Pour une poétique de la chromatographie: les cinq textes-programmes de Nabile Farès - Thèses - Limag
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Thèse

BOUALIT, Farida
Pour une poétique de la chromatographie: les cinq textes-programmes de Nabile Farès
 
Lieu : Paris 8,
Directeur de thèse : Claude DUCHET
Année : 1993
Type : Thèse - DNR
Première inscription pour les thèses : Inscr. 84
Notations :

Résumé:
La couleur scripturaire ou "chromatographie" est l'un des modes qui permettent à la littérature d'investir l'espace de son ambivalence constitutive: entre le réel référentiel dans lequel elle s'inscrit en tant que "fait socialisé" et celui de l'imagination dont elle relève en tant qu'oeuvre d'art. Ainsi la chromatographie, en même temps qu'elle s'approprie le signe "couleur" pour le réinventer, le restitue au monde qu'elle vise à marquer de son empreinte.
Ce postulat, dégagé des cinq textes-programmes de Nabile Farès (Yahia, pas de chance, Un Passager de l'Occident, Le Champ des Oliviers, Mémoire de l'Absent et L'Exil et le Désarroi), a orienté la recherche programmatique autour d'une poétique de la chromatographie comme cela est précisé en avant-propos. C'est également dans cet espace inaugural qu'est mis à jour l'enjeu du phénomène de la couleur écrite: il est situé dans son rapport au monde "Maghreb" qu'une certaine "littérature maghrébine" des années soixante-dix -dont les textes du corpus font partie- s'applique à "dé-lire".
En outre, la question de la chromatographie exigeait que des malentendus soient écartés dès l'introduction parce que, dans son appréhension par la critique, la couleur littéraire oscille entre son indexation au référent (dans une visée descriptive de représentation d'un modèle "naturel") et son indexation à la peinture (considérée comme l'art du "faire-voir" par excellence). Nous tentons, en effet, en introduction à notre problématique, de démontrer que la chromatographie ne relève pas de l'"illusion référentielle", ni d'ailleurs de l'"illusion sémantique" (Cf Genette, "Figures II"): elle participe, au double niveau du signifié/signifiant, de l'engendrement du texte envisagé du point de vue essentiel de son auto-suffisance en tant que "totalisation en fonctionnement". (Cf. Delas et Filliolet, "Linguistique et poétique", Larousse, 1973, p. 47.). Cette participation est étudiée eu égard au caractère nécessaire de la complémentarité des deux combinatoires, syntagmatique et paradigmatique, que requiert le tissage du texte et au texte de la chromatographie. Cette perspective est conforme à l'adresse de lecture qui émane de ces textes-programmes en des termes explicites cernés dans les deux premiers chapitres.
La combinatoire syntagmatique concerne directement, dans le troisième chapitre, les opérations de la chromatographie inscrites dans des énoncés ponctuels où elles puisent leurs effets de ce qu'elles se réalisent en figures dont la rhétorique a déjà élaboré la taxinomie. Le quatrième chapitre, sous l'égide de cette combinatoire, est consacré aux énoncés qui illustrent les catégories formelles de la narratologie (séquence, propositioon, prédicat) en recouvrement de celles de la grammaire de la langue. Le but de cette superposition de deux grammaires, au-delà d'un rapport simple d'homologie, est de souligner l'absence d'une éventuelle équivoque quant au pouvoir narratif de la chromatographie dans l'espace le plus rigoureux qui soit: celui délimité par la logique de la grammaire de la langue.
A l'ensemble de ces quatre chapitres de la première partie intitulée "combinatoire syntagmatique de la chromatographie" succèdent les quatre chapitres de la seconde partie qui porte le titre de "combinatoire paradigmatique de la chromatographie. Il s'agit, dans l'optique de cette seconde combinatoire, de traiter de ce même pouvoir narratif de la couleur scriprturaire mais sur le plan vertical; ce pouvoir ayant la capacité de prolonger par ourdissage les mêmes énoncés que ceux dont la première combinatoire a saisi "chromatogaphiquement" la trame. Ce déplacement de l'axe de lecture a dicté la substitution de la notion de "particule" (chromatographique) à celle de prédicat (chromatographique) --en tant que plus petite unité signifiante -- pour sa dualité opératoire (autonome/Non-autonome) apte à élaborer un récit chromatographique.
Pour démontrer que ce récit est un mode de récit et non pas seulement un des aspects du récit proprement dit (cf. définition de G. Genette: "représentation d'un événement ou d'une suite d'événements réels ou fictifs par le moyen du langage et plus particulièrement du langage écrit"), comme il peut en être inféré de la réflexion de G. Genette quant à cette "frontière" du récit, "intérieure et somme toute indécise" que constituerait la description même "modifiée de page en page", il est étudié dans la relation aux deux autres récits déjà consacrés par la critique: celui du type défini par G. Genette (chapitre 1) et celui du type de la métaphore (chapitre 2. Cf. E. Cardonne-Arlyck, "La Métaphore raconte: pratique de Julien Gracq", Paris, Klincksieck, 1984)) dans "Yahia, pas de chance". Se distinguant nettement de ceux-ci, cependant qu'il les croise (cf chapitre 3), sa puissance narrative est telle qu'il exige que soit forgée une notion à même d'appréhender la pertinence de son activité: le "chromotope" désignera le travail de transformation de la concomitance du temps et de l'espace en consubstancialité signifiée au niveau chromatographique.
Mais l'organisation du syntagme narratif dans ce premier roman "Yahia, pas de chance", lequel même atteint de suspicion n'en demeure pas moins, et le tissage de ce récit chromatographique aux deux autres sus-cités peuvent laisser plâner un doute quant à la propriété narrative distinctive de la chromatographie. En conséquence, le dernier chapitre (IV) réservé à l'opérateur symbolique de la couleur scripturaire, à savoir "le principe d'Arlequin", traite du processus d'engendrement de la particule chromatographique dans le cas où le récit proprement dit est en "lambeaux". Assurant la continuité dans la discontinuité, cette ârticule construit dans l'espace des quatre autres romans successifs l'ubiquité du chromotope inauguré dans le premier roman. Conférant à la métaphore d'Arlequin sa valeur de "principe", selon une formule de l'oeuvre, "Le Champ des Oliviers", la particule contribue fortement à tisser les cinq romans en un tout achevé dont elle est le "nombrant" (cf. J. Kristeva, "Recherches pour une sémanalyse", Le Seuil, 1969, p. 300). En outre ce "principe d'Arlequin" est désigné comme inhérent à un territoire d'écriture, signifié du signifiant "Ogresse" qui est l'axiome de ce principe d'écriture de la chromatographie.
En conclusion il sera établi que l'"Ogresse" est en fait l'axiome du générique écriture, et en cela ce signifiant "sursignifie" cet "inconscient du texte" que la chromatographie a révélé dans tous les sens du terme