Le Regard du loup - Livres - Limag
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Livre

BEN FARHAT, Sofiane
Le Regard du loup


 
Lieu : Tunis
Éditeur : Imprimeries de la SNIPE
Année : 2009
ISBN : 9789973053411
Pages : 208
Type : Roman
Collection, autres éditions : ,
Notations :

Foundou, le narrateur, nous invite à feuilleter sa ville. On y attrape prématurément l’ambition, presque jamais la gloire, désespérément le cafard. Terreau des grands exilés, tombeau des conquérants et prophètes, auberge de douleur.
Le plus grand vice, c’est d’y être adulte. Age ingrat et tordu, courtoisement poltron. Il n’a de cesse de se dérober. Son unique épaisseur est celle de l’état civil. Quelques lignes sur des registres jaunis. Du papier sépia quadrillé à l’ancienne. Et rien d’autre. Un pont sur l’abîme. Il récuse autant l’espérance juvénile que la renonciation tardive. S’il refuse l’idéal, il adore la caricature. La sénilité précoce le dispute à l’adolescence attardée. Les jeunes ont l’âme en peine. Ils portent le lourd fardeau des vieux briscards. Les vieux y sont d’une insoutenable insouciance. Ils se gavent des puérilités les plus terre-à-terre.
Beaucoup de morts-vivants dans sa ville. Beaucoup de nains aussi. Et dans les petits villages, les nains se prennent facétieusement pour des géants. Les cercueils n’y sont dès lors jamais à la dimension des cadavres. Ni les cimetières à la mesure des sépultures. Du coup, beaucoup de défunts sur pied. Le morbide travestissement de l’être et du paraître y pervertit même la mort.
Masque de mort et ardeurs joyeuses. Telles ces fresques moyenâgeuses de la Danse macabre. Un squelette entraîne dans sa danse des paysans et des rois, jeunes et vieux, humbles et nobles, riches et pauvres. Personne n’y échappe.
C’est une histoire d’eaux. La pluie creuse des rigoles tortueuses. Elles glissent imperturbablement entre plaines et collines. Se frayent instinctivement un chemin vers la mer. Abondants ruisseaux de larmes rejoignant le grand large. La mer, ultime auberge de la souffrance. Le terreau de l’exil. Les vagues sont chargées du parfum abîmé des soupirs. Vaste cargo à la cale gorgée de déchirante nostalgie. Vaisseaux de désespoir, de gémissements sourds de vies gâchées. Voiles tissées dans l’étoffe des songes et des douleurs, cinglant vers les rivages lointains de cimetières d’infortune.
Foundou est un impitoyable témoin. Il raconte la chute d’un bon père de famille, sa descente aux enfers. L’or dans les bas-fonds, le conformisme larvaire, la déchéance des notabilités. Une histoire tendre et féroce. Ecriture de foudre. Survol au scalpel. Trop humain pour ne pas nous renvoyer à nos miroirs dissimulés.