Limag- Littérature maghrébine
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Auteur

M. DEJEUX, Jean


Pays : France
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Biographie:

Père Blanc. Ex sous-officier pendant la 2° guerre mondiale. Conservateur de la Bibliothèque du Cetre d'Etudes diocésain d'Alger de 1966 à 1981. A Paris depuis 1981. Chargé de cours à l'INALCO et au CIEF de l'Université Paris 4.

J'ai appris la mort de Jean Déjeux par l'appel téléphonique d'un étudiant à la voix nouée d'émotion: comme lui, j'ai été ébranlé, et le témoignage que je vais donner ici sera en partie subjectif. Car c'est celui d'une filiation, parfois orageuse, mais bien réelle. Quelles que soient en effet les positions de chacun des chercheurs sur les littératures du Maghreb vis-à-vis de lui, Jean Déjeux était pour nous tous celui chez qui tout avait commencé.
En ce qui me concerne c'est grâce à lui que j'ai fait mes premiers pas dans cette littérature maghrébine que je ne connaissais guère avant ma fortuite nomination en 1969 à l'Université de Constantine, pour fuir les ciels bas et lourds d'un premier poste d'enseignant nommé autoritairement dans un lycée du Pas-de-Calais. J'avais décidé alors de faire une thèse sur ces textes dont les premiers lus me fascinaient, et qui m'attiraient d'autant plus que j'y voyais un moyen de connaître par l'intérieur ce pays si différent dans lequel j'arrivais pour la première fois. Je ne savais pas alors que le texte qui avait fait naître mon enthousiasme, Le Polygone étoilé de Kateb Yacine, était un de ceux sur lesquels allait se développer un des plus grands contentieux de Jean Déjeux avec cette littérature.
C'est donc assez régulièrement que j'allais alors le retrouver dans ce bureau si clair et tapissé de livres ou de ses légendaires boîtes de petites fiches, du chemin des Glycines à Alger. J'avoue que j'y allais aussi pour cette atmosphère douillette, ordonnée, réglée, qui faisait qu'en pénétrant dans cette maison religieuse on avait vraiment l'impression d'entrer dans un autre monde, qui n'avait plus rien à voir avec les bruits et les tensions des villes qui nous entouraient, pas plus d'ailleurs qu'avec celles bien différentes des universités françaises que je devais découvrir quelques années plus tard seulement. La vie monastique dans cet environnement avait quelque chose d'irréel, comme de voir ces besogneuses Soeurs Blanches affairées pour assurer le confort des têtes pensantes de Pères Blancs disposant par ailleurs d'une documentation à faire rêver...
Je peux dire sans exagérer que les précieuses indications qu'il me donna m'ont fait gagner au moins un an de travail dans la rédaction de ma première thèse, et c'est pour marquer cette dette que je lui avais demandé alors de rédiger et de signer la bibliographie de ce premier ouvrage lorsqu'il fut publié: personne ne pouvait en effet alors le faire de manière aussi sûre et aussi documentée. Et jusqu'à sa mort sa colossale érudition s'est manifestée surtout dans ce domaine. Son dernier livre publié; Maghreb. Littérature(s) de langue française en porte la marque, puisqu'il est constitué pour la moitié d'une vaste bibliographie qu'il était bien jusqu'à ces dernières années le seul à pouvoir réaliser ainsi.
LE DECOUVREUR
Jean Déjeux était venu à l'Eglise depuis l'armée: il était intarissable sur ses souvenirs de la campagne d'Italie, et particulièrement sur la bataille de Monte Cassino. Quoiqu'il en soit c'est en Tunisie qu'il fut ordonné prêtre chez les Pères Blancs en 1952, avant de devenir une des figures marquantes de cette Congrégation à Alger de 1958 à 1981. Son expulsion vers Paris pour des raisons futiles et sordides à la fois n'est pas à la gloire du régime algérien d'alors, et de la langue de bois prétexte pour couvrir toutes les mesquineries...
C'est durant cette période algéroise que son apport à la connaissance et à la diffusion de la littérature maghrébine fut décisif. Il fit ses premiers pas de chercheur sous la houlette d'Albert Memmi dans cette équipe de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes où il côtoya Arlette Roth, Abdelkebir Khatibi et Jacqueline Arnaud. Il participa avec eux à la constitution de la première Anthologie des Ecrivains francophones du Maghreb , qui fut à proprement parler la première consécration universitaire de cette jeune littérature, et qui suscita déjà la polémique à la suite de laquelle la même équipe publia en 1969 une Anthologie des écrivains français du Maghreb . La question de la définition du corpus de la littérature maghrébine est en effet toujours pendante et passionnée en 1993: faut-il inclure dans cette littérature les écrivains français du Maghreb? Ou les écrivains judéo-maghrébins? Jean Déjeux eut le mérite d'apporter des définitions claires. Parfois trop, diront certains, et l'on constate d'ailleurs que la position du critique a évolué: si dans les années soixante il limitait ce corpus aux écrivains de souche arabo-musulmane ou berbère, ses bibliographies plus récentes s'ouvraient peu à peu aux domaines voisins ou marginaux. C'est de cette époque aussi que date, toujours sous la direction d'Albert Memmi, sa première étude publiée sur la poésie algérienne: La Poésie algérienne de 1830 à nos jours: approches socio-historiques . Notons ici que si par la suite la littérature maghrébine devait être connue essentiellement par ses romans, ces premières lectures universitaires privilégiaient la poésie, en résonance bien souvent avec l'événement historique de la guerre d'Algérie. L'Anthologie de Denise Barrat, Espoir et parole avait en quelque sorte lancé cette dynamique dès la fin de cette guerre d'Algérie, cependant que celle de J.E. Bencheikh et J. Levy-Valensi y apportait en 1967 le point d'orgue provisoire le plus achevé, universitairement parlant . Or alors même que la plupart des critiques travaillaient surtout sur le roman, Jean Déjeux continuera dans les années 80 à multiplier les anthologies poétiques, et à rappeler dans ses tableaux statistiques que les recueils poétiques ont toujours été plus nombreux dans cette littérature que les romans.
C'est cependant sur le roman que son travail de critique devait progressivement être le plus important, à mesure qu'il devenait évident que c'était par ce genre que les écrivains maghrébins comme les autres se faisaient reconnaître dans l'édition française, qui reste encore le lieu majeur de leur consécration littéraire, même si, comme Jean Déjeux l'a maintes fois souligné, l'édition maghrébine publie à présent bien plus de titres d'écrivains maghrébins que l'édition française. En 1970 ses conférences au Centre Culturel Français d'Alger, publiées par ce Centre sous le titre La Littérature maghrébine d'expression française eurent un grand impact en Algérie, où elles faisaient connaître enfin la littérature nationale. Il s'agissait surtout de monographies sur les principaux auteurs, qui furent reprises et complétées en 1973 dans Littérature maghrébine de langue française. Introduction générale et auteurs. , ce livre qui devait devenir pour longtemps la base incontournable de toutes les lectures ultérieures de cette littérature. Après une introduction générale dont on a retenu surtout, pour la reprendre ou la contester, la célèbre périodisation, le livre présentait douze auteurs considérés comme les plus importants, et chacun était gratifié d'un sous-titre censé résumer en une formule le thème principal de l'oeuvre: Jean Amrouche ou l'éternel Jugurtha, Mouloud Feraoun ou l'homme-frontière, Mohammed Dib ou le regard du dedans, Mouloud Mammeri ou les chemins de la liberté, Kateb Yacine ou l'éternel retour, Assia Djebar ou la naissance du couple, Driss Chraïbi ou la révolte contre le père, Albert Memmi ou l'homme dominé, Jean Sénac ou le soleil fraternel, Mourad Bourboune ou le pèlerinage païen, Rachid Boudjedra ou les enfants terribles, Mohammed Khaïr-Eddine ou le crépuscule des dieux. Un dernier chapitre présentait une sélection d'autres écrivains, d'avant 1962 puis de depuis 1962, et une solide bibliographie suivie d'un index et de tableaux complétait l'ensemble.
On a beaucoup contesté depuis, tout en s'en servant abondamment, cette périodisation et ces formules-chocs considérés souvent comme réducteurs. Il faut reconnaître pourtant qu'à quelques nuances près ces formules furent souvent heureuses, et que le choix d'auteurs en particulier était judicieux. Bien sûr il faut replacer ce livre dans son époque: l'expérience de "Souffles", si importante pour la suite de la littérature maghrébine, se terminait tout juste, violemment. Déjeux en a rendu compte plus qu'ici dans ses livres ultérieurs: ce premier livre collait au plus près à l'actualité d'alors, et permit aux chercheurs ultérieurs de commencer leur travail sur des bases sérieuses. Toute découverte d'une littérature nouvelle et sous-décrite doit commencer par un recensement thématique et une périodisation. C'est ce que fait ce livre essentiel avec assurance et solidité, même s'il apporte moins, déjà, sur le plan de l'analyse proprement littéraire. N'oublions pas que Jean Déjeux, totalement autodidacte, n'avait aucune formation universitaire (il n'était pas même titulaire du baccalauréat). C'est peut-être pourquoi il a pu jouer ce rôle de défricheur dans un domaine littéraire que l'institution universitaire, des deux côtés de la Méditerranée, s'est toujours obstinée à ignorer.
LE BIBLIOGRAPHE
Bibliothécaire des Pères Blancs, qui avaient depuis longtemps accumulé la documentation la plus complète sur ces productions ignorées par l'institution, Jean Déjeux était bien sûr le mieux placé pour établir les premières bibliographies fiables sur ce domaine. C'est à quoi il a certes consacré l'essentiel de sa production, depuis sa fondamentale Bibliographie méthodique et critique de la littérature maghrébine de langue française (1945-1970) publiée en 1971 comme l'essentiel d'un volume de la Revue de l'Occident Musulman et de la Méditerranée à Aix en Provence . Vite devenue introuvable, cette bibliographie indispensable a été republiée sous une autre forme et mise à jour jusqu'en 1977 en 1981 à la SNED à Alger, l'année même où Jean Déjeux se faisait expulser d'Algérie, puis élargie à la période allant de 1920 à 1978 dans une réédition par l'OPU, toujours à Alger, en 1982 . Citons aussi sa petite Bibliographie de la littérature "algérienne des français .
Chacune de ces bibliographies propose un découpage différent: non seulement la tranche chronologique varie, mais aussi les pays: tantôt le Maghreb entier, tantôt l'Algérie seule, tantôt oeuvres de fiction et essais, tantôt oeuvres de fiction seulement. En 1984 la présentation change encore, pour être bien plus maniable et plus complète à la fois que les sommes touffues qui précédaient, puisqu'il va s'agir d'un Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française , qui ne comporte pas que des auteurs de textes littéraires, mais leur ajoute des essayistes, des auteurs de manuels, de grammaires, etc. Ce dictionnaire élargit donc la perspective, et la liste des livres de chacun de ces auteurs (livres seulement, les articles étant ici exclus) est à chaque fois précédée d'une courte notice biographique et littéraire. C'est ici que la découpe chronologique est également la plus vaste, puisque si par la force des choses les références les plus récentes y datent de 1982, les plus anciennes y sont de 1880 pour l'Algérie, de 1900 pour la Tunisie et de 1920 pour le Maroc.
Signalons aussi que depuis 1984 (année de référence: 1982), il m'avait succédé à la rubrique de bibliographie critique de l'Annuaire de l'Afrique du Nord, où il faisait chaque année un point le plus actuel possible, compte tenu de l'énorme retard de cette grosse publication par rapport à son année de référence, point qu'on retrouvait aussi en plus léger et plus actuel encore dans la dynamique petite CELFAN Review publiée aux Etats-Unis par Eric Sellin, ou encore sous forme plus partielle dans ses comptes-rendus critiques dans Hommes et Migrations par exemple, mais aussi dans un nombre énorme de revues dans le Monde entier.
La plupart des thèses et des articles qui ont commencé à fleurir sur la littérature maghrébine à partir de 1975 environ ont trouvé dans ces bibliographies successives leur garantie de solidité. Jean Déjeux disposait des meilleures conditions pour les rassembler, même si ses méthodes étaient jusqu'au bout artisanales et s'il a, par exemple, toujours refusé de se servir d'un ordinateur. Mais nul autre que lui n'était capable de fournir la somme énorme de travail que ces recensions supposent. Aussi comprend-on qu'il ait été souvent aigri, lui qui donnait généreusement à (presque) tous ses références, de voir que très souvent on le recopiait tout simplement sans même le citer, ou mieux encore en développant à son encontre un discours d'exclusion et de mépris.
Certes, ces bibliographies, du fait de ses méthodes artisanales et obstinément solitaires (on retrouvait là l'autodidacte qu'il était), n'étaient pas sans défauts. Si elles sont devenues progressivement plus lisibles avec les dernières citées, et surtout avec le volume paru en 1993, les premières étaient extrêmement touffues, au point de n'être consultables que par des spécialistes, tant il a toujours confondu le genre de la bibliographie et celui de l'essai. De plus elles n'étaient pas exemptes de fautes: flous sur certaines années de publication, flous sur la détermination du genre de certains livres, et surtout flous sur les titres, toujours exacts quant au sens, mais parfois approximatifs dans leurs libellés. Mais ces fautes étaient néanmoins bien rares, et si le travail en équipe, informatisé, qui a permis depuis quelques années de constituer la banque de données Limag, produit des vérifications plus nombreuses et des risques d'erreur moindres, je suis bien placé pour savoir, après avoir passé l'été à en confronter les données avec celles du dernier livre de Déjeux, que les erreurs sont de tous les côtés. Car il faut également persuader les collaborateurs que le travail bibliographique est aussi "noble", car indispensable à tous, que l'application mécanique à tel roman maghrébin choisi sans connaître les autres, d'une grille de déchiffrement prestigieuse, mais élaborée dans un tout autre contexte...
LES MALENTENDUS DE L'AUTODIDACTE
On touche là l'aspect le plus douloureux du personnage; Autodidacte à qui les Pères Blancs offraient d'excellentes conditions de travail mais peu d'incitations à une carrière universitaire, il a sans doute fort mal vécu d'être pillé, puis "doublé" et enfin vilipendé par des universitaires plus jeunes, parfois reconnus comme tels, et tous en rupture autant idéologique que littéraire avec lui. Il est vrai que si ses recensions thématiques et bibliographiques sont irremplaçables, ses analyses littéraires sont le plus souvent simplistes, et lui ont toujours fait refuser les recherches d'écriture particulièrement novatrices des écrivains maghrébins des années 70, peut-être parce que malgré tous ses efforts solitaires il sentait bien comme d'autres autodidactes qu'il n'était pas du "sérail".
Il est vrai aussi qu'il développait de plus en plus des jugements à l'emporte-pièce ou des analyses maladroites qui ne pouvaient que dresser contre lui un grand nombre d'écrivains et d'intellectuels maghrébins. On sait ses démêlés avec Kateb Yacine, qui ne sont que les plus retentissants... On sait ses démêlés plus profonds avec Jacqueline Arnaud, au centre desquels la forte personnalité de Kateb fut bien sûr déterminante, mais dont les implicites politiques sont aisément lisibles.
Il y eut de ce fait un raidissement progressif, une marginalisation de plus en plus grande, une atmosphère de règlements de comptes, tant dans les comptes-rendus qu'il publiait dans Hommes et Migrations ou l' Annuaire de l'Afrique du Nord, que dans ses derniers livres. La biographie de Kateb dans le Dictionnaire..., les chapitres sur les recherches formelles des écrivains des années 70 dans la récente petite Littérature maghrébine d'expression française en "Que sais-je?" pourtant si utile par ailleurs, les chapitres sur la réception critique dans le tout dernier livre déjà cité, sont indignes du si beau travail que représentent par ailleurs ces livres.
Cette aigreur brouillonne ne justifie pas cependant le mépris trop facile dans lequel le tenaient ces dernières années des universitaires maghrébins qui lui devaient trop. Et je suis moi-même trop concerné pour souscrire à la quasi-exclusion qui fut de ce fait progressivement la sienne, car je sais que sans le Père Déjeux le domaine littéraire auquel il a consacré sa vie serait infiniment moins reconnu qu'il ne l'est. Mais ayant en des temps anciens travaillé sur "Jean-Jacques Rousseau autodidacte", je suis amené à établir quelques parallèles qui pourraient expliquer certaines attitudes.
LE VULGARISATEUR
Car s'il n'a jamais pu obtenir une vraie reconnaissance universitaire, Jean Déjeux se situait en fait dans un autre domaine, où il était d'ailleurs envié par de nombreux universitaires: celui des publications à l'usage, sinon du "grand public", du moins de publics très variés.
Il faudrait consacrer une grande partie de cet hommage à ses articles: une interrogation de la banque de données "Limag" en fait apparaître près de 450, et il est évident que tous ses articles n'ont pu y être recensés, ne serait-ce que parce qu'il refusait de nous les indiquer, comme de collaborer de quelque manière que ce soit avec ce programme. Parmi ces articles, beaucoup sont des articles de dictionnaires: notices courtes ou longues, selon les cas, sur les principaux auteurs. Beaucoup aussi sont des comptes-rendus, dont on a déjà parlé. Mais un grand nombre sont des études thématiques plus générales, dont plusieurs ont constitué par leur érudition un apport certain à l'avancement des recherches, non seulement sur la littérature maghrébine, mais aussi sur des points d'Histoire du Maghreb ou sur des aspects de la culture maghrébine proches de la littérature.
Ses travaux sur les femmes, sur la tradition orale autour du personnage de Djoh'a, sur les bandits d'honneur, sur l'édition, sur la spiritualité aussi, ont ouvert en leur temps de nouvelles perspectives aux chercheurs. On en trouve des synthèses dans quelques livres moins connus que ceux commentés jusqu'ici. Citons son agréable petit essai-recueil sur Djoh'a, hier et aujourd'hui , et ses essais sur Le Sentiment religieux dans la littérature maghrébine de langue française , sur Femmes d'Algérie. Légendes. Traditions. Histoire. Littérature , ou plus récemment encore sur Images de l'étrangère. Unions mixtes franco-maghrébines . En ce qui concerne ces deux derniers textes, on sait que la femme, le couple et l'union mixte ont toujours été une des préoccupations majeures de Jean Déjeux, dont le dernier manuscrit, actuellement en lecture au Centre National des Lettres, concerne encore l'écriture féminine. Même s'ils débordent largement du domaine de la littérature, tous ces essais sont d'abord, sur chacun des sujets abordés, une mine prodigieuse de documents et de références. La conceptualisation, la théorisation n'ont jamais été le fort de Jean Déjeux, mais il fait là comme ailleurs le travail de base pour les chercheurs, en même temps qu'il intéresse un public non-universitaire curieux des réalités maghrébines, qu'il aide par une documentation solide à dépasser les clichés de l'exotisme ou des discours à la mode.
Sa marginalité par rapport à l'institution universitaire et son âpreté à saisir toutes les occasions de publier, reposant elle-même sur une somme de travail qu'aucun universitaire n'était à même de fournir, lui ont donc fait jouer un rôle de vulgarisateur particulièrement fécond, dans lequel il retrouvait d'ailleurs aussi la dimension de découvreur qu'on a soulignée en commençant.
Sa longue complicité avec Antoine Naaman, autre promoteur discuté, aujourd'hui disparu, du domaine qui nous intéresse et de la Francophonie en général , lui permit de publier deux présentations d'auteurs à l'usage du "grand public": Mohammed Dib, écrivain algérien et Assia Djebar, romancière algérienne et cinéaste arabe . Ces deux ouvrages sont essentiellement des choix de textes précédés d'une introduction assez copieuse à la vie et à l'oeuvre de l'auteur. Leur dimension pédagogique est de ce fait évidente, même si le principe de tels ouvrages, appliqué à des écrivains aussi complexes, est nécessairement réducteur.
Enfin, son travail de vulgarisateur-découvreur se retrouve dans ses multiples anthologies, genre dans lequel il avait d'ailleurs commencé sa carrière sous l'autorité d'Albert Memmi en 1964. Or c'est encore avec Albert et Germaine Memmi qu'il a publié en 1987 une Anthologie du roman maghrébin . Mais dans ce genre il faut signaler surtout son travail remarquable de découvreur de la jeune poésie maghrébine, travail dans lequel il a succédé en partie à Jean Sénac, et qui nous vaut ses recueils aux éditions Saint-Germain des Prés: Jeunes poètes algériens (1981) ,Poètes tunisiens de langue française (1984) , Poètes marocains de langue française (1985) . Là encore il a joué un rôle irremplaçable de découvreur.
Charles Bonn