Hommage à un Grand Poète

 

 

Isefra (poèmes)
Transcription de Mouloud Feraoun

 

 

Ceci est mon poème;                                                        Thikelta ad hhedjigh asfrou
Plaise à Dieu qu'il soit beau                                              Oua lahh addlhhou
Et se répande partout.                                                        Addinaddi ddeg louddiath.

 

Qui l'entendra l'écrira,                                                        Oui thislan ar dha thiarou

Ne le lâchera plus                                                               Our as iverou

Et le sage m'approuvera :                                                   Oui ilan ddelfahhem izrath :

                                                                            

Que Dieu leur inspire pitié;                                                An helel Rebbi athet ihheddou

Lui seul peut nous en préserver :                                        Ghoures ai neddaou                                                   

Qu'elles nous oublient, nous n'avons plus rien !                Add vaddent addrim nekfath.

 

 

Si Mohand Ou M'Hand Ath Hammadouche est né vers 1845 et est mort en 1906 (d'après Boulifa). Si la date de sa mort semble établie, celle de sa naissance est approximative. En effet, l'Etat Civil en Kabylie n'a pas eu d'existence officielle avant 1891. Il naquit donc dans l'ancien village de Chéraïouia où son père Mehand Améziane Ou Hammadouche, originaire de Aguemoun, s'était réfugié pour échapper à une vendetta. Après 1857, le village de  Chéraïouia fut rasé et à son emplacement fut édifiée la citadelle de Fort-National (Larbaâ Nath Irathen). L'autorité militaire attribua aux habitants un terrain à 10 Km au nord, près de Tizi-Rached, qui appartenait à une zaouïa.
 En fait, la population s'est répartie, pour une faible part sur ce terrain où naquit la nouvelle Chéraïouia, mais pour la plupart aux alentours de Fort-National.

Les parents de Si Mohand s'installèrent à Akbou, au lieu-dit Sidi-Khelifa. Son oncle paternel, Cheikh Arezki Ou Hammadouche, maître en droit musulman y avait ouvert une zaouïa où un taleb enseignait le Coran, non seulement aux enfants de la famille mais aussi à tous ceux du village. C'est là que Si Mohand commença ses études avant de rejoindre l'importante zaouïa de Sidi Abderrahmane Illoulen (Michelet). La famille était aisée et l'enfance de Si Mohand heureuse.
 

En 1871, lors de l'insurrection, la famille s'est engagée aux côtés de Cheikh El Mokrani contre la colonisation de la Kabylie. Le père, Mehand Améziane fut exécuté à Fort-National, l'oncle Arezki déporté en Nouvelle-Calédonie et leurs biens confisqués au profit de l'Etat. La famille ruinée et anéantie se dispersa, la mère se retira dans la nouvelle Chéraïouia avec son jeune fils Méziane et là commença la vie de vagabond de Si Mohand, errant de ville en ville. Son frère aîné Akli s'enfuit à Tunis avec l'essentiel des ressources de la famille.
 Si Mohand passa quelque 30 ans d'errance entre
la Kabylie et la région de Bône (Annaba) où de nombreux Kabyles travaillaient comme ouvriers agricoles ou comme mineurs. Un autre de ses oncles, Hend N'Aït Saïd , était d'ailleurs installé dans les faubourgs de Bône.
Si Mohand mourrut en 1906 à l'hôpital des Soeurs Blanches de Michelet et fut enterré au sanctuaire de Sidi Saïd Ou Taleb.

 

Ce grand poète de l’errance, de la révolte et de l’amour aura son centenaire tout comme ceux qui, à travers le monde, ont marqué par leurs œuvres l’humanité. Une juste récompense pour un poète qui a su tisser, par le seul pouvoir des mots, une poésie-vérité transmise par la tradition orale de génération en génération depuis deux siècles.  Le coup d’envoi de cette manifestation qui se veut grandiose et à la dimension de l’homme a été donné le 28 décembre 2005, non seulement à travers l’Algérie, la France et l’Europe, mais aussi aux USA, au Canada et même en Chine, c’est-à-dire partout où est implantée la diaspora kabyle. Cela après que la date exacte de sa mort, présumée en 1906, fut strictement authentifiée par les registres de décès de l’hôpital Sainte Eugénie de Michelet (Aïn El-Hammam) où avait rendu l’âme le poète.

 

Le noyau du comité d’organisation de cet événement, articulé autour de Younès Adli en Algérie et Gana Mammeri en France et en Europe avec des réseaux partout dans le monde, s’est attelé avec beaucoup de soins aux préparatifs. Tout sera mis en œuvre pour donner à la manifestation une audience internationale et à la mesure de ce poète de l’universalité. Enseignée à Naples, et désormais à Milan, sa poésie est traduite en italien et en suédois alors qu’un séminaire lui a été consacré l’année dernière à l’université du Colorado.

 

Cet événement a pour but de parachever l’universalité de Si Mohand en le faisant entrer à l’Unesco. Très peu d’ouvrages et d’études ont été consacrés jusque-là aux œuvres de ce poète qui a innové la poésie kabyle en la portant du sizain au neuvain. Ce pourquoi le comité préparatoire lance un appel pressant à la contribution intellectuelle de tous les artistes, et aux vieux qui ont fait de la rétention de livrer ses poèmes inédits, de même qu’il est annoncé nombre de projets ambitieux pour montrer l’œuvre de ce poète dans toutes ses facettes dans la perspective du centenaire.

Les organisateurs envisagent le recours à l’informatique et à l’Internet ainsi qu’aux CD et bandes dessinées pour reprendre son œuvre et la traduire en plusieurs langues. Le domaine des études et de la recherche ne sont pas occultés puisqu’il est envisagé aussi l’octroi de bourses d’études et l’institution d’un doctorat sur le thème, le tout dans l’optique de faire entrer l’œuvre du poète à la Bibliothèque de France.

 

D’ailleurs en France, une caravane sillonnera les grandes villes pour porter son œuvre alors que des tables rondes et des colloques se tiendront un peu partout. La coordination des Berbères de France qui fédère quelque 80 associations sera elle aussi mise à contribution. Elle remettra au ministère français de la Culture un dossier dans la perspective de la participation aux rencontres internationales sur la culture. Annaba et Tunis, villes dans lesquelles a vécu le poète, constitueront également des destinations privilégiées dans l’organisation de l’événement.
    

Cet hommage sur lequel sont fondés de grands espoirs consacrera à coup sûr l’universalité de l’œuvre de ce poète algérien qui aura marqué son siècle et son temps. Une initiative pareille ne peut mériter que des encouragements, espérant seulement qu’elle aura un large écho auprès du public. 

 

Semmar Abderahmane