Le lyrisme engagé? La poésie francophone du XXème siècle face à l'événement - Thèses - Limag
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Thèse

VALFORT, Blandine
Le lyrisme engagé? La poésie francophone du XXème siècle face à l'événement
 
Lieu : Lyon 2,
Directeur de thèse : Bruno Gelas,
Année : En cours.
Type : Thèse - DNR
Première inscription pour les thèses : , 2009
Notations :

La recherche universitaire a longtemps cloisonné les différentes aires culturelles de la francophonie. Cependant, il semble tout à fait légitime de questionner le rapport entre certaines régions sans succomber à l’image simplificatrice de la grande « fratrie » francophone. Ainsi, dans les deux aires qui se présentent comme le Levant et le Couchant d’un même monde arabe –le Machrek et le Maghreb-, des poètes ont choisi la langue française pour réagir à certains événements de la seconde moitié du XXème siècle tels que la guerre d’Algérie, la guerre des Six Jours, et la guerre civile libanaise. Le choix du français –dont les enjeux sont évidemment très différents dans ces deux aires, compte tenu de leur histoire coloniale- soulève des questions identitaires qui méritent d’être analysées. L’étude de la poésie engagée de la seconde moitié du XXème siècle permet d’envisager le rapport culturel, idéologique et esthétique de ces deux régions qui, tout en étant réellement distinctes, cultivent peut-être un imaginaire commun. La brutalité du fait historique crée-t-elle ponctuellement une terre poétique commune au Maghreb et au Machrek ? A-t-elle favorisé le rapprochement temporaire de ces deux régions, à travers des références culturelles, des mythes, des postures lyriques, et des questionnements esthétiques partagés ? Ces problématiques sont particulièrement saillantes lorsqu’on analyse plus précisément le genre poétique, l’un des marqueurs identitaires forts du monde arabe. En effet, l’usage de la poésie, héritière d’une tradition ancienne, souvent assimilée à un âge d’or, est beaucoup plus populaire et spontané qu’il ne l’est en France, par exemple. Ce corpus poétique permet aussi de réexaminer la question des rapports entre lyrisme et engagement, entre l’Histoire et l’intime. La voix lyrique définit-elle, dans ces recueils, une identité nationale ou supranationale (une identité arabe ?) tout en assurant l’affirmation de l’individu face à la communauté ? Comment l’événement historique, indissociable des problématiques collectives qu’il soulève, est-il transformé en un événement intérieur permettant l’avènement du ’je’ lyrique ? Cette question est particulièrement cruciale dans les œuvres de deux écrivains : Nadia Tuéni, poétesse libanaise, et Jean Sénac, écrivain né en Algérie. La voix féminine qui se fait entendre en pleine guerre civile libanaise porte en elle une autre tragédie, individuelle cette fois-ci : Nadia Tuéni est, à la même époque, victime d’une maladie incurable. La longue agonie de la poétesse se superpose donc à celle de tout un pays. Jean Sénac, quant à lui, vit individuellement le conflit identitaire qui se joue pendant la guerre d’Algérie. De mère espagnole et de père inconnu, son statut de « gaouri », suscitant la défiance du peuple algérien, ressurgit continuellement, en dépit de son engagement profondément anticolonial. Son homosexualité le condamne de surcroît à une autre forme d’ostracisme ; pour Jean Sénac, la guerre de libération est donc aussi celle de son propre corps. A travers le lyrisme, l’événement historique ouvre la voix/e de l’intime qui révèle les différentes strates du questionnement identitaire et lui donne une portée universelle.