Sous peine de mort 2
 
 
 pour Mahmoud Darwich -
 
 
 
30 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 *
 
j’écris néant
face au désert menteur où je ne suis personne
face au mystèreatroce où je deviens un spectre
pauvre étoile édentée dans la clarté du jour
 
néant
sur tous les assinssins
les pauvres assassins de l’ espérance humaine
 
néant
couleur de rien
couleur de mort
de rêves mis en cage au plus bas du silence
                            au plus bas de soi même
ombre de ciel aveugle
ombre de jours mauvais
                      tachés de boue
                                 de sang
                                              mal commencés
ombre de chien malade
de neige morte au coeur
de vie rompue mangée de nuit
                     d’ orgueil et d'arrogance blanche
 
ombre de loup féroce errant dans la grisaille
tristesse adulte et noire où la sueur de l’ âge
fixe en nous son ciel noir et nous défend d’aimer
la fleur où perle encore un peu de notre enfance
 
ombre
douleur de rouille atroce
où je ronge mes liens dans l’amertume absurde
absence au jour fugace étroite et vaine absence
 
néant
couleur de mort solaire
néant triste et confus sur toutes vos idoles
 
 2-
 
 
j’écris néant couleur de rien
         rivière en crue drainant ma terre arable
mon temps de pierre douce à ton visage en armes
mes arbres fous d’oiseaux menteurs et véridiques
 
ma vie
cadavre après cadavre aux yeux bleus d’ espérance
tendresse après tendresse et chanson putrescible
 
ma vie
qui échoue dans un coin de votre vaste exemple
 
ma vie
          battue à mort par les hommes de proie
          mordue au sang par la canaille infâme
          saignée
                      mise en loques de faim
                                                       bloquée
dans le gel sans lumière où l’on traine le pas
de maison de tristesse en maison de tristesse
de trottoir en trottoir sans trouver nul abri
par temps de nuit
                de crime face à la conscience
                de songe triste et de pesante haine
par temps de glace et de laideur
de terre en terre
errance au ciel brouillé et douleur sans chemin
ombre de mort humaine
          d’ espoir vaincu
                       réduit à rien
 
ombre de main tendue vers quelle aumôme triste
au regard froid
comme un matin coupable au pied du dernier mur
ombre de mort confuse
aveugle est la voyance
nuage ignoble
passé de nuit sanglante et de multiple horreur
où nous errons
sans lieu ni trace claire
fantôme d’un autre âge errance au jour malade
silence
où meurt ma résonnance d’arbre et de printemps
 
3-
 
ah ! quelle nuit
de vieille terre morte sans tendresse d’ herbe
habite ma conscience en peine
et me déchire au vent qui rase en nous martyrs
brûlés de froid
toute jeunesse et toute force
la joie du sang et de la danse
où mon coeur se connait racine fleur et fruit
de sens agile et grave et fou de sève antique
et mûr
pour la sueur de vivre
en tout lieu où l’ humain se dessine un visage
 
 
4-
 
 
ah ! quelle nuit de terre morte
en nous fous de chagrin stérile
où nul astre n’explose et ne prononce un verbe
terre morte à l’aurore où l’ombre use le sang
et mord
la chair nue qui espère
retourner au printemps boire son plein de neige
de lait noir et d’amour
son plein de douce écume et de blondeur gagnée
dans un chant de faucile au songe d’ espérance
où l ‘amour se défend au plus haut de son âge
au comble de sa force d’arbre
comme on défend sa vie son rang et son honneur
parmi le noir timulte où l’homme est un fardeau
 
 5 -
 
* 
 
ah ! quelle nuit
de terre morte en nous pris de rigueur nocturne
chargés de pierre et de grisaille
dès l’aube où nous fûmes vaincus et désarmés
par l’étrange douleur au teint de vaine absence
qui pénétrait nos corps pour y porter son poids
de sable et de laideur où nous perdions la tête
de neige amère et d’épouvante
                                             pour nous courber
et briser nos squelettes
qui se mirent soudain à danser dans l’horreur
à luire
         face au mensonge
du maître obscur et laid en son langage d'ombre
                                   en son ouvrage absurde
dentelle
de glace et de torture
                                     qui éteignait nos yeux
à toute heure de vivre au plus clair de soi même
à toute heure du jour qui nous heurtait sonore
 
6-
 
silence
les pièges sont tendus dans la ville spectrale
où nous errons gardés à vue
dans la mort déployée où veille un mercenaire
arme pointée sur notre coeur
de haine et de silex hautain
 
les pièges sont tendus et nous errons aveugles
où nous pleurons de froid
                                     de faim et de rancoeur
contre ce temps de mort où nous ne sommes rien
que spectre fous
aux yeux bandés de noir dans une ville infâme
dans un tunel de rues qui pue
                                 l’ordure et la charogne
absinthe et labyrinthe où meurt le voeu d’aimer
 
 7-
 
les pièges sont tendus par des mains sans pudeur
et nous pleurons de froid entre glace et sourire
 
moi seul
je reste en mon burnous
les yeux rivés
sur un boulet de gloire
qui traine en mon passé et luit
comme une étoile en sang en mon printemps futur
 
 8-
 
 
les pièges sont dressés dans la nuit familière
près de la source éteinte où pleure un innocent
près de toute jeunesse où se dresse un coupable
près de toute espérance à l’assaut de la haine
entre nos mains de chair de feu et d’éprouvante
et sous nos pas errants dans les jardins mortels
aux senteurs de printemps et de juste naissance
 
silence
les pièges sont partout dans toutes les questions
                                  dans toutes les réponses
dans toutes les paroles
                                  partout
                                  où passe une étincelle
en tout effort de vivre arbre au verbe innocent
en toute vigne humaine où danse un vendangeur
heureux de son travail
heureux de sa fatigue
heureux d’ être lui même au centre de la fête
 
9-
 
silence
je reste en mon burnous désert où je m’invente
un grand miroir serein pour mon rêve essentiel
fuir ma légende obscure aux pas de cendre morte
pour entrer dans la joie de faire
un seul domaine
           de votre force tendre
 
mes frères sans visage à vivre
ombres couleur de rien couleur de nuit blessée
couleur de vent et de mystère
couleur de pierre morte et d’éclairs pétrifiés
parmi les ordes tyrannies
rouillées
dans leur cercueil de haine
 
*
 
je reste en mon burnous loin de ma haute image
dans une geste atroce où je demeure un spectre
dans une rue aveugle où le brouillard m’étouffe
de sa main froide et nue
                                     loin de mon vrai visage
et du malheur sans fin qui souille mes chansons
 
 10-
 
je travaille en secret à taire dans mon coeur
les loups de la démence
les chiens surpris de rage aux confins de la honte
les rumeurs que la haine engendre en mon domaine
le bruit sans importance des ombres que je croise
en ce siècle d’angoisse
le ciel brisé
         pourri d’ étoiles mortes
         au teint de sang fertile
 
la mort
qui me prend à la gorge et me couronne hiruste
 
 
11-
 
je travaille en silence à taire dans mon coeur
les peurs
              la nuit putride
                                   la haine les rancoeurs
la boue casquée de mort qui rôde en mon village
qui me charge d’angoisse en terre d’ espérance
qui blesse mes oiseaux au plus haut de leur joie
qui brûle mes moissons futures
et traine mon cadavre
                                là bas
                                            dans la lumière
où mon travail se brise
où l’on écorce l’homme au milieu des ordures
des chiens hargneux de la violence
dans la nuit sans pardon où je meurs d’insolence
 
12-
 
 
je travaille en silence à taire dans mon coeur
toute forme de haine où je perds ma franchise
mon rang
               ma joie de vivre
                                       ce qui me sert de loi
de lettre de franchise et de présence au monde
ce qui me sert de geste et de rempart hautain
contre bassesse meurtre et terreur quotidienne
où je suis au supplice quelque plaine qui saigne
dans sa vigne qui pleure
étrange dans l’automne
                                   rouge et bleu de salpêtre 
 
 
13-
 
 
je travaille en silence à taire dans mon coeur
mon long passé de chien battu
                                              et mon ivresse
d’esclave aux larmes intérieures
de cargaison
de bonne argile humaine
jetée par dessus bord comme un déchet de sang
 
mon long passé de soie brûlée
                        de terre morte
de sang versé parmi la fange
de joie rompue
par un délire d’astre en fuite
de mise à mort
                       de mise à terre
                                               de mise en terre
de faim au soleil de nos danses
de neige au coeur et de colères
de loques froides
de jours gâchés à vide et de crachats de sang
pour le confort du maitre au jour odieux à vivre
mon long passé de proie me remonte à la gorge
je sors de ma légende et je rencontre un loup
 
 
je fus toujours la proie
des fous
             des mercenaires
             des monstres prédateurs
des gens chargés de nuire à mon visage en fête
chargés
             de supplicier ma chair
             de crucifier mon être
au nom
de leur dieu de monaie et de torture infecte
pauvre dieu de l’encan dans la nuit mercantile
 
je fus toujours la proie
des gens
               venus de loin sanglés dans leur délire
bloqués dans leur logique terne
et sûrs de leur pouvoir de mort
brûler
dans la nuit verte des savanes
                                             l’humain visage
 
 
14-
 
 
expulsés dans la nuit des forêts de l’ enfance
nous avons en partage un secret dans la pierre
et nous sommes témoins du crime et de l’ordure
qui font de notre chance un poteau de torture
un songe
un dernier ciel à vivre
 
les hommes sont au loin
                                     là bas hors de la boue
et leur travail serein comme une étoile à vivre
miroite
au dessus de nos peurs des nains et des reptiles
sans altitude en l’âme
 
les hommes sont au loin hors des chemins truqués 
et leur lumière est pure où le printemps verdoie
 
15-
 
l'autre reste la nuit griffue
qui me chasse au dehors de ma force au ciel ivre
qui me ruine à l’avance et me condamne à vivre
un autre temps
                        le sien
                                   un temps sans aucun sens
fou de chagrin stérile au flanc de ma défaite
ciel en cendre
et sans visage à vivre
 
16-
 
je rentre en ma légende et je rencontre un nain
des hommes pétrifiés pris de mystère et d’ ombre
dans la vieille caverne où ma légende est morte
privée
          de sa substance
                                     de son pouvoir d’éclair
de son poids de bonheur qui saigne dans ma vie
sans plus de sens à dire au jour que je célèbre
à l’ herbe qui s’éveille
en nous
hommes bleus de fatigue
plaine bleue d’ espérance
vergers fous de lumière où la splendeur exulte
 
éclairs
parmi le chant des fleurs.
 
17-
 
je reste en mon burnous en mon abri de peine
je reste dans la pierre un instant de lumière
et de source en verdure je m’éveille au monde
hélas
je ne peux pas entrer on me laisse à la porte
 
on se méfie
de ma vieille jeunesse aux vagues d’espérance
de mon âge de pierre aux meules de nuit grave
de mon secret mortel aux algues d’ herbe douce
de ma journée fertile où marche un arbre libre
 
on se méfie
de ma plus douce alliance avec le temps soyeux
de mon siècle apatride aux larmes innocentes
de ma patrie humaine où l’homme est un devoir
de mon pouvoir de neige où j’écris ma croyance
 
on se méfie
de mon absence claire aux orgies des crapules
de toi miel exemplaire au lent travail d’abeille
de moi source en la pierre claire en sa réponse
de nous
de nous vivre en l’incendie de l’aube
du jour qui monte à notre taille
 
je reste en mon burnous dans leur hiver de haine
où je m’eveille au monde pour l' être et pour l' avoir
mais on me laisse au seuil de ce domaine étrange
qui se dresse sans moi
                                   là bas
                                              et contre nous
sans nul autre rivage 
                               que ma chair au pressoir
et ma conscience en croix 
 
caverne
où je m’éveille
pour me savoir en marge
en dehors de l’amour où j’ai planté ma force
loin de toute moisson où la blondeur chatoie
loin de ma propre image insultée par un chien
loin de la porte ouverte dans mon règne humain
 
 
18-
 
l'autre reste le maitre
le promotteur sanglant de mon destin de fange
le maitre de la source où mon ancêtre pleure
son culte absent
face au pouvoir des nains armés de suie avare
ma joie brûlée
dans le dernier naufrage
mon grand soleil noirci de lèpre et de famine
mon nom tourné en dérison ma force éteinte
et de plus en plus lente à monter sur la terre
vers son lieu de printemps où voyage l’ amour
 
ô ville infâme où nous errons
de rue en rue
de plus en plus cruelle
de fleur en fleur
de plus en plus stérile
de regard en regard de plus en plus morbide
glacial et destructeur
de toute source claire où mon ancêtre pleure
notre spectrale image vendue au marché noir
mangée par la laideur et les manies infirmes
 
 
19-
 
nous restons à la porte au flanc du siècle atroce
qui fuit dans le malheur
 
être une pierre d’ ombre où plus rien ne subsiste
nulle étincelle
 
être une terre où rien ne pousse pas une griffe
aucune ronce
 
être un étang de lèpre que nul songe n’agite
 
être un désert de haine
hiver de faim dentue sans rémission possible
de mort sans innocence
de mort qui se conjugue au néant de se taire
de nuit au son perfide
hiver de chair bleuie brûlée par l’âge aveugle
élans perclus de gel
                              pourris
                                            orange à terre
 
à nous
           la peur le râle et le crachat sanglant
 
à nous
           la nuit fermée comme un sépulcre
           l’espoir et son fardeau d’épines
           les jours pourris de lassitude morne
 
à nous
la fleur fanée la flamme friude
la joie sans sépulture
la fin de moi honteuse
nos martyrs en poussière et nos héros perclus
notre herbe sous le vent peuple défait de nuit
nos rêves
               au pied du mur
                                          et fusillés à l’aube
et notre bouche ouverte emplie de sable aride
face au malheur
                        qui brûle nos moissons d’épines
et nous hante à jamais de lèpre et de blancheur
 
à nous
splendeur passée et gloire morte
les lianes de la peur de vivre
la peur du lendemain dans toutes les maisons
 
à nous
ce qui ruine en secret la fleur de notre sang
l’opium de votre chant mortel
                                            le jour absent
minuit en tous les yeux crevés
la toux sans espérance et la lèpre au visage
 
à nous
l’horreur d’être un fantôme égaré dans la chair
 
 
20-
 
ce que je tente en vain est un travail diurne
dans un astre en péril frappé de nuit stérile
 
21-
 
ma route est sans issue
                               sans autre issue que vivre
les saisons du malheur qui me cerne d’angoisse
la longue nuit de sable où j’oublie mon secret
le grand geste d’amour où mon coeur se défait
                                  où je meurs de silence
ô cage ignble et triste où je ne suis personne
 
ma présence est absence et ma force un délire
de glace et de violence aux larmes intérieures
 
ma route est sans issue
que vivre
pour rompre avec la mort
qui me suit à la trace et me tente de pièges
et voudrait me bercer de splendeur sans rivage
que l’astre en voyage et la moisson mouvante
 
maison claire
où je tente de vivre
route vers le bonheur des multitudes claires
chanson de joie vivante verger de tendresse
où je m’invente humain
sous un monceau de nuit de fange et de laideur.
 
22-
 
acte et parole
datés
de cohérences
 
passé lointain de deuil présent grand de lumière
travail d’argile tendre au grand soleil de tous
et pur chainon bruissant entre vivre et mourir
un arbre
au pas vivant qui abrite en sa grâce
la simple joie de vivre une plus douce enfance
 
un homme
aux surprenantes roses
 
un homme au pouvoir clair se retrouve un visage
aimant les hommes véridiques
dans leur travail
de graine sous la neige et d’amandier en fleur
de nuit vaincue
de mort féconde
changée en doux martyrs
en lieu de vaste joie où se retrouve
aprés la nuit de ronce 
 
acte et parole
un homme
pesant de vigne et de blé dur
pesant de terre douce et de tendresse d’astre
de toute eon enfance au chant d’argile grave
au bruit de source pure et de chansons de pluie
 
un homme
chemin de ma naissance au jour
pesant de bonne argile et de haute espérance
de lendemains rugueux au printemps véridique
pesant d’être un visage humain
pesant d’être un exemple au vivre scintillant
dans la journée blessée de meurture mercenaire
où le jour se dégrade et pourrit dans un cri
 
ô douceur
que l’on torture
 
un homme acte et parole
                           pesant
de tout le poids humain qui lui déchire l’âme
et brûle son dernier vaisseau
par un soir de douleur dans la rue de l’enfance
où délire une enclume en la hauteur de vivre
 
 
23-
 
acte et parole
un homme au pouvoir clair brille en demain soyeux
qui vibre dans les yeux des pauvres de ce monde
chaire nue sous la caresse à sa naissance d’aube
 
astre et parole un homme
que l’on traque partout aux confins de soi même
que l’on baillonne aux yeux de tous
que l’on égorge en vain au profond des cavernes
chair suppliciée à son plus beau moment de nuit
à l’heure grise
où sa détresse explose et se traine coupable
dans une boue de sang et de fanfare horrible
de croix gammée et de rouelle ignoble
four crématoire
nuit coloniale
tambour à l’aube
un bandeau sur les yeux au poteau de torture
                                            potence au soir
terre usurpée ma chair est un affreux baptême
 
je suis l’homme traqué de faims et de vermine
 
traqué
d’être neige au printemps un amandier en fleur
d’être un ciel souterrain
 
traqué
d’être un vivant au coeur du cimetière
que l’on appelle vivre en ce monde impossible
 
lumière exacte
herbe nouvelle
herbe rebelle
étoile prime étoile au coeur du temps du pauvre
un grand soleil humain au printemps véridique
herbe morte en silence
dans ce monde impossible
qui piétine l’enfance et les vergers de l’aube
 
ah ce monde impossible où l’on traquel’humain
où l’on pense pour nous
où l’on parle pour nous dans les cages de haine
où l’on mange pour nous cendre étrange et caviar
on vit en notre lieu et place au plus haut de la fête
où nous sommes témoins du crime et de l’ordure
des cris de la bassesse et des hommes de proie
 
ah ce monde impossible
le rêve est une faute où pleure un homlme libre
l’espoir est un supplice
hiver de glace
l’amour un subterfuge où la joie reste étrange
rancoeur contre soi même
et soi même dans l'autre 
ma bonne argile humaine
errant
sur les chemins d’exil et de blanche épouvante
 
24-
 
quelle âme est à l’encan au bazar du vieux monde
où l’enfance est un crime au signe sans candeur
angoisse et sable au vent dans mon âge de plomb
 
25-
 
je ne suis rien encore
mais pour ne pas mourir dans leur noir labyrinthe
je reste en mon burnous un chant de nuit nomade
pâtre au coeur musicien
                            errant
                            de soif en soif
pleurant dans le secret ma vieille transhumance
la joie future
                  où l’on m’empêche d’être
dans ce déluge d’ombre et de poussière en armes
où mon regarde s’arrête
au seuil de mes vergers brûlés au faite de leur joie
 
26-
 
les hommes sont partis loin de mon coeur en sang
mourir surpris de froid sous le gel du mensonge
dont on me berce en vain en mon plus haut refuge
dés que j’ouvre les yeux au printemps véridique
qui marche clandestin vers mon visage en loques
et me connait printemps traqué de neige hirsute
dans un déluge d’ombre
 
27-
 
les hommes sont partis mourir loin de mes yeux
qui ne peuvent plus rien pour ma jeunesse en feu
bruissant de neige et d’étincelles
de nuit brusquée dans les cavernes
de mort blessée d’amour entre mes grandes mains
qui ne peuvent bouger
sans éveiller le maitre et son bourreau nocturne
en train de m’amputer du plus clair de moi même
du plus vrai de mon coeur martyr ausoleil dense  
qui travaille en secret à renaitre au printemps
 
28-
 
les hommes sont partis loin de mon coeur vorace
vivre et mourir de joie de force et d’espérance
au coeur de leur enfance où les loups sont passés
à l’heure où je dormais sans croire à mon désastre
                                                   à mon naufrage
à l’heure où notre espoir gisait sur le rivage
                                                    où je naissais
d’un chant de vague amère et de forêt hautaine
au creux du coquillage où pleurait une étoile
 
les hommes sont partis aimer d’amour lucide
la vie
dont ils furent privés
la vie terre étrangère aux moissons émouvantes
dont ils furent privés lors des fêtes du sang
 
29-
 
les homme ssont partis mourir dans ma mémoire
mais vivre dans mon sang 
                                       martyr
poète au verbe astral enfant du peuple grave
 
terriens
hommes de chair et de travail leur nom reste un secret
 
survivre
changer toute légende
pour agir en confiance
 
dans ce monde impossible où je perds la raison
et meurs d’être silence et larme
face au crime du monde où j’oublie de nous dire
au nom des meilleurs de nous tous héros martyr
exemple
aux actes de légende incrustés dans l’histoire
qui marquait de son feu mon devenir terrestre
 
ah ce monde impossible on y pleure en secret
les hommes de lumière au laborieux préssage
 
30-
 
j’écris néant couleur de rien
vie consumée couleur du temps sans importance
rosée du sang violent dans la nuit du salpêtre
un dernier jour chatoie aux branches nues de vie
 
mort provisoire
 
les hommes sont partis trés loin de mon visage
le jour se ferme comme un livre
et la mémoire
assise au coin du feu travaille à reconnaitre
sous la braise endormie le premier feu natal
dans la nuit vaste des fantômes
qui furent ma jeunesse ouverte au grand soleil
                                  ouverte à leur langage
à leur haute naissance
à leur chanson charnelle où je suis né de rien
dans un déluge d’ombre et de poussière insane
où je m’fface en vain hors du miroir de pierre
où je m’éloigne d’être
et glisse dans ma propre haine au moindre éveil
 
je meurs
je meurs de votre vie nocturne
du bruit que vous nommez chanson
de votre luxe
de vos médiocrités multiples
 
je meurs
de votre aumône infecte
du pain que vous jetez au pauvre
du quotidien sans joie
qui tombe en pluie de sang dedans ma vie malade
saison féroce et sourde à la clarté des fleurs
où je demeure en marge
défait
            de nuit coupable
défait
d’être sans loi ni rêve
 
je meurs
dans l’absence de l’être où l'autre était mesure
de mon temps de travail où je réglais ma vigne
de ma chance sur terre où j’inventais l’amour
de mon visage humain aux rides d’ombre étroite
 
l'autre
était mesure
de ma peur de mourir aux mains des mercenaires
de ma joie de chanter demain possible en fleur
de mon peuple insurgé dans les bras de l’aurore
 
32-
 
écharde dans mon coeur martyr
douleur coupable
de pourrir ma chanson au plus fort de la houle
de souiller ma maison de sa nocturne angoisse
 
l'autre
prenait mes jours soyeux
gâchait ma vie
et tirait de mon sang aux saisons laborieuses
des moissons des jardins des palais des orgies
et mille perles criminelles
 
l'autre
parquait parmi ses chiens
ma vie ruinée
          blessée de mort publique
          mise au poteau
                                  sanglante
l'autre  ruinait mon temps me volait mon sommeil
me gardait en éveil au plus haut de ma croix
 
écharde dans mon coeur martyr
l'autre restait un poids
                                  défi nocturne à mon pouvoir
de transformer le monde et de régler mon temps
au rythme des saisons vivantes dans mon sang
 
créer
ma cohérence
 
ma loi de sève et de printemps
mon jour aimant
ouvrir les yeux
         les mains
vers leur pouvoir d’aimer la vie à toute bride
la vie
ouverte à tout venant possible
à tous les âges
 
créer
ma cohérence
 
aimer
tout ce que aime vivre
en accord avec l’herbe et les palmes dansantes
et les cris de la sève au coeur de toute fleur
 
aimer 
tout ce qui aime vivre
 
ma danse mon vertige et mon vaste équilibre
les yeux où notre espoir s’organise en chemin
pour vivre et pour mourir
au coeur de notre danse au long pouvoir magique
et nous défaire
de nos lointains fantômes
de notre fausse image où je reste un coupable
et du brouillard pesant qui me sert de suaire
où je pleure un absent qui veille dans mon sang
 
 
33-
 
moi privé de mon nom
moi privé de langage et sans pouvoir trangible
lumière sous la neige où passe autrui brutal
noir de présence aveugle au gest sans rumeur
je reste dans la pierre où je pleure un absent
créateur de merveille et de printemps humain
enfant de bonne argile
debout
face à la mort
couleur de nuit vaincue
 
longue nuit coloniale où je parle au grand jour
                              où je me nomme
                                                        humain
où je survis au crime
où je m’impose à l’ombre étroite qui m’étouffe
où je m’impose en foule herbe peuple et légende
où je prends ma mesure et reconnais ma taille
 
ardeur
contre défaite
 
ardeur
où je mèle les mains les feuilles les sourires
au givre ardent de la promesse faite au pauvre
là bas
       au creux des rues
                     des joies adolescentes
des jours gagnés dans l’explosion de ma révolte
où je marche au soleil content de ma franchise
 
sans souci de l’ordure
sans souci de la mort
sans souci de la haine qui écorce mon frère
sur la place publique où je meurs de me taire
et de garder ma neige et mon défaut de langue
 
longue nuit coloniale où je m’impose au crime
à tout ce qui me nie de fange et de laideur
à tout ce qui me suit en mon cachot de haine
à tout ce qui n’est pas
mon jour
mon beau visage humain aux armes innocentes
ô nuit
où je m’impose
à tout ce qui n’est pas mon rêve
à toute plaie
qui saigne dans ma vie blessée
à toute honte
où pleurer d’impuissance est épine en mes yeux
à toute chance ouverte où je m’invente une aube
visage
où je m’épuise à vivre et redeviens moi même
 
34-
 
 
ardeur
je suis ardeur
contre le givre ancien de ma défaite obscure
 
ardeur de nuit foulée
                     brûlée
surprise à vivre dans mon sang
de ma tendresse d’herbe
de ma lumière d’arbre aux algues de printemps
 
ardeur de jour fatal au flanc de mon silence
de ma patience en crue enceinte d’une aurore
journée de notre amour
bonheur de vivre en pleine fête
                        en pleine danse
mon temps
de longue soie vivante
de route ouverte au crépuscule
de fleuve
amour flexible au soleil d’estuaire
 
mon temps
qui ne peut prendre fin
qui ne peut pas mourir bloqué dans une horloge
qui surgit sans défaut de la plus humble pierre
et se connait
éveil dans un jardin au chant de chrysanthèmes
soleil entre les mains du travailleur limpide
ville à construire dans l’aurore
usine à mettre en marche amour ouvrage clair
baiser de chair
et long partage d’âme
au coeur veillé par tous en toute terre aimée
amants pris de vertige et lumière indomptable
 
mon temps
qui se connait heureux dans la joie du poème
dans la vigne ui danse et la moisson vivante
 
aimer
l’enfance qui se taille
visage au soleil vaste
jeunesse
à l’assaut de son coeur gonflé d’âges fertiles
 
aimer
toute innocence d’herbe et de lumière en fête
et foule aux lumière squelettes
en quête de leur chair perdue au jeu nocturne
de vivre et de mourir pour rien
et pour jamais
 
aimer
la grande fleur possible entre vivre et mourir
la douceur de l’offrande au sommet du supplice
où l’amour sans chagrin des rêves de l’enfance
suspend toute question aux lèvres du mourant
 
35-
 
aimer
comme une aurore en pleine mer
comme une pluie
                            au coeur de la saison patiente
comme une graine sous la neige
comme une ruche de miel grave
comme une rue de notre enfance
comme une page tendre inscrite en la mémoire
comme une matin de neige où vibre un amandier
au jour qui me surprend de sa cadence fraiche
 
mon temps
qui danse dans les yeux
étoile au long secret
 
mon temps
qui nie
la pesanteur de l’âge et se connait
 
jeunesse
à vivre en tote halte où se ride un visage
à remplir de chaleur et de chair fraternelle
 
jeunesse
à tous les coins du monde
où s’insurge au matin de rouges chrysabthèmes
un peuple
hors de se langes noires
hors de ses loques mortes
et se raconte au jour
justice ouverte à tous
marée de joie publique et conte de l’enfance
 
jeunesse
qui brave l’hivre noir de crime et de laideur
 
jeunesse
où je m’écoute vivre
entre les haltes du travail
contre la haine
que je heurte de front au moment de renaitre
 
jeunesse
mon poids de sel vivant
mon quotidien visage
mon verger laborieux que la douceur traverse
ma rue ouverte au jour où je demeur en armes
pour mener notre espoir à sa place sur terre
là bas
où mon visage
est combat sans vertige
de neige et de fureur où je surprend la nuit
où je gagne mon temps et vous retrouve
 
jeunesse
ardeur de givre ardent dans ma maison ouverte
au grand secret des roses
                                au ciel nocturne et beau
au chant de notre amour de chair et de racines
au plus beau cri de joie
 
jeunesse
ardeur de givre ardent contre le givre obscur
de ma vieille défaite où bramait l’espérance
ardeur de jour violent
de nuit violée
abeille au miel serein route ouverte au soleil
qui navigue en mon sang glacé d’être au supplice
où mon espoir s’égorge au plus bas de l’horreur
où je reprends ma taille et redeviens moi même
 
39-
 
ma tente s’est ouverte au souffle de la steppe
où je marche étranger furieux de vieille danse
ma douceur fraternelle en proie au lent venin
de leur combine louche
 
37-
 
je reste sous ma tente espoir de long voyage
au pays de mon frère aux mains de lamme nue
 
je reste sous ma tente
un ciel qui se délivre de la brume étrangère
errance vers la source où calmer mon vertige
et gravir mon chargin dans un miroir vivant
 
38-
 
moi privé de langage
je reste un cri de feu
qui gît
dans une pierre d’ombre
une étincelle
qui survit au malheur d’être en marge de soi
et danse dans la joie
d’aimer
ce que je nomme vivre à travers nos fatigues
à travers les saisons de haine et de démence
 
combat
            fleur ouverte au désert
un cri qui heurte l’ombre où je dors silencieux
longue agonie sous terre
où je reste un deuil de mille et une années
                un jour absent
qui me recherche en vain et pleure son absence
 
je reste
un cri de feu
dans la nuit qui me noie et brûle mes étoiles
et tue mon sang violent que la tendresse agite
et pourrit ma récolte et me crache au visage
sa chique noire et ses microbes
 
je reste en mon burnous sous ma tente d’étoiles
résistance au malheur herbe douce et lumière
veillant
            face à la mort
qui retentit nocturne au vent froid de la steppe
et meurt
dans le silence
avant de naitre en nous
 
39-
 
je reste en mon burnous un cri contre l’horreur
qui nous voile au matin brûlanr de neige vierge
qui nous ferme au soleil qui se dépense à vivre
en nous
brûlés d’être les siens
 
un cri
contre l’horreur
qui tente en vain
en nous sa chance noire
de nous pourrir le coeur
de nous ronger les yeux de lèpre et de gel noir
de nous glacer le sang en terre de vieillesse
de nous noyer au large espoir racine et larmes
de pétrifier nos mains de glaise et de lumière
de nous parquer
                         en marge
d’exploiter notre sang pour agrandir son règne
de nous marquer de croix
                         de suie
                         de boue
de nous perdre à jamais dans un désert de sang
de nous laisser mourir hors de l’histoire en acte
de tourner nos questions en songes de démence
                                     en angoisse insondable
                                      en énigmes nocturnes
en jeu sans conéquence aux armes dérisoires
 
mais nous restons
                   un cri
résistance au malheur qui nous frappe d’absence
errance vers la sourse où le printemps bavarde
chanson à mettre au monde
l’homme au pur lendemain qui s’invente soi même
 
justice
qui se dresse à l’aurore
pour étendre à la terre un homme plus clément
pour remettre à l’endroit ce qui tourne à l’envers
 
40-
 
je reste en mon burnous un chant de flûte amère
qui vous parle d’ aimer ce que vous pouvez être
un beau visage humain aux cerisiers en fleurs
un temps de paix lucide
refus clair de mourir dans l’herbe du mensonge
au long désert de ronce
                                      amertume en ma bouche
refus du vieux chagrin que vous nommez la vie
un temps de paix lucide
où personne ne saigne au dedans de sa vigne
d’être objet à l’encan au pied dur de la haine
d’être martyr sanglant délire au creux de l’âge
dans un pays de froid où l’homme est sans visage
 
41-
 
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez être
un beau visage humain
aux armes d’ombre et de lumière
un printemps silencieux à la fraicheur diurne
de tendresse indomptable et de hauteur à vivre
 
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez être
fleur lucide et chanson en l’ombre qui s’évade
et pleure
trés loin de mon visage
trés loin de ma lumière où la vie se transforme
au gré de mon travail fatigue où je m’exprime
au gré de mon errance
au gré du long combat des gens de mon village 
ces blancs transformateurs du monde
que mon espoir oriente
de village en village et de ruine en palais
où le peuple s’engouffre au jour de sa lumière
fleur lucide et chanson
tendresse au vent agile
 
jeunesse à tous les coins du monde
naissance
à l’horizon de homme sans visage
exploités par des chiens opprimés de ciel noir
insurgés dans l’aurore où leur espoir grandit
comme un astre exilé qui répond à leur chance
terre usurpée de nains dresse tes armes libres
hommes surpris de lèpre armez vous de patience
                                     abstergez vous d’amour
 
raclez vos plaies
lavez vous de conscience
 
chassez
l’horreur de vos maisons
la nuit de votre enfance
ouvrez votre âme à nos légendes
et laissez dire au loin les faiseurs de mystère
 
laissez mourir
la mort
 
votre règne est plus beau
que l’âge
où vous pleures votre âme
où vous vous insultez d’être pris à leurs pièges
où vous vous méprisez prisonniers de vos mains
 
songez
à votre image
et fracassez l’horreur qui danse sur vos plaies
 
42-
 
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez faire
 
la nuit gavée de sang
la nuit où notre espoir s’effrite
et meurt
sans plus de jour à faire
 
la nuit gavée de sang qui me peuple d’angoisse
et rue
dadans ma vie
blessée de honte et d’amertume
sous le poids du néant qui me couronne d’ombre
la nuit déja nous quitte et va mourir au large
 
plus rien
aprés la crue
que la pierraille morne
un grand calme serien de gel blanc et de lune
où je me conte
à des gens sans mémoire outre neige et mystère 
portant
la pierre morte
de leur âge qui saigne dans un automne absurde
 
43-
 
ils viennent de partout du champ et de l’usine
où leur effort se nomme arbre au verger acarpe
 
ils viennent de partout
des autres du malheur aux vieilles cicatrices
des cendres sans espoir
                                     survivant au ciel noir
qui pleut
sur mon visage
à l’heure où je m’oublie parmi la cendre morte
 
ils viennent de partout granit
                                 au surprenant langage
 
silence
algue de nuit démente
parole
je recommence à vivre dans leur chair limpide
entre leurs mains de joie
leurs pièges de lumière où se défait la haine
leur combat clandestin qui veille dans mon sang
 
je recommence à vivre en leur saison puissante
qui marque de ses mains l’argile que j’invente
et livre au premier feu de ma douceur violente
 
silence
algue de nuit démente
 
granit
au surprenant langage
 
je recommence à vivre
au miroir de mon frère
qui se dessine une ombre un murmure un visage
où l’espoir se défend face au jour de rocaille
qui expose au soleil au creux de la mémoire
les crops de nos martyrs au souterrain refuge
 
44-
 
sanglot
dernier sanglot
 
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez faire
à grande voile ouverte au vent de l’espérance
défaire l’ombre
soumettre à votre amour les ronces de la haine
heurter de front
mystère et nuit de sang
marcher de jour allègre entre dans le domaine
où vivre allume au coeur de tous
sa danse et son vertige
 
45-
 
soyez
ce que vous pouvez être
le fruit de votre danse antique
l’auberge où le repos se gagne
au bord de la chanson fertile
 
soyez
le feu ouvert
                l’oiseau agile
l’herbe et la fleur de feu
prés de la source claire où pleure un innocent
prés de la source simple où l’innocent est sauf
entre la fleur fermée et la braise endomie
 
soyez
ce que vous pouvez être
                                      en votre propre image
journée totale larme intègre et chant lucide
arme présente en toute lutte
où je m’évade pour vous dire
 
soyez
contre la nuit mortelle un astre qui voyage
contre la vieille haine
un cri
qui ouvre enfin le livre
pour arracher la page ignoble
où l’on se tait parmi la foule qui accepte
la mort subite
la plaie qui pue en la mémoire
le jour confus
                    d’avance en ruine
la joie martyre
au flance du génocide où meurt toute espérance
 
46-
 
soyez
ce qui germe et fleurit aux fêtes du travail
ce qui cesse d’attendre un fantôme au miroir
et qui aime à mourir notre grance innocence
aux branches d’espérance et de chant fraternel
 
soyez
aprés la nuit vaincue un beau sourire en fleur
aprés la mort vaincue
                                la grande phrase claire
du bonheur d’arpenter au dedans de soi même
les pentes de la joie de vivre
comme un soleil mourant en un soir de septembre
aux portes de ma ville en feu
 
47-
 
soyez
ce que vous pouvez être
 
la joie
qui vous invente
 
l’oiseau
qui vous répète
 
la fleur
qui vous annonce
 
partout
sur toute terre
en tout lieu où l’humain reste un feu à défendre
 
48-
 
songe mon frère songe au jour serein qui monte
de l’usine et de champ où la couleur tristesse
disparait de nos yeux tournés vers la douceur
que nous allons construire
là bas
au flanc du vide
où nous fumes parqués dans l’horreur sans raison
pour simple ivresse humaine
 
49-
 
songe mon frère song au temps noir qui approche
dans ma chanson de neige au chemin de souffrance
 
songe à la nuit tragique où j’invente autre image
un espoir sans rivage
où mourir sur la grève en leur demaine étrange
est défaite de l’homme
 
songe mon frère songe au temps noir qui approche
écoute l’ombre en nous
gravir
nouveau gradin de jour à l’heure triste où tembe
hors du collier du soir
l’étoile morte en vain dans la main du sorcier
et nous
                 assis au bord de la vieillesse aride
qui n’éduque aucun jour au matin des potences
 
songe mon frère songe au jour bleu qui s’éveille
dans la fleur qui naitra de notre branche ailée
dans la joie qui naitra du feu de nos vertèbres
dans l’amour qui naitra
                                  demain
                                               sur toute terre
où pass un homme libre aux os de pierre dense
homme libre à jamais beau constructeur du rêve
où se prend la jeunesse aux dépens de l’ordure
 
50-
 
songe mon frère songe au temps noir qui approche
à l’heure où je m’endors au secret de la pierre
déja
un ancien froid pénètre en mon rugueux squelette
et me ramène
au temps
où la nuit sans défense
sans joie de rossignols
gardait la pierre d’ombre où la mort solitaire
errait
            de rêve en rêve et parcourait le sang
des hommes attardés dans l’oubli de leur joie
dans la grande amertume
de ce temps de saccage au langage de meurtre
de haine et de sanie où le peuple sans nombre
mourait
            au bord du jour hideux
                                  hideux
comme une vieille croix où mon bruyant squelette
parlait dans le vent noir
comme une bouche humaine
à l’heure où je dormais dans la pierre interdite
qui durcissait mon coeur et gardait mon visage
hors d’atteinte du crime
 
51-
 
au sortir de la pierre
à l’heure où je croyais ma délivrance atteinte
je fus pris de sommeil au même lieu de pierre
où je pleure à douleur ma tendresse en prison
 
l’humain
tenter l’humain
dans la nuit des martyrs
 
le feu reste brutal dans la pierre où je dors
 
52-
 
je fus de pierre sourde
         de pierre aveugle
         mais source sans pardon
je survivais
je portais au grand jour ma mort de haute laine
 
53-
 
la charrue de l’angoisse a laissé dans ma vie
des sillons dans mon coeur
des rides sur mon front
et dans mes yeux des larmes noires
qui ne seront
jamais
          jamais pleurées par aucun autre humain
 
 
je fus
          un puits de peine où veillait une étoile
          un dur chagrin dans ma caverne d’ombre
           un long secret d’amour
 
mais maintenant
que le temps se prépare à fleurir sur la terre
où je connais tendresse en toute chose en acte
où s’ébroue la jeunesse
je m’éveille en sursant pour descendre en la rue
apprendre sur l’asphalte
que je suis un fantôme
dans le refuge où je rencontre
l'autre
dans une science exacte
 
songe à l’affût de l’aube
je descends dans la rue tambour en la poitrine
                                    un volcan dans la tête
pour affronter
vermine
orgueil vorace
le chant prudent de la bassesse
et la boue crapuleuse aux fête des marchands
 
je descends dans la rue où les hommes sont ivres
de l’ espérance
qui heurtait mon rempart de prisonnier malade
d’ être loin de l’aurore au bruit de peuple simple
 
54-
 
homme au soleil en fête je descends dans la rue
 
laver
les yeux pourris par la défaite
 
armer
les coeurs blessés de gel atroce
 
hurler
danser ma joie
bousculer de mon sang bourgeois et pharisiens
marcher jeunesse en acte
forcer la vie
à redresser son front plus haut que leur outrage
pour voir les gens pris de splendeur subite
suivre mon jour musclé de blanches certitudes
 
sortir
des bouges de l’ordure
des caves de l’angoisse
grandir dans la lumière et montrer leur visage
sans peur
des prédateurs
et gravir leur détresse
au pas du travailleur limpide
qui ose encore
parler de pain et de fraicheur
et s’accorder le temps de croire au lendemain
 
55-
 
homme au printemps brûlé je descends dans la rue
pour pousser à l’égout des débris du vieux monde
qui s’attarde en la vie et pourrit tous les yeux
où meurt
bouche cousue de peur notre enfance au ciel juste
qui joue
             là bas
             sous des paupières mortes
son dernier jeu
 
renaitre entre nos mains gercées
renaitre comme une fleur gagnée
comme braise endormie que notre souffle éveille
et nous rassemble
autour de son verger sonore
comme au soir le berger ramène en son bercail
son lent troupeau
que la nuit palpe en vain sous la pluie des étoiles.
 
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56-
 
homme au jardin blessé je descends dans la rue
je vais parmi les miens les hommes à main dure
qui font de la douceur sur terre
                                                 chemin à vivre
pour agrandir le monde et tailler dans l’acier
leur espoir de tendresse en la chair de demain
 
je vais parmi les miens
                                        le feu brise l’absence
qui râle et se déchire aux ongles de la haine
 
sur letrottoir
les gens sans espérance
ne font peur à personne
et dans la nuit blessée d’orgies
il n’est pas bon
de porter dans les yeux les astres du printemps
d’avoir
          un oiseau libre au coeur et de chanter
ce qui viendra demain
passer
au crible de l’oubli
l’horreur vaincue
changer nos yeux en perles vives
et transformer
en joie
en terre arable
le coeur des pauvres gens dépourvus d’ espérance
 
57-
 
neige morte au soleil la mort reste à la porte
dans la caverne étroite où nul n’aura le droit
de descendre y cacher un morceau de conscience
de descendre enterrer les joies de sa jeunesse
de s’y laisser mourir une aurore en la bouche
 
nous irons de plein coeur déployer notre force
dans la plaine et l’usine
comme une herbe innocente étrangère au malheur
                                          étrangère à la guerre
comme une herbe confiante
où nous pourrons danser et dormir à notre aise
face au passé de chiens battus
                                               d’anthropophages
sans voir
sur nos chemins sauvés de l’ombre
les loups de notre enfance morte
la boue qui traine dans les yeux
ses jours vêtus de deuil
ses croix
ses lois de haine et son mépris
de toute chose humaine
 
58-
 
je vais parmi les miens les hommes à main dure
qui font de ma tendresse un beau rêve de perle
 
je vais parmi les miens
je connais leur supplice arbres fous de douleur
feuilles mortes de rage au vent qui m’interroge
neige morte au soleil confiance à la confiance
 
je vais parmi les miens au devant de mon frère
qui nait
hors de l’enclos de honte
du vieux passé
et marche vers demain confiance ouverte au large
où sont tombés
frileux dans leur délire
les astres de ce monde en peine
 
59-
 
je vais parmi les miens les hommes à main dure
qui se font un chemin vers leur plus pure image
et se taisent parfois pour répondre au malheur
 
60-
 
songe mon frère
songe à la plaie de vivre une aurore à la bouche
à l’heureoù le malheur brise ses vieilles lances
contre tes mains
au lent travail paisible
 
songe au matin fertile et plante
ivresse ardente
ton nom
dans tous les yeux de chair où palpite innocent
l’ oiseau sanglant de notre espoir
blessé par un mensonge en fuite
 
ô pauvre yeux vaincus nuit comble de tristesse
 
je vois veiller la peur de vivre
je vois l’amour cacher ses moissons interdites
parmi la joie de notre enfance
et la douceur sans récompence
mourir comme une fête où la chanson se brise
dans un deuil de guitare
 
mort quotidiènne et joie brisée
                                                ô pauvres yeux
 
que faire
du ciel où je surprends l’astre incendie vivant
du vent qui me dénude et pleure en moi sa peine
de la pluie sur ma face au tournant de l’hiver
 
que faire
parmi le feu du givre
la neige aux papillons folâtres
la fleur de ton sourire
fruit de tendresse en sang aux vagues enivrantes
 
que faire
du lait de l’aube ouverte en ma maison de pierre
la splendeur brutale
qui m’arrache les yeux
qui me noie dans l’azur
qui me lie au printemps
qui m’attache au sole
 
que faire
de la splendeur de vivre au flanc de toute mort
neige au printemps fatal où j’habite un visage
où règne un autre espoir poète au verbe étrange
lumière exacte et simple où mon travail exige
que j’avance en ce monde
que leur saison de nuit transforme en marécage
où l’homme rampe
pour le pouvoir l’argent
sans se soucier de rien
                                    j’avance dans ce monde
où la saison de l’homme est plus hideuse encore
que le temps sans raison où je perds mon visage
et meurs de soif
              de faim
              de turpitudes
une aurore en la bouche
et des mains au travail en ce minuit de ronces
où l’homme doute et gesticule
perdu
          parmi le bruit absurde
don’t nul n’a le secret
 
61-
 
je vais venir des hommes
menés
par un espoir si vaste
que les tyrans prennent la fuite
à leur approche simple
 
terriens
sans d’autre ruse que la terre et leur vouloir
d’une oeuvre faite au jour qui ne mentira pas
ces hommes sont les miens
surgis
des âges d’ombre et de torture
que nul ne comprenait sinon leur chair brûlée
 
62-
 
ils sont les miens
ces gens aux mains d’argile douce
ces femmes marbre envieportant gloire publique
mille journées d’amour et de vieille espérance
 
ils sont les miens
ce gens orgueil au grand sourire
défiant haine et rancoeur herbe d’oubli morose
silence au lourd mépris et lugubre amertume
 
ces gens que vous croisez à l’aube
squelettes de phosphore
tournés vers le printemps
travailleurs courageux armés de science exacte
boire manger
penser
dormir dans la confiance
donner leur sang et leur franchise
où passe un rêve au bruit limpide
survivre au mal
sauver
toute fleur qui séveille et se prononce tendre
la vigne au sang joyeux surprise de ses larmes
et la moisson qui chante en la splendeur future
le pain
           la joie de tous
l’amour
           hors de danger
 
ils sont les miens
ces gens que vous croisez chargés du nécessaire
vivre à leur taille simple
amoureux de leurs mains brûlées d’étoiles rouges
pressant contre leur coeur blessé
novembre 
qui leur dicte au grand jour leur place sur la terre
 
ils sont les miens
ces gens que vous croisez partout
chargés
d’ouvrir un chemin clair à tous les opprimés
qui savent leur chemin fermé de ronces dures
et marchent dans la rue sans peur de vos engins
 
ces gens
ce sont les miens
mon clan ma chance et mon visage
ma classe et mon combat aux lévres de sel noir
ma neige ouverte et ma justice
où vivre est une marche aux haltes enivrantes
 
63-
 
ils sont les miens
sur toute terre humaine ou je suis en voyage
vers un meilleur destin
 
grandir
nourrir autrui de leur langage
des grappes de leur mort fertile
du feu de leur tranchante ivresse
 
grandir
nourrir autrui de leur langage
de leur journée vernie de joie
de leur chanson de moissonneur
 
ils sont les miens
je les connais depuis l’aurore
l’ enfance aox loques nues
la neige où j’ai pleuré de froid
du ciel absent
le jour mendiant soleil pour éclairer nos yeux
la nuit mendiant étoile aux langes de la brume
qui mourait dans mon coeur
en moi
enfant rebelle aux lois de crime et de violence
présence autour du feu où l’on apprend la joie
la douceur de survivre au ciel sans espérance
à l’heure
où nous avons pleuré tristesse dans les yeux
la joie
qui dévalait l’engoisse
auprès de la cascade blanche où nous chantions
la joie du pain et des olives
la joie du vin qui riait clair
parmi l’ herbe vivante et la fraicheur d’aimer
conscience au quotidien de neige
haute vigie debout
sur toute terre humaine où j’étais en voyage
vers un meilleur destin
 
64-
 
ils sont les miens
momies figées de haine
passants surpris de nuit sur le trottoir d’autrui
portant
leurs balluchons de peine à la loudeur méchante
dans la ville étrangère et sans réponse
                                             à leurs questions
là bas
au seuil de vivre humain
 
ils sont les miens
perdus dans un hiver de mort
contre le maitre obscur qui saupoudre leur vie
de son mépris
des cendres de sa joie malade
des ruines de son temps brûlé dans les orgies
courbés sous le fardeau des rêves
mais en marche éblouie vers leur hautain visage
santé du givre et du feuillage
de l’arbre qui m’écoute
parler de ses oiseaux futurs
 
ils sont les miens
terre et songe en exil astre et jour de naissance
lumière éparse et vin nouveau
vertu paisible
candeur nargant la guerre et la haine en charpie
 
ces hommes sont les miens
blessés
de mort obscure
ils sont les miens
dans leur douceur et leur violence
ils sont le blé dans sa mouvance
l’acte de vivre et de mourir dans un seul geste
le fleuve humain
qui draine dans sa lave
les algues de la nuit mortelle
les saisons du chagrin aux squelettes d’argile
la chanse que la haine espère
trouver
           dans notre vie
la nuit de chanvre triste et d’épouvante amère
 
ils sont le pain
la joie d’aimer
ce qui pourrait surgir de leur haute espérance
des forges du bonheur au chant d’enclume grave
de leur marche éblouie
ce long secret de terre sèche et de vengeance
de peine basse et d’ espérance
 
ils sont demain qui nous attire
plus puissant que jamais
                                    là bas
sur toute terre humaine où l’homme est en voyage
vers meilleur destin
 
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