Ce travail tente d’établir des réseaux de communication entre l’Algérien Rachid Boudjedra et le tchèque Milan Kundera à travers quatre romans : La Répudiation et L’Insolation pour le premier, et La Valse aux adieux et L’Insoutenable légèreté de l’être pour le second. Issus de générations et de cultures différentes, ces écrivains ne répondent pas vraiment aux exigences du comparatisme traditionnel. Les critiques voient pourtant en eux deux des plus troublants auteurs de la seconde moitié du XXe siècle. La subversion, la démystification et la dénonciation sont les maîtres mots de leurs écritures et peuvent en effet être les causes essentielles de tout intérêt porté à leurs œuvres. Cependant, cet aspect ayant été à maintes reprises soulevé et considéré comme une spécificité régionale, culturelle ou circonstancielle, il est apparu nécessaire de suggérer dans cette recherche, l’ouverture des deux auteurs aux problématiques universelles.

Cette étude se compose de trois parties. La première remonte aux sources de l’écriture des deux écrivains et rapproche leurs parcours en mettant en relief les rôles qu’ils attribuent à leurs narrateurs. La seconde partie évoque les principales figures féminines et masculines évoluant dans les quatre romans, à savoir la mère, l’amante et le père. Ces dernières quittent le cadre proprement thématique pour endosser le rôle de catalyseur du récit. L’intérêt pour ses figures, somme toute symptomatiques d’une orientation passée des recherches sur la littérature maghrébine d’expression française, trouve sa justification dans leur présence dans les romans de Kundera. Ils ne sont ainsi plus uniquement l’apanage d’une littérature d’Afrique du Nord, torturée et en quête d’identité. Outre les réseaux de communication établis entre les romans des deux auteurs, d’autres réseaux prennent forme au fil des lectures : ceux qui se profilent entre l’œuvre et le lecteur.

La troisième partie de ce travail concerne donc les interférences entre écriture et lecture. Elle se présente comme une suite de conclusions consécutives aux deux premières parties. Ce dernier volet repose sur la clé de voûte des romans étudiés : le questionnement. L’élément interrogatif permet enfin le dépassement des clichés et donne un sens à l’écriture de la déroute. L’écriture chaotique et décousue ou ce que l’on appelle le délire, l’inversion des valeurs par le procédé de l’ironie, la mise en orbite des paradoxes et l’écriture variationnelle tentent en effet de déstabiliser le lecteur et de le renvoyer, dans un dialogue silencieux, à ses propres incertitudes.