Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut - Livres - Limag
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Livre

BELASKRI, Yahia
Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut


 
Lieu : La Roque d'Anthéron (13)
Éditeur : Vents d'ailleurs
Année : 2010
ISBN : 978-2-911412-74-5
Pages : 128 p.
Type : Roman
Collection, autres éditions : ,
Notations :

Déhia et Adel sont en vacances, en amoureux, et visitent l'Italie. Leur couple est solide, mais l'histoire des deux amants n'a pas toujours été aussi heureuse. Ce sont leurs histoires, tragiques, ainsi que celle de Badil, le frère d'Adel, que nous conte Yahia Belaskri.



Le point commun des trois protagonistes, c'est l'Algérie, le pays dans lequel ils ont grandi et qu'ils ont décidé de fuir. Car ils ont été victimes du fanatisme religieux qui a frappé l'Algérie dans les années 90. Pour Déhia, la violence a pris une forme familiale. Jeune femme libre, poussée par ses parents qui refusent l'emprise irrationnelle de la religion et soutenue par Salim, son amant professeur à l'université, elle voit ses frères prendre une toute autre orientation. Pour eux, rien ne peut se faire sans le consentement de l'autorité religieuse, et il est inconcevable de ne pas se plier aux injonctions de cette dernière.



Adel rencontrera une violence plus sournoise, plus lâche, celle des attentats. Employé dans une entreprise, il doit se plier malgré lui aux manœuvres de corruption et de népotisme du pouvoir. Un jour comme les autres, le bâtiment où il travaille est l'objet d'un attentat. Par malchance, Besma, son amie, s'y trouvait également. C'est le début pour Adel d'une lente remontée des enfers.



Badil est le jeune frère d'Adel. Virulent, il joue avec les limites de la loi et fait assez vite connaissance de la prison. Dans sa famille, le seul sur lequel il compte, c'est Adel. Mais avec l'attentat, ce dernier ne lui consacre plus de temps ni d'énergie. Alors, quand Badil apprend que son frère est en Europe, il décide de prendre place sur une embarcation de fortune pour traverser la Méditerranée.



Par l'évocation de ces trois destins, liés par le malheur et la malchance d'être né dans un pays en proie à des violences religieuses, Yahia Belaskri dresse un portrait assez peu optimiste de l'Algérie. La violence, qu'elle soit frontale ou plus sournoise, fait toujours des victimes parmi ceux qui ont décidé de se tenir à l'écart de celle-ci. C'est en voulant échapper au dictat de la religion ou à la misère générale que chacun sera confronté à un destin tragique. Si l'intrigue du roman est foncièrement morose, l'auteur parvient à ne pas noyer le lecteur sous des torrents de larmes et de bons sentiments. En restant à distance de ses personnages, il dresse un portrait objectif de ce pays qui a été le sien et qu'il a quitté en 1988. La construction, jonglant entre le présent, avec le voyage d'Adel et Déhia en Italie, et le passé, permet d'atténuer l'aspect sinistre de l'ouvrage, car on sait d'emblée que certains vont s'en sortir. Avec une écriture empreinte de beaucoup de délicatesse et de retenue, Yahia Belaskri signe un roman émouvant et porte un regard sans concession sur son pays d'origine.



Extrait:



" Elle s'en va sous la pluie, s'engouffre vite dans sa voiture.

Déhia prend l'autoroute, longe la mer. Grise, houleuse. Tout est gris, la mer et la ville. Les hommes sont gris. Les voitures roulent à toute allure, à droite, à gauche, doublent, redoublent, dépassent. Le ciel est si bas qu'il semble toucher terre. La pluie ne s'arrête pas. Ici et là des voitures immobilisées, le capot ouvert, les conducteurs à leur chevet. Déhia prend une bretelle, enjambe un pont. La route grimpe, la circulation se fait dense, les piétons apparaissent, la tête dans les épaules, les pieds dans l'eau qui déborde de partout. Les klaxons se font entendre. Les feux tricolores dansent sous la pluie, un coup vert, un coup orange puis rouge, les voitures roulent au vert, à l'orange, au rouge. Les klaxons vrillent encore. Plus haut, au carrefour des Dames, un policier règle la circulation. A droite, à gauche, devant, derrière. Il siffle, siffle encore, s'époumone, ne s'énerve pas, agite les bras dans tous les sens. Vert, orange, rouge, une flaque d'eau qui atteint les piétons, insultes humides, brèves. Il pleut. Sur la ville et ses habitants, sur les maisons et les voitures. Il pleut partout, même dans le cœur des hommes. Il pleut à n'en plus finir."