EXPRESSIONS MAGHREBINES
Revue de la
Coordination Internationale de Chercheurs sur les Littératures du Maghreb
(CICLIM)
http://www.limag.com/ExpressionsMaghrebines/www.limag.com
Expressions maghrébines
Revue de la Coordination
internationale des chercheurs sur les littératures du
Maghreb
www.limag.com/em.htm
À paraître :
Vol. 6, no 2, hiver 2007 :
Jean Pélégri
Dossier coordonné par Anna Zoppellari
Le 24 septembre 2003, l'écrivain Jean Pélégri mourait,
en laissant une uvre dense de poésie et de questions irrésolues.
Quatre ans après, la revue Expressions maghrébines lui
dédie un numéro. Quels problèmes, quelles attentes et quelles
perspectives pose un choix de ce type dans une revue consacrée à
la littérature maghrébine ?
Écrivain français né en Algérie, Jean Pélégri
appartient à une génération qui a vécu avec passion
mais non sans difficulté le passage de la période coloniale à
celle de l'indépendance. Si son uvre est centrée sur la
terre natale, elle semble destinée à rester marginale par rapport
à celle de beaucoup d'autres grands écrivains maghrébins
ou liés au Maghreb par leur naissance ou par leurs choix existentiels.
Personne ne pourra néanmoins oublier la force qui fonde l'écriture
d'un roman comme Le Maboul ou l'écho d'un livre d'amour pour le
père et pour l'Algérie comme Les Oliviers de la justice.
L'uvre de Pélégri se caractérise par une forte tension
éthique qui accompagne une écriture assez travaillée et
attentive aux ouvrages des écrivains contemporains. Sans oublier de dénoncer
la colonisation et ses abus, l'écrivain s'adonne à une analyse
des liens quotidiens entre les individus, donne la parole aux humbles de l'histoire
et essaie de dévoiler les logiques souterraines qui en déterminent
les actions.
Le lien avec la terre natale s'établit au double niveau mémoriel
et mythique : rétablir une mémoire personnelle et collective et
faire resurgir l'imaginaire qui se cache sous la surface. L'acte créatif
s'articule à partir de deux impératifs qui en déterminent
les choix thématiques et stylistiques : " dire vrai " et "
dire juste " fondent une remise en cause personnelle et collective ainsi
que l'idée de reconstitution d'une fraternité entre les individus.
Dans cette uvre où le vraisemblable et l'imaginaire coexistent,
le sentiment de l'exil se fonde sur la conscience que le retour est impossible
et que la terre d'origine n'existe plus. L'écriture devient alors une
façon de porter remède à la séparation. Si la fonction
morale semble préliminaire, l'écriture maintient néanmoins
une autonomie et une valeur non mineures, et elle devient le lieu d'une tentative
de rencontre entre les êtres et les langages.
Voilà quelques lignes de recherche à approfondir, mais les travaux
pourront aussi interroger le rapport entre l'histoire et l'écriture,
l'influence des cultures française et maghrébine, les traces que
l'autre a laissées dans le moi. On pourra de même analyser l'imaginaire
qui s'articule autour de quelques figures mythiques et littéraires et
considérer les résonances différentes qui le composent
: écriture-mémoire, écriture-confession, symboles et vie
quotidienne, et tout concours à la constitution d'une uvre stratifiée,
presque tectonique.
Une relecture de l'ensemble de la production romanesque, poétique et
théâtrale permettrait d'aller plus loin dans la connaissance de
celles-ci et de retrouver l'uvre d'un écrivain attentif à
la contemporanéité littéraire ainsi qu'à la culture
nord-africaine. Les auteurs des travaux peuvent aussi effectuer une lecture
personnelle où l'écriture soit mise en valeur, dans le but de
retrouver la centralité d'un écrivain qui a vécu dans un
hiatus de l'Histoire et qui a fait de sa condition paradoxale le moteur d'une
production littéraire faite de passion et de raison à la fois.