour une lecture idéologique quelque peu bornée. Cette perte que trouve Iven Zohar au-delà de la constatation encore sensée qu’« il n’y a pas de réponse » (Cours sur la rive sauvage, p. 158), dans le jeu de mots sauvage de Hellé, qui à son tour enfin se perdra en son rire fou et ultime. C’est à cette perte encore que fait face Rodwan par-delà le portail à la fin du roman qui porte son nom, où comme dans Cours sur la rive sauvage un jeu sur le langage brouille et parodie le pouvoir signifiant de celui-ci. Quant à Ed, à la fin des Terrasses d’Orsol, ne va-t-il pas plus cruellement loin encore, dans la perte du sens par sa parodie ?

La fin de Dieu en Barbarie et du Maître de chasse est plus ambiguë, mais la découverte des Mendiants de Dieu n’est-elle pas celle d’une parole se réduisant au mot « Rien », découverte que manifestait le premier titre prévu pour le roman, L’Age de sable ?[90] C’est bien dans ce sable que se perdrait l’histoire elle-même à la fin de la parabase de « Thanateros », dans Omneros (p. 139), cependant que le poète de Feu, beau feu trouve dans « la maison de Natyk » le même bonheur que Habel s’installant à l’asile, dans la perte du nom comme du sens en même temps que par l’amour ils sont donnés :

                   s’asseoir
                   comme un inconnu     
                   poser les mains          
                   sur la table                 
                   .....................              
                   ne dire    
                   qui l’on est                  
                   d’où l’on vient            
                   ni pour quoi                
                   réserver la parole      
                   à autre chose              
                   et mettre sa chaise      
                   à la fenêtre                                   (p. 30).

Entre la nomination de l’être et sa perte, l’amour, comme l’écriture, habitent donc un lieu de l’entre-deux où tous les contraires s’échangent. Lieu privilégié entre un espace et un autre, entre un sens et son contraire, mais aussi entre une parole et son locuteur, entre ma voix et « l’autre voix » issue de cet espace insondable qui me fait face et dont j’entends la parole sous ma propre voix.

C’est « sur la rive sauvage » où l’on a mené son périple à travers la « ville des limites » (en laquelle il n’est pas interdit de lire la ville d’exil de l’écrivain dans les deux romans, à condition de ne pas se limiter à cette lecture), que Habel comme Iven Zohar apprend qu’« il n’y avait pas de réponse » (Habel, p. 33). Et néanmoins il continue, soir après soir, à venir y quêter le sens, ou la mort, dans le regard de ce visage de méduse qui n’est pas sans rappeler le dernier visage, déjà mort, qu’interroge Rodwan dans La Danse du roi, ou encore ce visage au seuil du silence sur lequel le dernier poème de Formulaires nous fait fermer le recueil :

                   le visage presque humain           
                   attendant entre les clous             
                   gelé sous un feu immense           
  
                   et s’alimentant d’espace             
                   dormant sur sa bouche saignante              
                   gardant l’immobilité   
  
                   de loin d’encore plus loin                            (p. 107).

Or, ce visage qui est aussi celui de l’Ange de la Mort que Habel a le privilège redoutable d’avoir vu, apparaît de préférence dans ces lieux de la limite où Dib sans fin fait revenir ses personnages. La rive sauvage, certes, mais aussi tous ces croisements dont la spatialité citadine est inséparable de cette rencontre comme de cette perte simultanée des différents sens possibles. C’est le croisement soudain surélevé d’un très grand nombre d’artères, proche de celui d’Aurelia mais traité encore une fois de manière inverse, où le sens apparaît à Iven Zohar en même temps qu’il est refusé par le quêteur (Cours sur la rive sauvage, pp. 68-70). C’est le croisement où Habel revient tous les soirs, mais c’est aussi le tertre surélevé de roches d’où Rodwan fait face au vide avant que ne s’ouvre pour lui le vide derrière le grand portail, et c’est la terrasse du Dr Berchig d’où les regards de Si Azallah, « sentinelle debout à la frontière de deux mondes » explorent un « paysage gagné par un oubli anticipé » et qui peut-être détient la réponse (Le Maître de chasse, p. 142).

Tous ces lieux de la limite sont ceux où le sens se renverse, souvent ironiquement (par exemple lorsque dans Dieu en Barbarie Si Azallah pense le trouver derrière lui, chez le Docteur, alors qu’il est devant lui dans le vide habité par Kamal), et où l’être se sépare. Ils sont donc la parole même, que Habel habite au carrefour comme il y est habité par elle et comme il l’y produit. Ils sont aussi lieux sans lieu, comme la parole, comme l’écriture, dont dès lors la question des pouvoirs met tout l’être en jeu.

« Poursuivre au gré des chances l’écriture »

« Poursuivre au gré des chances l’écriture », dit le poète de Feu, beau feu, résumant ce qui apparaît bien à présent comme le projet majeur de toute son oeuvre depuis bientôt un demi-siècle. Cette poursuite est âpre, et c’est pourquoi elle est désignée bien souvent par un vocabulaire qui est celui du chasseur. Le Maître de chasse est peut-être bien, parmi d’autres significations possibles de ce titre, le maître d’oeuvre du roman. Et si le vocabulaire cynégétique est souvent utilisé pour la quête amoureuse, il est autant de mise pour désigner, tant la poursuite de l’écriture « en forlonge » de la meute, que celle de son objet, le réel, par cette écriture-même. Car la quête des pouvoirs du dire repose sur le désir, dont les poèmes « publient » les variations à l’infini. Et de ce désir dans l’écriture, comme de ce désir de l’écriture « Les pouvoirs », troisième livre de Formulaires, est une sorte de synthèse sur dix ans, jusqu’en 1970[91].

Omneros, le recueil suivant, systématisera le projet de ce groupe de poèmes de Formulaires en organisant une véritable mise en spectacle d’eros-parole, pour mieux le saisir et pour mieux nous montrer que ce n’est en définitive que de lui qu’il s’agit. Cette mise en spectacle se fera à nouveau par la juxtaposition signifiante de deux registres du dire : les sept groupes de poèmes, et les cinq parabases qui les séparent, où le poète lui-même s’avance sur la scène et propose parfois un sens, le plus souvent une autre modalité de déchiffrement. Quoi qu’il en soit leur juxtaposition met en quelque sorte chacun des deux registres du dire en spectacle devant l’autre, et devant nous par sa différence avec l’autre. Et de ce fait chacune de ces deux paroles est en question. Pourtant cette mise en spectacle de l’écriture est elle-même, encore, écriture, et c’est pourquoi elle sera à son tour mise en spectacle par la rupture de sa régularité qu’introduit l’absence de parabase après « eros terre », troisième groupe de poèmes du recueil.

Cette absence de parabase permet même d’aller plus loin dans l’interprétation d’une non-parole signifiante en ce qu’elle désigne la parole. La mise en spectacle de l’écriture, plein et vide à la fois, est, d’abord, renforcée par le fait que cette absence se situe presque au milieu du recueil, et en tout cas à un moment signifiant de sa composition. Elle constitue ainsi une sorte de noyau vide du recueil, lequel rejoint la hantise dibienne de ce vide d’où jaillit l’écriture. Mais de plus il ne me semble pas fortuit que cette absence ait lieu après « eros terre » et avant « eroslude », c’est-à-dire après trois groupes dont le titre peut désigner l’objet désiré par l’écriture : le corps féminin, la mer, la terre. D’ailleurs cet objet désiré par l’écriture, quelle qu’en soit la modalité, est séparé d’eros-écriture, ou de l’écriture désirante, dans l’inscription même de ces titres en deux mots : « eros mer », « eros terre », alors que les trois titres suivants sont liés : « eroslude », « Omneros », « thanateros ». Or si les trois titres pouvant désigner l’objet désiré par l’écriture, et donc séparé du désir qui se porte vers lui, sont en deux mots séparés, les titres liés peuvent désigner, non plus l’objet de la chasse, mais la chasse elle-même : l’écriture, avant l’éclatement final de « plus noir eros ».

L’écriture ainsi, de sujet face à son objet préféré dans les trois premiers groupes, devient l’objet de son propre dire dans les trois suivants. Et cependant cette différence que souligne l’absence de parabase installe une sorte de désir rétroversé de la parole vers son objet, dont cependant elle tire sa propre vie : la « crypte », qu’on a lue comme le lieu secret féminin et l’objet même du désir, n’est-elle pas aussi antériorité : maternelle pour la femme-mer, culturelle et historique dans l’architecture religieuse, et enfin antériorité du sens par rapport à la parole qui le cherche, qui le décrypte ?

Là encore le désir se fonde sur l’absence, car le sens que désigne « crypte » est nécessairement caché, par le mot même qui le désigne. Or, cette absence est aussi celle de toute référence explicite à la terre dans les poèmes d’« eros terre », groupe précisément suivi par l’absence de parabase déjà signalée. L’objet n’est tel que par son manque, condition pour que l’écriture comme l’être soient, car ce manque est leur antériorité, leur source. La mise en spectacle de l’écriture est donc aussi mise en question des pouvoirs de la chasse par laquelle elle se constitue.

Les mots masqués

Selon un procédé que des recherches récentes sur la ménippée, dérivées des travaux de Bakhtine sur Rabelais, ont souvent souligné [92], la mise en spectacle la plus efficace d’une parole consiste à la traiter, elle qui prétend à la transparence, comme un corps, qui dès lors apparaît dans toute la fragilité, parfois grotesque, d’un langage désarticulé. On se souvient des paroles gelées chez Rabelais. Chez Dib cette mise en spectacle n’est pas que jeu : elle est réflexion sur la possibilité de production d’un sens.

Ce sont bien des paroles gelées, ou plutôt pétrifiées, que ces débris anatomiques qu’Iven Zohar ramasse sur la plage dans Cours sur la rive sauvage (pp. 85-86) : paroles dont le sens s’est perdu, cependant que les « takas » du même roman, dont on a proposé les lectures les plus fantaisistes, sont bien d’abord des mots sans objet, sans aucun sens, surtout lorsqu’ils sont pris isolément. Car il n’est pas de sens dans le mot, ou le concept isolé. Les dormeuses à l’image de Radia qu’Iven Zohar découvre dans le même roman ne peuvent signifier Radia : elles n’ont de sens que dans le mouvement qui se propage de l’une à l’autre. Autant dire que le mot n’a de sens que dans la phrase qui le met en mouvement, ou plus savamment, qu’un paradigme n’est signifiant qu’en situation syntagmatique.

Mais les débris de statues ou les dormeuses, dans Cours sur la rive sauvage, sont encore objets d’un dire. Dans Omneros comme dans Feu, beau feu, le dire poétique lui-même joue avec la double lecture paradigmatique ou syntagmatique possible d’un poème. On a ainsi des séries de poèmes qui peuvent se lire selon trois axes : l’axe paradigmatique du poème isolé, parfaitement signifiant tout seul ; l’axe d’une complémentarité grammaticale possible mais non obligatoire entre le poème et son titre ; l’axe enfin de l’insertion du poème paradigmatique dans le syntagme d’une suite de poèmes qui peuvent également se lire comme s’il s’agissait d’un seul poème. Parmi bien d’autres, on trouvera un exemple frappant de ce procédé dans les sept premiers poèmes d’« eroslude » (Omneros, pp. 65-71). Certes, Dib n’est pas le premier à utiliser ce procédé, mais dans le cadre de cette réflexion sur les « pouvoirs », il devient particulièrement signifiant.

Est-ce à dire qu’il n’existe pas de sens absolu ? En tout cas toute tentative de déchiffrement échoue, chez Dib, dès lors qu’elle cherche le sens d’un signe isolé. Le narrateur de Qui se souvient de la mer déjà ne découvrait le sens du curieux message des iriaces, message adressé à personne, qu’en organisant le système que constituaient leurs différents vols. Mais cette entreprise est-elle seulement possible ? Un court texte des « Pouvoirs », dans Formulaires (pp. 86-87), semble bien répondre par l’ironie cocasse manifestant, de fait, l’impossibilité de saisir la globalité d’un sens toujours dispersé ou inexistant derrière l’ensemble des sons isolés que distribuent de curieux messagers.

Dès lors apparaît une autre dimension de cette réflexion sur les pouvoirs du dire, sur la « chasse » par l’écriture : celle d’une séparation toujours possible entre la parole et le sens, mais aussi entre les mots et l’être. Ainsi tout Cours sur la rive sauvage doit-il être lu d’abord, me semble-t-il, comme le roman d’une séparation entre la parole et le sens. De même Habel est ce personnage qui, au carrefour de sa destinée dans une ville des limites qui prolonge celle de Cours sur la rive sauvage, habite une parole d’ailleurs qui l’habite également : l’écriture du roman, Habel, repose donc bien en partie sur le rapport ambigu entre le sujet et l’objet de la parole. La parole qui sépare Habel et son lieu, que ce soit celle du Frère ou celle de la Dame, est également la parole séparée de son objet, puisque Habel lui échappe à chaque tentative de saisie, à chaque « chasse ». Et le chasseur y devient gibier dans un jeu mortel où avec le sens, c’est bien l’être qui se perd :

                   l’auront oublié sitôt    
                   révélé ces mots plus que lui        
                   pressés de se perdre au loin.

commentent à l’avance ces vers de Formulaires (p. 20) déjà cités, dans un poème ironiquement appelé « Innocence de l’être ».

Ces jeux sur le rapport ambigu entre la parole et le sens auront du moins montré la vanité de poursuivre un sens toujours fuyant, dans une chasse où le gibier n’est peut-être pas celui qu’on pense. La parole ne préserve l’être que si elle accepte de jouer avec le sens comme avec l’objet, au lieu de chercher comme le « cri qui court » à les emprisonner. Le langage, lorsqu’il se veut pouvoir par la saturation du sens, devient obésité : « Il restera toujours un chaînon il restera toujours une fourmi il restera toujours une étoile et le mot sur la page refusera de s’inscrire complètement et vous recommencerez à recomposer ses lettres dans tous les sens et il en naîtra des mots masqués avec lesquels votre savoir grossira jusqu’à l’obésité et l’obésité occupera le trône », dit l’un des textes des « Pouvoirs » encore (Formulaires, p. 81), qui dès lors renvoie aussi ce titre à sa signification politique, entre autres.

Car les mots masqués d’un discours qui occupe le trône pourraient bien être ceux de l’idéologie dont Kamal Waëd dans les romans illustre la fatuité et le danger mortel. Kamal et son discours, même s’il est de progrès, refusent le jeu et la mémoire en lesquels la parole comme le chant se fondent, eux qui n’ont pas perdu l’être parce que leur prétention n’est pas de le saisir. Et c’est pourquoi le pouvoir érotique de la fable est toujours « en forlonge » de la meute, comme dans ce poème d’« eroslude » précisément, où.

                   entre tout ce qui chasse              
                   et conduit l’instance    
                   avec fusils clameurs hallalis      
  
                   la fable sait elle           
                   où le corps de la dormeuse        
                   s’achève dans un souffle                             (Omneros, p. 70).

*

Mais le « retour des repentis » a contraint la parole la plus libre à n’être plus elle-même que cri, tout comme le « cri qui court » dont elle était pourtant l’opposé.

                   pourquoi détresse viennent-elles
                   toutes ces figures de pierre         
                   crier à l’envi sur la mer             
  
                   pourquoi font-elles brusquement
                   le monde se tourner ailleurs       
                   s’embraser d’une noire absence                 (Formulaires, p. 100).

dit cet autre poème des « Pouvoirs » que l’on trouvait déjà dans Qui se souvient de la mer (p. 39), et qui manifeste bien cette hantise de l’appauvrissement, malheureusement historique, des pouvoirs sémantiques du langage dans la brutale modernité.

La richesse foisonnante du dire ludique effraie les tenants du sens, adeptes de la « tyrannie du nom » dont ils ont installé la pauvreté dans les « langues impertinentes du remords ». La parabase d’« eroslude », en ce sens, est dure. Car face à ce « cri qui court » qu’il ne peut que refuser, « l’homme a crié » à son tour. Mais il est trop tard, et la fête ludique des poèmes qui précèdent débouche sur l’hermétisme de ceux d’« omneros », puis sur la mort dans « thanateros ». Reste la mémoire, curieusement plus proche de l’apparente gratuité du jeu poétique, que la tyrannie d’un sens qui s’en réclame pourtant, mais en des « paroles masquées ». Et cette mémoire n’est pas sans nous rappeler à son tour, est-il besoin de le préciser, la souvenance tout aussi désespérée sur laquelle s’achevait le roman auquel elle donne son titre, Qui se souvient de la mer :

    entamés par le retour des repentis par les ordres les relèves les défilés dérivant du nom      
   ................               
   nous ne pourrons plus que rappeler les derniers rivages vers une eau matriarcale à moins que vous ne nous appreniez la route de ces argonautes bouclés ancrés dans la chance d’une histoire mais laissez-nous d’abord appeler l’ombre qui les a guidés               
   .................              
                                                                                                       (Omneros, p. 79).

La parabase de « thanateros » reprend ce cri, mais qui donc le profère et contre quel crime jaillit-il en disant : « je n’ai pas de voix mais je crie tu vas commettre un crime pour le repos des âmes endormies » ? S’agit-il du cri enroué de Hakim Madjar face aux fusils de Kamal tirant sur lui dans  Le Maître de chasse (p. 139) ? Ou alors le passage n’est-il pas également à lire en sens inverse, le crime étant celui du poète éveilleur des « âmes endormies » face à la brutalité univoque du cri, lecture à laquelle nous invite la suite de cette dernière parabase du recueil : « qu’on ne se méprenne pas sur le compte des sombres facilités de notre sommeil » ? Quelle que soit la lecture pour laquelle on optera, cette hésitation même est signifiante, comme l’était l’absence de parabase d’« eros terre », mais à un autre niveau : et si l’ambiguïté était une ultime protestation de la parole ludique et de l’être contre la tyrannie du nom ?

*

« Que reste-t-il des pouvoirs du roi ? », demande l’un des poèmes des « Pouvoirs » (Formulaires, p. 39). La royauté de l’écriture, dont le jeu scénique de La Danse du roi pouvait être lu comme une parodie grotesque, s’est installée dans un au-delà du dire. Dans cette non-nomination paisible qu’on avait décrite dans « La maison de Natyk » de Feu, beau feu. Dans le silence éloquent de Habel dont la royauté, dans la ville des limites, vient peut-être de ce qu’il proclame à la fin du roman : « Je n’ai que faire de ma raison » (Habel, p. 187). Dans l’« absence » finale d’Ed pourtant arrivé dans la maison d’Aëlle, aux dernières lignes des Terrasses d’Orsol (p. 214).


Mohammed Souheil DIB

La perspective chronologique
dans l’esthétique dibienne

Dans la mesure où nous nous interrogeons sur les modalités de la création de l’oeuvre du point de vue de la chronologie et de ses conséquences, nous avons ressenti le besoin de nous situer hors de l’oeuvre en quelque sorte. C’est la raison pour laquelle l’essentiel de notre matériau d’analyse ne se trouve pas dans l’oeuvre proprement dite – sinon comme résultat d’un acte de création dont nous aurons auparavant avancé les conditions – mais dans quelque chose qui est en marge de l’oeuvre ou se liant à elle indirectement : la correspondance avec Mohammed Dib à propos de ses écrits.

Nous nous référons alors à deux documents :

- La lettre que Dib nous a adressée le 17 novembre 1992,

- La lettre que Dib a adressée à C. Bonn le 28 octobre 1985 à l’occasion de la publication de Terrasses d’Orsol.

*

La problématique est celle de la chronologie. Mais de quelle chronologie s’agit-il ? Nous savons que la chronologie peut être celle des actions qui se développent à l’intérieur du roman. Cette chronologie est fictive parce que c’est celle du roman, et le roman est un produit de la fiction, même s’il relate des faits réels. Dans ce dernier cas il reconstruit de façon fictive une réalité dont la chronologie nous place au centre du roman.

Mais il y a une autre chronologie qui n’est pas fictive, c’est celle de la production du texte, liée donc à l’acte d’écriture. Elle est liée au contexte de l’auteur. C’est cette chronologie qui nous intéresse aujourd’hui.

Pourquoi cette problématique ? Pour une raison précise : lorsque Les Terrasses d’Orsol paraît en 1985, Dib déclare que certains textes de cette oeuvre (parue en 85) ont été écrits aux environs de 55, d’autres aux environs de 77. Un texte écrit à une époque et ne paraissant que 30 ans plus tard dans un roman, alors que 30 ans plus tôt des romans ont paru qui ne contenaient pas ce texte, suscite des questions. Nous avons tenté d’en discuter avec l’auteur. La première question est la suivante : si un texte ne sort que 30 ans plus tard, quelle était l’intention de l’auteur 30 ans plus tôt ?

1 – On n’écrit pas toujours, me semble-t-il, dans une intention précise.

Cela signifie, à notre sens, que le texte écrit d’avance – nous avons formulé cette question à propos du texte écrit d’avance – se nourrit d’une intention qui est, d’une certaine manière, tenue à l’écart de celle qui préside à l’oeuvre du moment, plus précise celle-ci en raison du cadre organisé – s’organisant sans cesse – de l’écriture en acte. Il y a, pour ainsi dire, une intention en acte accompagnant l’oeuvre et la faisant, et une intention en puissance, manifestée dans le texte écrit d’avance et précédant l’oeuvre. Intention suffisamment existante pour provoquer l’écrit, mais insuffisamment assignée pour être oeuvre.

On peut supposer que chez Dib, à côté de toute oeuvre s’achevant dans sa forme et dans son intention, il y a une autre oeuvre – ou une autre facette de la même oeuvre – qui prend forme, au moins dans sa virtualité, dans l’espace plus restreint du texte écrit d’avance. Celui-ci doit se définir par son intention non encore achevée – ou en acte d’achèvement – car non encore soumise au travail d’organisation qui caractérise l’oeuvre plus largement spatialisée.

Ce qui est frappant au premier abord, c’est cette oeuvre en acte, tantôt se nourrissant d’un texte ancien, tantôt offrant son contexte à la production d’un texte anticipant. Ce qui est en acte appartient au présent bien sûr, le texte anticipant contient les marques du passé, et l’anticipant appelle, de par sa nature, le futur. Présent, passé et futur, mêlés de cette manière posent le problème de la perspective chronologique dans l’oeuvre dibienne. Ceci étant, une nouvelle question peut surgir : l’intention non assignée de façon précise dans le texte écrit d’avance a-t-elle une chance de se préciser ? Autrement dit : le texte écrit d’avance a-t-il une possibilité d’aboutir ? A cette question, Dib répond dans sa lettre du 17 novembre 1992 :

2 – Il se peut qu’un texte écrit d’avance finisse par appeler l’oeuvre où il doit s’incorporer.

Ceci explique d’abord que le texte écrit d’avance est une sorte d’anticipation. Dib s’en explique un peu plus loin dans la même lettre : « On écrit parfois par anticipation d’une oeuvre à venir ». Et dans la lettre qu’il adresse à C. Bonn en 1985 et dont quelques extraits figurent en annexe de son ouvrage Lecture présente de Mohammed Dib, l’écrivain indique : « Un fait certain : je suis toujours parti pour écrire mes livres d’un matériau élaboré à l’avance. Un matériau qui révèle après des années seulement les possibilités dont il est porteur ».

Cette anticipation peut être une enclave, une réserve à l’intérieur de l’espace vécu de l’auteur, mais qui n’est pas nécessairement et directement liée à l’intention qui préside à l’oeuvre présente, l’oeuvre en cours. L’enclave appartient d’abord à l’intimité profonde de l’auteur, exige de lui qu’il la soustraie au présent, qu’il ajourne en quelque sorte la parole qui l’habite. En ce sens, l’enclave appartient davantage à l’oeuvre en attente, contenue en partie dans le texte écrit d’avance. En fait, l’attente et l’appel définissent le rapport entre l’expérience anticipatrice et la preuve – encore absente – qui la justifie. C’est parce que la preuve n’est pas encore fournie par la réalité que l’anticipation demeure anticipation. On comprend que l’absence, c’est l’oeuvre appelée, ou encore le texte appelant. Il s’agit donc d’une attente en mouvement et non pas passive.

L’expression employée par Dib « il se peut » atténue quelque peu le caractère déterministe qu’on serait tenté de voir entre le texte et l’oeuvre. Mais même si le texte n’aboutissait pas – pas encore, du moins –, sa valeur n’en est pas pour autant diminuée. Certains textes des Terrasses d’Orsol (édité en 1985) ont été écrits trente ans plus tôt (en 1955). Cela signifie que Dib, en 55, travaillait dedans l’oeuvre de 55, et dehors à préparer – sans intention achevée, précise – l’oeuvre de 85, sans doute sans avoir assigné cette date.

Ainsi, on pourrait comprendre comment « le matériau révèle après 30 ans seulement les possibilités dont il est porteur », pour reprendre une expression de l’écrivain. C’est cette révélation qui va doter de façon définitive l’oeuvre de son intention. Nous ne sommes pas en droit d’affirmer le rapport déterministe entre le texte écrit d’avance et l’oeuvre – puisque Dib dit de cette dernière qu’elle vient la plupart du temps et que « cela s’est déjà vu » –, nous pouvons nous interroger néanmoins sur le prétexte du texte écrit d’avance, et par là même, pourquoi pas, sur le prétexte de l’oeuvre. En somme, sur quoi repose le tout : texte et oeuvre ? Et quel est le caractère de ce sur quoi repose ce tout ?

L’auteur répond :

3 – Les livres que j’ai écrits ont toujours eu à mes yeux un caractère prémonitoire.

Pour Dib, le prémonitoire a une double dimension semble-t-il ; temporalité et spatialité caractérisant ses projections. Le temporel est ce qu’on relève dans la lettre de 85 à C. Bonn quant à « des événements annoncés un certain temps auparavant », et cela a trait à l’expérience réelle de la vie. Le spatial, par contre, se révèle à travers la lettre du 17 novembre 1992 dans laquelle il est écrit : « le texte écrit d’avance attend d’entrer dans une oeuvre plus  étendue », l’étendue étant à première vue celle de l’écriture et, par conséquent, celle du contexte convoqué.

Ces deux caractères d’espace restreint et d’antéposition temporelle font de l’écrit prémonitoire une sorte de force comprimée. S’il y a prémonition, c’est qu’il y a d’une certaine manière écart par rapport à la réalité des choses et des lieux. Le prémonitoire, tout en émergeant du présent, s’écarte du poids du présent. Pour prendre forme, il a besoin d’un espace plus étendu. Le texte prémonitoire est, pour emprunter une expression de J. Berque, « ce foyer du potentiel » dans lequel on rassemble la science et la métaphysique, l’ontologie et la poésie. Il rejoint l’appel, l’attente et devient cette force agissante qui tend vers le déploiement, et qui est aussi agie parce que c’est le souffle du présent qui réveille les braises.

Il y a dans les écrits de Dib quelque chose qui est comme un déchiffrement du présent. Ce qui est cherché dans le présent, c’est la preuve du passé. On serait tenté de dire qu’il y a ici un acte d’archéologue, mais dans un sens particulier. L’archéologue peut chercher les traces d’une civilisation disparue. L’écrivain cherche les traces d’une vision annoncée dans un univers qui n’a pas disparu, parce que c’est le sien, c’est lui en réalité. Le périmètre des fouilles chez l’écrivain n’est pas extérieur à lui. Les vestiges, les traces ne disparaissent pas. C’est semblable à un feu de campement. Le feu persiste néanmoins, ne meurt pas, ni les pensées qu’il a suscitées.

Il est certain que le texte écrit d’avance est ouvert à beaucoup de possibilités, qu’il se donne pour la réserve d’un grand nombre de perspectives certainement vastes. C’est que ce prémonitoire, ne se réduisant pas à un unique paysage du vécu, immobile dans son passé, rejoint le mouvement de l’histoire. Ainsi recoupe-t-il le futur. C’est que l’après motive l’avant. Ce qui nous conduit à parler du contexte. Alors, une question : ce redéploiement des vestiges à caractère prémonitoire, se limite-t-il au contexte d’émergence du texte écrit d’avance ou fait-il appel à d’autres contextes ? La lettre de 1985 répond à cette question :

4 – En gros, la seconde partie des Terrasses d’Orsol est la plus récente, mais en gros seulement. Si on peut considérer que Les Terrasses d’Orsol se divise en deux parties, ancienne et récente pour ce qui est de leur composition, en fait à y regarder de plus près cette façon de voir devrait être plus nuancée. Malheureusement il me serait impossible de faire ici la part entre ce qui a été écrit maintenant et avant. Quelques exemples cependant : les chapitres concernant « la fosse » ont été bel et bien rédigés il y a une trentaine d’années, mais les discussions que le héros tient dans cette même première partie avec son médecin sont d’aujourd’hui. Les derniers chapitres, consacrés à son errance après qu’il est devenu amnésique, sont contemporains de Habel.

Donc, les différents textes qui constituent l’oeuvre intitulée  Les Terrasses d’Orsol ont été rédigés soit autour des années 55 pour le thème de la fosse, soit autour des années 85 pour le thème de la maladie supposée du héros et ses discussions avec le médecin, soit enfin autour des années 77 pour le thème de l’errance et de l’amnésie d’Eid... Le contexte temporel sur lequel repose l’oeuvre convoque trois espaces vécus de l’auteur s’étalant sur une trentaine d’années.

Mais si le prémonitoire des années 55 a appelé les oeuvres des années 77 et 85, il n’est pas exclu que le prémonitoire des années 77 ait appelé les oeuvres de 85 et 90. Nous savons en fait que Neiges de marbre poursuit l’interrogation des Terrasses d’Orsol. Nous n’ignorons pas non plus que Dib écrit dedans l’oeuvre et dehors. Force est de reconnaître que nous avons ici des oeuvres qui ne sont que les preuves concrètes d’une écriture dont le début est partout à la fois, le milieu partout à la fois et la fin sans cesse reculée.

Devons-nous reprendre ici cette distinction que l’on fait entre parole  brute qui met l’écrivain en rapport avec l’immédiat, l’ici de son être, et la parole essentielle qui le met en rapport avec l’ailleurs ? Par rapport à la parole brute, cette parole essentielle peut être le silence, car elle est soit dissimulée dans l’oeuvre – dans ce cas elle n’est plus texte écrit d’avance puisque simultanée à l’oeuvre en cours –, soit en-dehors de l’oeuvre – texte écrit d’avance dans ces conditions car exclu de l’oeuvre bien qu’appartenant au présent de son émergence et attendant néanmoins de s’incorporer dans l’oeuvre plus étendue, l’oeuvre future.

Un problème néanmoins peut être posé en raison de ce temps éclaté qui met en présence des contextes différents à travers des écrits non contemporains. Nous avons demandé à Dib de nous dire dans quelle mesure un matériau « ancien » – texte écrit trente ans avant sa publication – peut être investi dans un contexte qui n’a pas été celui de son émergence. A-t-il besoin d’être retravaillé ? Il nous a répondu dans sa lettre de novembre 1992 :

5 – Le texte qui attendait d’entrer dans une oeuvre plus étendue n’a pas besoin d’être « remanié, réactualisé », ou à peine : cela l’affaiblirait, lui enlèverait de sa fraîcheur et de sa force premières.

Cet éclatement de la temporalité – qui fait que l’interrogation poursuivie à travers les oeuvres les rend ouvertes – constitue, à notre sens, l’une des bases essentielles de l’esthétique dibienne. Mais, entendons-nous, il ne s’agit pas d’une temporalité saisie à travers l’acte de lecture, ce qui nous placerait du point de vue du lecteur, donc à la réception du texte, mais, à travers l’acte de production du texte, de ce qui nous place, d’une certaine manière, aux côtés de l’auteur. Nous percevons ainsi en l’auteur l’homme qui a ce pouvoir (de l’écriture) et l’artiste qui donne une forme à ce pouvoir. L’écrivain qui se soucie de l’esthétique de son oeuvre se recrée lui-même dans son oeuvre. Ce qui implique que l’épreuve de l’oeuvre est ce qui enrichit l’auteur. Par l’exercice méthodique de ce pouvoir, Dib conquiert de nouvelles formes de l’écriture. Voilà pourquoi il est l’écrivain qui se renouvelle. Il est le produit de son effort, le produit de sa recherche inlassable, le produit de lui-même. C’est que l’artiste se transforme grâce à son ouvrage. Le temps est un facteur essentiel, un atout en vue d’atteindre la vérité, la beauté de l’ouvrage. Dib lui-même reconnaît dans l’interview de 1971 à L’Afrique littéraire et artistique que « lorsqu’on passe beaucoup de temps sur un poème, on atteint l’essentiel ». Mais le temps n’est pas uniquement cette durée dans la composition du poème, de l’oeuvre. Le temps dont nous parlons, c’est ce poème, cette oeuvre qui s’étale sur des dizaines d’années. C’est le temps de l’homme, de sa vie. Chacune des époques traversées amène avec elle, ou fixe avec elle un contenu et une modalité du dire. L’esthétique de Dib est de faire confluer des modalités du dire appartenant à des contextes d’émergence différents car non seulement il se refuse à « remanier, de réactualiser » le texte écrit d’avance pour ne pas l’affaiblir, mais vivant avec son temps, il arrive à l’intégrer dans une manière inédite, nouvelle et moderne.

C’est cette mise en forme de matériaux drainés par un contexte éclaté qui est remarquable chez Dib. En fait, peu importe le contenu de ces matériaux de base, qu’ils soient de 55, de 77 ou de 85 pour ce qui est du moins des Terrasses d’Orsol. Le principal est cet élan profond qui pousse Dib à se saisir de textes différents, de contextes différents et parfois de factures différentes, et de les métamorphoser en oeuvre unique, forme et contenu. Nous percevons cette dimension du temps, de la chronologie niant en quelque sorte l’expérience commune, naturelle pour la restituer au niveau de l’oeuvre construite. Nous serons tentés de dire que cette esthétique est celle du technicien de l’écriture qui, comme on dit, suit à la trace « la fabrication de l’oeuvre ». Mais Dib est plus qu’un technicien du langage, il est un artiste qui produit son propre monde et nous l’offre.


Yamilé GHEBALOU-HARAOUI
ADISEM, Université d’Alger

La parole-vi(e)sion dans O Vive

d’aube de givre
j’habite le givre
et feu en silence
invente une femme

j’ouvre la porte
et oeil sauvage
dénude le jour

cherche un nom
et à l’autre bout
regarde-moi respirer

O Vive, p. 43.

La performance et la compétence linguistiques qui orientent et poussent les textes poétiques dibiens vers leur réalisation recouvrent paradoxalement une connaissance du silence, une pratique du vide et de l’absence, auxquels ils tentent de remonter comme à leur origine, dans une généalogie qu’ils cherchent à représenter, en un lent travail de « titubations », de tremblements, de vibrations exploratoires et préparatoires qui dévoilent « une écriture blanche » hantée par son propre évanouissement.

Cette démarche n’exclut pas la précision, le montage et la mise en place de réseaux réitératifs qui permettent d’entrevoir les traces de figures de l’élaboration poétique, d’une « songerie » productive, ces dernières tentant alors de souligner la trame fuyante et symbolique, effacée, du monde revisité dans le cadre de la vision poétique dibienne.

L’élaboration poétique est « songerie » : le dire poétique dans O vive n’implique pas d’action (au sens physique du terme). Une lecture même rapide du recueil révèle le peu de verbes d’abord, d’action ensuite, dans les pièces poétiques.

S’il y a mouvement, il est essentiellement déterminé par deux activités fondamentales, liées à la position centrale d’une « intellection sensitive », d’une « abstraction désirante », effectuées sur le monde ou du moins ce qu’elles en retiennent. Ces deux activités sont DIRE et VOIR, le souvenir ou la souvenance étant des modalités intrinsèques des deux précédents. La parole et le regard, maintes fois associés à travers leurs instruments matériels de réalisation, à savoir l’oeil et la bouche, permettent d’élaborer une double relation d’intériorité-extériorité par rapport au monde et à soi. Le regard comme la parole balisent le monde mais gardent leur mystérieuse densité, leur identité difficilement cernable. Relations extérieures ou intérieures au monde, sont donc marquées par le mystère même de leur origine. D’où la solennité et la gravité des deux actes DIRE et VOIR dans le recueil : la parole est profération presque divinatoire ; le regard est vision profonde dans laquelle les objets dévoilent leur étrangeté, leur altérité. DIRE et VOIR sont également hantés par leur propre constitution et leur activité.

La songerie comportant ces deux aspects est alors une activité essentielle puisqu’elle confronte l’épaisseur de l’essence humaine à celle du monde tout en cherchant à obtenir de cette confrontation l’éventuel moyen du dépassement, c’est à dire une réponse à la question qui fonde cette rencontre, question déjà posée notamment par le surréalisme : « Qui vive ? ». Il est un objet préférentiel autour duquel s’élabore cette confrontation, car il est miroir de soi et des images fondamentales de la vie et de la mort : la femme.

Les référents de cette pratique poétique sont donc le silence et l’absence. Dans la reconversion qualitative de la nomination orale en son corollaire spatial, les deux éléments précédemment cités jouent un rôle fondamental : la disposition paginale des pièces poétiques est aérée, étirée, austère même dans la mesure où une économie de mots, de ponctuation, mais aussi de syntaxe et de sens apparaît d’abord graphiquement comme la loi majeure du recueil O vive. Les titres, soigneusement attribués à chacun des poèmes des trois parties du recueil dévoilent la même ambiguïté active : pans de phrases inachevées, nominations obscures qui semblent renvoyer à un univers dont la connaissance échappe au lecteur, associations antithétiques inattendues ou étranges de substantifs et de déterminants ou de verbes.

Cette prise de parole tronquée, hésitante, répétitive, allusive et obscure est aussi une impossibilité de nommer totalement, conformément à un projet qui la porte, mais la dépasse. Elle semble vouloir prendre en charge « un avant » de sa constitution, sa dimension physique, celle du rythme souterrain et impalpable de la respiration, des battements du sang, du silence enfin qui recouvre toutes les modalités de la rencontre entre l’émotion, la sensation et le DIRE, le VOIR. L’« après » de cette parole est également visé dans la consternation qu’elle provoque chez le lecteur, cette dernière correspondant à la modalité de rencontre entre le projet du DIRE et du VOIR et son actualisation par le lecteur ; ouvrir à l’étrangeté des activités pourtant habituelles de l’homme, provoquer le dérangement essentiel au sein du familier. Le paradoxe, ainsi installé, joue sur les catégories d’approches et de perception de l’univers : la densité indicible qui est aux sources de la vie coïncide avec l’évanescence, l’évanouissement voulu et recherché, en fidélité à la définition la plus exacte de la condition humaine : l’inextricable lien qui mêle vie et mort, qui rassemble affirmation de soi et vanité.

Cette démarche situe la prise de parole poétique dans un intervalle ténu, entre la nécessité du refus de toute complaisance et le désir violent d’être, même dans le court moment d’affirmation de ce refus ; en fait une parole « rétractile », repliée sur les jalons secrets de l’expérience humaine qui la fonde ou la déporte vers le secret, ou une parole exaspérée, dilatée, consciente de son délabrement par l’approximation, qui affirme la pureté de son projet et de son horizon en rejoignant la simplicité belle de l’univers, l’ailleurs du paysage, rudimentaire, sauvage, habité par la réconciliation au moyen de la beauté et son principe d’actualisation : la femme.

Ce silence désiré, travaillé et travaillant, renvoie également à l’univers « sauvage », préalable à toute parole constituée définitivement, univers mouvant, sémiotique et sémiotisé, dans lequel le mot renvoie à une réalité d’inscription spatiale. Il prend corps et forme ; il devient nécessité matérielle ; celle-ci lui procure une assise durable, repérable, et donc visible condition d’apparition pour une prise de parole par ailleurs trouée, divisée, déchirée par sa propre condition langagière. Cette inscription matérielle du signe est repérable dans la réitération des italiques, dans la totalité du recueil, du vocable O vive ; et dans la « solitude » graphique du mot dans les pièces poétiques, dans les titres refusant sens et syntaxe.

L’espace est un support organisateur, porteur de possibilités multiples, sans cesse en mouvement, inachevées, reprises ailleurs et dans un ordre différent, comme s’il s’agissait d’en épuiser les possibilités ; le mot y suggère une densité, des parcours souterrains également dont il devient l’extrême épiphénomène ; grâce à la surface, la profondeur originale (et perdue) est affirmée.

Le mot affirme sa singularité, son étymologie, ses latences et par là-même son appartenance à une codification autre de la langue, dont les termes sont le secret, le souvenir, la folie et la mort mais aussi l’image, la « double langue », des héritages poétiques divers[93] dont celui intrinsèque à l’oeuvre. Ces termes jouent le double rôle de référents mais aussi de fondements originaires de l’activité poétique qu’est la songerie.

Abstraction d’abord, reconversion ensuite puisqu’elle devient constitutive d’un langage autre (comme pour toute activité poétique approfondie), basé sur des connotations, des rapprochements, des modifications générés par le regard de la songerie, du secret, de l’altérité, lui-même à l’origine de rapprochements métaphoriques et métonymiques, de condensations consonantiques ou linguistiques comme c’est le cas pour le mot oeil dans l’oeuvre poétique dibienne. Ce dernier, grâce à sa polysémie en arabe (oeil, source ; exprime également la vie, l’attachement profond) réinvestie dans la langue poétique dibienne, ouvre celle-ci sur une circulation linguistique souterraine et vitale, au centre de laquelle la songerie, comme nous l’avions présentée, est également le regard ou plutôt la vision qui permet le dépassement des oppositions théoriques linguistiques vers un langage synthétique. Elle est l’oeil de la langue « autre », ouvert dans et sur la langue actualisée, écrite. Cet oeil, lié à la vision, devient le principe vivifiant de la parole poétique et de la pratique qui lui est liée.

Le silence, origine des mots dibiens, est également posé d’emblée dans le rapport énonciatif des textes poétiques. La relation d’énonciation apparaît d’abord dans une complicité, qui pose l’existence d’un « tu » préalable au « je », ce dernier apparaissant textuellement par la suite. Dès le premier poème de la première partie du recueil (L’instant le souffle, p11), un savoir exclusif est posé, désigné dans son appartenance à « tu » : « tu le sais » est une actualisation du savoir qui va néanmoins inclure également le « je », ce dernier connaissant au moins son existence.

Il s’agit donc de science, de connaissance qui s’élabore en reconnaissance, cette dernière supposant une relation entre le « tu » et le « je », antérieure à la première page du recueil, relation qui prend ancrage dans un « hors-texte ». Le dire poétique ici, comme dans d’autres pages du recueil, traverse le livre (l’institution, la catégorie littéraire, mais aussi de la pensée), le troue, le conduit à la confrontation avec le silence de l’ailleurs, de la vie ; silence sans cesse resurgissant.

L’emploi du pronom « tu » atteste la double articulation de la nomination : fuite et fondation existentielle, mais dans l’absence, dans le blanc, le « chlore » effaçant tout dont il est question dans le poème « d’un pays » (p. 12), auquel répond la pièce poétique « pays d’où je viens » (p. 31) et où se dessine le « je » en tant que signe associé au silence.

Cette relation du « je » au « tu » pose également un acte d’adoration exclusive, un culte rendu et avoué à une femme, une dédicace unique faite à l’absente que recouvre l’anonymat du pronom. Une étude lexicale permettrait notamment de mettre en évidence l’aspect cultuel, dans ce qu’il peut recouvrir d’ambivalences, de cette relation. L’acte d’énonciation le souligne : nous avons parlé précédemment de profération oraculaire, presque incantatoire, dans le cadre de laquelle le mot recouvre son épaisseur magique, son prolongement en résonances, en vibrations semblables à des souvenirs fuyants, inaccessibles.

La parole se transforme ici en masque, plus précisément celui qu’emprunte le silence pour se rendre plus incontrôlable, plus muet, plus redoutable, plus sauvagement vierge. Car la parole est alors déguisement trompeur, piège déformant, qui fait croire à la possibilité de sens notamment, alors que toute prise de parole reste infiniment labile et mouvante.

Dans ce contexte, la pièce poétique n’est pas une entrée, offerte au lecteur, dans un monde saisissable. Elle exhibe une relation dont il semble à première vue exclu, vu l’anonymat qu’elle pratique. Le même anonymat semble requis du lecteur, et le secret est le pacte proposé à celui-ci. Car c’est sur ce modèle que la communication propose de se faire. Dans ce cadre, l’échange impliqué par toute communication est un effacement, un glissement, un évanouissement au profit d’une parole transitive, transitoire, circulant sans cesse et anéantissant ses garants. Les identités chancellent, les pronoms s’échangent et se désignent mutuellement. La règle essentielle de cette confrontation est celle du mouvement et du changement, à travers lesquels le lecteur découvre l’insécurité de son propre mystère fondateur.

Ce jeu paradoxal affecte également les sexes : passage incessant du masculin au féminin grâce à l’indétermination des pronoms, et vice-versa, pourtant partenaires bien différenciés et indispensables l’un à l’autre. Encore une fois la question « Qui vive ? » s’impose ici et est actualisée également à travers l’emploi majoritaire d’un « surprésent », temps de l’actualisation fondatrice unique, de l’enracinement dans une instantanéité absolue, dans laquelle la question précédemment posée se réitère continuellement sous différentes formes.

La parole poétique réalise ici le projet vers lequel elle tend : elle est vie, procès de l’absente qu’il faut sans cesse rechercher, revisiter sous peine d’oublier de vivre. Elle est vie, dans la puissance défigurante de son cours, qui vise pourtant la plénitude épurée de la réalisation.


Fewzia SARI-MOSTEFA-KARA
Université d’Oran

Le cheminement spirituel de l’écriture
chez Mohammed Dib

La littérature est un ensemble de pratiques et de valeurs situées dans une société donnée. Chez M. Dib, c’est la pratique du Qâl’m[94], c’est-à-dire du roseau taillé qui sert de plume. Aussi, chez M. Dib, nous préférons parler d’écriture plutôt que de littérature, car la littérature vient dans un monde de langage ; autrement dit, elle est faite avec une matière déjà signifiante au moment où elle s’en empare. L’écrivain véritable est précisément celui qui refuse le langage de l’échange et de la complicité. C’est, sans doute, ce qui explique que Dib est si fortement signifiant. Le rôle de l’écriture n’est plus de transmettre un message, un sens plein, mais de faire comprendre que le texte est un objet qui doit être déchiffré. L’art, en soulignant tout ce que le terme a, à la fois, de vague et de métaphorique, est alors la quête obstinée de son origine, le souci de sa propre essence. Il devient un langage pour soi, un champ d’expérience qui secoue ce qui existe. Dès lors, il y a apparition de sens fuyants, de sens seconds, et, par conséquent, institution de ce que l’auteur appelle « création ».

Mohammed Dib, écrivant en français, approfondit le statut de toute écriture qui est signification des choses et non leur sens. Nous entendrons par signification le procès qui produit le sens, et non ce sens lui-même. L’entreprise dibienne est d’autant plus exemplaire qu’elle est probablement plus risquée qu’aucune autre – l’écrivain étant d’une culture fondamentalement arabo-musulmane. Cette culture se glisse dans un système qui ne lui appartient pas, pour instaurer un mouvement spécifique de formes productrices. C’est cette culture qui est, chez Dib, l’essentiel. Elle détient en dernière instance, l’intelligibilité ; autrement dit, c’est elle qui est le « réel ». L’écrivain nous confie dans un entretien personnel : « j’essaie... d’approfondir ma réflexion sur l’Algérie, de descendre profondément en moi-même pour retrouver ce qu’il y a de spécifique en l’Algérien. ».

Le processus de la création dibienne rend compte de l’un des aspects essentiels de la singularité de l’auteur : le mélange d’une spontanéité qui doit tout à la sensibilité et à la culture, et d’une nécessité qui l’oblige à utiliser des « signes » étrangers (la langue française). Le résultat est une langue qui se donne peu à peu, avec une atmosphère crépusculaire traversée d’éclairs. Pour l’écrivain, cependant, la forme dans laquelle est rendue sa vision intérieure est décevante. C’est, en effet, sur le fond de la perte irrémédiable d’une partie du signifiant que l’oeuvre dibienne se dessine, puisque la vision intérieure de l’écrivain algérien n’est rendue que par une série de substitutions qui la précipitent dans une forme qui la conteste. Tout ceci n’est pas sans conséquence, et révèle, en particulier, le lien de l’oeuvre avec le désir. L’oeuvre est, à la fois, manifestation et objet du désir.

Dans cette perspective, l’écriture cesse d’être un accessoire pour devenir recherche. Et, pour Mohammed Dib, il n’y a pas d’autre solution que celle d’une écriture qui essaie d’aller au bout d’elle-même. L’oeuvre accède à notre compréhension sur le mode du symbolique, parce qu’elle est rapport à l’absence. En fait, tout au long du texte, des versets coraniques sont repérés (Sourate de l’Aurore, du Tremblement de terre, verset du Dépôt...). Ces séquences coraniques sont des noms d’elles-mêmes, ou encore, un nom propre, puisqu’elles désignent un Objet unique. Elles renvoient au Coran, non pas pour s’y identifier, mais pour l’indiquer. La page écrite s’élève donc au niveau de l’élément sémantique, car les séquences, en débordant leur propre champ d’expression, participent au processus d’engendrement du sens que le texte met en scène en faisant apparaître une « pré-écriture » dans l’écriture, une trace antérieure à la distinction signifiant-signifié, une inscription graphique de la Parole coranique.

Ainsi, le signifiant est à lire sous forme d’une certaine « plus-value » de la signification qui constitue, pour ainsi dire, l’impensé du texte écrit. Lire revient donc à réaliser le préalable d’une pratique anaphorique (en détectant les symptômes représentatifs des effets de sens à l’intérieur de la matérialité textuelle ) et réveiller les puissances secrètes dont le texte est le lieu privilégié. Le texte ne retire donc son sens, il ne trouve son ordre que d’un monde dont il n’est que trace. « La voilà, la terre inconnue dont j’attendais une parole depuis longtemps, la première parole. J’y suis entrée, je m’y avance ». (Le Maître de Chasse, p. 193).

Définir la « première parole », c’est résoudre, pour le lecteur, tout le problème du second Dib (à partir d’Un Eté africain, 1959). Il s’agit d’une parole intérieure : « on voudrait que la parole se parle elle-même, libérée de toutes ses chaînes et même du nom qu’elle porte, même du corps, même de la voix » (Habel, p. 31).

Cette parole émane du monde du mystère, et il faut la penser avec nostalgie. Elle recueille le communicable et l’incommunicable, et engendre des formes et des images qui constituent le langage du sacré. C’est de ces formes et images que l’oeuvre se met à parler. Or, parler, c’est appeler et rappeler. Cette parole est donc invocatoire dans la mesure où elle appelle à soi l’intervention d’une présence enfouie. Et, elle est évocatoire dans la mesure où elle rappelle la hantise d’une présence disparue. On peut la nommer mystique. Cette parole est une parole « oraculaire » Elle nomme un sacré en racontant son histoire : « Une voix qui semble avoir inventé l’éternité, et vouloir prendre l’éternité seulement pour raconter son histoire » (Le Maître de Chasse, p. 206).

Il s’agit bien de ce que l’on pourrait appeler un récit suspendu, accueilli par le récit primordial, le récit de l’écriture. Le récit régit l’univers raconté et se rapporte à des événements. Pour lire ce récit, il faudrait évidemment débrocher les livres, je parle du second Dib à partir d’Un Eté africain, lire les ratures, écouter les bredouillements. Notre lecture procède par choix et déplacements, intrications et mises en résonance : autant d’opérations qui bouleversent l’ordre apparent du texte, désintègrent l’oeuvre qui n’existe que par distribution ; c’est-à-dire par rapport à d’autres états d’elle-même. Faute de temps, je ne m’étendrai pas sur l’aspect méthodologique de la construction de ce Récit. Cependant, je dirai que cette lecture n’est pas un jeu d’esthète, car ce travail conduit, avec le cheminement du sens, à l’irruption d’un monde merveilleux, éparpillé dans le texte. Ses fragments peuvent être compris comme des foyers d’irradiation, des générateurs qui ne cessent de proliférer dans l’espace de l’oeuvre. Et, dans leur mise en communication, ils se fécondent mutuellement dans l’ordre à conquérir.

Le Récit se présente sous l’aspect d’un voyage initiatique, d’une quête conduite par un héros imaginaire qui, sans le secours du langage des symboles, demeurerait incertaine, voire muette. Les symboles sont arrachés au monde du mythe. Et, l’oeuvre ne peut se révéler qu’au prix de la conquête du mythe.

Le mythe, dans son espace, son temps, son drame, enrichit le pouvoir des symboles. Fondamentalement, il a deux fonctions. D’abord, il totalise, récapitule l’homme : dans le mythe, l’homme échappe à la singularité ; il est manifesté comme universel. Ensuite, le mythe a une portée ontologique. Il vise la relation de l’existence historique de l’homme à sa réalité fondamentale, son être essentiel. Le mythe rend compte de cette relation par l’intermédiaire d’un récit. En racontant l’exil du Gharîb et son retour à son essence, il confère à l’expérience humaine une orientation, un destin, autrement dit un développement tendu entre une origine et un accomplissement. L’homme est, en fait, un signe de Dieu.

Cette idée de signe – « A proprement parler un souvenir plus qu’une idée. A proprement parler une ombre, une réminiscence de souvenir qui avait réussi à s’esquiver jusque-là et qui se faisait soudain reprendre » (Habel, p. 51) – permet à l’homme par une vision intérieure de demander son viatique, dans la prière du retour à son essence, « là... où tout commence, où tout finit » (Le Maître de Chasse, p. 118), écrit M. Dib.

Ma demeure est un lieu de givre.   
Il vente à mort – mais tu murmures :            
Finisse seulement l’exil ;                
La menthe nouvelle a fleuri.          
Le Figuier a donné ses fruits.        
Finisse seulement le deuil                               (Ombre gardienne, p. 18).

Ce que l’homme « poursuit », ce qu’il lui « faut attendre », c’est « l’horizon à quoi les incendies prennent feu pour lui apprendre peut-être un nom » (Habel, p. 13).

 Je viens d’ailleurs  (Ombre gardienne, p47).

Sa création est de revenir à sa « Patrie Originelle », « lieu du retour » (Les Terrasses d’Orsol, p. 212) dont il garde la « nostalgie » (p. 84).

Ce retour est, en fait, présenté comme un pèlerinage, « un voyage d’ombre et de crainte » (Omneros, p. 32), écrit M. Dib. Le voyage du personnage, que définit M. Dib comme une « marche continuée vers soi » (Formulaires, p. 83), est un Récit instauratif. Parce que ce voyage est un voyage spirituel, il n’y a que celui qui l’a entrepris personnellement qui puisse le raconter : « le même parle et le même est parlé » (Omneros, p. 7). Il ne peut le dire qu’à la première personne, le « re-citer », comme dans une Qîça où le récitant reproduit les termes dont s’est servi l’interlocuteur, en l’occurrence, lui-même. En « recouvrant sa propre histoire si oubliée qu’elle soit » (Habel, p. 44), le récitateur s’identifie à la geste récitée et au héros dont elle est « re-citée ».

Eveillé à son individualité, l’homme découvre, donc, son existence comme un douloureux exil, un épisode entre deux éternités, il se comprend comme un être qui doit redevenir éternel. Car il pressent avec la nostalgie (Shawq), la faculté de réminiscence d’un « ailleurs », d’où il vient, et où il doit retourner. C’est le parcours du Taddhakor, la voie du retour où l’indescriptible devient réalité, et l’inaccompli, événement ; où le mystère ne s’offre pas à la raison mais à la contemplation et au ravissement.

L’exil terrestre est, pour le personnage, une promesse de liberté ; et son espérance est empreinte d’une « spiritualité de l’attente ». Après s’être « purifié de l’illusion » (Les Terrasses d’Orsol, p. 112), dans l’esseulement (Tafrîd) – « la solitude s’accumule » (Formulaires, p. 12), il entreprendra un voyage à travers une forêt de symboles qui le mènera à son achèvement dans le Divin. Il n’est pas alors de plus grande joie que d’être, ainsi, ouvert à la transcendance : « Je suis revenu chez moi... le chemin qui m’a ramené a emprunté de si curieux détours que, le voudrait-elle, toute ma mémoire diurne et nocturne serait incapable d’en reconstituer le parcours » (Le Talisman, p. 123-124).

L’être, « parti en quête de ce que tout le monde cherche » (Les Terrasses d’Orsol, p. 179), a réintégré la Réalité « où tout commence, où tout finit » (Le Maître de Chasse, p. 118) : « ma vie est peut-être arrivée là où elle était attendue depuis longtemps. Depuis toujours. » (Habel, p. 142).

L’accomplissement de soi – cette descente en soi, dans le « lieu du retour » (T.O, 212), « pour recouvrer sa propre histoire si oubliée qu’elle soit » (H, 44), est dans la dépossession, un dénuement progressif qui aboutit au dépouillement et à la dépersonnalisation : « Il n’avait pas de foyer, déjà, pas de pays, pas de terre à se mettre sous les pieds et maintenant pas de nom » (T.O, 178).

Parti à la recherche de son « vrai nom » (Les Terrasses d’Orsol, p. 201), le personnage ne peut se reconnaître à soi-même aucun nom : « Le nom, c’est aussi la monnaie dont nous disposons pour acquitter la rançon de l’exil et de notre retour parmi les hommes » (Les Terrasses d’Orsol, p. 206). Il ne peut se reconnaître à soi-même aucun nom, sinon le nom « perdu, imprononcé, dans une arrière-mémoire elle-même retraite d’oubli » (Les Terrasses d’Orsol, p. 136) : « Maintenant il sait... la raison cachée de son aventure nocturne y était voilée et dévoilée, peut-être aussi le moyen d’assumer son salut » (Les Terrasses d’Orsol, p. 203).

Ainsi, dans l’oeuvre de M. Dib, le secret de l’ordre, sa raison d’être, est une absence, un innommé. Et, la quête est la seule présence possible : une présence qui est recherche de l’absence et mystère de l’être. Cette quête est, pour le héros dibien, le moyen de regarder l’ordre, mais aussi d’en vivre. Le texte ne traduit pas cette expérience. Elle est cette expérience même où tout est vision de soi réfléchie, et figuration de soi. En même temps que le héros s’achemine vers son Fâna et Bâqa, le texte court vers sa limite qu’on ne peut nommer, son « centre » vertigineusement visé et à partir duquel jaillit toute la « diaspora » méta-textuelle. Car, en ce point aveugle, il ne se révèle que pour se dérober, voler en éclats ; il ne se réconcilie qu’avec ce qui le nie. Et, là plus il nous « parle » de rien, plus il parle de lui-même, au-delà du symbolique. C’est pourquoi, à l’intérieur de l’attestation de son identité, il fournit le signe de sa propre mort, renvoyant, désormais, à l’espace d’être et de non-être qui le traverse et où s’échangent la présence et l’absence. Il faut, donc, se garder de le vivre comme un combat entre l’erreur et la vérité. C’est la vérité même qui reste conflictuelle ; parce qu’il faut entreprendre une mise à l’envers de la pensée par la pensée. Cette situation, c’est le vertige même de la dialectique du Même et de l’Autre, de l’identité et de la différence, qui se constitue et se détruit dans le mouvement même qui la produit dans une illumination qui dure « l’ombrage de l’éclair » (Formulaires, p. 59).

Désormais ne subsiste que la page noircie, « une opacité revenue avec l’ordre » (Omneros, p. 136). En état de carence vis à vis de sa propre existence, parce qu’elle a à demander à l’autre, cette page n’est plus qu’une « matière de désir » (Omneros, p. 21) ; le désir d’un retour à ce qui continue à lui faire défaut. C’est cette dimension du manque qui la fait exister, un manque à être qui, comme tel, est son seul lieu d’être. C’est pourquoi, elle ne se soutient que pour mieux crier sa nécessité de mourir. Et, sa seule vérité, mais infinie, est de se livrer à l’oubli et à la mort, c’est-à-dire de s’achever en silence. Cependant, la mort ne se révèle et ne se reconnaît comme telle que pour être niée. C’est pourquoi, le texte dévoile la mort du signe en la maintenant, de manière à la fois imminente et inaccessible, dans le signe même. Nous ne pouvons que rire de cette incessante apparition et disparition du signe. Rire, c’est aller au-delà de la négation, se porter au niveau de ce qui est nié, dans « le silence (qui) divertit la terreur et la raison (qui) s’aventure dans les flammes » (Omneros, p. 87). Rire, c’est libérer l’impensé, et surgir, dans les landes du silence, dans le rien, qui nous ouvre infiniment à ce qui, au-delà de notre être est ce qui est au-delà de la parole.

L’écriture de M. Dib ne traduit pas son cheminement spirituel. Elle est ce cheminement, une expérience intérieure. A la question « Pourquoi écrivez-vous ? », M. Dib répond : « J’ai plusieurs fois joué ma vie, de différentes manières. Ecrire a été une de ces manières, une de ces aventures – et elle le reste, c’est celle qui dure le plus ».

L’aventure de l’écriture de M. Dib est celle de son existence. Elle se situe dans la quête de son propre être que développe sa conscience.

Chacun de nous se connaît d’abord comme attaché à un lieu et à un temps. Notre poète porte sa ville dans son coeur, ville d’enfance et de nostalgie : « Je souhaite aussi revoir Orsol, qu’on me rende ma ville, que je puisse rencontrer des visages qui me parlent, des visages dont je puisse faire le tour, comme on fait chez nous pour le plaisir de la promenade le tour des remparts, comme on boit du thé à l’ombre des platanes » (Les Terrasses d’Orsol, p. 85).

Ce passage est révélateur de la condition d’exil de M. Dib, avec le tourment d’une conscience éveillée, mais encore imparfaite. Car, s’il se connaît doué d’une existence très particulière, il demeure, cependant, encore tout à fait incapable de la définir. Et, pourtant, c’est dans l’acceptation des servitudes du temps et non dans l’évasion hors de sa condition que l’écrivain accomplira, dans le risque et la tension, sa propre personne. En réveillant ses incandescences intérieures, il découvrira la part secrète qu’il porte en lui. Et, découvrir, c’est aussi entrer en communion, c’est dépasser la nostalgie et retrouver « ses frères » : « Le côté le plus clair de la vie, le côté perceptible est certainement le plus obscur... Je pensais cela dans le train qui m’emmenait de Versailles à Paris en ce jour de janvier particulièrement doux, et continuais, me disant encore que tout en nous, tenté, aspire à cette source de lumière... Découvrant ainsi que notre chance se trouve peut-être précisément dans notre opacité, j’ai cherché du regard les visages humains présents dans le wagon et leur ai été reconnaissant d’être là » (Omneros, 4ème page de couverture).

Descendre en soi, devenir soi-même tout en étant plus que soi-même, tel est le but de la recherche de Mohammed Dib en quête de sa personnalité. Ce but est le fondement même de la souveraineté de la personne. Car, on ne peut s’engager en rien avant d’être certain de ce qu’on est, avant d’être un être qui porte un nom. C’est par la plongée dans ses entrailles que l’écrivain découvrira le sien.

Pour un être, comme lui, doué du sens du mystère, l’imagination – qui tisse les correspondances entre le spirituel et le sensible – est l’instrument de cette découverte ; de cette descente en soi pour saisir, en soi et hors de soi, la présence de quelque chose qui est l’essence de toute chose.

Ainsi, c’est par l’imagination que Mohammed Dib rejoint cette part de lui qui est davantage lui-même que sa conscience, et qui se situe dans le puits de sa mémoire. La mémoire détache du temps, et libère le champ étouffé par l’absence et la séparation. En évoquant des épaves magiques, le poète éveille la respiration qui l’anime et trouve, au fond même de sa nuit du dedans, « la source lumière » (Omneros, 4ème page de couverture) qui le sauve. Il la trouve après s’être dépouillé jusqu’au point où son moi n’est plus que la réponse à l’appel des signes ; un appel où se détache une « vision aveuglante » (Omneros, 4ème page de couverture) qui révèle le sens éternel caché sous l’accidentel. C’est là, la vocation d’un authentique spirituel, dont l’archétype est Sidna Ibrahim ; d’un spirituel qui comprend le sens de sa foi.

Cette connaissance spirituelle permet à Mohammed Dib de revenir à la vie consciente qui prend maintenant un autre visage. Sous son regard spiritualisé, en effet le monde reprend son « opacité » (Omneros, 4ème page de couverture), mais sans perdre, désormais, son essence. Et, la vérité n’est pas à « chercher » ailleurs que dans le monde ; elle est proche et familière pour qui la « comprend ».


Naget KHADDA
Université Paul Valéry (Montpellier 3)

Nouveau projet social et métaphore mystique :
A propos du diptyque :
Dieu en barbarie et Le Maître de chasse

"La littérature c'est de la vie combinée
avec plus d'audace et de logique"
Robert Musil, Journaux.

Avec Dieu en Barbarie (1970) et Le Maître de chasse (1973) [95], nous avons un diptyque [96] qui amène le retour des paysans sur la scène romanesque dibienne. Jacqueline Arnaud conseillait de le lire dans le prolongement de L'Incendie car, écrivait-elle : "là aussi les paysans étaient envisagés comme le sel de la terre, bien que la perspective fût alors poétique et patriotique et non mystique [97].

Cette différence est de taille, elle est même essentielle. Son analyse pourrait permettre d'évaluer le parcours de l'auteur aussi bien du point de vue idéologique qu'esthétique, en rapport avec les transformations survenues dans le contexte socio-historique : changement du statut politique de l'Algérie et nouvelle configuration des rapports sur la scène internationale avec l'émergence de l'idéologie de la différence qui tend à destituer l'idéologie de l'exotisme, née dans la période coloniale.

Nous allons livrer, ici, une première tentative de circonscrire une partie de cette évolution dibienne en choisissant, comme angle d'attaque la réflexion (à travers la représentation romanesque) sur le religieux en rapport avec le social qui est menée de façon insistante dans ces deux romans de la post-indépendance.

Néo-réalisme et sens caché

Fiction et société

Dans Le Maître de chasse, comme dans L'Incendie, c'est la misère extrême des fellahs qui est mise en scène, mais elle est aggravée par le scandale de leur abandon par un pouvoir dont ils ont été, par leur résistance à l'occupant étranger, les principaux promoteurs. Toutefois, ils apparaissent moins comme acteurs que comme enjeu de l'action de deux catégories de citadins tenants de projets sociaux différents et dont Dieu en Barbarie avait déjà mis en scène les oppositions et les conflits. Il s'agit, d'une part, du haut fonctionnaire Kamel Waëd (et du pouvoir central qu'il représente) et de l'autre, d'un ancien syndicaliste Hakim Madjar entouré d'adeptes et de sympathisants. Le premier opte pour une voie technocratique qui fonde le progrès social sur le développement industriel et ses rationalités économiques, sociologiques et politiques. Les seconds sont tournés vers la campagne considérée comme le pays profond et authentique et le fellah vu comme "la pâte originelle" de ce pays. Madjar et ses compagnons visent une restructuration économique centrée sur la valorisation des terres dans le cadre d'une entraide communautaire, sédimentée par le sentiment religieux. Les Mendiants de Dieu – ainsi se nomment-ils par référence à ces chantres de la morale et de la mystique qui sillonnaient le Maghreb et que la tradition populaire vénérait[98] – vont proposer leur aide aux fellahs les plus démunis, sur les terres les plus arides et partager leurs conditions de vie. Leur objectif est d'humaniser le développement et d'éviter la fin des métaphysiques qu'entraîne inévitablement, à leurs yeux, le règne de la technique.

Cette préoccupation, à la fois de progrès et de fidélité à soi, spécifie le débat politique et intellectuel dans l'Algérie post-coloniale ; débat que ce diptyque met en scène et, par certains aspects, initie. C'est dans cette perspective de projet social que le rôle de l'Islam et de Dieu prend tout son sens, puisqu'aussi bien l'horizon métaphysique cerne, dans ce texte, toute interrogation sur l'être. Mais plus que de religion codifiée et de Dieu tel que spécifié par cette religion, il s'agit ici, nous semble-t-il, de pratiques et de croyances qui semblent imprégner en profondeur les personnages, d'une piété diffuse, d'une qualité de rapports aux autres, d'un sens de l'entraide et de la solidarité – de tout un "supplément d'âme" que connaissent et reconnaissent aussi bien l'apparemment sceptique docteur Berchig que le dilettante Si Azallah, la pragmatique et virile tante Sadya ou l'illuminé Lâbane. Qualités qui se retrouvent aussi en Marthe, l'épouse de H. Madjar, fervente chrétienne, ou en J.M. Aymard, le professeur coopérant sensible à cette "richesse" qu'on trouve, dit-il, dans ce pays : "une ouverture de coeur, une foi mise au service de la vie – une foi tout court d'ailleurs ! " (p. 16).

Après La Danse du roi (1968) qui enregistrait le désarroi et l'amertume des combattants d'hier assistant, impuissants, au fourvoiement de la révolution, Dieu en Barbarie propose la thèse[99] selon laquelle l'idéal "civilisation" devrait prendre le relais de la "révolution" (armée) ! Dans ce roman, comme dans le précédent, l'auteur pose même que la société qui s'est mise en place après la guerre a oublié les objectifs de ses origines révolutionnaires. Aussi l'eau, à la recherche de quoi se lancent les mendiants de Dieu, est-elle à la fois la source de vie indispensable à l'exploitation de leurs terres désertiques et, plus fondamentalement, l'impulsion qui devra tirer ces êtres déshérités de leur torpeur tragique en leur redonnant foi en la vie. Et il n'est pas indifférent que ce soit J.M. Aymard, le coopérant étranger, qui soit celui qui possède des dons de sourcier à mettre au service de cette cause. Cette superposition d'un sens immédiat en rapport avec les conditions matérielles de vie des fellahs des hauts plateaux et d'un sens allégorique produisant une vision messianique du monde, participe d'une architecture en strates par laquelle le texte vise le visible et l'invisible, le patent et le mystérieux, l'apparent et le caché. Parole qui, à l'instar du discours mystique et du texte sacré, propose des niveaux de signification différents au profane et à l'initié et présuppose la détermination de l'un par l'autre.

Contre l'euphorie de la littérature expressive qui avait prévalu dans les débuts du romancier et que l'on pouvait croire revenue en force dans ces romans "néo-réalistes", le texte, par cette visée allégorique –au demeurant, non absente mais plus ténue dans la trilogie Algérie – propose la perplexité, l'hésitation d'un sens toujours à construire et même le vertige et l'angoisse de sa fuite incessante.

Du reste, dans la poétique dibienne –selon une démarche progressivement mise au point et affinée – deux textes, typographiquement différenciés, s'appellent et se répondent. Ici ils se spécialisent, l'un pour rendre compte de l'apparence des (en)jeux sociaux, l'autre pour traquer les zones obscures régies par un autre ordre de causalité ; de sorte que le politique se trouve détourné vers le métaphysique, lui-même détourné vers la sphère de l'esthétique. Et tandis que La Danse du roi avait réalisé la transformation du discours politique en discours initiatique[100], ce diptyque intègre, au sein même du discours initiatique, une protestation politique. Ou plutôt, la quête initiatique de la vérité se trouve réécrite, dans ce diptyque, comme une quête politique de la révolution permanente, en une sorte d'hypostase du politique dans le mystique.

Hypostase du politique dans le mystique

Au fur et à mesure que le récit de Dieu en Barbarie progresse et que se multiplient les séances-débats à partir desquelles il évolue, se dessine la proposition selon laquelle il existe un au-delà de la signification, à saisir autrement que par l'interprétation rationnelle des événements et ailleurs que dans le sens dénotatif des gestes et paroles des personnages. Un sens ésotérique se colle sur l'apparence exotérique et l'occulte par plaques. Dès lors, le surgissement des fellahs et de leurs terres arides sur la scène du texte, se fait dans une perspective éminemment symbolique.

"Parler en deçà de sa voix "[101]

Cette terre est en tous points semblable à celle du dur labeur des fellahs de Bni-Boublen-le-bas, décrite dans L'Incendie comme une "horde de pitons (où) il n'y a de vivant que les grands démons de l'air ". Mais elle rappelle aussi la monstrueuse montagne qui a retenu les corps des compagnons de Arfia, dans La Danse du roi aussi bien que les étendues sinistres sur lesquelles étaient exposés les corps mutilés et grimés des hommes disparus de la cité de Qui se souvient de la mer. Et tout ce monde invraisemblable revit dans la pensée de Lâbane livré à des forces obscures déchaînées. Monde encore plus dément que celui de la guerre, plus corrodé et explosif que celui de la préparation de la guerre ! Terre où "règne une réverbération sans frontières. Desséchée, dure, silencieuse, stérile. Taries toutes les sèves". Lieu où la vie est à un cheveu de la mort, où le corps tellement évidé et rigidifié se dissout en une fusion avec le cosmos et qui va constituer l'espace sans repères de la tragédie grimaçante qu'offrira, plus tard, Le Désert sans détour[102].

Pour l'heure, une verbalisation de toutes les misères, prise en charge par le personnage de Lâbane, se réalise sous le signe éblouissant d'un soleil qui dénude le monde des apparences et se poursuit dans la pénombre du mausolée de Sidi Habak où, selon le rite populaire, l'épileptique est déposé lors de ses crises. Vision, pourrait-on dire, extra-rétinienne noyée dans un flot de lumière qui, si on en croit les analystes des expériences mystiques, arrache l'homme à son univers profane et à sa situation historique pour le propulser dans un monde qualitativement différent, lui dévoiler le monde de l'Esprit, du sacré, de la liberté. De proche en proche la transcription de la pensée de Lâbane communique son détachement final de la réalité concrète et son évanouissement dans les sphères sanctifiées par la présence de Dieu. Et l'évolution de la "rêverie" qui permet la connexion du social et du religieux réalise la concrétisation pathétique du prêche de Madjar sur le moi humain appelé à se poser comme absolu en ce qu'il est tout à la fois unité irréductible et principe de totalisation d'une pluralité infinie.

Lâbane, le second de Madjar, est d'une certaine façon son double. Or "le double entame, fait différer l'original de lui-même, le dé-figure" écrit S. Kofman [103]. A la fin du "délire" à épisodes de Lâbane, est annoncée, sur le mode énigmatique du langage prophétique, la mise à mort de Madjar par les forces de l'ordre et sa canonisation par les fellahs qui surviendront toutes deux, dans la diégèse, à la fin du Maître de chasse. Mais la relation de cette prémonition concerne de façon indécidable le Maître ou le disciple. De fait, comme tout double Lâbane a dévoré la vie de son modèle, sucé tout son sang. Du même coup il participe lui aussi à la mise à mort du père et à sa divinisation[104].

Adolescent retardé, importun pour les adultes, Lâbane attend une "naissance", immobilisé dans cette position foetale qu'il retrouve quand il se couche. Envisagé comme un diable (cf. la scène avec Si Azallah, p. 214-215), privé de dignité sociale (cf. la scène où Issa le traite de haut), il n'arrive pas à l'auto-identification car lorsqu'il regarde les hommes il ne se reconnaît pas en eux. Son rapport à sa propre image est bloqué et, dans les circonstances critiques, il se réfugie dans l'épilepsie (cf. le soir de ses noces, pp. 104-106). Mais il possède ce langage du coeur dont rêvaient les romantiques et que pratiquent les grands mystiques (cf. toutes ses entrevues avec Marthe et en particulier quand il veut lui annoncer que Madjar n'est pas mort mais seulement disparu aux yeux des mortels sans foi). Par son étrangeté même, il est l'Autre à l'intérieur de chacun et il ne peut que désigner dans la détresse ce mélange d'identité et d'altérité qu'il décèle dans Marthe, qui le rapproche d'elle et lui permet de s'exprimer, moins à travers des paroles qu'à travers une mimique et des regards pathétiques. Lorsqu'il parle, il est bégayant, à moitié aphasique mais il a des pensées oratoires, décorées d'ornements rhétoriques.

A travers le personnage de Lâbane, masque de tous les déshérités et médium entre les hommes et le cosmos, se cherche, dans l'univers romanesque, la manière d'assumer la dépossession du moi et du monde qui est l'objet même de la réflexion de Madjar et se précise l'aspiration du Maître, comme des disciples, à une vérité ultime derrière les avatars multiples de ses manifestations. La fiction acquiert alors dans le texte dibien une ambiguïté de l'ordre de l'ésotérisme mystique et/ou de l'opacité du langage de l'Inconscient, inconnue de la trilogie Algérie et le roman de la modernité se construit sur les ruines de l'épopée révolutionnaire. Par ce biais, l'Histoire se trouve intégrée dans une narration strictement mythique qui cherche à opérer un recentrage à la fois idéologique et scriptural. A la jonction du surnaturel de la tradition maghrébine et du surréel de la littérature moderne occidentale, se construit le fantastique qui caractérise cet univers et le récit joue comme psychodrame qui traque les zones obscures et dévoile le voilé. Dès lors, l'ésotérisme semble intervenir comme désir d'ouverture sur les zones inexplorées, comme amplificateur de la capacité perceptive, comme incitation mimétique rendant possible l'adaptation à l'inconnu.

Du point de vue idéologique la présentation de l'expérience de structure religieuse de Lâbane – suggérée par maint indice comme équivalente d'un coup de sonde dans l'activité de l'Inconscient – révèle des énergies en veilleuse dans toute cette couche de la société restée en marge des transformations en cours. Le texte laisse entendre que réveiller ces énergies offre la possibilité de renouer avec la révolution trahie qu'il s'agit alors de promouvoir en nouvel humanisme à partir des données de la sagesse et des valeurs ancestrales qui seules peuvent dynamiser la "pâte originelle " du pays : les fellahs.

Dans cette mise en oeuvre la discontinuité typographique agit comme élément rupteur, révélateur de tout un univers refoulé qui tend à se propager par une expression poétique et mystique se donnant comme gnose. L'ensemble du texte en acquiert un caractère délibératif – du reste programmé dès la séance inaugurale qui met en scène le débat politico-social instauré entre les invités du docteur Berchig – alternant des moments de repos avec des temps forts où sont exposés fantasmes, mythes, expériences religieuses. C'est une façon d'être réaliste qui est à un fil de rasoir du roman métaphysique.

Un procès d'énonciation dédoublé

Du fait de la présence de deux caractères typographiques, s'entrelacent deux récits ou plutôt deux niveaux narratifs qui sont comme la mise en scène de l'accouplement d'un élément archaïque avec un élément moderne. Et cela produit un déchaînement en même temps qu'une tension. Déchaînement narratif provoqué par la confrontation de ces deux composants socio-idéologiques qui constituent l'argument même du roman. Tension d'une écriture occupée à traquer les modalités archaïques de la vie psychique enfouies dans les ténèbres de l'inconscient, ou masquées par l'opacité de la causalité métaphysique, par delà l'extravagance ou la banalité d'un comportement. Tension, enfin, de deux caractères typographiques dévolus, l'un (le romain) à la relation événementielle et anecdotique, et l'autre (l'italique) à la parole secrète, porteuse d'un surplus de sens.

L'effet de réel provient de ce que ces deux romans, fonctionnant comme une société, intègrent dans leur structure un ensemble de voix anonymes qui profèrent des stéréotypes socio-culturels, parlent des idiolectes particularisants, font état de comportements ritualisés, renouant en cela avec la poétique de la trilogie Algérie. Mais ici, plus systématiquement que dans les premiers romans de l'auteur, la variation typographique joue un rôle dans la stratification et la hiérarchisation des discours.

Ainsi, la concentration du lexique souligné par l'italique dans le champ sémantique des pratiques occultes –sorcellerie et mysticisme – sert le projet idéologique du texte qui oppose une manière de vivre et de se penser comme individu, de type sacré à la (pseudo) rationalité que Kamel Waëd cherche à imposer même aux rapports des hommes entre eux. A cet égard, le texte opère une distribution entre un pôle négatif réservé aux femmes qui tentent de maîtriser leur destin par recours à la sorcellerie, aux conjurations et aux grimoires et un rôle positif dévolu aux hommes, en particulier à ces représentants "authentiques" de l'algérianité que sont, dans la mythologie dibienne, les fellahs et qui concerne la mystique. En effet, ceux-ci sont dans l'attente de "awliya"[105], ces saints que Madjar qualifie d'"éveilleurs de consciences " qui, par leur élévation morale et leur ascension de l'âme acquièrent une présence suffisamment irradiante pour aider tous les hommes à l'accomplissement de leur humanité. Grâce à ces qualifications de tels personnages, le religieux acquiert, dans la société du roman, un statut d'agent de rénovation et participe d'un humanisme libérateur.

Emblèmes de la présence en profondeur de la langue maternelle réfugiée dans les recoins inexpugnables de la religiosité, ces mots établissent des connexions avec d'autres syntagmes qui participent du même réseau. Ce n'est donc pas un hasard si des lexèmes comme "saints " ou "éveilleurs " (proposés comme équivalents de awliya ) sont eux aussi soulignés par l'italique. Certes, il s'agit pour le locuteur, Madjar, d'appuyer sa définition contre l'accusation de charlatanisme portée par K. Waëd qui, symptomatiquement, utilise le mot "marabout" sans que l'auteur le soumette à aucun marquage typographique. Or ce mot, intégré par emprunt dans le lexique français et qui bénéficie d'une entrée dans les dictionnaires contemporains, reste porteur, en contexte culturel algérien, de la dépréciation due à la lutte conjuguée du Réformisme musulman et de l'intelligentsia francisée contre le maraboutisme avant l'indépendance. Tout donne à croire que Madjar se démarque d'un vocable mal connoté à son goût[106] et lui préfère les mots français de "saint" et "éveilleur".

En même temps, l'italique introduit une modulation dans l'information narrative qui réoriente la suspicion exprimée par le jeune loup envers la charité en tant que comportement socio-religieux "rétrograde" (cf. la joute entre les deux hommes dans le chapitre central du livre, pp. 111 à 131), vers une interprétation plus secrète qui lève le voile sur la blessure personnelle du personnage ; blessure à l'origine d'un complexe inhibant. Madjar, avec la prescience qui le caractérise, met le doigt sur le mal caché quand il déclare : "Accordée ou reçue, la charité brûle, et fait saigner le coeur " (p. 130) comme en une ultime mais vaine tentative de réconciliation de Kamel avec les siens. Aux dépens de Waëd se réalise, alors, une déviance dans le procès d'énonciation et s'opère un renversement de sa "démonstration". Du reste, plusieurs fois un déplacement sémantique s'opère au service du travail polyphonique du texte qui n'est pas pure préoccupation esthétique mais, plus fondamentalement, projet idéologique prônant, en fin de compte plutôt que la diversité des sens d'un même énoncé, l'organisation hiérarchique des stratifications de sens, la subordination du sens profane au sens sacré, de l'exotérique à l'ésotérique.

Dans cette stratégie discursive le mot "seuil" [107], prélevé dans le discours de Lablak (le limonadier spéculateur qui invoque la providence pour sanctifier ses transactions et livre un type de comportement "religieux" tactique) hante Si Azallah. Repris quatre fois, ce segment atteste une attention au plan ésotérique, tout en mimant cette coutume maghrébine consistant à prêter l'oreille à "l'oracle" qui ne manque jamais de se manifester par la bouche du premier passant de hasard survenant et émettant une parole transposable à votre drame.

Ainsi, derrière les problèmes linguistique et esthétique du mot juste, de la polysémie et de la polyphonie se profile la question métaphysique du destin tracé par une insondable volonté surnaturelle et son corollaire : le libre arbitre des hommes [108]. Destin qui, dans la vision "réaliste" de K. Waëd, se confond avec un jeu de hasard, une immense et arbitraire loterie. Son auto-citation dans un rôle de camelot :

Approchez, messieurs-dames           
(...)     
Gagnez une poupée 
Gagnez un bonhomme (La Danse du roi, p. 125) [109].

surgissant à l'issue de la discussion philosophico-métaphysique avec Madjar, casse la tension du débat et (r)établit les chances du hasard – mystère en quelque sorte rationnel – comme Loi ultime du destin. La banale symbolique du monde livré comme la grande roue des fêtes foraines à un mouvement imprévisible et sans intentionnalité, dresse, face à l'idéalisme de Madjar, le matérialisme de Waëd. En même temps la ménippée retrouve tous ses droits.

Par delà la pression d'une socialité à la fois massive et contradictoire, le travail de l'écriture, par l'entremise des diverses citations, non seulement sélectionne et infléchit ce qu'il affiche comme traces d'une parole antérieure, mais, déjouant la convention, confisque le circuit pour y transmettre des procès idéologiques à l'oeuvre dans la société du roman.

Dimension métaphysique et devenir socio-culturel

La fixation de l'Islam dans sa fonction de lieu le plus intense et le plus intériorisé de la communion identitaire est un artefact de l'Histoire[110] et se prolonge en période post-coloniale. C'est là un constat que tous les analystes de la société maghrébine, voire arabo-islamique, ont pu faire.

Dans l'oeuvre dibienne, l'Islam constitue une "configuration discursive" (Greimas) qui n'apparaît nettement qu'avec Qui se souvient de la mer (1962) où un mysticisme portant aussi bien les traces de l'Ismaélisme que de la Kabbale gagne la plupart des comportements des acteurs. Notamment, dans ce roman, les tribulations du narrateur à travers la ville apparaissent comme la recherche alchimique de la vérité. Par là un idéal d'élucidation de soi, passage obligé pour pénétrer le sens caché des choses qui caractérise la quête chi'ite est mis au service de la révolution puisqu'aussi bien l'Elu, en l'occurrence le narrateur, est propulsé par ses intercesseurs – Nafissa, l'épouse et El Hadj, le vieil ami, substitut du père – vers la ville du sous-sol : lieu de la lutte armée et tremplin des âges futurs. Ainsi le texte réalise l'interaction de la légende révolutionnaire et du mythe chi'ite de l'Elu par le triomphe de l'idéologie patriarcale et/ou du jeu de la grâce sur l'efficacité politique.

Avec La Danse du roi il apparaît clairement, selon l'idéologie que le texte intrinsèquement élabore, que le fourvoiement de la Révolution est imputable à "l'oubli" de la dimension sacrée de l'homme par le pouvoir mis en place après l'accession à l'indépendance... et peut-être même déjà dans les maquis. Dieu en Barbarie et Le Maître de chasse radicalisent cette dénonciation. Ce faisant, la conception religieuse prônée par le texte à travers la figuration valorisante de la secte des mendiants de Dieu, ne reconduit pas dans la société du roman une quelconque orthodoxie religieuse – ni même une "hérésie" ayant cours dans la société référentielle – mais révèle un ailleurs de l'idéologie régnante, ailleurs à propos duquel est affirmée la prééminence du principe spirituel sur le bien être matériel visé par Kamel Waëd et le pouvoir central.

Pour "un socialisme à visage humain"

Avec les mendiants de Dieu une lumière d'humanisme se projette sur la révolution et l'horizon mythique qui se profile est l'avènement de l'homme-roi par la connexion –comme dans l'âge d'or de l'Islam – du religieux et du social. Ainsi l'image de l'homme-roi, qui hante depuis les débuts de l'auteur l'oeuvre dibienne, se précise-t-elle ici par son association à l'idéal des mendiants de Dieu soucieux de faire reconnaître la nécessité de "cette part de Dieu" que chacun doit aux autres. Cette "çadaqa" [111] qui humanise les rapports entre les hommes et qui fait terriblement défaut dans ce pays pourtant si beau que n'affecte aucune trace de misère où se déroule l'action des Terrasses d'Orsol (1985). Cette "çadaqa" qui, dès Qui se souvient de la mer, noue ensemble l'image du mendiant aveugle, celle du roi déchu et celle de la cohue dont il est issu. L'homme-roi qui, dans les propos de grand-mère Oum El Kheir de L'Incendie, figurait l'idéal chevaleresque : forme archaïque de la démocratie où le peuple était défendu par le héros. Et la mort de Madjar qui accède à une immortalité mythique n'a d'autre sens que de sceller l'attente de la parousie lumineuse du peuple.

Or, selon l'idéal de Hakim Madjar –dont le prénom, la théorie qu'il prône et le mystère qui entourera sa mort renvoient à l'histoire de l'Imam caché de l'ismaélisme druze[112] – le moi humain est appelé à se poser comme absolu en ce qu'il est tout à la fois unité irréductible et principe de totalisation d'une pluralité infinie. Il n'a pas de fin en lui-même mais dans le rôle qu'il joue dans le devenir du genre humain. C'est pourquoi les âmes bâillonnées comme le sont les fellahs renoncent momentanément à leur rôle dans l'Histoire. Par là le mythe est intégré dans le mouvement historique : la damnation est sociale et l'enfer existe dans la civilisation[113].

Ainsi la légende du calife El Hakim et toute la pensée, égalitariste et spiritualiste de l'ismaélisme recoupent la mythologie dibienne, où les paysans sont les détenteurs des valeurs authentiques du passé, non pervertis par les compromissions de la cité avec l'Etranger, ce qui les désignait dans la trilogie Algérie pour mener la révolution et mettre fin à l'occupation étrangère, comme ils sont investis, ici, de la fonction de faire le progrès – et Madjar de le penser, d'en répondre. Témoignage qui va nécessairement jusqu'au sacrifice de soi. Tout se passe comme si les mendiants de Dieu – au moment de cette mutation historique que connaît le pays et avec toutes les incertitudes et la rusticité d'une démarche pragmatique – cherchaient à opposer une nouvelle forme de l'individualité sociale à l'individualisme occidental, considéré comme inhérent à la civilisation technicienne. Face à l'âpreté rigoureuse de Kamel Waëd se dresse l'aspiration de Hakim Madjar à des relations transparentes, épanouissantes et la recherche d'un type nouveau de gestion dans tous les aspects de l'existence. Une manière de vivre et de se penser comme individu humain, congruente à la façon de penser le sacré.

Dans ces conditions, le projet social ne saurait aller sans une affirmation morale, sans une ascension de l'âme car la société est conséquence de l'individu et non plus l'individu produit de la société. Et les saints – ces "éveilleurs" comme dit Madjar – n'ont d'autre vertu que de maintenir, présente et active au monde, toute l'humanité. C'est ainsi que Madjar – un saint qui s'ignore et que l'on ignore encore – par le Verbe et par l'action apportera aux fellahs l'intuition et la splendeur de ce qu'ils ne sont pas encore. Porte-parole de la plainte des démunis, il donne forme à ce qui est informe. Dans une telle conception, la gestion du sacré –fondement et source de l'amour – prend exemple sur des expériences de pratiques historiques où les hommes construisent eux-mêmes leur destin et leurs rapports sociaux pour manifester la plénitude de l'humanité à réaliser. On reconnaît là, en particulier dans l'Histoire de la civilisation islamique, l'ambition de la réforme entreprise, par l'ismaélisme, visant à faire triompher l'esprit sur la lettre et la vérité sur la loi, poursuivant, par la pensée et par la foi, un but d'intégration complète de l'homme à l'existence, cherchant à mettre en oeuvre les idéaux supérieurs de l'Islam en matière d'égalité et de justice [114].

Mais il semble que le travail de réélaboration par l'auteur de formes diverses de rapport au sacré rejoigne également une manière historiquement nouvelle d'individualité sociale ; forme de type autogestionnaire qui accompagne aujourd'hui un peu partout dans le monde (notamment en Amérique Latine) "la crise de la civilisation" et qui comporte souvent une autogestion personnelle ou communautaire du sentiment religieux. [115].Dans ces formes, la notion de responsabilité qui est au coeur de la quête de Madjar a une place de choix. Distribuer la responsabilité et la liberté civique aux membres de la société (ou d'une communauté) va alors de pair avec une théologie de l'immanence ancrant le "moi de l'infini" dans chaque individu. D'où cette impossibilité de reconnaître dans ce "programme religieux", le Dieu personnel d'une quelconque religion révélée. D'où ce paradoxe de la promotion d'une "âme" que l'on pourrait, à la limite, dire "laïque", si l'on entend par là une absence non pas de sacré mais de gestion du sacré par l'entremise d'un clergé. D'où, aussi, cette particularité d'une religion sans diable ni enfer : "C'est pourquoi Satan, le Malin, n'existe pas dans notre religion " déclare Hakim Madjar à Kamel Waëd.

Le discours religieux ainsi produit dans le roman oscille entre le recours à la transcendance comme explication du sens caché de la vie, de la destinée, de l'Histoire... et un naturalisme social fondé sur l'effacement d'un Dieu transcendant au profit d'un Dieu immanent à la nature et à l'homme tel que le ressentent intuitivement les fellahs ignorants de la société du roman. Conception qui autorise l'intercompréhension et l'association avec Marthe et Jean-marie Aymard, venus d'une autre civilisation et d'une autre religion, parce que ce sont des âmes qui vivent, pensent et s'émeuvent dans l'immanence universelle. Dans une telle perspective, le texte coranique peut alors fort bien être affronté du dehors, dans une langue étrangère, par une bouche chrétienne.

Résurgence coranique et écriture en français

C'est, dit par Marthe, que surgit en texte, pour la première fois et en italique, un chapitre coranique :

Je place ma foi dans le Dieu de l'aurore   
contre la méchanceté des hommes 
contre la noirceur des ténèbres lorsqu'elles tombent      
contre les maléfices émanant des chaînes 
contre le regard de l'Envieux (Dieu en Barbarie, p. 79) [116].

Versets qui consacrent l'insertion de l'épouse de Madjar dans ce pays qui, pour elle, "était avant tout une aurore " ( p. 78).

La récitation par Marthe du texte sacré appris de Madjar, marie attributs affectifs et attributs cognitifs du texte et naturalise dans la langue étrangère les mots de la langue originelle et de l'enseignement divin. Il n'est donc pas étonnant qu'indépendamment même du contenu du chapitre, cette récitation ait la vertu d'élever un rempart sécurisant autour de "l'émigrée" et de conjurer les effets maléfiques des obstacles qui, dans son cauchemar, s'opposent à son séjour en Algérie. Commerce direct avec le surnaturel qui permet à Marthe de s'approprier tout le flux de la littérature sacrée, de sa thésaurisation d'inspiration autant mythique que mystique.

A l'incantation apaisante qui réconcilie Marthe avec le monde en dissipant ses frayeurs nocturnes, répond en écho une autre récitation émise par Madjar lui-même lors de son débat "théologique" avec Waëd dans Dieu en Barbarie et qui évoque, non plus l'image du Dieu protecteur invoqué par Marthe, mais celle du Justicier de l'Apocalypse :

Le jour que la terre se disjoindra   
et vomira sa charge de mots            
et qu'on dira : horreur !       
et qu'ainsi elle délivrera son message       
par la volonté de Dieu         
ce même jour s'avanceront les hommes en désordre         
pour contempler leurs oeuvres       
quiconque aura fait le bien du poids d'un fétu     
le verra          
quiconque aura fait le mal du poids d'un fétu      
le verra (Dieu en Barbarie, p. 195)[117]

Les deux chapitres disent, l'un (à l'ouverture du roman) l'adoption de l'étrangère et l'autre (à l'issue du récit), l'adhésion du chef de file des mendiants à une interprétation du texte sacré qui fonde la liberté de l'homme et donc sa responsabilité[118]. Cette vision d'un Islam accueillant et cette conception ancrant le "moi de l'infini" dans chaque individu réduit donc à néant les velléités de K. Waëd de s'abstraire de la préoccupation religieuse et frappe d'inanité son argumentation.

D'un autre côté, la traduction des versets coraniques et leur incrustation dans la trame romanesque, charrient des résonances du texte originel arabe. Alors le Coran qui a imposé dans l'histoire littéraire arabe une poétique anhistorique et l'intervention du concept de langue incréée et inimitable, qui a promu une politique du sacré de la langue, se trouve, par cette citation hors de la citadelle linguistique de la Révélation, appelé à servir une autre pensée et une autre Histoire, en tout cas à entrer en interaction avec elles.

Dans cet univers fictif qui se donne pour critique de l'univers réel, un double travail de décentrement s'opère. Celui de la langue française appelée à prendre en charge un message germé hors de son horizon culturel et de son histoire, celui de la langue arabe et de sa Parole sacrée propulsée hors de ses gonds pour servir un procès littéraire et historique imprévu. D'autant plus imprévu que, jusqu'ici les fragments d'arabe traduits qui faisaient intrusion dans le texte romanesque français étaient prélevés dans la langue populaire. Or, ici, ce n'est plus le langage maternel qui travaille en sous-main l'écriture mais la langue sacrée du Père à qui Mohammed révéla le Coran ; le Père, maître détrôné par l'intrusion étrangère et qui revient insidieusement par le canal même de la langue qui l'avait refoulé. A vrai dire, il a toujours été présent dans le jeu, à travers les langues parlées fussent-elles "pidginisées" ou, comme le kabyle, excentrées. Il a même été expressément invoqué dans les romans des années 1920 comme symbole de l'identité bafouée. Mais c'est la première fois – dans ce diptyque post-colonial – que les deux Pères symboliques, à travers les deux langues de culture savante, sont impliqués dans l'aventure d'écriture qui se joue. C'est la première fois qu'ils sont tous deux présents aussi vivaces et honorés l'un que l'autre ; l'un par l'autre. D'où cette bilangue qui illustre parfaitement la collusion entre le Père ancien et l'ex-Maître en une esthétique et une métaphysique de l'unicité dans la dualité, en une tension vers une résolution des contraires.

Chemin retors du ressourcement de l'acculturé qui, du même coup, trouve sa solution au fameux problème d'identité. Il apparaît, de ce fait, que celle-ci n'est pas seulement à rechercher en arrière, dans les profondeurs culturelles du passé, mais qu'elle se conquiert plus sûrement en avant, qu'elle s'engendre dans les luttes. Ainsi le religieux – comme le culturel et le linguistique – se trouve "débloqué" par le politique et le texte dessine, à partir de ces dimensions conjointes, le visage et les traits d'un homme nouveau qui, au même titre que K. Waëd, est né de la conflagration historique et culturelle où s'origine cette littérature algérienne/française.

Drame existentiel et solution esthétique

L'auteur profite avec un art consommé des recours figuratifs les plus modernes – mosaïque simultanéiste, vision pluri-focale, multiplicité des narrateurs, confusion entre temps interne et temps externe, flux pluri-personnel de la conscience, omniprésence de l'aléatoire – pour donner à la "machination" rhétorique l'aura incertaine du réel, le mystère du surnaturel, l'indécision de l'appartenance culturelle, l'empreinte rhapsodique d'un monde du discontinu.

Alors, l'impasse sur laquelle débouchent les deux conceptions du langage qui s'affrontent dans Dieu en Barbarie : celle – idéaliste – de Lâbane souffrant d'un monde qui ment par rapport au langage premier, et celle – empiriste – de Kamel pour qui le discours ment nécessairement mais doit modeler la réalité sans que, pour autant, on puisse lui porter foi, se trouve, d'une certaine façon, dépassée dans Le Maître de chasse. La solution esthétique proposée par ce second volet du diptyque consiste, à la fois, à dénoncer et à revendiquer ce mensonge, tout en affichant les possibilités que le conteur possède, face à la réalité et qui sont comprises entre les deux pôles extrêmes que ce livre teste. D'une part, laisser l'histoire se raconter d'elle-même, chaque témoin, présenté par le régisseur, jouant son propre rôle. D'autre part, organiser le scénario en démiurge omnipotent de sorte à imprimer au réel le sens que l'on croit qu'il recèle. Une telle prospection, sans être une démarche mystificatrice, peut n'avoir rencontré que les fantasmes d'un intellectuel sur son peuple. En tout cas, elle est le socle à partir duquel la parole dévaluée mais qui reste véhicule de l'expérience quotidienne, mène à la redécouverte de la scansion du texte sacré, à l'hétérogénéité et au parti-pris d'altérité qui fondent l'homogénéité et la singularité de ce diptyque.

Dès lors, les deux personnages centraux revêtent la stature de personnages allégoriques représentant la tension entre le rationnel et le mystique. Et si Hakim Madjar peut apparaître comme plus radicalement fictif que Kamel Waëd [119], il n'en demeure pas moins qu'il renvoie au référent socio-historique par l'imbrication, dont il est le siège, d'aspirations et de pratiques toutes plus ou moins oppositionnelles au regard de l'idéologie dominante[120]. A l'instar de Babanag, le nabot de La Danse du roi, mais dans un tout autre registre, Madjar plaide la cause des parias et leur donne voix. L'un et l'autre, en face de l'Histoire officielle, esquissent une contre-Histoire dont l'objet et le sujet sont la contre-société : cette société en marge de la société en place et qui procède d'elle. L'un par le carnaval et la gueuserie populaire dénonce sur le mode du grotesque les faux-semblants de l'ordre établi, l'autre par le merveilleux religieux et le romantisme social mobilise des énergies et laisse présager la possibilité de contourner, sinon de retourner, cet ordre. L'un et l'autre trouvent place dans le creux de l'Histoire et dessinent une Histoire en creux : celle du « lumpen » dans le premier cas, celle des fellahs les plus déshérités dans le second, avec la formidable charge explosive qu'elles comportent.

Il est sans doute prématuré de vouloir évaluer jusqu'à quel point ce "témoignage littéraire" enregistre les frissons de la sensibilité collective mais il est évident que les questions de société qui interrogent personnellement et en profondeur les personnages, leur imposant l'idée d'un changement nécessaire, ne sont pas sans rapport avec le questionnement que la génération de la civilisation technicienne a réveillé dans le monde musulman (comme sans doute auparavant dans d'autres contrées : de l'Europe à l'Asie, en passant par l’Amérique latine) sur "l'authenticité" et sur l'altérité.

En quoi et comment l'investigation et/ou les constructions dibiennes se posent-elles en témoignage sur la manière dont se font et se défont les structures d'identité collective en fonction de besoins, de désirs, d'activités cognitives, de projets socio-politiques qui n'émanent pas seulement des anciennes structures mais également des crises qui les traversent ? En quoi et comment peuvent-elles contribuer à rompre l'enchaînement mécanique des appartenances et des options ? Une telle analyse excéderait le cadre de notre questionnement ici et nous n'avons, de toutes façons, pas les moyens de la mener, pour l'heure. Tout au moins pouvons-nous les mettre en rapport pour évaluer la radicale originalité de l'univers dibien. A partir des mêmes données de départ : les diverses "retombées" idéologisantes consécutives à la dérive d'espérances révolutionnaires qui ont amené dans l'ensemble du monde islamique contemporain le regain de l'Islam formaliste et intégriste, Mohammed Dib rend pensables, sinon possibles, d'autres combinaisons. En tout cas, permet la reviviscence formelle de ce que le désir enfoui annonçait d'une vie et d'une société autres.

Quoi qu'il en soit, se perpétue dans l'oeuvre dibienne la recherche de l'accomplissement de l'être. Mais, tandis que le manque à combler pour Waëd réside dans une rationalisation des modes de vie, un progrès technique et matériel à obtenir par le biais de l'instruction ; la transformation politique et sociale, pour Madjar, ne saurait aller sans une affirmation morale, voire une affirmation religieuse en même temps universelle et indépassable. Ceci en connexion organique avec les profondes mutations des rapports sociaux, avec l'érosion de la croyance et de la pratique religieuses dans de larges couches et, concurremment, leur résurgence massive, notamment dans les couches les plus défavorisées de la société ou dans cette catégorie encore plus menacée par l'entropie que sont les émigrés ou les exilés comme l'auteur lui-même.

Ici l'oeuvre romanesque n'a pour ambition ni d'offrir une contrefaçon du "donné" réel comme c'était le cas dans la trilogie, ni même d'exprimer la révolte contre ce donné comme dans La Danse du roi mais, plus radicalement, de mettre en récit des hypothèses sur le sens de l'Histoire. A la faveur de quoi se réalise la divulgation d'une vie autre. Désir de l'auteur certes, mais, plus largement, désir diffus dans une aire socio-culturelle (si restreinte soit-elle) qui rend possible l'émergence de l'oeuvre et apparaît susceptible de la lire.

Dès lors les accents contestataires, le retour à une écriture perçue comme plus lisible que dans Cours sur la rive sauvage, plutôt que de jeter un pont avec l'engagement des débuts, ou, au contraire, de manifester un désengagement politique dans un discours religieux, comme on l’a souvent avancé, dessinent une nouvelle forme d'articulation entre le réel et la fiction tout en projetant l'image (le rêve) d'une cité des hommes où ni la "question sociale", ni celle de l'individualité et des aspirations de "l'âme" ne seraient occultées par des questions politiques ou réprimées par la Loi.


Bibliographie


Cette bibliographie est le résultat d’une interrogation de la banque de données Limag (Littératures maghrébines), réalisée sous ma direction par la Coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines, dans le cadre de Conventions internationales entre l’Université Paris-Nord et diverses universités maghrébines, et avec le concours de l’UREF-AUPELF.

La banque de données Limag est en consultation sur les ordinateurs de plusieurs dizaines d’universités dans le Monde. Elle est perpétuellement tenue à jour. Elle fonctionne sous MS-DOS, et comporte son propre programme de consultation, indépendant. Elle est diffusée sous forme de CD-Rom ou de disquettes compressées. Elle comporte au printemps 1996 environ 38 000 références.

Charles Bonn


Livres de Mohammed Dib

Oeuvres : première édition

1952. La Grande Maison. Paris, Le Seuil, 190 p. Roman. Rééd. 1967, 1975.

1954. L'Incendie. Paris, Le Seuil, 220 p. Roman. Rééd. Coll. Points, 1989.

1955. Au Café. Paris, Gallimard, 191 p. Nouvelles. Rééd. définitive Paris, Sindbad, 1984.

1957. Le Métier à tisser. Paris, Le Seuil, 208 p. Roman. Rééd. poche 1988.

1959. Un Eté africain. Paris, Le Seuil, 192 p. Roman.

1959. Baba Fekrane. MIAILE, Mireille. (Dessins). Paris, La Farandole, 23 p. Conte pour enfants.

1961. Ombre gardienne. Rééd. remaniée définitive : Paris, Sindbad, 1984, 79 p. .

1962. Qui se souvient de la mer. Paris, Le Seuil, 191 p. Roman. Rééd. Coll. Points, 1990.

1964. Cours sur la rive sauvage. Paris, Le Seuil, 159 p. Roman. Rééd. Coll. Poche, 1978.

1966. Le Talisman. Paris, Le Seuil, 141 p. Nouvelles.

1968. La Danse du roi. Paris, Le Seuil, 204 p. Roman. Rééd. Coll. Poche, 1978.

1970. Dieu en Barbarie. Paris, Le Seuil, 218 p. Roman. Ed. 2625.

1970. Formulaires. Paris, Le Seuil, 112 p. Poèmes.

1973. Le Maître de Chasse. Paris, Le Seuil, 207 p. Roman.

1974. L'Histoire du chat qui boude. DOMENGER, Bernard. (Illustration). Paris, La Farandole, n.p. Conte Rééd. Messidor, 1980.

1975. Omneros. Paris, Le Seuil, 158 p. Poèmes.

1977. Habel. Paris, Le Seuil, 188 p. Roman.

1979. Feu beau feu. Paris, Le Seuil, 222 p. Poèmes. ISBN 2-02-005128-1.

1980. Mille hourras pour une gueuse. Paris, Seuil, 121 p. Théâtre. ISBN 2-02-005384-5 Représentée au festival d'Avignon.

1985. Les Terrasses d'Orsol. Paris, Sindbad, 214 p. Roman. ISBN 2-7274-0109-4 Coll. La Bibliothèque arabe.

1987. O vive. Paris, Sindbad, 133 p. Poèmes. ISBN 2-7274-0144-2 Coll. La Bibliothèque arabe.

1989. Le Sommeil d'Eve. Paris, Sindbad, 222 p. Roman. ISBN 2-7274-0164-7 Coll. La Bibliothèque arabe.

1990. Neiges de marbre. Paris, Sindbad, 220 p. Roman. ISBN 2-7274-0192-2 Coll. La Bibliothèque arabe.

1992. Le Désert sans détour. Paris, Sindbad, 136 p. Roman. ISBN 2-7274-0208-2 Coll. La Bibliothèque arabe.

1994. L'Infante maure. Paris, Albin Michel, 183 p. Roman. ISBN 2-226-06807-4.

1994. Tlemcen, ou les lieux de l'écriture. DIB, M. & BORDAS, Ph. (Photos). Paris, Revue noire, 160 p. Album. ISBN 2-909571-05-X Coll. Soleil.

1995. La Nuit sauvage. Paris, Albin Michel, 249 p. Nouvelles. ISBN 2-226-07801-2.

Extraits

1972. DESPLANQUES, François (Choix et prés.) L'Incendie. Extraits de textes. Alger, Institut pédagogique national, 54 p. .

Rééditions

1967. La Grande Maison. Paris, Le Seuil, 190 p. Roman.

1974. L'Incendie. Paris, Le Seuil, 186 p. Roman. ISBN 2-02-000477-1 1° éd. 1954.

1975. La Grande Maison. Paris, Le Seuil, Roman. ISBN 2-02-000479-8 1° éd. 1952.

1978. Cours sur la rive sauvage. Paris, Le Seuil, Roman. ISBN 2 02 012779 9 1° éd. 1964.

1978. La Danse du roi. Paris, Le Seuil, Roman. 1° éd. 1968.

1980. LUTTON, Jean-Claude (Illustr.). L'Histoire du chat qui boude. Paris, Messidor/La Farandole, 21 p. Conte pour enfants. ISBN 2-7047-0226-8 Coll. Aux 4 coins. (La Farandole, 1974).

1984. Au Café. Paris, Sindbad, 131 p. Nouvelles. ISBN 2-7274-0094-2 Coll. La Bibliothèque arabe. Littératures ; (Gallimard, 1956).

1984. ARAGON (Préface). Ombre gardienne. Paris, Sindbad, 77 p. Poèmes. ISBN 2-7274-0093-4 Coll. La Bibliothèque arabe. Littératures.

1988. Le Métier à tisser. Paris, Le Seuil, 204 p. Roman. ISBN 2-02-000478-X Coll. Méditerranée. (1° éd. 1957).

1989. L'Incendie. (Réédition : texte définitif). Paris, Le Seuil, 188 p. Roman. ISBN 2-02-010686-8 Coll. Points Roman n° 351. (Le Seuil, 1954, 1967).

1990. Les Terrasses d'Orsol. Paris, Sindbad, 214 p. Roman. ISBN 2-7274-0191-4 Coll. La Bibliothèque arabe. Littératures contemporaines. (Paris, Sinbad, 1985).

1990. Qui se souvient de la mer. Paris, Le Seuil, 190 p. Roman. ISBN 2-02-012759-8 Coll. Points.Roman. (Paris, Le Seuil, 1962).

1992. LUTON, Jean-Claude. (Illustr.). L'Histoire du chat qui boude. Paris, Messidor-La Farandole, 21 p. Illustré Jeunesse. ISBN 2-7047-0226-8.

1996. La grande Maison. Paris, Le Seuil, Coll. Points n° 225, 178 p. Roman. ISBN 2-02-028312-3

Traductions

1956. BRÄUNING, Herbert (Traducteur). La Grande maison : Das grosse Haus. Berlin/Düsseldorf, Volk und Welt/Progress, Roman traduit en Allemand.

1956. BRÄUNING, Herbert. (Traducteur). L'Incendie : Das Brand. Berlin/Düsseldorf, Volk und Welt/Progress, Roman traduit en Allemand.

1959. HEINRICH, Karl (Traducteur). Le Métier à tisser : Der Webstuhl. Berlin/Düsseldorf, Volk und Welt/Progress, Roman traduit en Allemand.

1974. Au Café. Berlin, Rutten & Loening, Nouvelles traduites en Allemand.

1974. MELCHIOR, Barbara (Trad.). Le Talisman : Talismanen. Copenhague, Gyldendals magasin, nr 16. Nouvelles traduites en Danois.

1976. DURBAJILO, Barbara. (Traduction). La Danse du roi : Krolewski taniec. Varsovie, p. I. W., Roman traduit en Polonais.

1977. PILICH, Andrzej. (Traduction). Qui se souvient de la mer : Kto pamieta o morzu. Varsovie, Instytut Wydawniczy Pax, Roman traduit en Polonais.

1977. SMILJANIC, V. & DIKIC, O. (Traduc.) Qui se souvient de la mer : Ko se sjeca mora. Belgrade, Prosveta, Roman traduit en Serbo-Croate.

1978. BASCHMAKOFF, Natalia (Traductrice). La Grande Maison : 'Sisäpiha' ('La Cour intérieure'). Jyväskylä, Gumnerus, 172 p. Traduction. Finnois ISBN 951-20-1519-6.

1979. BASCHMAKOFF, Natalia (Traductrice). L'Incendie : 'Vuoret odottavat' ('Les Montagnes attendent'). Jyväskylä, Gumnerus 204 p. Traduction. Finnois ISBN 951-20-1771-7.

1981. La Grande Maison : Wiekli Dom. Varsovie, Instytut Wydawniczy Pax, Traduction. Polonais.

1981. BARCALILA, Alexandra. (Traduction). Qui se souvient de la mer : Gine isi aduce aminte marea. Bucarest, Univers, Roman traduit en Roumain.

1985. TREMAINE, Louis (Traducteur). Qui se souvient de la mer. Washington D.C., Three Continents Press, Anglais.

1991. Le Talisman : Talizman. Varsovie, Instytut Wydawniczy Pax, Nouvelles traduites en Polonais.

1991. RÖSNER, Barbara (Traductrice). Les Terrasses d'Orsol : Die Terrassen von Orsol. Freiburg, Beck & Glückler, Roman traduit en Allemand.

1991. WALTER, Helga (Traduction). Habel. Mainz, Donata Kinzelbach Verlag, 187 p. Roman traduit en Allemand ISBN 3-927069-13-2.

1992. EGGHART, Stephan. (Traduction). Le Désert sans détour : Wüsten. Mainz, Kinzelbach, 130 p. Roman traduit en Allemand ISBN 3-927069-19-1.

1992. WALTER, Helga. (Traduction). Qui se souvient de la mer : Und ich errinere mich an das Meer. Berlin, Orient, Roman. Allemand.

1994. Au Café. Guadarrama, Ediciones del Oriente y del Mediterraneo, Nouvelles traduites en Espagnol.


Textes courts, extraits et interviews, dans des recueils et des périodiques

Le classement est chronologique.

1946. (Pseudo : DIABI). Eté. Les Lettres. Genève. 2, pp. 22-24.

1947. L'ami. Tam. Alger. 242, 22 octobre.

        La nouvelle dans la littérature yankee. Forge. Alger. Louis Julia, Emmanuel Roblès, El Boudali Safir, etc. 5-6, octobre-novembre pp. 139-142.

        Véga. Forge. Alger. Louis Julia, Emmanuel Roblès, El Boudali Safir, etc. 3, avril-mai.

        BRYSON, Josette. (Traduction). La nouvelle dans la littérature yankee. Invisible City. Los Angeles. May.

1948. Bni Boublen. Algeria. Alger, OFALAC, 1, octobre pp. 47-54.

        Mostefa Dali. Tam. Alger. 326, 30 octobre.

1950. Bachir Yellès, peintre algérien. Alger Républicain. Alger, 27 septembre.

        Corée. Alger Républicain. Alger, 5 juillet.

        De nuit en jour. Alger Républicain. Alger, 23 août.

        De nuit en jour. Liberté. Alger, 9 novembre.

        Hommage à Nazim Hikmet, poète de la liberté. Alger Républicain. Alger, 12 avril.

        Inventions et inventeurs d'Algérie. Alger Républicain. Alger, 25 juillet.

        Je suis chaque matin. Alger Républicain. Alger, 31 mai.

        Je te cherche. Alger Républicain. Alger, 11 octobre.

        L'assassin. Liberté. Alger, 11 mai.

        Les intellectuels algériens et le mouvement national. Alger Républicain. Alger, 26 avril.

        Littérature décadente et littérature progressiste aux U.S.A. Alger Républicain. Alger, 30 août.

        Pourquoi nous devons lire les écrivains soviétiques. Liberté. Alger, 27 juillet.

        Un après-midi d'été. Soleil. Alger, M.R. Bataille, L. Foucher, Ph. Louit, J. Pivin, J. Sénac. 1, janvier pp. 39-47.

        RHAIS, Roland (Collab.). (Sur les monuments d'Alger). Alger Républicain. Alger, 20 décembre.

1951. (Les grèves des paysans d'Aïn Taya). Alger Républicain. Alger, 27 avril.

        Cheminots d'Algérie. Alger Républicain. Alger, 24 mai.

       . Grève à 100% dans les tabacs à Alger. Alger Républicain. Alger, 24 avril.

        L'Algérie vivra libre. Liberté. Alger, 10 mai.

        L'héritier enchanté. Les Cahiers du Sud. Marseille, Rivages, 309,XXXIV 2° semestre pp. 252-265.

        Sur la vie chère et la grève centrale de Hamma. Alger Républicain. Alger, 9 mars.

        KATEB, Yacine. LAFFONT, Pierre. Le chômage, cette plaie. Alger Républicain. Alger, 8-9-11-12-13-14 mai.

1952. (Compte-rendu de pièces de théâtre en langue arabe). Alger Républicain. Alger, 10 janvier.

        Djamal T... Simoun. Oran, Jean-Michel Guirao. 8, avril pp. 21-24.

1953. Jeu de massacre ou portrait de la Liberté. Les Cahiers du Sud. Marseille, Rivages, t.XXXVIII 2° semestre pp. 89-91.

        Les hommes sans vocation. Terrasses. Alger, Jean Sénac. 1, juin pp. 11-20.

1954. L'aube point. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 10 janvier.

       . Les devoirs nouveaux. Simoun. Oran, Jean-Michel Guirao. 13, 1954 pp. 89-94.

        Les mendiants. Europe. Paris, avril pp. 72-90.

        Poèmes d'Algérie. Europe. Paris, 106, octobre.

        Terres interdites. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 515, 6 mai.

1955. (Extrait du 'Métier à tisser'). L'Action. Tunis, Parti socialiste destourien, 1, 25 avril.

        L'attente. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 593, 10 novembre.

        L'enfant dort. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 20 octobre.

        Le compagnon. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 583, 1° septembre.

        Prolétaires algériens. Eléments d'une enquête. La Nouvelle Critique. Paris, P.C.F., 68, septembre-octobre pp. 173-191.

1956. L'autre. Les Cahiers du Sud. Marseille, Rivages, 334, avr.(2°sem.1955) pp. 421-434.

        La vérité ce scandale. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 9 février.

        Sur le carnet de Mohammed Dib. L'Humanité. Paris, Organe central du PCF, 30 janvier.

        Une journée perdue. Simoun. Oran, Jean-Michel Guirao. 21, 1956 pp. 19-30.

        Zizi Kadda. L'Action poétique. Marseille, 5, juin pp. 18-20.

1957. 'Heure folle' et 'Message' Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 2 mai.

        Chanson couleur du Temps. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 22 août.

        La leçon de Baudelaire (à la manière de Baudelaire). Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 5 décembre.

        Le messager. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 7 mars.

        Vivre aujourd'hui. Entretiens sur les Lettres et les Arts. Rodez. "Algérie". février.

1958. 'Nerval’et 'L'exilé'. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 24 avril.

        L'arbre, élément d'une symbolique. Algeria. Alger, OFALAC, 2, décembre pp. 27-32.

        CARTA, J. (Interview). (Interview). Témoignage chrétien. Paris, 7 février.

1960. Dans un monde en ruine. Simoun. Oran, Jean-Michel Guirao. 31, Camus l'Algérien. juillet p. 57.

        La barbe du voleur. La Nouvelle Critique. Paris, P.C.F., 112, La Culture algérienne. janvier pp. 83-84.

        La mémoire du peuple. La Nouvelle Critique. Paris, P.C.F., 112, La Culture algérienne. janvier p. 82-84.

1961. MARZELLIER, François. (Interview). Afrique-Action. Tunis > Paris 13 mars.

        PAROT, J. (Interview). (Interview). Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 2 mars.

1962. Der Mann aus dem Hochland. (L'Homme des hautes terres). Neues Afrika. Monatszeitschrift für Politik, Wirtschaft und Kultur im Neuen Afrika. Munich, 4 : 5, p. 192-193.

        DROZ-RÜEGG, G. (Traduction). Un beau mariage : Eine schöne Hochzeit. Das Sandkorn und andere Erzählungen aus Nordafrika. Zürich, Diogenes Verlag. Ss dir. François Bondy. p. 173-185.

        (Interview). Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 23 août.

1963. (Interview). Arts. Paris, 6 février.

        (Interview). Combat. Paris, 7 février.

        (Interview). L'Humanité. Paris, Organe central du PCF, 31 janvier.

        (Interview). Le Peuple. Alger, 22 mars.

        La nuit sauvage. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 7 février.

        Les fiancés du printemps. Révolution africaine. Alger, Organe central du F.L.N. 2, 9 février.

        Ne pardonnez pas, justes morts. Al Chaab. Alger, 3 mai.

        LACOMBE, Lia. (Interview). Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 7 février.

1964. Naëma disparue. Révolution. Paris, Parti communiste français, 10-11, juillet-août.

        (Int). Le racisme dans le monde : le racisme à rebours. La Nef. Alger > Paris, Dir. Robert Aron. 19-20. 'Le racisme dans le monde'. sept-décembre, pp. 81-84.

        (Interview). Le Figaro littéraire. Paris, Le Figaro, 4 juin.

        (Interview : ) Le racisme : une symétrie de l'horreur. L'Orient. Beyrouth, 15 novembre.

1965. (Extraits). Centre pédagogique maghrébin. Anthologie maghrébine. Paris, Hachette, p. 99-106.

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        Paroles de rêve et paroles du poème (suggestions pour l'interprétation de la poésie actuelle). Les Cahiers du Collège poétique de Menton 1964. 4e trimestre pp. 91-93.

1967. (Extraits). BENCHEIKH, Jamel Eddine. LEVI-VALENSI, Jacqueline. Diwan algérien. Paris/Alger, Hachette/SNED : Centre pédagogique maghribin. p. 79-85.

        La fin. An Nasr. Constantine, 23 décembre.

1968. Celui qui accorde tous les biens. An Nasr. Constantine, 3 février.

        La Danse du roi (Extraits). L'Action. Tunis, Parti socialiste destourien, 4 mai.

        Le sous-sol. Algérie-Actualité. Alger, E.N.E.R.I.M. 130, 14 avril.

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1972. Quatre poèmes d'aujourd'hui. Les Lettres françaises. Paris, Jean Ristat, dir. 12 juillet.

1973. Désert qui se nomme. La Nouvelle Revue Française. Paris, 247, juillet pp. 30-33.

        Publication de la chaleur. La Nouvelle Revue Française. Paris, 247, juillet pp. 30-33.

        Publication de la douleur. La Nouvelle Revue Française. Paris, 247, juillet pp. 30-33.

        Publication de la fraîcheur. La Nouvelle Revue Française. Paris, 247, juillet pp. 30-33.

        MONTI, Mousse. (Interview). Coopérateurs de France. 11 août.

1974. (Extraits). LAHBABI, Mohammed Aziz. Douleurs rythmées. (Anthologie poétique). Alger, SNED, p ; 168,418.

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        COLLET, Nicole.(Int.). (Interview Sur 'Mille hourras pour une gueuse' de Mohammed Dib.). L'Humanité. Paris, Organe central du PCF, 16 juillet.

        IZZO, J. C. (Int.). (Interview sur 'Mille hourras pour une gueuse'.). La Marseillaise. Marseille, 20 juillet.

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1983. (SELLIN, Eric). Interview accordée par Mohammed Dib. CELFAN Review. Philadelphie, Temple University. Eric Sellin, Editor. 2 : 2, Mohammed Dib. p. 20-25.

1983. (Avec BASCHMAKOFF, Natalia). Eino Saissa : Grande chronique des neiges et des hommes. Books from Finland. Helsinki, n° 17 :1, p. 7-12.

1984. (Avec BASCHMAKOFF, Natalia, BINHAM, Philip, BARRETT, David, BOSLEY, Keith). The writer’s dilemma. Books from Finland. Helsinki, n° 18 :2, p. 49-63.

1984. Les retraites extrêmes. Actes du Congrès mondial des littératures de langue française, Padoue, 23-27 mai 1983. Padoue, Université. p. 641-642.

        (Poèmes). Artes. Oslo, 10 : 1.

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        Qui se souvient de la mer (Extrait). BRAHIMI, D. & BELLOC, G. Anthologie du roman d'expression française de 1945 à nos jours. Paris, CILF/Delagrave, p. 112-114.

       . EL HOUSSI, M. NADIR, Ch. SKIF, H. Poems by four Maghrebine Francophone Poets : Majid El Houssi, Chems Nadir, Hamid Skif, Mohammed Dib. The Worlds of the Muslim Imagination. Islamabad, Gulmohar. Alamgir Hashmi, éd. p. 155-167.

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        Poèmes. Levant. Herzlya/Paris, Michel Eckhard Elial, dir. de publ. Association LEVANT. 1, Commune présence. p. 129-136.

1989. Le Soleil des chiens : Hundesonne. KEIL, Regina. Hanîn. Prosa aus dem Maghreb. Heidelberg, Wunderhorn, Ss dir. Regina Keil. p. 103-109.

        EGGHART, S. (traduct.). L'Homme qui chantait : Refrain. KEIL, Regina. Hanîn. Prosa aus dem Maghreb. Heidelberg, Wunderhorn, Ss dir. Regina Keil. p. 31-51.

1990. Cours... La Danse du roi. Formulaires. Le Maître de Chasse. Omneros. Habel. Feu, beau Feu. Les Terrasses d’Orsol. O Vive. (Extraits). BONN, Charles. Anthologie de la littérature algérienne. Paris, Hachette, Le Livre de Poche, Coll. Nouvelle Approche, n° 4287. p. 192-210.

        La Danse du roi. Dieu en Barbarie. Le Maître de chasse. (Extraits). BONN, Charles. Anthologie de la littérature algérienne. Paris, Hachette, Le Livre de Poche, Coll. Nouvelle Approche, n° 4287. p. 111-115.

        La Grande Maison. L'Incendie. (Extraits). BONN, Charles. Anthologie de la littérature algérienne. Paris, Hachette, Le Livre de Poche, Coll. Nouvelle Approche, n° 4287. p. 24-31.

        M. Hagg-Bar et Siklist reçoivent le Chancelier. Le Croquant. Meillonnas, Maison Roger Vailland, Meillonnas, 01370 St Etienne. Michel Cornaton, dir. 8, Littérature maghrébine. automne-hiver p. 3-9.

        Mouloud Mammeri vivant. Awal. Cahiers d'études berbères. Paris/Alger, Maison des Sciences de l'Homme : CERAM/Awal. Tassadit Yacine, Réd. en chef. Hommage à Mouloud Mammeri. p. 38.

        Poèmes (Extraits). BONN, Charles. Anthologie de la littérature algérienne. Paris, Hachette, Le Livre de Poche, Coll. Nouvelle Approche, n° 4287. p. 60-61.

        Qui se souvient de la mer. (Extraits). BONN, Charles. Anthologie de la littérature algérienne. Paris, Hachette, Le Livre de Poche, Coll. Nouvelle Approche, n° 4287. p. 94-96.

        (Extraits). ACHOUR, Christiane. Anthologie de la littérature algérienne de langue française. Paris/Alger, Bordas/ENAP, Collection 'Francophonie'.

1991. L'oiseleuse. La Mètis. Nice, N° 7, « Méditerranée, le lieu commun. » octobre p. 60-66.

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        La petite cousine. Un siècle de nouvelles franco-maghrébines. Paris, Minerve, p. 121-127.

        Mohammed Khadda parle. Khadda. Paris, L'Orycte, p. 15.

        Rencontres. Le Nouvel Observateur. Collection Dossiers. Paris, N° 9, La guerre d'Algérie 30 ans après. p. 8-9.

        Sur la terre, errante. La Sittèle. Bulletin trim. de liaison des profs de français de l'enseignt secondaire. Alger, Institut des Langues Etrangères, Univ. de Bouzaréah. L. ACHERAR & D. LOUANCHI. 1, p. 12.

        BERRADA, Mohammed. (Traduction). (Naïma la cachée.). At-Tabyine. (El-Tabyine, Et-Tabyine. : la transcription du nom change d'un n° à l'autre). Alger, Assoc. Al Jahidiya, Tahar Ouettar, réd. en chef, Ammar Bellahcène, 4, Dossier : Mohammed Dib. p. 74-85.

        BRISON, Danièle. (Interview). Dib : toute vérité est multiple. Dernières Nouvelles d'Alsace. Strasbourg, 263, 8 novembre p. 9.

        Qui te délivrera, Algérie ? JOUBERT, Jean-Louis. Littérature Francophone. Anthologie. Paris, Nathan/ACCT, p. 218-229.

1993. L'ami Jean Sénac. Awal. Cahiers d'études berbères. Paris/Alger, Maison des Sciences de l'Homme : CERAM/Awal. Tassadit Yacine, Réd. en chef. 10, Spécial Jean Sénac. p. 127-128.

1994. Pour Jean Déjeux en souvenir amical. Pour Jean Déjeux. Paris, CIEF, Université Paris-4. n.p. (1 p. ).

        Anonyme. Je suis horrifié et honteux. Horizons. Alger, Entreprise nationale de presse, Maâmar Farah, dir. publ., 2615, 29 mars p. 17.

        Khadda ou l'apparition des signes. Khadda. (Catalogue d'exposition). Saint-Ouen, Mairies de Saint-Ouen et Blanc-Mesnil et Conseil Général de Seine-Saint-Denis, p. 14.

        (Extraits présentés.). JOUBERT, Jean-Louis. (Dir.). Littératures francophones du Monde Arabe. Anthologie. Paris, Nathan-ACCT.

        Je suis déchiré par tous les soubresauts qui secouent l’Algérie. El Watan. Alger, n° 1135, 28 juin. Interview par Mohammed ZAOUI.

1995. O ombra del morir. Poème. Comité des intellectuels maghrébins et français d’origine maghrébine. Algérie. Textes et dessins inédits. Casablanca, Le Fennec, p. 23-25.

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Etudes publiées
traitant de l'oeuvre de Mohammed Dib,
et anthologies

En Français

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1973. BRINDEAU, S. RANCOURT, J. DEJEUX, J MAUNICK, E.J. ROMBAUT, M. La Poésie contemporaine de langue française depuis 1945. Paris, Saint-Germain des Prés, Anthologie critique.. ("Le Maghreb", par Jean DEJEUX).

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1980. LLAVADOR, Yvonne. La Poésie algérienne de langue française et la guerre d'Algérie. Lund (Suède) C W K Gleerup, 208 p. Thèse. ISBN 91.40.04747.4.

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1983. KHADDA, Naget. HENRY-LORCERIE, Françoise. (Préf.). L'oeuvre romanesque de Mohammed Dib. Propositions pour l'analyse de deux romans. Alger, OPU, 340 p. Thèse. Ed. 315.

1984. BOUZAR, Wadi. Lectures maghrébines. Alger/Paris, OPU/Publisud, 218 p. Essai. ISBN 2-86600-254-7.

1985. BONN, Charles. Le Roman algérien de langue française. Vers un espace de communication littéraire décolonisé ? Paris-Montréal L'Harmattan-PUM, 359 p. Essai..

1985. DANINOS, Guy. 'Dieu en Barbarie' de Mohammed Dib, ou la recherche d'un nouvel humanisme. Sherbrooke, Naaman, 60 p. Essai. ISBN 2-89040-344-0 coll. Thèses ou recherches.

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1986. ARNAUD, Jacqueline. La littérature maghrébine de langue française. 1 : Origines et perspectives. Paris, Publisud, 379 p. Thèse. ISBN 2-86600-246-6 Espaces méditerranéens.

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1986. BRAHIMI-CHAPUIS, Denise. BELLOC, Gabriel. Anthologie du roman maghrébin, négro-africain, antillais et réunionnais d'expression française : de 1945 à nos jours. Paris, CILF ; Delagrave, 256 p. Anthologie. ISBN 2-85319-156-7.

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1986. MOHAMMEDI-TABTI, Bouba. La Société algérienne avant l'Indépendance dans la littérature. Lecture de quelques romans. Alger, OPU, 302 p. Essai (Thèse) Ed. 113.

1987. DEJEUX, Jean.  Mohammed Dib. Philadelphie, CELFAN Monographs, 60 p. Essai.

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1989. CHIKHI, Beïda. Problématique de l'écriture dans l'oeuvre romanesque de Mohammed Dib. Alger, OPU, 266 p. Essai. Ed. 1842.

1990. ACHOUR, Christiane. REZZOUG, Simone. Convergences critiques. Introduction à la lecture du littéraire. Alger, OPU, 326 p. Essai. Ed. 2031.

1990. BONN, Charles. Anthologie de la littérature algérienne (1950-1987). Paris, Hachette, Le Livre de poche, 255 p. Anthologie critique. ISBN 2-253-05309-0.

1991. KHADDA, Naget. Représentation de la féminité dans le roman algérien de langue française. Alger, OPU, 174 p. Essai. Ed. 4-10-3387.

1991. TOSO-RODINIS, Giuliana. (Ss. dir. de). Le Banquet maghrébin. Rome, Bulzoni, 410 p. Recueil d'articles. ISBN 88-7119-270-2.

1992. BRAHIMI, Denise. (Ss dir. de). Un siècle de nouvelles franco-maghrébines. Paris, Minerve, 235 p. Recueil de textes. ISBN 2-86931-060-9.

1994. BRAHIMI, Denise. Charmes de paysage. Paris, C. Pirot, 250 p. Essais. ISBN 2-86808-085-5.

1995.  ADJIL, Bachir. Espace et écriture chez Mohammed Dib : la trilogie nordique. Paris, L’Harmattan, 181 p. ISBN 2-7384-3154-2.

1996.  CHIKHI, Beïda. Maghreb en textes. Ecriture, histoire, savoirs et symboliques. Paris, L’Harmattan, 244 p. ISBN 2-7384-4103-3.

En d'autres langues

Allemand

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1989. AHMED-OUAMAR, Belkacem. Koloniale Eroberung uns kulturelle Identität. Zur Geschichte des französischsprachigen Literatur Algeriens. Frankfurt, Peter Lang, 275 p. Essai (Thèse). ISBN 3-631-41914-7 Coll. Europäische Hochsculschriften.

1989. CLERC-ERLE, Widulind (Ed.). Nordafrika erzählt. 24 Erzählungen, ausgewählt und mit einer Nachbemerkung. Frankfurt, Fischer, Widulind Clerc-Erle, hrsg. Anthologie de récits.

Anglais

1984. MONEGO, Joan Phyllis. Maghrebian literature in french. Boston, Twayne Publishers, 196 p. Essai.

Arabe

1968. SAADALLAH, Aboulqasim. Dirâsât fî l-adabi l-jazaïri l-hadîth. (Etude de la littérature algérienne contemporaine). Alger, SNED, 112 p. Essai.

1982. BAMYA, Aïda. (BAMIA). (Evolution de la littérature romanesque en Algérie de 1925 à 1967). Alger, OPU, 447 p. Essai Thèse.

1985. SAADALLAH, Aboulqasim. Dirâsât fî-adab al-gazâiri l-hadît (Etude de la littérature algérienne contemporaine). (Réédition). Tunis, MTE, 139 p. Essai. 3° édition (1° édition : 1966).

1989. SAYYID MUH.AMMAD, 'AH.MAD. (Le roman-fleuve et son influence chez les romanciers arabes (Mohammed Dib, Naguib Mahfouz)). Alger, ENAL, 175 p. Essai.

Danois+Français

1976. SEFERIAN, Marie-Alice. Littérature de l'Afrique du Nord. Copenhague, Nyt Nordisk Forlag. A. Busck. 121 p. Anthologie didactique. ISBN 87-17-02163-0 Textes en français et présentation en danois.

Italien+français

1993. SANTANGELO, Giovanni Saverio. TOSO-RODINIS, G. (Dir.). Voci dal Maghreb. Palerme, Palumbo, 209 p. Recueil d'articles.

1978. TOSO-RODINIS, Giuliana. (Dir.). Le Rose del deserto. Saggi e testimonianze di poesia magrebina contemporanea d'espressione francese. Bologne/Padoue, Patron, 359 p. Recueil d'articles.

Russe

1966. RADJABOVA, I.S. (Mohammed Dib : la trilogie "Algérie"). Douchambé, Ifron, Université d'Etat de Tadjikie, 218 p. Essai.

1993. PROJOGUINA, Svetlana. DEMBINA, O.N. (Littérature d'Algérie). Moscou, Naouka, 335 p. Essai. ISBN 5-02-017655-9.


Travaux universitaires
sur l'oeuvre de Mohammed Dib

ABDELKEFI, Hedia.  C.A.R. Problématique du récit dans Un été africain de Mohammed Dib. Tunis, Kamel GAHA, 1987.

ABOU SEDERA, Noha Ahmed.  D.E.A. Point de vue et récit d'enfance dans 'La Grande Maison' de Mohammed Dib. Paris 13, Charles BONN, 1992.

ABOU SEDERA, Noha Ahmed.  Magistère. Point de vue et récit d'enfance dans 'Les Jours' de Taha Hussein, 'La Grande Maison' de Mohammed Dib et 'L'Enfant' de Jules Vallès. Etude de sociocritique comparée. Le Caire, Amina RACHID.  Non soutenu. Inscr.90.

ADJIL, Bachir.  Doctorat Nouveau Régime. Espace imaginaire et écriture dans la trilogie nordique de Mohammed Dib. Paris 8, Claude DUCHET, 1992.

AKAICHI, Mourida.  Doctorat Nouveau Régime. La Théâtralité dans l'oeuvre de Mohammed Dib. Paris 13, Charles BONN. Non soutenu. Inscr. 93 94 95.

ALAOUI YOUSFI, Lalla Khadij.  Doctorat Nouveau Régime. L'Islam en question dans la littérature maghrébine d'expression française. Toulouse 2, Jean SAROCCHI, 1993.

ALI-KHODJA, Jamel.  D.E.A. Le thème de l'enfant dans la trilogie de Mohammed Dib. Alger, Mohammed Salah DEMBRI, 1976.

AMARA, Mahmoud.  Doctorat Nouveau Régime. Recherches sur le narrataire et les lecteurs potentiels ou réels du roman maghrébin de langue française. Le cas de Dib, Khaïr-Eddine et Mustapha Tlili. Paris 3, Roger FAYOLLE.  Non soutenu. Inscr. mod. 1986.

ARNAUD, Jacqueline.  Thèse de Doctorat d'Etat. Recherches sur la littérature maghrébine d'expression française. Le cas de Kateb Yacine. Paris 3, ETIEMBLE, 1978.

BAMIA, Aida.  Ph.D. The development of the novel and the short story in modern algerian literature. Londres, SOAS, Walid ARAFAT, 1971.

BARAKAT, Mariam.  Doctorat Nouveau Régime. Approche thématique comparative de quelques romans de la littérature maghrébine d'expression française: Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, Tahar Ben Jelloun. Besançon, Chantal TATU.  Non soutenu. Inscr. 87.

BAROUD, Mouna.  Thèse de 3° Cycle. Roman maghrébin et roman négro-africain: Mohammed Dib et Sembène Ousmane. Toulouse 2, Robert COUFFIGNAL, 1984.

BELHADJ KACEM, Noureddine.  D.E.A. Le thème de la dépossession dans la trilogie de Mohammed Dib. Oran,  1978.

BELKAID, Naget. Epouse KHADDA. Thèse de 3° Cycle. Structuration du discours romanesque de Mohammed Dib; Analyse de deux exemples topiques: L'incendie et Qui se souvient de la mer. Paris 8, Jean-Claude CHEVALIER, 1978.

BELKAID, Naget. épouse KHADDA. Thèse de Doctorat d'Etat. (En)jeux culturels dans le roman algérien de langue française. Paris 3, Roger FAYOLLE, 1987.

BELLAHCENE, Amar.  Magister. Roman national et idéologie nationale: Le cas de la trilogie de Dib. (En Arabe). Oran, Abdelkader DJEGHLOUL. 1982.

BENABADJI-SETTOUTI, Batoul.  D.E.A. Le thème de la misère dans trois romans algériens d'expression française: Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun, Le Métier à tisser de Mohammed Dib, Le Sommeil du juste de Mouloud Mammeri. Oran, Bernard PLUCHART, 1980.

BENMALEK, Soumya, Ep. AMMAR-KHODJA. Doctorat Nouveau Régime. Représentations de l'amour dans la littérature algérienne de langue française. Paris-13, Charles BONN. Non soutenu. Inscr. 94.

BENMALEK, Soumya. Epouse AMMAR-KHODJA. Thèse de 3° Cycle. Proposition d'une lecture du temps dans Formulaires, Omneros  et Feu, beau feu de Mohammed Dib. Paris 13, Jacqueline ARNAUD, 1984.

BENYEKHLEF, Djamel.  Doctorat Nouveau Régime. Portraits de femmes chez des écrivains algériens. Paris 13, Charles BONN.  Non soutenu. Inscr. 89 90 91

BITAT, Baya.  D.E.A. La condition féminine dans la trilogie "Algérie" de Mohammed Dib. Alger,  1979.

BONN, Charles.  Thèse de 3° Cycle. Imaginaire et discours d'idées: La littérature algérienne d'expression française à travers ses 'lectures'. Bordeaux 3, Robert ESCARPIT, 1972.

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Articles sur l'oeuvre de Mohammed Dib

Pour des raisons de commodité, on a classé les articles par ordre alphabétique de périodique ou de recueil, puis par ordre chronologique pour chaque périodique. On n’a pas fait de tri, préférant donner un aperçu large. On n’a cependant pas retenu les simples signalements : Si les comptes-rendus de presse figurent dans cette liste, on n’a signalé que ceux qui introduisent un minimum d’analyse du livre.

Signalons aussi que pour les références les plus anciennes, cette liste doit beaucoup à la Bibliographie méthodique et critique de la littérature algérienne de langue française, 1945-1977 de Jean Déjeux, Alger, SNED, 1981, ainsi qu’au numéro 6 de la revue Kalim (Alger, 1985) réuni par Naget Khadda. L’essentiel des références a cependant été rassemblé, comme pour les chapitres précédents de cette bibliographie, par les collecteurs de la Coordination internationale des chercheurs sur les littératures maghrébines.

Précisons enfin qu’il s’agit là plus du résultat d’une collecte en cours que d’une collecte exhaustive.

Les titres résumés et les titres traduits sont entre parenthèses.

(Interaction des cultures et des littératures de l'Orient et de l'Occident). (Actes du colloque de l'Institut de littérature mondiale, décembre 1989). Moscou, Naouka, 1992.
SILINE, Vladimir. (Les appréciations de l'Occident et de l'Orient dans la littérature algérienne francophone). p. 317-325.

(Méthodes créatrices et tendances dans les littératures d'Afrique). Moscou, Naouka, 1990.   
SILINE, Vladimir. (Particularités de la méthode des écrivains algériens de la "nouvelle vague"). p. 175-199.

Actes du colloque intern. de narratologie et rhétorique dans les litt. française et arabe. Le Caire, Université du Caire, Département de français. 1990.     
RACHID, Amina. Le narrateur et la terre. Omniscience et éclatement de la voix. p. 169-179.

Actes du Congrès mondial des littératures de langue française, Padoue, 23-27 mai 1983. Padoue, Université. 1984.    
BONN, Charles. Pour une théorie des lieux d'énonciation dans la communication littéraire maghrébine de langue française. L'esemple de la 'génération de 1950' en Algérie. p. 369-375.  
TCHEHO, Isaac-Céléstin. Recherches sur l'évocation du Monde Noir chez quelques écrivains maghrébins de langue française. p. 497-508.

Actes du XII° Congrès des Romanistes scandinaves, I-II. Sous la direction de Gerhard BOYSEN. Aalborg (Dan.). Aalborg Universitetsforlag, 1994. Table-ronde sur les littératures francophones hors de France.   
SEFERIAN, Marie-Alice. Algues, vagues, flux, reflux, ressac et autres images marines de la poésie maghrébine de langue française. p. 529-539.

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DEJEUX, Jean. Djoha, héros de la tradition orale, dans la littérature algérienne de langue française. p. 27-35.  
EL NOUTY, Hassan. L'enracinement arabe dans la littérature maghrébine d'expression française. p. 197-204.    
SARI-MOSTEFA KARA, Fewzia. L'Ishrâq dans l'oeuvre de Mohammed Dib. p. 109-117.   
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Publications du Centre d’Etudes littéraires francophones et comparées
(Université Paris-Nord)

Revue Itinéraires et contacts de cultures.

1982      N° 1 :                   L'écrit et l'oral, 207 p. 

                N° 2 :                   L'enseignement des littératures franco­phones, 219 p. 

1983      N° 3 :                   Littératures insulaires, 186 p. 

1984      N° 4-5 :                Littératures du Maghreb, 383 p. 

1985      N° 6 :                   Paris-Québec, 140 p. 

1987      N° 7 :                   Le roman colonial, 1)., 217 p. 

1988      N° 8 :                   La chanson d'Afrique et des Antilles, 138 p. 

1989      N° 10 :                 Littératures du Maghreb : 1) Perspectives générales. 207 p. 

1990      N° 11 :                 Littératures du Maghreb : 2) Auteurs et oeuvres. 192 p. 

                N° 12 :                 Le roman colonial, 2). 158 p. 

1991      N° 13 :                 Autobiographies et récits de vie en Afrique. 175 p. 

                N° 14 :                 Poétiques croisées du Maghreb. 208 p. 

1992      Hors série :         Edouard Maunick. 208 p.

                N° 15-16 :            Ecriture et oralité: autour de Mouloud Mammeri. 208 p. 

1993      N° 17 :                 Actualité de Kateb Yacine. 208 p. 

                N° 18-19 (2° semestre 1993 / 1° semestre 1994) : Nouveaux horizons littéraires franco-québécois. 240 p. 

1994      N° 20  (2° semestre): Littérature francophone de Belgique. 192 p. 

1995      N° 21-22:             Mohammed Dib. 272 p.

1996      N° 23:                  Visages et paysages du livre pour la jeunesse. 192 p. (Sous presse).

Publications de la Coordination internationale des cher­cheurs sur les littératures maghrébines.

Répertoire des chercheurs sur les littératures maghrébines. Sous la direction de Charles Bonn. Paris, L'Harmattan, 1990, 64 p. 

Charles Bonn, Littératures francophones de l'Emigration maghrébine. Petite bibliographie. 1994, 28 p.

Etudes littéraires maghrébines. Bulletin de liaison semes­triel. N° 1 (1989), 48 p. . N° 2 (1990/1), 52 p. . N° 3 (1990/2), 48 p. . N° 4 (1991), 52 p. N° 5 (1992), 72 p. . N° 6 (1993/1), 68 pages N° 7 (1993/2), 60 pages. N° 8 (1994/1), 64 p.  N° 9 (1994/2), 60 p. N° 10 (1995), 108 p., n° 11-12 (1995/2-1996/1), 154 p.

Collection Etudes littéraires maghrébines. (Collection dirigée par Charles Bonn aux Editions L'Harmattan.).

N° 1 : Psychanalyse et texte littéraire au Maghreb. Sous la direction de Charles Bonn et Yves Baumstimler. 1992. 124 p. 

N° 2 : Guy Dugas, Bibliographie critique de la littérature judéo-maghrébine. 1992. 96 p. 

N°3 : La Modernité littéraire au Maghreb. Ss. dir. de Naget Khadda. 1994. 128 p. 

N° 4 : L'Honneur de la Tribu de Rachid Mimouni : Lectures algériennes. Sous la direction de Naget Khadda. 1995. 94 p. 

N° 5 : Bachir Hadj-Ali : Poétique et politique. Sous la direction de Naget Khadda. 1995. 92 p. 

N° 6: L'Interculturel: réflexion pluridisciplinaire. Sous la direction de Mustapha Bencheikh et Christine Develotte. 1995. 224 p.

N° 7: Littératures des Immigrations. 1) Un espace littéraire émergent. Sous la direction de Charles Bonn. 1995. 208 p.

N° 8: Littératures des Immigrations. 2) Exils croisés. Sous la direction de Charles Bonn. 1995. 208 p.

Coéditions

Bibliographie de la littérature maghrébine 1980-1990. Coordonnée par Charles Bonn & Fériel Kachoukh. Paris, Edicef/Aupelf, 1992, 96 p.

La littérature de jeunesse au croisement des cultures. Actes d'un colloque organisé en 1991 avec l'International Research Society on Children's Literature. Créteil, CRDP, 1993, 352 p.

Culture, texte et jeune lecteur. Actes d'un colloque organisé en 1991 avec l'International Research Society on Children's Literature. Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1993, 324 p.

La dimension mondiale de la littérature maghrébine. Actes du colloque de Heidelberg (octobre 1993). Coédition avec l'Université de Heidelberg. Würzburg, Königshausen & Neumann, 1995, 224 p. 


Table...................................................................................................

Ecrivains, écrits vains ?.........................................................................

Présentation.......................................................................................

D’une œuvre à l’autre :  Petite chronologie...........................................

La logique chromatographique de la trilogie Algérie..............................

Du réalisme descriptif au symbolisme romanesque : Etude d'un fragment de L'Incendie       

« Le Peuple est le royaume de Dieu... » : Expressions de la religion dans Le Métier à tisser 

Sur deux nouvelles de Dib :  Au Café et Le Talisman...........................

En quête d’une autre histoire :  Lecture de deux nouvelles :  Naëma disparue et Le Talisman       

Les Terrasses d’Orsol ou l’indicible appel...........................................

Poétique de la traduction dans Neiges de marbre.................................

A propos du Désert sans détour :  la dérision du parapluie....................

Passerelles & intertextes.....................................................................

D’un texte à l’autre : l’écriture itérative en question chez Mohammed Dib

Mohammed Dib : Errances et pèlerinages...........................................

Arfia revient cette nuit......................................................................

Ecriture et création perpétuelle : entre M. Dib et A. Meddeb...............

Aux voix(es) du désert : le Sens.........................................................

Dans la flamme de l’énigme :  Mohammed Dib et Edmond Jabès.........

Parole et silence : La rive sauvage.....................................................

Les pouvoirs du langage....................................................................

La perspective chronologique dans l’esthétique dibienne......................

La parole-vi(e)sion dans O Vive.........................................................

Le cheminement spirituel de l’écriture chez Mohammed Dib................

Nouveau projet social et métaphore mystique :  A propos du diptyque :  Dieu en barbarie et Le Maître de chasse     

Bibliographie.....................................................................................

Livres de Mohammed Dib.................................................................

Textes courts, extraits et interviews, dans des recueils et des périodiques

Etudes publiées traitant de l'oeuvre de Mohammed Dib, et anthologies..

Travaux universitaires sur l'oeuvre de Mohammed Dib........................

Articles sur l'oeuvre de Mohammed Dib.............................................

Publications du Centre d’Etudes littéraires francophones et comparées (Université Paris-Nord)      



[1] Djaout, "Lettre de l'éditeur", numéro 1 du 4 janvier 1993.

[2] Lettre de Mohammed Dib à Roger Fayolle, le 29 janvier 1994.

[3] Rééd. Sindbad, 1985, p. 45.

[4]  Habel, Seuil, 1977, p. 56.

[5]  Les Terrasses d'Orsol, éd. Sindbad, 1985, p. 28.

[6]  Neiges de marbre, éd. Sindbad, 1990, p. 18.

[7] Ed Sindbad, 1989.

[8]  Esprit, avril 1979, p. 173.

[9] Charles BONN,  Lecture présente de Mohammed Dib. Alger, ENAL, 1988, 273 p.

[10] Naget KHADDA,  L'Oeuvre romanesque de Mohammed Dib, OPU., Alger, 1983.

[11] Charles BONN,  Lecture présente de Mohammed Dib. Alger, ENAL, 1988.

[12] Beïda CHIKHI,  Problématique de l'écriture dans l'oeuvre de Mohammed Dib, O.P.U., Alger, 1989.

[13] Nous avons confronté dans une thèse de doctorat intitulée Pour une poétique de la chromatographie: les cinq textes-programmes de Nabile Farès, soutenue à Paris-VIII en décembre 1993, la pratique scripturaire de cet écrivain à la question de la couleur qu'elle-même sollicitait.

[14] Gérard GENETTE,  Figures III, Ed. Seuil, Paris, 1972, pp. 211-212.

[15] Dans le même ordre d’idées il convient de noter le subjectivème « si solitaires... », infiniment discret et néanmoins sans ambiguïté quant au parti-pris du narrateur.

[16] Ces patrons sont aussi des autochtones. C’est le cas du propriétaire de l’« atelier » (cave) où travaillent les personnages du roman.

[17]  Au Café, Paris, Le Seuil, 1955. Réédition, Paris, Sindbad, 1984. C’est à cette dernière édition que nous nous référons.  Le Talisman, Paris, Le Seuil, 1966. Un troisième recueil,  La Nuit sauvage (Albin Michel 1995), a été publié postérieurement à la rédaction de cet article.

[18] A l’exception du D.E.A. de Malika Tablit :  Analyse structurale des nouvelles du recueil de Mohammed Dib: Le Talisman, Alger, 1980.

[19] Forge n° 5-6, octobre-novembre 1947.

[20] Ibid.

[21] La nouvelle en compte moins de dix-sept (du milieu de la page 11 au bas de la page 27).

[22] “Cette immobilité jointe au silence faisait naître progressivement en moi - je le sentais - de la crainte” (p. 26).

[23] Paris, Le Seuil, 1964.

[24] “j’habite l’air, et la lumière qui brille éternellement…” (p. 139).

[25] A l’exception toutefois d’un paragraphe placé pratiquement au coeur de la nouvelle (p. 130) qui nous ramène un court instant au présent de l’énonciation, comme un point de repère, à la fois rappel et anticipation.

[26] Tous les lecteurs de  Qui se souvient de la mer…, Paris, Le Seuil, 1962, reconnaissent ici une sensation née de la peur, fréquemment ressentie par le héros-narrateur.

[27] A propos de la mort de Saïd, particulièrement douloureuse, le héros-narrateur confie : “Je priai pour l’aider à rendre son âme pitoyable à Celui qui la lui avait prêtée” (p. 131).

[28] Jacqueline Arnaud,  Recherches sur la Littérature maghrébine de langue française. Le cas Kateb Yacine. Tome I, p. 233.

[29] Dernière des nouvelles insérée dans  Au Café.

[30]  Il représente le mot unique (composé de tous les autres).

[31] J. Arnaud, op. cit. p. 233. Je me permets de renvoyer aussi à un article que j’ai écrit sur ce sujet : “Les paraboles de l’écriture chez Dib”, in  Itinéraires et Contacts de culture, Vol. 4-5, Paris, l’Harmattan, 1984, pp. 173-175.

[32] P. Robert,  Dictionnaire de la Langue française, tome 6, p. 646.

[33] Interview,  Les Lettres françaises, 7 février 1963.

[34]  Le Talisman, p. 68.

[35] Id., p. 134.

[36] Id., p. 127.

[37] Id., p. 126.

[38] Id., p. 130.

[39] Id., p. 131.

[40]  Qui se souvient de la mer, Paris, Le Seuil, 1962, p. 189.

[41]  Naëma disparue, p. 68.

[42]  Dictionnaire des symboles, J. Chevalier, A. Gheerbrant, Editions Robert Laffont et Jupiter, 1969, réédition 1982.

[43]  Le Talisman, p. 138.

[44] Maria Zambrano,  Les Clairières du bois, éditions de l’Eclat, Ed. universitaires du Sud, 1989, p. 71.

[45] Ibid;, p. 74.

[46] Cf ma thèse de 3e cycle, Anne-Marie Bonn,  La Rêverie terrienne et l’espace de la modernité, 1976, Klincksieck, « La rêverie du lieu »: chap. 3.

[47] Paris, Sindbad, 1992.

[48] Marc Gontard:  Nedjma de Kateb Yacine. Essai sur la structure formelle du roman, Fès, Faculté des Lettres, 1975, p. 14.

[49] Voir par exemple: E. Sellin « Subterrean fire: The function of poetry in Mohammed Dib’s early novels », Revue CELFAN/Review, Department of French and Italian, Temple University, Philadelphia, 1983, pp. 35-40; Jean Déjeux: Mohammed Dib, écrivain algérien, Sherbrooke, Editions Naaman, 1977; Beïda Chikhi:  Problématique de l’écriture dans l’oeuvre romanesque de Mohammed Dib, Alger, O.P.U., 1989.

[50] Pour des besoins de commodité, nous indiquerons parfois les oeuvres par leur année de publication suivie éventuellement de la page citée, sauf précision contraire: 1953, 1957, 1959, 1961, 1962 correspondent respectivement à  Les Hommes sans vocation, Le Métier à tisser, Un Eté africain, Ombre gardienne, Qui se souvient de la mer.

[51] Voir  La Quinzaine littéraire n°436 du 16 au 31 mars 1985.

[52] Sans compter la sape de l'humour affleurant souvent sous le plus grave. On se rappelle déjà dans  Habel (p 184) : "Le Vieux était arrivé quelque part qui était nulle part. Moi, je ne vais pas de ce côté-là".

[53] Les personnages/narrateurs principaux sont souvent algériens, exilés dans des pays étrangers (France, Finlande...); ils sont quelquefois traducteurs de textes littéraires, etc. Bien des indices de ce genre recoupent des traits biographiques de l'auteur.

[54] Le vocable renvoie là encore à la théorie d'E. Benveniste. Cf. Problèmes de linguistique générale, tome I, Gallimard, 1966.

[55] Dans la revue  Europe n° 674-675, 1985, p. 4.

[56] On se rappelle comment Barthes, analysant "le mythe aujourd'hui" ( in  Mythologies, Seuil, 1957), montre qu'il ne recourt plus au développement discursif des grands mythes antiques mais se constitue par motif.

[57] Remarquons en effet que l'horreur de la guerre d'Algérie n'a pu longtemps, chez lui, se dire crûment dans les textes "à chaud". Des scènes densément réalistes avaient été rapportées dans  Un été africain . Leur répétition à brève échéance ne pouvait que banaliser l'intolérable violence. A l'inverse, au moment où le temps pouvait en avoir estompé le souvenir, Dib recourt à une précision quasi cinématographique dans des séquences- qui surgissent d'autant plus agressivement qu'elles interrompent un discours amoureux - écrites récemment, par exemple dans  Le Sommeil d’Eve.

[58] Des indices semblent autoriser à reconnaître dans le pays étranger du dernier cycle romanesque la Finlande, " pays des barbares hyperboréennes, aveuglantes de blancheur", terre particulièrement exotique et impénétrable pour un narrateur qui vient à l'évidence d'une ville méditerranéenne. Mais ni Orsol, qui désigne celle-ci dans  Neiges de Marbre, ni Jarhber, le nom de la ville d'exil, ne sont des toponymes réels. Dans  Le Sommeil d'Eve, Pohjan, nom de la ville de l'héroïne, est un morphème qui peut s'identifier comme finnois (= le nord), mais il ne constitue qu'un élément adjonctif, et non exclusif, de la toponymie locale. Par ailleurs, Lyyl n'est pas un prénom ni un diminutif usité en Finlande; Lyyli, lui, en constitue un, etc. Il s'agit donc bien pour Dib non de caractériser de façon réaliste, mais de figurer le Nord, l'Ailleurs...

[59] D'autant que dans la tradition arabe, loin d'être une condamnation tragique, Babel consacre l'humanité dans la richesse de sa pluricité. Cf. l'analyse d'Abdellah Bounfour, "Langue et savoir dans le récit de l'origine", in  Psychanalyses, n° 40, 1991.

[60] Thème que Jean Déjeux analysait comme thème majeur de l'oeuvre de Dib. Cf.  Mohammed Dib, écrivain algérien, éd. Naaman, 1977, p. 34-40.

[61] On retrouve ce grand regret, cette douleur de la perte irréparable, aussi bien dans la poésie de M. Dib. Ainsi, dans  Formulaires (1970) : "langage souverain incompatible secret noyé dans / l'écorchure universelle que ma vie s'y perde y / vive sans justification qu'une murailles de ténèbres / se referme sur elle et sourde muette nul médiateur / ne puisse la faire entendre parole qui creuse un / espace vide."

[62] In  Le Roman algérien de langue française, Paris, L'Harmattan, 1985, p. 320

[63] L'influence de la mystique soufie a naturellement été évoquée lors des premières lectures de l'oeuvre.

[64] Traduit de l’arabe par Marcel Bois, ENAP, 1981.

[65]  La Danse du roi, Seuil, 1968;  Mille hourras pour une gueuse, Seuil, 1980. Le second texte est la version théâtrale du roman. Alors que dans celui-ci, trois « textes » se croisent, le soliloque muet de Rodwan, le récit répété de Arfia et la représentation théâtrale, dans la pièce de théâtre, Rodwan et ces voix qui hantent sa mémoire disparaissent.

[66] On sait que dans les temps où le lien avec les forces de la nature était encore visible, la femme mettait son nouveau-né au contact de la terre; ce geste symbolisait un autre enfantement, par la terre. Il n’y a pas si longtemps, dans les campagnes algériennes, la femme accouchait accroupie dans une excavation circulaire, profonde de quelques centimètres: là encore le lien maternel à la terre est manifeste.

[67] Cf. la pantomime de masques qui marque la célébration de Yenayer, nouvel an berbère.

[68] Respectivement, Seuil, 1962, Seuil, 1956 et Denoël 1976.

[69]. M. Dib,  Le Désert sans détour, Paris, Sindbad, 1992. A. Meddeb,  Phantasia, Paris, Sindbad, 1986.

[70]. Notons que le roman débute par la dévastation, paysage après la bataille, amas de débris d'armes modernes...

[71]. Le Coran, XVI, 40.

[72]. Ibn Arabi,  Fusûs al-hikam, I, texte établi par A. Afifi, 2e éd.Beyrouth, Maison du livre arabe, 1980, p. 116 (en arabe).

[73]Kun, sois, en arabe : le fiat créateur.

[74]. Est-il besoin de souligner la place centrale qu'occupe la trace dans la symbolique du désert ? Voir A. Meddeb, "La trace, le signe", dans  Intersignes, n° 1, Paris, printemps 1990, pp. 137-155.

[75]. Ibn Arabi, op. cit., p. 159.

[76]. Voir, en annexe, la citation complète du hadîth.

[77]. Ibn Arabi, op. cit., p. 200.

1 Yves Bonnefoy, “Il reste à faire le négatif”, in  Pouvoirs du négatif dans la psychanalyse et la culture. Paris, Champ Vallon, 1988.

2 Questions de poétique, Seuil, Paris, 1973.

3 Cf. Nabile Farès,  Langue, culture et symbolisme. Doctorat d’Etat. Université de Paris X, 1986.

4 Cf. notre analyse de ce roman dans  Problématique de l’écriture dans l’oeuvre romanesque de Mohammed Dib, O.P.U. Alger 1989.

5 Ed. Gallimard, Paris, 1967.

6 Cf.  Le Livre des questions, Gallimard, Paris.

[78]  « L’Incendie » de Mohammed Dib. Extraits de textes. Publié sans nom d’auteur en 1972, Alger, I.P.N., 54 p. , p. 9.

[79] Déjeux (Jean).  Mohammed Dib, écrivain algérien. Sherbrooke (Québec), Naaman, 1977, 86 p. , pp. 13-26.

[80] Arnaud (Jacqueline).  Recherches sur la littérature maghrébine de langue française. Le cas de Kateb Yacine. Thèse de doctorat d’Etat. Paris-III, 1978. Diffusion: Paris, l’Harmattan, 1982, 1172 p. , pp. 167-258.

[81] Paris, Sindbad, 1992, 136 p. 

[82] N° 5-6, octobre-novembre 1946, pp. 139-142.

[83]  Terrasses (Alger), juin 1953, pp. 19-21. On le retrouvera dans d’autres nouvelles de la même année: « Djamal T. », dans  Simoun (Alger), mai 1953, et « Les Devoirs nouveaux », suivis des « Hommes sans vocation », également dans  Simoun.

[84] A la question de Claudine Acs: « Avez-vous connu cette « grande maison? », Dib répond: « Je l’ai connue sans y habiter. D’une famille bourgeoise ruinée, j’ai côtoyé toutes les conditions sociales à travers les membres de ma famille qui vivaient dans des milieux différents. Ma grand-mère a vécu dans cette maison, ainsi qu’un de mes oncles. » (Interview, in:  L’Afrique littéraire et artistique, (Paris), n° 18, août 1971, p. 11).

[85] Arnaud,  op. cit., p. 223.

[86] Paris, Albin Michel, 1994, 181 p. 

[87] Paris, Sindbad, 1985, 1989, 1990.

[88] Paris, Albin Michel, 1995.

[89] Dans Le Muezzin, paru la même année (Paris, Christian Bourgois, 1968) que La Danse du roi, et qui est un de ces grands textes de la littérature maghrébine que la critique semble avoir presque totalement oubliés...

[90] Selon ce que m’a dit Mohammed Dib lui-même lorsqu’il était en pleine rédaction de ce roman.

[91] Il est intéressant de voir comment Dib parle de leur composition, lente et difficile par rapport aux autres poèmes du recueil: « Lorsqu’on passe beaucoup de temps sur un poème, on atteint l’essentiel, et aussi quelque chose de plus tragique, de plus dur » (Interview par Claudine ACS,  L’Afrique littéraire et artistique (Paris), n° 18, août 1971, p. 13.

[92] Voir entre autres Kristeva (Julia). - « Le mot, le dialogue et le roman », in  Semeiotiké. Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1978, pp. 82-112.

[93] Pour une approche plus complète du vocable « Vive » et l’enjeu du terme « œil » dans la poésie dibienne, voir mon article « Le titre mémorial », dans la revue de l’Institut des langues étrangères de l’Université d’Alger, n°4, 1990, pp. 79-93.

[94]  Qâl’m signifie, aussi, « écriture », « manière d’écrire ».

[95] Désignés, désormais, dans les références paginales, par les initiales: D. B. et M. Ch.

[96] Une nouvelle trilogie avait été annoncée mais le 3ème volet n'est, à ce jour, pas sorti

[97] In  Recherches sur la littérature maghrébine de langue française. Le cas de Kateb Yacine , thèse d'Etat, 1978.

[98] Cette interprétation, la plus évidente, n'exclut pas la référence à ces autres "mendiants de Dieu", Franciscains et Carmes du XIII° siècle occidental marqués par la philosophie d'Averroès tout comme la secte dibienne. (cf.  Encyclopaedia Universalis). Dans un tout autre registre, ce nom réveille les échos du mendieur d'azur de Mallarmé et de l'absente de tous les bouquets.

[99] Si ce diptyque ne revient pas au didactisme réaliste de la trilogie, il n'en affiche pas moins une "thèse" en rapport direct avec le débat d'idées qui se tient dans la société algérienne contemporaine de la société du roman. Cf. à cet égard les très nombreuses interventions dans les débats publics sur l'avant-projet de Charte Nationale en 1976, sur la compatibilité/incompatibilité entre Islam et socialisme, sur les rapports entre tradition et modernité, sur le statut de la femme dans la nouvelle société, sur les choix linguistiques et les rôles respectifs des langues, sur l'option industrielle et le problème agraire etc..

[100] Cf. Thèse d'Etat, N. Khadda, (En)jeux culturels dans le roman algérien de langue française, Paris III, 1987, chapitre :"Une poétique à deux mains".

[101]  Dieu en Barbarie, p. 92.

[102] Mohammed Dib,  Le Désert sans détour, Paris, Sindbad, 1993.

[103] In  Mélancolie de l'art , Editions Galilée, 1985, pp. 17-18.

[104] Freud a montré dans  Totem et Tabou comment l'espace traditionnel de l'art se substitue à la religion et répète de façon différentielle la fête totémique, c'est-à-dire la mise à mort du père et sa divinisation. Le texte de Dib donne bien Lâbane comme le fils de Madjar†: "Singulier spectacle que celui de ces deux hommes dont l'un, à peine plus jeune, se comporte comme s'il était l'enfant de l'autre " (Dieu en Barbarie , p. 81).        

[105] Pluriel de "wali" = saint local dans l'acception religieuse du terme, administrateur régional (préfet) dans l'acception de l’Algérie actuelle.

[106] Denise Maldidier, dans une analyse lexicale consacrée au "Vocabulaire politique de la guerre d'Algérie", montre comment des syntagmes galvaudés par la presse de droite sont "censurés" par la presse de gauche ou utilisés avec tout un dispositif de mise à distance (guillemets - italique - périphrases), même si l'adéquation entre le mot et la chose désignée n'est pas en cause. Article in  Cahiers de Lexicologie, n°15, 1969 - II, Didier - Larousse.

[107] Le seuil invoqué est à mettre en rapport avec ces seuils que la voix féminine dérangée de Menoune visite dans  La Grande Maison et avec la topographie symbolique de l'univers dibien particulièrement exploitée dans  Qui se souvient de la mer et  La Danse du roi . De seuils en portes, murs, puits et carrefours nous retrouvons, mis en saillie par l'italique tout ce réseau qui manifeste l'obsession du passage (mot lui-même soumis avec constance au soulignement), du raccordement et suggère l'existence d'une obscure énergétique dynamisant le monde comme le texte.

[108] Madjar, dans sa conception de l'Islam qu'il expose à Waëd lors de leur dernier face à face, dit la proximité du Bien et du Mal, la liberté et la responsabilité qui en découlent, à ses yeux, ainsi que l'importance des saints qui, en oeuvrant pour le Bien, assument une telle Vérité. En quelque sorte Madjar dit explicitement dans un énoncé ce que la mise en scène romanesque révèle des drames existentiels des personnages et de leurs visions du monde respectives.

[109] Texte qui se développera en plusieurs strophes dans  Le Maître de chasse (pp. 44 à 46) dans une réminiscence de J.M. Aymard. Le jeu de scène où Waëd mime un camelot, (qui couvre une longue séquence du roman et s'achève sur la chute, les quatre fers en l'air, du jeune homme ahuri), enferme le personnage lui-même dans un rôle de marionnette qui anéantit ses prétentions à maîtriser le destin.

[110] J. Berque, par exemple, a pu écrire :  "L'Islam en était venu à symboliser avec la langue ce par quoi les Arabes diffèrent, c'est-à-dire à beaucoup d'égards ce qu'ils sont" (in  Les Arabes d'hier à demain, Seuil, 3° éd., 1976, p. 253). En effet, la langue arabe a, généralement, été associée par l'idéologie nationaliste en Algérie à l'Islam dans le même rôle d'affirmation identitaire. Il est remarquable que dans ce texte de Dib, une dissociation s'opère et que le travail de l'écriture qui focalise ouvertement sur le religieux, fasse le silence sur le problème linguistique qui, pourtant, investit le texte de façon biaise et implicite mais très insistante.

[111] Mot-symbole autour duquel cristallise une part importante du sens dans  Les Terrasses d'Orsol (1985).

[112] Il s'agit du calife fatimide d'Egypte El Hakim (996 - 1021) qui, à la fin de sa vie prétendit être une incarnation divine. Darazi son vizir (qui donna son nom à la secte des Druzes) pousse à l'extrême les théories dogmatiques de l'ismaélisme, met l'accent sur la foi ésotérique et sur l'adoration de l'Imam El Hakim, ravalant au second rang la foi exotérique et le Prophète Mohammed. El Hakim devint l'incarnation de l'Un ultime chez les Druzes. Ils refusèrent de croire à la mort de l'Imam qui ne pouvait être, selon eux, qu'une épreuve destinée à opérer la discrimination entre "croyants et hypocrites" et attendent sa réapparition qui doit advenir au moment choisi. Hakim Madjar, dans cette suite romanesque dibienne, se coule dans cette légende du Mehdi très vivace au Maghreb, prône la foi ésotérique. Son corps disparaît après la fusillade, semant le doute quant à sa mort chez les paysans et le désarroi chez les forces de l'ordre. La racine de Hakim ("hakama"; substantif "hukm") désigne le pouvoir spirituel dont sont détenteurs dans la théorie du théologien de renom El-Ghazali (XII° siècle), d'une part l'imam (intermédiaire de la relation de contrat qui unit la communauté à son Dieu) et, d'autre part les sages savants. Ce pouvoir ("hukm") est distinct de l'exercice du pouvoir en tant que force de contrainte ("chawka" = épine, aiguillon). Dans le roman, Hakim Madjar se distingue par son pouvoir spirituel que la tradition populaire assimile à la "baraka" tandis que Kamel Waëd représente le pouvoir-chawka.

[113] Mouvement inverse de celui, signalé plus haut et qui intégrait l'Histoire dans une narration strictement mythique.

[114] La secte des Qarmat (du nom de son fondateur) mit en application les idées de l'ismaélisme au sein d'un Etat créé dans la région de Bahrein et Oman au III° siècle de l'hégire (X°s. ap. J.C.). Expérience de gestion communautaire des biens et de la vie spirituelle avec la volonté d'assurer le bonheur et l'égalité des hommes, le refus d'une direction héréditaire de la communauté, l'invocation d'un monisme divin qui annule l'idée de pratique religieuse. Cette expérience fascine les écrivains "progressistes" algériens contemporains. On la retrouve en particulier sous la plume de Bachir Hadj Ali, de Tahar Ouettar et de Rachid Boudjedra. Elle est identifiable, ici, chez Dib sans être citée nommément.

[115] Cf. pour ce qui est de l'Islam - mais le mouvement s'est d'abord développé dans le monde chrétien - "Islamismes en Tunisie : la crise ?" par F. Burgat in la revue  Grand Maghreb , n°44, 11 nov. 1985, où plusieurs tendances sont présentées.

[116] Chapitre CXIII : "L'Aube du jour".

[117] Chapitre XVIX : "Le Tremblement de terre".

[118] C'est toujours dans la pensée soufie qu'un mystique de renom: Hassan Basri (mort en 772) concilie par l'état de grâce (ridà) l'insoluble dilemme de la prédestination et du libre arbitre. Néanmoins, c'est une conception très "moderne" du religieux qu'expose H. Madjar dans ce roman. On notera une nette différence entre l'Islam de Teurki - personnage d'un autre temps qui hante l'esprit de Rodwan dans  La Danse du roi - et celui de Madjar. Pour le premier, le mal est vécu comme enraciné par essence dans l'être et le péché est saisi comme impuissance personnelle à surmonter les pulsions du mal. Pour le chef des mendiants, le mal est situé dans la structure des rapports sociaux et la société n'est pas perçue comme un ensemble de statut éternel et hiérarchique où le mal résulterait de la nature coupable des individus. En quelque sorte, la notion de "responsabilité" perturbe et supplante la notion de "culpabilité".

[119] Le fonctionnaire K. Waëd, avec son cursus universitaire brillant, son drame familial qu'il traîne comme une généalogie honteuse, son séjour européen auquel il doit son idéologie techniciste, enfin avec son goût de l'ordre à tout prix, fonctionne à bien des égards comme un personnage-type ayant son équivalent dans la réalité référentielle alors que l'originalité de H. Madjar en fait un être plus radicalement fictif. Si on se réfère aux catégories de personnages dégagés par Philippe Hamon (in "Pour un statut sémiologique du personnage",  Littérature n°6, mai 1972), Kamel Waëd tiendrait du personnage référentiel (le technocrate) et du personnage anaphore : propre au système de l'oeuvre. Quant à Madjar, ce serait, prioritairement, un personnage anaphore et accessoirement un personnage embrayeur : porte-parole de l'auteur. Mais il ne s'agit là que de dominantes, l'auteur étant en fait présent aussi bien derrière Waëd que Madjar.

[120] Des éléments constitutifs de sa personnalité tels que sa pratique syndicale, son radicalisme révolutionnaire, son populisme, son spiritualisme, son syncrétisme religieux, son intellectualisme raisonneur sont autant de traits qui, pris séparément ou combinés à quelques uns, peuvent définir des mouvements d'opinion réels. Mais leur intégration pour la constitution d'un seul personnage en fait une figure symbolique, porteuse de toutes les aspirations diffuses de recentrage du projet révolutionnaire, figure qui, par son exemplarité, plus que par sa vraisemblance, peut susciter l'adhésion.