Rym KHERIJI : Boudjedra et Kundera : Lectures à corps ouvert.
Doctorat Nouveau régime, Université Lyon 2, 15 décembre 2000
Directeur de recherches : Charles Bonn

Sommaire de la thèse

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Annexe


LA VALSE AUX ADIEUX-

L’INSOUTENABLE LEGERETE DE L’ETRE-

LA REPUDIATION-

L’INSOLATION-

      Ces pages regroupent les parenthèses que nous avons scrupuleusement relevées dans les quatre romans qui forment notre corpus : L’Insoutenable légèreté de l’être et La Valse aux adieux de Milan Kundera, L’Insolation et La Répudiation de Rachid Boudjedra. Nous ne sommes cependant pas à l’abri d’éventuels et malencontreux oublis. Dans ce cas, nous comptons sur votre compréhension pour nous en excuser. Notre but étant l’analyse critique et non le relevé mécanique visant l’exhaustivité, nous avons classé méthodiquement ces parenthèses, souligné certains mots qui ont permis ce classement et ajouté entre crochets quelques commentaires afin de faire fructifier cette tâche. Nous soulignons également que certaines parenthèses peuvent être citées dans plus d’une catégorie. Ces cas ne peuvent que dénoter l’ambiguïté et la richesse sémantique des œuvres que nous étudions. Vous trouverez donc ici l’objet d’un travail qui s’est voulu avant tout synthétique.


LA VALSE AUX ADIEUX

I- Discussions avec le narrataire:

a) Confidences.

b) Explications, ajouts.

c) Rappels.

II- Didascalies.

III- Ironie.

IV- Paroles ou pensées d’un personnage.

I/DISCUSSIONS AVEC LE NARRATAIRE:

a) Confidences:

1- « Il n’avait certes aucun motif raisonnable de penser qu’il eût fécondé Ruzena pendant la soirée fatale (au contraire, il était certain d’être injustement accusé) » p. 20.

2- « Un coup contre lequel il n’est point de paratonnerre et qui s’annonce par une voix pathétique dans un téléphone ( oui, cette fois-là aussi la blonde lui avait d’abord appris la funeste nouvelle par téléphone) » p. 21.

3- « Il n’est pas surprenant qu’elle ait commencé à se servir (inconsciemment peut-être, mais d’autant plus souvent) de cet instrument inopinément découvert » p. 30.

4- « Quand on l’eut mis au courant (apprécions l’élégante discrétion des deux hommes, qui ne mentionnèrent aucun nom, même devant Jakub) » p. 131.

5- « Les vieux messieurs se reconnaissent à l’habitude qu’ils ont de se vanter des souffrances passées et d’en faire un musée où ils invitent des visiteurs (ah, ces tristes musées sont si peu fréquentés !) » p. 140.

6- « Il y avait une lune ronde dans le ciel (elle y restera jusqu’à la dernière nuit de notre récit, que nous pouvons pour cette raison qualifier de récit lunaire) » p. 155.

7- « Olga dissimula sa poitrine avec ses mains (ce n’était pas difficile car, comme nous le savons, ses seins ressemblaient à deux prunes) » p. 164.

8- « Le chien lui lécha de nouveau le visage (il sentait peut-être que Jakub pensait constamment à lui) » p. 168.

9- « Seul, avec l’apparence fallacieuse (et belle pourtant) de la jeunesse » p. 174.

10- « Il gara la voiture (oui, là où sont déjà stationnées l’automobile blanche du trompettiste et la motocyclette rouge de Frantisek) » p. 175.

11- « (Oui, à cette minute Frantisek et Kamila sont projetés dans l’espace de notre récit comme deux fusées guidées à distance par une jalousie aveugle – mais comment une cécité peut-elle guider qui que ce soit ? ) » p. 185.

12- « Elle était venue ici pour s’assurer que son mari n’y était pas et pour le convaincre ainsi indirectement (une fois de plus et pour la énième fois !) d’infidélité » p. 185.

13- « (Oui, Frantisek, devenu l’ombre de Klima, était parmi eux) » p. 195.

14- « Il évoqua de nouveau le visage sous les cheveux jaunes et il comprit que ce n’était pas par hasard (pas à cause de l’assoupissement de sa conscience) qu’il avait donné à l’infirmière le tube contenant le poison » p. 197.

15- « Elle était à côté de Bertlef (et cela aussi c’était un heureux présage) » p. 215.

16- « (Mon dieu ! il ne lui était encore jamais arrivé de se trouver si délicieusement adorable) » p. 220.

17- « Il savait (mon dieu, comme il la connaissait !) qu’elle voulait, par ce défi amoureux, le mettre à l’épreuve » p. 229.

18- « Il sentait que son corps (ce corps servile) était une fois de plus tout à fait disposé à lever sa lance complaisante » p. 231.

19- « Petite comme jamais (jamais elle ne s’est cachée comme ça dans la poitrine de personne) » p. 234.

20- « Mais grande aussi comme jamais (jamais elle n’a éprouvé autant de plaisir qu’aujourd’hui) » p. 234.

21- « (Mon pauvre Frantisek, tu passeras toute ta vie sans rien comprendre sauf une chose, que ton amour a tué la femme que tu aimais, tu porteras cette certitude comme le signe secret de l’horreur, tu erreras comme un lépreux qui apporte aux êtres aimés d’inexplicables désastres, tu erreras toute ta vie comme le facteur du malheur) » p. 275.

b) Explications, ajouts:

22- « Le contrebassiste (qui était l’homme le plus âgé de la formation) » p. 24.

23- « Il sentait son cœur se déchirer et il tendait vers elle ( à travers cette chaîne de montagnes fictive ) des mains aimantes » p. 30.

24- « Il a toujours été convaincu (et il a sur ce point la conscience agressivement pure) » p. 32.

25- « Elle faisait toujours la cuisine avec plaisir et fort bien (la vie ne l’avait pas gâchée et elle n’avait pas perdu l’habitude de s’occuper de son intérieur) » p. 34.

26- « De cet élan et de ce vol splendide (plein de tendresse, de désir et d’humilité) » p.45.

27- « Il avait envie (comprenons-le, il était ému et porté aux gestes excessifs) de s’incliner » p. 47.

28- « Hélas, cette bonté de cœur (et de corps) » p. 48.

29- « Puis elle regarda sa montre et se dirigea dans la salle du fond (elle ne portait qu’une blouse blanche directement sur la peau car les salles carrelées étaient pleines de vapeur brûlante) » pp. 50-51.

30- « Si Ruzena jugeait excessive l’idée d’un voyage en Italie et la considérait avec une vague méfiance (bien peu de ses compatriotes pouvaient voyager à l’étranger) » p. 74.

31- « Il lui enlaçait les épaules, s’arrêtait à tout moment de l’embrasser (son bonheur était si grand que le baiser était de nouveau recouvert d’un voile de brume) » p. 80.

32- « A peine eut-il le temps de penser qu’il arrivait mal à propos (l’Américain était connu pour ses nombreuses relations féminines) » p. 82.

33- « Le monde de Klima la rejetait, et le monde de Frantisek auquel elle voulait échapper (le monde de la banalité et de l’ennui, le monde de l’échec et de la capitulation) venait ici la chercher » p. 121.

34- « Elle pensait toujours que l’ironie (toute forme d’ironie) était comme une sentinelle » p. 122.

35- « Tout était concentré dans l’unique (et immuablement présente) vision du corps infidèle » p. 161.

36- « Le jeune homme au pull-over troué (il portait autour du cou un instrument servant à mesurer l’intensité de la lumière) s’était approché du bassin » p. 164.

37- « Mais jusqu’ici elle n’avait rien vu (aucune maîtresse de son mari) » p. 186.

38- « – Merde ! dit le cameraman (c’était le jeune homme au pull-over troué), il faut célébrer ça ! » p. 187.

39- « Mais c’était justement pourquoi elle se méfiait de lui (comme la biche se méfie du chasseur) » p. 193.

40- « De Klima, elle se méfiait (comme le chasseur se méfie de la biche) » p. 193.

41- « Elle aimait bien ses collègues, mais elle n’avait pas tout à fait  confiance en elles (comme le chasseur se méfie des autres chasseurs) » p. 193.

42- « Trois tables en bois peintes en rouge (la peinture était déjà écaillée) avec des chaises » p. 193.

43- « Les deux persécutrices du trompettiste (ses deux malheurs) sont assises face à face » p. 197.

44- « Car celui qui le mettait à l’épreuve (Dieu qui n’existe pas) voulait connaître Jakub » p. 221.

45- « Mais elle comprenait (elle avait un œil d’aigle) qu’aucune d’elles ne le connaissait personnellement » p. 222.

46- « L’amour dans le visage de son mari (un amour souffrant et désespéré) » p. 223.

47- « Il jouerait le rôle innocent (et assez banal dans ce pays) du galant homme » p.281.

48- « Est-ce qu’avec le temps l’amour (fatigué et épuisé) ne s’était pas échappé de cette forme ? » p. 283.

c) Rappels:

49- « Ruzena se faisait soudain l’effet d’une petite fille et elle dit (c’est la même phrase qui, la veille, avait rendu à Klima le désir de vivre) : « Alors, dit moi ce qu’il faut que je fasse ! (...) » » p. 108.

- « Elle baissa la tête et dit d’une voix résignée : « Eh bien, dis-moi ce qu’il faut que je fasse » » p. 79.

50- « Olga dissimula sa poitrine avec ses mains (ce n’était pas difficile car, comme nous le savons, ses seins ressemblaient à deux prunes) » p.164.

- « – Eh bien, regarde-la ! Elle a des seins minuscules qui pendent de sa poitrine comme deux prunes »p. 93.

51- « – Merde ! dit le cameraman (c’était le jeune homme au pull-over troué), il faut célébrer ça ! » p. 187.

- « Le jeune homme au pull-over troué » p. 164.

52- « Toute son âme (une fois de plus ! une fois de plus !) redescendait vers le bas » p.202.

53- « Olga était allongée dans son lit (la radio de la chambre voisine était silencieuse) » p.298.

- « Ruzena avait l’habitude de mettre très fort la radio et Olga aimait le calme » p. 97.

54- « Mais ensuite (comme nous le savons, elle savait bien s’observer) » p. 298.

- « Olga était en effet de ces femmes modernes qui se dédoublent volontiers en une personne qui vit et en une personne qui observe »  p. 97.

II/ DIDASCALIES:

55- « (elle regarda sa montre) » p. 64.

56- « (il leva son verre de cognac) » p. 70.

57- « (elle ne l’observait que du coin de l’œil) » p. 123.

58- « (il n’entendait pas sa voix, mais il déchiffrait les paroles sur ses lèvres) » p. 217.

59- « (on entend couler l’eau) » p. 234.

60- « (le concierge dormait) » p. 240.

61- « (il était désert) » p. 257.

62- « (la radio de la chambre voisine était silencieuse) » p. 298.

III/ IRONIE:

63- « Oui, il lui arrivait parfois (c’étaient des moments miraculeux) de saisir (...) » p. 35.

64- « Ruzena s’était (pauvre trompettiste !) rangée du côté de ces femmes-là » p. 167.

65- « Toute son âme (une fois de plus ! une fois de plus !) redescendait vers le bas » p.202.

IV/ PAROLES OU PENSEES D’UN PERSONNAGE:

66- « (elle le faisait toujours songer à la corde d’un instrument de musique, il lui disait qu’elle avait « l’âme d’une corde ») » [Klima]   p. 35.

67- « (pas plus que ceux qui y travaillaient avec moi) » [Jakub] p. 137.

68- « (Kamila avait-elle suffisamment pris soin de sa mère ? ne l’avait-elle pas négligée?) » [Kamila] p. 160.

69- « (il sentait peut-être que Jakub pensait constamment à lui) » [Chien] p. 168.

70- « (Jakub était fasciné : l’homme considérait son restaurant comme un lieu haut, comme un olympe, comme un point de recul et de hauteur) » [Jakub et « l’homme jeune »] p. 170.

71- « (et il en voulait aux amis qu’il avait consultés de ne pas avoir attiré son attention là-dessus) » [Klima] p. 191.

72- « (et cela aussi c’était un heureux présage) » [Klima] p. 215.

73- « (Mon dieu ! il ne lui était encore jamais arrivé de se trouver si délicieusement adorable) » [Ruzena] p. 220.

74- « (Klima lui jurait toujours ses grands dieux qu’il ne pourrait jamais s’éprendre d’une autre femme) » [Klima] p. 223.

75- « (elle l’attribuait à son départ tout proche) » [Olga] p. 224.

76- « (mon dieu, comme il la connaissait !) » [Klima] p. 229.

77- « (ce corps servile) » [Jakub] p. 231.

78- « (il ne cessait pas un instant de se souvenir du poison dans le sac de l’autre) » [Jakub] p. 233.

79- « (jamais elle ne s’est cachée comme ça dans la poitrine de personne) » [Ruzena] p.234.

80- « (Klima pensa qu’un petit garçon qui fait pipi est un argument irréfutable en faveur de la naissance d’un enfant. Il se souvient qu’il avait vu un jour, aux actualités, un gamin en train de faire pipi et que toute la salle avait frémi de bienheureux soupirs féminins) » [Klima] p. 252.

81- « (Mon pauvre Frantisek, tu passeras toute ta vie sans rien comprendre sauf une chose, que ton amour a tué la femme que tu aimais, tu porteras cette certitude comme le signe secret de l’horreur, tu erreras comme un lépreux qui apporte aux êtres aimés d’inexplicables désastres, tu erreras toute ta vie comme le facteur du malheur) » [Frantisek] p. 275.

82- « (et que je n’irai jamais) » [Olga] p. 299.

 

L’INSOUTENABLE LEGERETE DE L’ETRE

I- Discussions avec le narrataire:

a) Confidences.                                                                                 

b) Explications, ajouts.                                                           

c) Rappels.

II- Didascalies.

III- Ironie.

IV- Paroles ou pensées d’un personnage.

V- Traductions.

I/ DISCUSSIONS AVEC LE NARRATAIRE

a) Confidences:

1- « Elle était à Prague pour des motifs professionnels, peut-être (ses propos étaient très vagues) en quête d’un nouvel emploi » p. 21.

2- « Le jour elle s’efforçait (mais sans y parvenir vraiment) de croire ce que disait Tomas » p. 33.

3- « (Cette situation montre clairement que la haine de la mère pour la fille était plus forte que la jalousie que lui inspirait son mari. La faute de la fille étant infinie, elle englobait même les infidélités du mari. Que la fille veuille s’émanciper et ose revendiquer des droits – comme celui de s’enfermer à clé dans la salle de bains – est beaucoup plus inacceptable pour la mère qu’une éventuelle intention sexuelle du mari à l’égard de Tereza) » pp. 71-72.

4- « (Et si Tereza elle-même a des allures nerveuses, si ses gestes manquent de gracieuse lenteur, il ne faut pas s’en étonner : ce grand geste de sa mère, autodestructeur et violent, c’est elle, c’est Tereza) » p. 73.

5- « (La comparaison entre le livre et la canne élégante du dandy n’est pas tout à fait exacte. La canna était le signe distinctif du dandy, mais elle en faisait aussi un personnage moderne et à la mode. Le livre distinguait Tereza des autres jeunes femmes, mais en faisait un être suranné. Certes, elle était trop jeune pour pouvoir saisir ce qu’il y avait de démodé dans sa personne. Les adolescents qui se promenaient autour d’elle avec des transistors tonitruants, elle les trouvait idiots. Elle ne s’apercevait pas qu’ils étaient modernes) » p.75.

6- « Tereza (comme nous le savons, elle aspirait à « s’élever ») allait au concert » p. 76 [c’est aussi un rappel].

7- « Mais elle dit tout autre chose (et nous ne pouvons qu’admirer sa ruse) » p. 78.

8- « Le rêve n’est pas seulement une communication (éventuellement une communication chiffrée) » p. 91.

9- « Les Beaux-Arts exigeaient le réalisme le plus rigoureux (l’art non réaliste était alors considéré comme une tentative de subversion du socialisme) » p. 97 [souvenir de l’auteur].

10- « Elle en distribua à peu près la moitié à des journalistes étrangers sous forme de rouleaux à développer (la frontière était toujours ouverte, les journalistes arrivaient de l’étranger, au moins pour un aller et retour, et ils acceptaient avec reconnaissance le moindre document) » pp. 104-105 [souvenir de l’auteur].

11- « Tomas était à côté d’elle, tout habillé, d’où il ressortait que l’essence de ce qu’ils voyaient n’était pas la blague (il aurait été lui aussi en sous-vêtements et coiffé d’un chapeau melon), mais l’humiliation » p. 130 [argumentation].

12- « Le communisme n’était qu’un autre père (...) qui interdisait et l’amour (l’époque était au puritanisme) et Picasso » p. 136 [souvenir de l’auteur].

13- « Cette obscurité est l’infini que chacun de nous porte en soi (oui, qui cherche l’infini n’a qu’à fermer les yeux !) » p. 140.

14- « Il est devenu professeur à Genève (où il n’y a pas de manifestations) » p. 152.

15- « Et si l’amour supraterrestre contient nécessairement (du seul fait qu’il est supraterrestre) une forte part d’inexplicable et d’inintelligible » p. 184.

16- « (souvenons-nous du lexique de mots incompris, de cette longue liste de malentendus!) » p. 184 [c’est aussi un rappel].

17- « Il fallait en effet prouver non seulement que ces gens-là parlent mal de l’Union soviétique (ce qui n’indignait personne en Bohême), mais qu’ils se calomnient mutuellement » p. 191.

18- « (on était en 1970) » p. 192 [indication temporelle].

19- « (donc au printemps 1968) » p. 192 [indication temporelle à connotation historique].

20- « Les cruautés et les violences n’en sont qu’un aspect secondaire (et nullement nécessaire) » p. 197 [jugement].

21- « Prochazka, qui n’était même pas à l’abri chez lui quand il discutait devant un verre avec un ami, vivait (sans s’en douter, ce fut son erreur fatale !) dans un camp de concentration » p. 197.

22- « L’équilibre entre la promesse et l’absence de garantie (en quoi réside précisément l’authentique virtuosité de la coquetterie !) en est rompu » p. 207.

23- « Ce n’était pas le plus ordinaire de tous les corps (c’était ainsi qu’elle l’avait vu jusqu’à présent), mais le plus extraordinaire » p. 226.

24- « Ce dont elle se souvenait (et ce qu’elle regardait maintenant avec excitation devant le miroir) c’était de son propre corps » p.234.

25- « La réaction de ceux (...) qui refusaient d’accepter un quelconque compromis avec la puissance occupante ou dont personne n’exigeait de compromis ou de déclaration (peut-être parce qu’ils étaient trop jeunes et n’avaient encore été mêlés à rien) » p. 261. [conjecture].

26- « Le médecin (à la différence de l’homme politique ou de l’acteur) n’est jugé que par ses malades » p. 263 [précision par comparaison soustractive].

27- « On parlait de lui à l’hôpital et en dehors de l’hôpital (Prague avait les nerfs à vif et les nouvelles de ceux qui flanchaient, dénonçaient, collaboraient, y circulaient avec l’extraordinaire vélocité du tam-tam africain) » pp. 263-264 [souvenirs personnels de l’auteur].

28- « Une carte de visite où il y avait son nom (certainement faux) » p. 265 [conjecture]

29- « Il nous est plus facile de nous disputer avec lui, de l’insulter (ce qui n’a aucun sens) que de lui mentir » p. 269 [argumentation].

30- « Il nous est plus facile de nous disputer avec lui (...) que de lui mentir carrément (ce qui est la seule chose à faire) » p. 269 [argumentation].

31- « Il supposait (correctement) qu’une fois (...) » p. 276 [jugement].

32- « Même si c’était théoriquement possible (des cas de ce genre se sont réellement produits), il n’était (...) » p. 279.

33- « C’est un exemple intéressant de passage du léger au lourd (donc, selon Parménide, de changement du positif en négatif) » p. 281 [argumentation]

34- « Les vendeuses des grands magasins l’appelaient « docteur » (le tam-tam pragois fonctionnait parfaitement) » p. 283.

35- « L’espace de seize heures dont il avait soudain reçu l’aubaine. (Je dis seize, car même les huit heures pendant lesquelles il lavait les carreaux offraient mille occasions de faire la connaissance de nouvelles vendeuses, employées ou ménagères et de prendre rendez-vous) » p. 285.

36- « Il pouvait évidemment s’imaginer plus ou moins comment elle serait une fois nue (ici son expérience de médecin complétait l’expérience de l’amant) » p. 286.

37- « Dans leur chasse à la connaissance, les baiseurs libertins (et c’est évidemment dans cette catégorie qu’il faut ranger Tomas) » p. 290 [confidence didactique].

38- « Une bizarrerie discrète (...) qui se maintenait dans les limites d’une plaisante banalité (le goût de Tomas pour les curiosités n’avait rien de commun avec l’affection fellinienne pour les monstres) » p. 290 [confidence didactique].

39- « Son visage était à ce point insolite qu’il était impossible de dire qu’elle était belle (tout le monde aurait protesté !) » p. 290 [argumentation].

40- « Bien qu’elle ne fût pas tout à fait sans beauté (au moins d’après Tomas) » p. 290 [Tomas]. 

41- « Des gens rejetés par le régime (donc des prisonniers politiques potentiels) le demandaient (...) » p. 309 [argumentation].

42- « La presse (entièrement manipulée par l’Etat) » p. 320 [souvenirs de l’auteur].

43- « Il ne possédait les femmes qu’au prix d’une ultime tension de ses forces. (J’ajoute : nullement de ses forces sexuelles, mais de ses forces physiques; il n’avait pas de difficultés avec son sexe, mais avec le souffle, et c’était justement ce qui lui paraissait un peu comique) » p. 324.

44- « Et je ne parlais pas seulement des cas (somme toute assez rares) (...) » p. 330.

45- « Cet « on ne peut mieux » pouvait être interprété malgré lui (et précisément à cause du ton enjoué auquel il s’était contraint) comme une amère ironie » pp. 333-334.

46- « Le jeune Staline était donc à la fois fils de Dieu (car son père était vénéré comme Dieu) » p. 350 [argumentation].

47- « Il pouvait leur nuire par son pouvoir (il était tout de même le fils de Staline) » p.350 [voir ironie].

48- « Ceux qui doutent de l’être tel qu’il a été donné à l’homme (peu importe comment et par qui) » p. 356 [précision].

49- « Ou bien la merde est acceptable (alors ne vous enfermez pas à clé dans les waters!) » p. 356 [argumentation].

50- « La merde (...) ne pouvait donc exister que « de l’autre côté » (par exemple, en Amérique) » p. 365 [voir ironie].

51- « Comme un corps étranger (par exemple sous l’apparence d’espions) » p. 365 [voir ironie].

52- « Comment se fait-il que des intellectuels de gauche (car le médecin moustachu en était un) acceptent de défiler » p. 381.

53- « Je l’appellerai Simon. (Il se réjouira d’avoir un nom biblique comme son père) » p. 396[c’est aussi un rappel]:

- « Il y a bien des années que je pense à Tomas » p. 17.

- « Tereza est née de borborygmes » p. 63.

54- « Elle n’était même pas joli (vous avez remarqué ses énormes lunettes derrière lesquelles on la voit à peine ?) » p. 404 [le narrateur s’adresse directement au lecteur et en appelle à sa complicité].

55- « Mais un quinquagénaire (nous le savons tous !) (...) » p. 404 [complicité].

56- « L’homme (...) se rappellera peut-être alors la côtelette de veau qu’il avait coutume de découper sur son assiette et présentera (trop tard) ses excuses à la vache » p. 416 [confidence ironique].

57- « Toutes les vaches du village avaient un nom. (Et si le nom est le signe de l’âme, je peux dire qu’elles en avaient une, n’en déplaise à Descartes) p. 421 [argumentation].

58- « Sa folie (donc son divorce d’avec l’humilité) (...) » p. 422.

59- « C’est pourquoi Tereza se sent si bien et si tranquille auprès de lui. (Et c’est pour cela qu’il est si dangereux de changer l’animal en machine animée et de faire de la vache un automate à produire du lait: l’homme coupe ainsi le fil qui le rattachait au Paradis, et rien ne pourra l’arrêter ni le réconforter dans son vol à travers le vide du temps) » p. 432 [digression didactique].

60- « L’amour de l’homme et de la femme est à priori d’une nature inférieure à ce que peut être (tout au moins dans la meilleure de ses variantes) l’amour entre l’homme et le chien » p. 432.

61- « Elle avait déjà tout préparé (...) comme si elle avait imaginé bien des jours à l’avance la mort de Karénine. (Ah ! quelle horreur ! nous rêvons d’avance la mort de ceux que nous aimons !) p. 438 [simulation d’un constat à l’unisson avec le lecteur].

b) Explications, ajouts :

62- « Il considérait qu’un des pôles de la contradiction est positif (le clair, le chaud, le fin, l’être) » p. 16 [exemples].

63- « Il (...) retira la valise (elle était grosse et infiniment lourde) » p. 22 [description].

64- « S’il lui arrivait de rester seule dans son studio (qui n’était de plus en plus qu’un alibi) (...) » p. 28 [explication].

65- « Il dégageait son doigt (son poignet, sa cheville) de son étreinte » p. 28 [énumération].

66- « L’amour ne se manifeste pas par le désir de faire l’amour (ce désir s’applique à une innombrable multitude de femmes) » p. 29 [explication].

67- « Mais par le désir du sommeil partagé (ce désir-là ne concerne qu’une seule femme) » p. 29 [explication].

68- « Il lui glissait dans la main (...) un objet quelconque (un pyjama roulé en boule, une pantoufle, un livre) » p. 29 [énumération, exemples].

69- « Il sorti dans le couloir (le couloir commun de l’immeuble de rapport) » p. 29 [précision].

70- « Avoir de la compassion (co-sentiment) » p. 37 [précision].

71- « Cette compassion-là (au sens de soucit, wspolcszucie, Mitgefühl, medkänsla) » p. 37 [définition].

72- « Celui qui ne possède pas le don diabolique de la compassion (co-sentiment) » p. 37 [précision].

73- « La compassion était devenue le destin (ou la malédiction)» pp. 37-38 [précision].

74- « Il acheta un lit pour emménager dans un logement vide (ils n’avaient pas encore de quoi s’acheter d’autres meubles) » p. 47 [explication, rapport de cause à effet].

75- « En rentrant de l’hôtel à son foyer zurichois (garni depuis longtemps d’une table, de chaises, de fauteuils, d’un tapis) » p. 48 [description, énumération].

76- « On ne peut donc reprocher au roman d’être fasciné par les mystérieuses rencontres des hasards (par exemple, par la rencontre de Vronsky, d’Anna, du quai et de la mort, ou la rencontre de Beethoven, de Tomas, de Tereza et du verre de cognac) » pp. 81-82 [exemples, rappel].

77- « Ils étaient debout devant le miroir (ils étaient toujours ainsi quand elle se déshabillait) et épiaient leur image » p. 129 [précision].

78- « Mais cette signification répercutait (comme un écho, comme un cortège d’échos) toutes les significations antérieures » p. 131 [description].

79- « Il faut d’abord que soient réunis toutes sortes de rapports et de certificats les concernant (de la concierge, des collègues de travail, de la police, de la cellule du parti, du comité d’entreprise) » p. 141 [explication, énumération].

80- « « Le profil politique du citoyen » (ce que dit le citoyen, ce qu’il pense, comment il se comporte, s’il participe aux réunions ou aux cortèges du 1er mai) » p. 142 [explication, énumération].

81- « Etant donné que tout (la vie quotidienne, l’avancement et les vacances) (...) » p. 142 [explication, énumération].

82- « Tout le monde est obligé (pour jouer dans l’équipe nationale, avoir une exposition ou passer des vacances au bord de la mer) » p. 142 [explication, énumération].

83- « Il s’en fichait pas mal que ses compatriotes jouent bien au football ou peignent avec talent (aucun tchèque ne s’était jamais soucié de ce qu’elle peignait) » p. 142 [précision].

84- « On se venge en s’inscrivant à un parti (communiste, trotskiste, maoïste, etc.) » p.146 [explication, énumération].

85- « Il ne se rendait pas compte que ce qu’il jugeait irréel (son travail dans l’isolement des bibliothèques) (...) » p. 147 [explication].

86- « Avec une sorte d’abnégation (dans une solitude sans femmes et sans cortèges) (...) » p.152 [précision].

87- « Marie-Claude profita de l’occasion pour montrer à Sabina (et aux autres)... » p. 158 [précision]

88- « Mais alors, quel rapport y a-t-il entre Tereza et son corps ? ... (Ce sont toujours les mêmes questions qui passent par la tête de Tereza depuis l’enfance. Car les questions vraiment graves ne sont que celles que peut formuler un enfant. Seules les questions les plus naïves sont vraiment de graves questions. Ce sont les interrogations auxquelles il n’est pas de réponse. Une question à laquelle il n’est pas de réponse est une barrière au-delà de laquelle il n’y a plus de chemins. Autrement dit : ce sont précisément les questions auxquelles il n’est pas de réponses qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence.) » p. 201. [digression sur les questions sans réponses à partir de celles que se pose Tereza]

89- « ...l’homme au fusil se tourna ... et quelques instants plus tard (l’homme au fusil pivotait sur place)... » p. 216. [description]

90- « ...ce n’était pas elle (son âme)... » p. 224. [explication]

91- « Vous êtes responsables des malheurs du pays (il est appauvri et ruiné)... » p. 254. [explication]

92- « Vous êtes responsables ... de la perte de son indépendance (il est tombé sous l’emprise des russes)... » p. 254. [explication]

93- « Tomas suivait ce débat (comme dix millions de tchèques)... » p. 254. [précision]

94- « ...ils avaient tellement coupé son texte que ses réflexions se réduisaient à une thèse fondamentale (un peu trop schématique et agressive)... » p. 257. [description]

95- « Il le savait : il y avait deux choses en balance : d’un côté, son honneur (qui exigeait qu’il ne désavoue pas ce qu’il avait écrit)... »    p. 258. [explication]

96- « ...et de l’autre, ce qu’il avait pris l’habitude de considérer comme le sens de sa vie (son travail d’homme de science et de médecin). »    p. 258. [explication]

97- « Le premier type de réaction se rencontrait chez ceux qui avaient eux-mêmes (eux ou leurs proches) renié quelque chose... »        p. 260. [précision]

98- « Le premier type de réaction se rencontrait chez ceux ... qui s’apprêtaient à le faire (à contrecœur, certes; personne ne faisait ça de gaieté de cœur)... » p. 260. [précision]

99- «...la réaction de ceux qui étaient eux-mêmes (eux ou leurs proches) persécutés... » p.261. [précision]

100- « Il se peut que sa profonde méfiance à l’égard des hommes (le doute quant à leur droit de décider de son sort et de le juger)... » p. 263. [précision]

101- « Mais Tomas se trouvait maintenant (pour la première fois de sa vie) dans une situation... » p. 263. [information]

102- « ...Tomas (le chef de service lui serra la main plus fort encore que la dernière fois; il en eut des bleus) dut quitter son poste... » p. 264. [information ironique]

103- « Pour réussir à ne pas croire (continuellement et systématiquement, sans une seconde d’hésitation)... » p. 266. [précision]

104- « Puisqu’il n’avait pas refusé de parler au policier (il n’était pas préparé à une telle situation et ne savait pas ce que la loi autorise et ce qu’elle interdit)... » p. 272. [explication]

105- « ...il y avait une dénonciation de la rédaction de l’hebdomadaire des écrivains avec le nom du journaliste à la haute silhouette voûtée (Tomas ne l’avait jamais rencontré mais connaissait son nom et sa photo)... » p. 274. [information]

106- « ...l’homme du ministère écarta les bras dans un geste de surprise feinte (c’était le geste du pape bénissant les foules du haut du balcon)... » p. 274. [description]

107- « ...outre que les déclarations de ce genre avaient pour but de démoraliser toute la nation (et la stratégie générale des Russes allait en ce sens)... » p. 275. [explication]

108- « ...une fois qu’il serait volontairement descendu au degré le plus bas de l’échelle sociale ( avaient dû descendre alors des milliers d’intellectuels d’autres disciplines)... » p.276. [explication]

109- « C’est cet accord fondamental (nullement le talent ou l’habileté) qui lui permet... » p. 278. [précision]

110- « Tomas ... fendit cette peau et la décousit d’un trait droit et précis (comme un bout de tissu inanimé, un pardessus, une jupe, un rideau)... » p. 278. [exemples, énumération]

111- « ...il y aurait eu (sous forme d’esquisse imparfaite) une grande vérité métaphysique... » p. 281. [précision]

112- « ...il y aurait eu ... (comme œuvre achevée) une plaisanterie... » p. 281. [précision]

113- « Mais une fois surmontée (au bout d’une semaine environ) la stupéfiante étrangeté de sa vie nouvelle... » p. 282. [précision ironique]

114- « Il comprenait le bonheur des gens (dont il avait toujours eu pitié jusque-là)... » p.282. [précision ironique]

115- « ...il ne pouvait plus lui réserver (entre la salle d’opération et son foyer) qu’une étroite bande de temps... » p. 285. [précision ironique]

116- « ...il exploitait certes intensément (comme l’agriculteur de montagne cultive avec assiduité une étroite parcelle)... » p. 285. [comparaison explicative]

117- « ...ce genre de conquête exigeait beaucoup de temps (des semaines, parfois même des mois !)... » p. 288. [précision]

118- « C’était donc non pas le désir de volupté (la volupté venait pour ainsi dire en prime)... » p. 288. [explication]

119- « ...le désir de s’emparer du monde (d’ouvrir au scalpel le corps gisant du monde)... » p. 288. [précision]

120- « ...l’obsession du baiseur libertin est sans rémission (parce qu’elle n’est pas rachetée par la déception). » p. 289. [explication]

121- « ...les baiseurs libertins ... s’éloignent de plus en plus de la beauté féminine conventionnelle (dont ils sont vite blasés)... » p. 290. [explication] 

122- « «Déshabillez-vous !» lui enjoignit-il encore à plusieurs reprises (avec un insuccès comique)... » p. 294. [description]

123- « Bien qu’il eût, ... connu dans les deux cents femmes (et depuis qu’il était laveur de vitres ça faisait encore beaucoup plus)... » p. 295. [précision]

124- « ...il urinait dans le lavabo (pratique courante chez les médecins tchèques)... » p. 296. [explication]

125- « Il s’efforçait ... de définir l’unicité (le millionième de dissemblable) de cette femme. » p. 296. [précision]

126- « ...il se rappelait qu’ils avaient fait l’amour sur le tapis (il n’y avait dans le studio de son ami qu’un étroit divan sur lequel il ne se sentait pas à son aise)... » p. 298. [explication]

127- « Tout le reste (avec un soin presque pédant) était exclu de sa mémoire. » p. 299. [description]

128- « ...une chose peut-être généreuse, mais à coup sûr parfaitement inutile (parce qu’elle n’aiderait aucunement les prisonniers politiques)... » p. 315. [explication]

129- « ...une chose ... qui lui était personnellement désagréable (parce qu’il agissait dans des circonstances qui lui étaient imposées)... » p. 316. [explication]

130- « ...toute action politique (réunion, pétition, manifestation de rue)... » p. 318. [énumération]

131- « C’est cette frontière franchie (la frontière au-delà de laquelle finit mon moi) qui m’attire. » p. 319. [précision]

132- « Même en écartant tout ce qui relevait du sentiment (l’admiration qu’il éprouvait pour le journaliste, l’irritation que lui causait son fils)... » p. 320. précision]

133- « ...dans une histoire qui n’était pas (ou n’avait pas conscience d’être) une esquisse. » p. 322. [précision]

134- « ...en s’élevant chaque fois d’un degré (d’une vie)... » p. 323. [explication]

135- « Nous autres, sur la terre (sur la planète numéro un, sur la planète de l’inexpérience)... » p. 323. [explication]

136- « Pendant ces semaines-là il comprit (avec tristesse, et aussi avec un rire secret)... » p.324. [description]

137- « ...il comprit ... qu’il commençait à se fatiguer physiquement (il livrait chaque jour un et parfois deux combats amoureux)... » p. 324. [explication]

138- « Tendrement unis, ils ne l’étaient que la nuit ... elle oubliait l’abîme (l’abîme de la lumière du jour) qui les séparait. » p. 326. [précision]

139- « Tomas se réjouissait de cette rencontre (ce n’était que le plaisir naïf que nous apporte l’inattendu)... » p. 333. [description]

140- « ...il saisit dans le regard de son collègue (dans la première seconde où  S. n’avait pas encore eu le temps de contrôler sa réaction) une expression... » p. 333. [précision temporelle]

141- « ...il pouvait leur nuire ... par son amitié (le père pouvait châtier l’ami à la place du fils réprouvé). » p. 350. [explication]

142- « Lui qui portait sur ses épaules le drame le plus sublime qui se puisse concevoir (il était à la fois fils de Dieu et ange déchu)... » p. 350. [explication, voir aussi ironie]

143- « ...fallait-il qu’il fût maintenant jugé non pas pour des choses nobles (concernant Dieu et les anges) mais pour de la merde ? » p. 350. [précision]

144- « On peut trouver dans le raisonnement de Scot Erigène la clé d’une justification théologique (autrement dit d’une théodicée) de la merde. » p. 354. [explication]

145- « Tant qu’il était permis à l’homme d’être au Paradis, ou bien (de même que Jésus d’après la théorie de Valentin) il ne déféquait pas, ou bien ... la merde n’était pas perçue comme quelque chose de répugnant. » p. 354. [comparaison]

146- « Sans la merde (au sens littéral et figuré du mot)... » p. 355. [précision]

147- « ...la laideur du monde communiste (les châteaux convertis en étables)... » p. 358. [exemple]

148- « ...cette stupide tautologie (« Vive la vie ! »)... » p. 359. [référence]

149- « Une dizaine d’années plus tard (elle vivait déjà en Amérique)... » p. 360. [précision]

150- « ...toute manifestation d’individualisme (car toute discordance est un crachat jeté au visage de la souriante fraternité)... » p. 363. [argumentation]

151- « ...tout scepticisme (car qui commence à douter du moindre détail finit par mettre en doute la vie en tant que telle)... » p. 363. [argumentation]

152- « ...l’ironie (parce qu’au royaume du kitsch tout doit être pris au sérieux)... » p. 363. [argumentation]

153- « La merde (c’est-à-dire ce qui est essentiellement inacceptable)... » p. 365. [explication]

154- « ...une cinquantaine d’intellectuels (professeurs, écrivains, députés, chanteurs, acteurs et maires)... » p. 377. [énumération d’exemples]

155- « ...l’homme de gauche s’est trouvé devant une alternative : ou bien cracher sur sa vie passée ... ou bien (avec plus ou moins d’embarras) ranger l’Union soviétique parmi les obstacles à la Grande Marche... » p. 381. [description]

156- « Son combat contre le pouvoir silencieux (contre le pouvoir silencieux de l’autre côté de la rivière, contre la police changée en microphones muets cachés dans le mur)... » p. 392. [précision]

157- « Le président de la coopérative n’était pas imposé de l’extérieur (comme le sont tous les responsables dans les villes)... » p. 411. [comparaison]

158- « Un jour après le déjeuner (c’était le moment où ils avaient tous les deux une heure de liberté)... » p. 413. [précision]

159- « ...ça l’amuse beaucoup de se montrer sévère avec les génisses, ... (son Dieu l’a chargé de régner sur les vaches et il en est très fier)... » p. 417. [explication]

160- « Tereza les regarde avec tendresse et se dit (c’est une idée qui lui revient irrésistiblement depuis deux ans)... » p. 418. [précision]

161- « Le véritable test moral de l’humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu’il échappe à notre regard)... » p. 421. [précision]

162- « Ils ... s’efforçaient de paraître gais (à cause de lui et pour lui)... » p. 425. [précision]

163- « Elle savait qu’elle était injuste (le chien ne dormait pas)... » p. 428. [explication]

164- « ...vit-elle surgir devant ses yeux l’image de la campagne (de la campagne où elle n’avait jamais vécu, qu’elle ne connaissait pas)... » p. 430. [précision]

165- « ...nous voulons quelque chose de l’autre (l’amour)... » p. 433. [précision]

166- « Si elle l’a élevé, ce n’est pas pour le changer (comme un homme veut changer sa femme et une femme son homme)... » p. 433. [comparaison]

167- « Jusque-là il était resté couché avec indifférence (même quelques instants plus tôt, pendant que Tomas l’examinait, il n’y avait prêté aucune attention)... » p. 436. [précision]

168- « ...il lui faisait maintenant savoir (avec encore beaucoup plus d’insistance qu’autrefois)... » p. 436. [description]

169- « ...il était toujours prêt à apprendre d’elle la vérité (car tout ce qui vient de Tereza est pour lui la vérité : qu’elle lui dise « assis ! » ou « couché ! », ce sont des vérités avec lesquelles il fait corps et qui donnent un sens à sa vie). » p. 436. [explication]

170- « Une gouttelette rouge pâle (qui ne ressemblait pas à du sang)... » p. 437. [précision]

171- « Elle s’écarta et constata que sa poitrine bougeait un peu. (Non, elle n’a entendu que sa propre respiration qui imprime un mouvement imperceptible à son propre corps, et elle croit que c’est la poitrine du chien qui bouge !) p. 439. [explication à l’intention du lecteur comme s’il y avait dialogue entre le narrateur et le lecteur au moment de la lecture, ou le narrateur et le narrataire au moment de l’écriture]

172- « Maintenant qu’elle était serrée contre lui (l’avion flottait dans les nuages)... » p. 443. [description]

c) Rappels :

173- « (cette malédiction de la télépathie sentimentale) » p. 52.

- « ...l’art de la télépathie des émotions. » p. 37.

174- « (celui-là même qui lui téléphonait tous les jours à Prague après l’invasion russe) » p.53.

- « ...il n’arriva pas à la rendre heureuse. Il le compris une dizaine de jours après l’occupation de son pays par les chars russes. On était en août 1968, le directeur d’une clinique de Zurich ... lui téléphonait tous les jours de là-bas. » p. 43.

175- « (cette envie qu’il éprouvait encore au moment où il était monté en voiture à Zurich) » p. 56.

176- « Tereza (comme nous le savons, elle aspirait à « s’élever ») allait au concert. » p. 76.

177- « (ce signe de reconnaissance d’une fraternité secrète) » p. 78.

- « ...le livre était le signe de reconnaissance d’une fraternité secrète. » p. 75.

178- « (les oiseaux des hasard se rejoignaient sur ses épaules) » p. 79.

- « Pour qu’un amour soit inoubliable, il faut que les hasards s’y rejoignent dès le premier instant comme les oiseaux sur les épaules de saint François d’Assise. » p. 77.

179- « (Tereza sentit l’équipage de l’âme s’élancer sur le pont de son corps) » p. 79.

- « C’était le désir de ne pas être un corps comme les autres corps, mais de voir sur la surface de son visage l’équipage de l’âme surgir du ventre du navire. » p. 74.

- « ...Tereza sentit son âme s’élancer à la surface par toutes ses veines, tous ses capillaires et tous ses pores pour être vue de lui. » p. 75.

180- « (le livre, Beethoven, le chiffre six, le banc jaune du square) » p. 80.

- « ...un livre ouvert était posé sur la table. Dans ce café, personne n’avait encore jamais ouvert de livre sur une table. Pour Tereza, le livre était le signe de reconnaissance d’une fraternité secrète. » p. 75.

- « ...Beethoven était devenu pour elle l’image du monde « de l’autre côté », l’image du monde auquel elle aspirait. A présent ... elle s’efforçait de lire dans ce hasard : comment se pouvait-il qu’au moment même où elle s’apprêtait à servir un cognac à cet inconnu qui lui plaisait, elle entendit du Beethoven. » p. 77.

- « Elle se souvint qu’au temps où elle habitait à Prague chez ses parents, avant leur divorce, leur immeuble était au numéro six. Mais elle dit tout autre chose ... : « Vous avez la chambre six et je termine mon service à six heures. » » p. 78.

- « Il était assis sur un banc jaune d’où l’on pouvait voir l’entrée de la brasserie. C’était justement le banc où elle s’était assise la veille avec un livre sur les genoux ! Elle comprit alors ... que cet inconnu lui était prédestiné. » p. 79.

181- « (une musique de Beethoven, une mort dans une gare) » p. 81.

- « ...Tomas apparaît dans la brasserie au moment où la radio joue du Beethoven. » p. 80.

- « Au début du roman que Tereza tenait sous le bras le jour où elle était venue chez Tomas, Anna rencontre Vronsky en d’étranges circonstances. Ils sont sur le quai d’une gare où quelqu’un vient de tomber sous un train. A la fin du roman, c’est Anna qui se jette sous un train. » p. 81.

182- « (comme Tomas et Sabina ont échangé le motif du chapeau melon) » p. 132.

- « ...à l’étranger, le chapeau melon était devenu un objet sentimental. Quand elle était allée voir Tomas à Zurich, elle l’avait emporté et se l’était mis sur la tête pour lui ouvrir la porte de sa chambre d’hôtel. Il se produisit alors quelque chose d’inattendu : le chapeau melon n’était ni drôle ni excitant, c’était un vestige du temps passé. Ils étaient émus tous les deux. Ils firent l’amour comme jamais ... » p. 131.

183- « (dans une solitude sans femmes et sans cortèges)... » p. 152.

- « Les cortèges ... le fascinaient. » p. 147.

- « ...le mot femme, qu’il prononçait avec une emphase particulière, n’était pas pour lui la désignation de l’un des deux sexes de l’espèce humaine, mais représentait une valeur. » p.133.

184- « ...les cortèges (qui, comme je l’ai dit, ne sont qu’un spectacle et qu’un rêve) » p.175.

- « ...les cortèges qu’il prenait pour la réalité n’étaient qu’un spectacle, qu’une danse, qu’une fête, autrement dit : un rêve. » p. 147.

185- « (souvenons-nous du lexique de mots incompris, de cette longue liste de malentendus!)... » p. 184.

- De la page 133 à la page 140; de la page 146 à la page 153; de la page 159 à la page 167.

186- « ...une série de hasards ridicules qui s’étaient produits sept ans plus tôt (ils avaient débuté par la sciatique du chef de service) » p. 277.

- « Mais, par hasard, le chef de service avait une sciatique... » p. 58.

187- « ...la rancœur accumulée (d’abord essayée sur les animaux)... » p. 420.

- « ...on exigeait l’extermination des pigeons dans les villes. Exterminés, ils le furent bel et bien. Mais la campagne visait surtout les chiens. » p. 420.

II/ DIDASCALIES :

188- « (il est à genoux au chevet de la jeune femme, persuadé de ne pouvoir survivre à sa mort)... » p. 19.

189- « ...elle le tenait par la main (fermement, il n’arrivait pas à se dégager de son étreinte)... » p. 23.

190- « (elle n’en finissait pas de trembler)... » p. 30.

191- « Tereza dit (toujours avec agacement)... » p. 111.

192- « Il eut envie de répondre (avec un étonnement sincère)... » p. 172.

193- « ...et gagna avec lui (toujours à pied)... » p. 203.

194- « En entendant cette voix désincarnée (sans voir en même temps la haute stature de l’ingénieur)... » p. 229.

195- « Ils firent ensuite le tour (Karénine les suivait seul, sans laisse) de toutes les rues... » p. 242.

196- « ...le journaliste fit observer (avec l’air de quelqu’un qui présente des excuses)... » p.313.

197- « Il dit (toujours avec la même froideur dans la voix, mais sans s’en rendre compte)... » p. 313.

198- « Son fils dit encore (d’un ton presque suppliant)... » p. 316.

199- « Une Française ... lui dit ( dans un anglais épouvantable)... » p. 385.

200- « Elle dit (en excellent anglais)... » p. 385.

201- « – Merde, dit la prof de linguistique (en excellent français). » p. 386.

202- « ...(il parut réfléchir)... » p. 452.

III/ IRONIE :

203- « Pour apaiser sa souffrance, il l’épousa (ils purent enfin résilier la sous location, elle n’habitait plus dans le studio depuis longtemps)... » p. 42.

204- « Tereza (comme nous le savons, elle aspire à « s’élever »)... » p. 76.

205- « Mais elle dit tout autre chose (et nous ne pouvons qu’admirer sa ruse)... » p. 78.

206- « Ce sont peut-être ces quelques hasards (d’ailleurs bien modestes et banals, vraiment dignes de cette ville insignifiante)... » p. 80.

207- « Si le boucher du coin était venu s’asseoir à une table de la brasserie à la place de Tomas, Tereza n’aurait pas remarqué que la radio jouait du Beethoven (bien que la rencontre de Beethoven et d’un boucher soit aussi une curieuse coïncidence). » p. 80.

208- « Le rédacteur en chef la reçu aimablement (tous les tchèques portaient autour de la tête l’auréole de leur malheur qui touchait les bons Suisses)... » p. 106.

209- « Lui qui portait sur ses épaules le drame le plus sublime qui se puisse concevoir (il était à la fois fils de Dieu et ange déchu)... » p. 350.

210- « ...il pouvait leur nuire par son pouvoir (il était tout de même le fils de Staline)... » p.350.

211- « La merde ... ne pouvait donc exister que « de l’autre côté » (par exemple, en Amérique)... » p. 365.

212- « ...comme un corps étranger (par exemple sous l’apparence d’espions)... » p. 365.

213- « ...et présentera (trop tard) ses excuses à la vache. » p. 416.

IV/ PAROLES OU PENSEES D’UN PERSONNAGE :

214- « ...(« aussi belles soient-elles »)... » p. 106. [Le rédacteur en chef]

215- « ...(charmante certes, il voulait bien l’admettre)... » p. 128. [Franz]

216- « ...(elle ne voyait plus en lui l’excentrique, mais plutôt l’ivrogne encombrant)... » p.136. [Sabina]

217- « ...(ce corps étranger qu’elle voudrait chasser au loin)... » p. 206. [Tereza]

218- « ...(ils devaient quand même avoir entendu parler des horreurs qui s’étaient produites et n’avaient pas cessé de se produire dans la Russie postrévolutionnaire)... » p. 254. [Tomas]

219- « ...(« ce que tu me fais, je te le fais »)... » p. 294. [la cliente de Tomas]

220- « ...ils avaient fait l’amour (elle refusait de faire l’amour par derrière)... » p. 298. [une des maîtresses de Tomas]

221- « ...(elle lui demandait toujours de lui serrer fermement les hanches, et elle protestait s’il la regardait)... » p. 298. [une des maîtresses de Tomas]

222- « ...(« Prenez garde, on est filmés, si vous nous adressez la parole, vous serez bon pour un nouvel interrogatoire »)... » p. 332. [supposition de Tomas quant au message du journaliste]

223- « ...(« Vous n’avez pas eu le courage de signer une pétition, soyez logique et n’ayez pas de contacts avec nous ! »)... » p. 332. [supposition de Tomas quant au message du journaliste]

224- « (D’ailleurs, l’ingénieur était-il vraiment au service de la police secrète ? Peut-être que oui, peut-être que non. Il ne manque pas d’hommes qui se font prêter des appartements pour leurs rendez-vous intimes et n’aiment pas coucher plus d’une fois avec la même femme.) » p. 410. [Tereza]

225- « ...son amour pour le chien est un amour volontaire, personne ne l’y a contrainte. (Une fois de plus, Tereza pense à sa mère, et elle en éprouve un grand regret : si sa mère avait été une des femmes inconnues du village, sa joviale grossièreté lui eût peut-être été sympathique ! Ah ! si seulement sa mère avait été une étrangère ! Depuis l’enfance Tereza à toujours eu honte que sa mère occupe les traits de son visage et lui ait confisqué son moi. Et le pire, c’est que l’impératif millénaire « Aime ton père et ta mère ! » l’obligeait à accepter cette occupation, à qualifier d’amour cette agression ! Ce n’est pas la faute de sa mère si Tereza a rompu avec elle. Elle n’a pas rompu avec sa mère parce que sa mère était telle qu’elle était, mais parce que c’était sa mère.) » p. 433. [Tereza]

V/ TRADUCTIONS :

226- « ...le plus lourd fardeau (das schwerste Gewicht). » p. 15.

227- « ...«sentiment » (en tchèque : sou-cit; en polonais : wspol-czucie; en allemand : Mit-gefühl; en suédois : med-känsla). » p. 36.

228- « pitié (en anglais pity, en italien pietà, etc.)... » p. 36.

 

LA REPUDIATION

I- Discussions avec le narrataire:

       a) Confidences.

       b) Explications, ajouts.

       c) Questions.

II- Didascalies.

III- Ironie.

IV- Paroles ou pensées d’un personnage.

V- Propos adressés à un personnage.

VI- Parenthèse poétique.

I/ DISCUSSIONS AVEC LE NARRATAIRE

a) Confidences:

1- « ...nous avions donc cessé nos algarades (lui dirai-je que c’est un mot arabe et qu’il est navrant qu’elle ne le sache même pas ? Peut-être vaudrait-il mieux ne pas réveiller la chatte agressive et tumultueuse qui dort en elle...)... » p. 9.

2- « Je rêvais de la cloîtrer, non pour la garder pour moi ... (non, je ne pouvais pas être jaloux dans l’état d’extrême confusion où je végétais depuis, ou bien avant, ma séquestration par les Membres Secrets dans une villa bien connue du peuple; non ce n’était pas du tout là mon but)... » p. 12. [dialogue]

3- « ...douceur du bois blanc (le seul meuble, dans la chambre, qui faisait rêver)... » pp. 16-17. [appréciation]

4- « Elle prenait toujours cette attitude lorsqu’elle écoutait quelqu’un parler (disposition à la communion). » p. 19.

5- « ...Musique. Tintamarre. Nains voltigeurs. (Nous nous méfiions des sorciers)... » p. 21. [dans ce passage, la parenthèse qui est sur le plan syntaxique la phrase la plus élaborée, est paradoxalement, moins percutante que les autres]

6- « Il racontait qu’il avait pris le train (il était réellement coutumier du fait). » p. 27. [confirmation à l’adresse du lecteur]

7- « Son mari ne dit mot car se curer les dents est un art, plus qu’un plaisir ! (Dans la ville, les hommes déambulent. Ils crachent dans le vagin des putains, pour les rafraîchir. Chaleur... Les hommes ont tous les droits, entre autres celui de répudier leurs femmes. Les mouches continuent d’escalader les verres embués et de s’y noyer. Aucune ivresse ! Ma mère ne sait ni lire ni écrire. Raideur. Sinuosités dans la tête. Elle reste seule face à la conspiration du mal allié aux mouches et à Dieu.) » p. 34. [délire]

8- « Elle s’accrochait, disait qu’elle m’aimait (enfantillages...). » p. 51. [jugement]

9- « ...j’aboutissais chaque fois à cette odieuse impasse où me catapultait l’innocence amère (je ne savais pas comment me venger du sadisme du clan vis-à-vis de Ma). » p. 51.

10- « ...je farfouillais dans le reste attiédi de ma conscience ... (mais rien !). p. 51.

11- « Mouvance lentement freinée jusqu’au bercement au rythme duquel s’endormait la ville arabe, épuisée par son troc et sa position instable entre la mer et les collines. (Regarder s’amenuiser les silhouettes dans les ruelles tenait du cauchemar !)... » p. 61.

12- « J’en profitais pour haïr ma mère et, par une sorte de dérision, avilir toutes les femmes qui me passaient entre les mains. (Lâcheté !) » p. 65. [jugement]

13- « Il ne perdait donc pas le nord, continuait à manger beaucoup de miel et des amandes grillées (toujours l’obsession génésique !)... » p. 70.

14- « Un voile blanc (simple suggestion !) » p. 74.

15- « Ablution féminine (toujours la même suggestion). p. 74.

16- « ...quand il a le cafard (et il l’a continuellement). » p. 82.

17- « ...les saucisse grillées au feu de charbon, celles que l’on fait, selon les tantes, avec des boyaux de chats (gamin, j’en mangeais exprès pour avoir l’âme d’un chat et ne pas mourir, puisque ma mère répétait tout le temps que les chats ont sept âmes). » p. 94.

18- « Le vieillard traîne au milieu du cercle que nous formons et en est très content (le milieu c’est le pouvoir !). » p. 96.

19- « Le maître risque de se réveiller ... Au moment où la chasse devient le plus passionnant, nous prenons des risques, nions toute autorité qui nous séparerait des mouches (qu’il se réveille et nous le catapulterons, nous le découperons en morceaux...)... » p. 96.

20- « Une fois lassés de notre jeu, nous les donnons à un enfant noir (racisme latent !) » p.96. [jugement]

21- « La chaise prend un air tranquille, dans la tension qui se développe (elle nous a assez supportés comme cela !). p. 99.

22- « Pauvre mère, elle doit l’astiquer, mais il porte quand même son idiotie comme un aveugle sa canne blanche ... (Ne jamais oublier que ma mère est goitreuse et que j’aurais pu naître idiot.) » p. 109. [le narrateur se parle à lui même, oui, mais cela n’empêche pas que ces propos sont avant tout destinés au lecteur]

23- « ...parler du cou de la femme est d’un érotisme qui peut mener au pire (Ah ! Zoubida... Impacts) » p. 110.

24- « J’ai encore un orgasme à tirer (penser à Zoubida en train d’enfiler un bas, mais c’était peut-être au cinéma, cette image ?) » p. 111. [ses propres pensées]

25- « ...je découvre mes propres mains. (Ça alors ! étonnantes !) » p. 112.

26-« Il n’attend pas ma réponse d’ailleurs. Lit (belle voix). » p. 112. [aparté]

27- « Le gamin est assis en face du téléphone et le contemple avec des yeux de chien. (Tu peux y compter !) » p. 113. [aparté]

28- « Les réprimandes du père me laissent froid (ne pas envenimer les choses !) » p. 115. [aparté]

29- « ...la culotte de la marâtre ... (couleur bonbon, quel mauvais, goût !) » p. 120. [aparté]

30- « ...elles avaient souvent un enfant à allaiter (toujours la prophétie du lait !)... » p. 123. [aparté]

31- « ...je lui racontais ma vie comme on moud du café (au fond, elle s’ennuyait). » p. 132. [il nous dit ce qui nous est caché]

32- « Engelures (les femmes-corbeaux des cimetières de Constantine se transforment en mouettes blanches et préparent du couscous dans les maisons bourgeoises et chez les promus sociaux de la Coopération technique). » p. 132.

33- « Eau troublée (je n’osait plus me laver, de peur de tout éteindre). » p. 136.

34- « ...ma voix rendue chevrotante par l’insomnie (cigarettes encore...). » p. 137.

35- « Pourquoi ricanait-elle ? (elle était exaspérante.) » p. 146. [jugement]

36- « ...nous ne pouvions à la fin que nous réconcilier, Heimatlos et moi, en attendant le retour du cadavre (cependant, il ne fallait surtout pas qu’il touchât au corps ramolli de mon frère sur lequel le chef du clan déverserait des flots de versets coraniques hargneux). » p.156. [aparté]

37- « Comme pour la circoncision (encore une invention barbare des adultes !). » p. 204. [aparté]

38- « En définitive, il fallait s’attaquer aux palefreniers, aux femmes et aux oncles ... Mais cela fait beaucoup de monde (ne pas oublier l’amant de l’institutrice française). » pp. 204-205.

39- « La troupe de tout à l’heure est à ma poursuite. Musulman ! Musulman ! (Merde ! Merde ! Zébi !)... » p. 206. [panique]

40- « ...il faut que je m’en aille (prétexter une course urgente, peut-être, dire que ma mère est très malade et qu’il faut que j’aille vérifier si elle n’est pas morte...)... » p. 210. [pensée pour lui-même]

41- « ...un homme du clan, non pas celui qui paraissait être le chef, mais un autre, vivant dans son ombre et attendant son heure pour prendre le pouvoir (il venait certainement de gagner la partie comme le prouvaient ces journaux réquisitionnés dans les imprimeries et cette musique, entrecoupée de temps à autre par la voix du nouveau leader bredouillant quelques phrases rendues inaudibles par la faute de mon vieux transistor quelque peu enroué et qui émettait par saccades brusques suivies de silences, ce qui donnait au discours, certainement cinglant et dur, une apparence cocasse, comme une sorte de déglutition difficile). » p. 218. [aparté]

42- « ...les yeux abrités derrière des lunettes très noires (une coquetterie héritée du Devin!)... » p. 220. [aparté]

43- « ...questions sans queue ni tête au sujet de mes rideaux, de ma carpette (je n’en ai jamais eue !)... » p. 230.

44-« J’épiais le moindre bruit dans le couloir (il n’y en avait jamais !)... » pp. 230-231.

45-« ...la moindre vibration de l’air (il n’y en avait jamais!)... » p. 231.

46- « ...bourreau qui m’achèverait sans rien me dire, sans même hocher la tête devant ma peur lamentable et mes supplications vaines (puisqu’il ne ferait qu’exécuter un ordre)... » p. 231. [argumentation]

47- « ...(peut-être même agirait-il avec douceur...)... » p. 231. [supposition]

48- « ...mes yeux qui devenaient progressivement mous et sirupeux ... (on ne me permettait pas de me laver)... » p. 231. [il se plaint au lecteur]

49- « ...au niveau de l’hôpital (ou du bagne, quelle importance, puisque je pouvais être aussi bien dans la villa aménagée depuis l’occupation étrangère en centre de torture). » p. 240.

50- « ...le teint avachi par l’insomnie (disait-elle !)... » p. 240.

51- « ...elle refusait de satisfaire ma curiosité sous prétexte qu’elle eût ainsi gâché la thérapeutique volontariste de mes médecins (ils auraient pu, bien sûr, être des responsables de l’administration pénitencière, portés sur la socio-psychologie des masses concentrationnaires !). » p. 240.

52- « Elle n’aimait pas chez moi cette façon d’évoquer ses attitudes intimes (elle voulait dire: ses vices !)... » p. 241.

53- « ...il fallait rejeter toute idéologie maléfique pour les intérêts des gros commerçants ... afin de mieux exploiter les classes pauvres et de les avoir à portée de la main (que ferait mon père sans les petites mendiantes qui venaient chaque matin lui demander l’aumône et qui, en échange, le laissaient caresser leur sexe, glacées d’effroi ? Elles se laissaient faire par craint de perdre la piécette que le père tenait dans l’autre main en guise d’appât; puis elles s’y habituaient et finissaient par venir dans le magasin pour satisfaire des vices que Si Zoubir avait su développer en elles. Combien de fois l’avais-je surpris en flagrant délit de viol sur les fillettes en guenilles ? Il savait alors reprendre contenance, mimer quelque jeu puéril, s’attendrir sur les loques de la gamine affamée, prendre tout à coup sa voix de stentor en mal de prêche, aller farfouiller dans son maudit coffre-fort à la recherche du livre saint, l’ouvrir juste à la page nécessaire, et sans perdre sa virulence me rappeler sévèrement à l’ordre de la charité préconisée par Dieu et par son prophète, renverser ainsi la vapeur, me coincer entre ma berlue irritante et le désir dérisoire de tuer l’immonde père échappé à ma filiation; il ne restait alors en moi qu’une sensation de soleil, abrupte et tenace, qui ne laissait dans mon invective qu’une désespérance d’ombre fraîche, de froid – en dépit de la chaleur – et de porte étroite bleuie par la chaux et le silence; puis resurgi tout à coup de l’innommable songe je déferlais dans la rue et tapais dans tous les chats et chattes du quartier, que je soupçonnais d’être en chaleur, jusqu’à en avoir mal aux testicules). » pp. 242-243. [argumentation]

54- « Moi, je suis toujours au secret (cela dure depuis des années...)... » p. 252. [aparté]

b) Explications, ajouts :

55- « ...ses mollets gainés de nylon (ajoutant au désir brut un érotisme publicitaire de mauvais aloi)... » p. 12. [description]

56- « ...mes cauchemars ... où les femmes jouaient toujours des rôles très importants (comme dans cet affreux rêve où j’avais vu un lapin écorché sur lequel on jetait des bassines de sang, alors que ma mère, à côté, agonisait par la faute de menstrues démentielles qui ne voulaient pas s’arrêter; dans mon cauchemar, je ne faisais pas la liaison entre le sang déversé sur l’animal excorié et le sang de ma mère, et ce ne fut qu’au réveil que je me rendis compte que tout le sang provenait de ma mère, vidée et râlante). » p. 13. [explication et description]

57- « ...soudainement j’éprouvais le besoin d’énoncer à haute voix des certitudes flagrantes. (La rue en bas est étroite. Elle débouche sur les quais. Hier, nous avons mangé des crevettes grillées dans une gargote du port où l’on nous avait proposé du haschisch; j’ai répondu brusquement : non ! Céline m’a regardé avec un petit air étonné. Au retour j’ai lavé ma chemise dans le lavabo.)... » p. 18. [explication et description]

58- « ...Céline ... à qui je m’ingéniais à ne plus parler (disant que je ne savais plus)... » p. 29. [précision]

59- « ...le mouvement ... devient obsédant et pénétrant (prélude à l’acte sexuel). » p. 37. [aparté]

60- « ...la tortue, morte maintenant et dont personne ne s’était occupé. (Ma, demain, lui ferait de belles funérailles et irait peut-être jusqu’à encenser la maison, en hommage à l’animal qu’elle avait amené avec elle le jour de son mariage.) » p. 50.

61- « Et la chanson de l’eau (chasse, bidets). » p. 61. [explication]

62- « ...mon compagnon (ou mon frère aîné)... » p. 61. [explication]

63- « Ma chambre (c’était celle de ma mère, en même temps)... » p. 73. [explication]

64- « ...un foisonnement multicolore (vert, rouge...). » p. 73. [description]

65- « Lui, persistait dans son fracas (tumulte et coups...). » pp. 87-88. [description]

66- « ...nous ... donnons des noms splendides aux insectes (rien que des noms de rois et d’empereurs). » p. 96. [explication]

67- « Je ne me souviens que de leurs chansons stupides (Colombes !) ». p. 103. [illustration]

68- « (Carnet de Zahir découvert dans un tiroir, après sa mort.) p. 104. [précision]

69- « (Carnet de Rachid récupéré par Zahir.) » p. 106. [précision]

70- « Euphémisme (huile, vaseline, fornication). » p. 107. [exemples]

71- « Je rêve debout (la putain au maillot jaune... C’est un camarade de lycée bègue; il manque les cours d’arabe pour aller au bordel. Il raconte. Il nous énerve à bégayer au moment le plus crucial. Nous exigeons des détails. Pourquoi n’enlève-t-elle pas son maillot jaune ?Il ne sait pas. A-t-elle de gros seins ? Enormes ! Il sait aussi la pommade onctueuse dans le gros machin. Il n’ose pas dire son nom. Il s’affale sur la table, jouit à nouveau devant nous. Plus envie de travailler. Aller en groupe reluquer la fille et vérifier les dires du bègue...). » pp. 107-108. [explication]

72- « Réduit à n’être qu’un lèche-plaies longitudinales (toujours ce goût de sel lorsque je fait l’amour, lorsque j’entend ma mère uriner et lorsque mes cousines me laissent les regarder faire) » p. 110. [explication]

73- « Il ... risquerait de suffoquer (il est si maigre !). » p. 111. [explication]

74- « Entre le père inexpugnable et sa femme entrouverte, j’étais pris en tenailles (le contact épidermique m’était vital et je cherchais avec la même ferveur les coups du père et les caresses de la marâtre; c’était, en fait, une façon comme une autre de me déculpabiliser). » p. 116. [explication]

75- « Le chat, alors, avait l’air de rigoler si fort que sa moustache en tremblait. (Il ressemblait au chat de la vieille institutrice française qui passait son temps à regarder la mer; elle nous obligeait à apporter, pour la leçon de sciences naturelles, des poissons qu’elle donnait au matou-roi et on avait beau étudier d’autres animaux et d’autres flores, c’était toujours des poissons qu’elle nous réclamait; pour arrêter la saignée que l’entretien du félin occasionnait dans le budget de nos familles, nous décidâmes de mettre le chat dans un sac et de le jeter à la mer : l’institutrice en mourut. Elle ne pouvait plus haïr les Arabes ! ». p. 122. [description]

76- « ...eau fraîche à goût de goudron (précieuse amertume)... » p. 126. [illustration métaphorique]

77- « (Parfois, j’avais des tendresses qu’il aurait fallu pressentir. Tant pis ! elles étaient prêtes à se libérer de notre tutelle et de celle des avunculaires, pour aller n’importe où, fût-ce chez un idiot qui à quarante ans urinait dans son lit et restait attaché à une mère dominatrice qui le gâtait de pâtisseries turques. Saïda nous haïssait; mais l’habitude avait vite anéanti toute révolte en elle; et son refus de lutter n’était qu’une prétérition : elle était déjà entrée dans le malheur. Elle changeait tous les jours les draps du lit conjugal; combien d’enfants, échappés de justesse à l’aliénation, avait-elle mis au monde ? Elle n’en était plus à dénuder sa poitrine derrière les fenêtres qui donnaient sur un certains salon de coiffure blafard où les amis de Zahir venaient entre deux pipes reprendre contact avec le réel. (Mais pourquoi parler de Zahir ? n’était-il pas mort ?) [parenthèse dans la parenthèse] Une longue vie de femme algérienne, en somme ! L’honneur, l’encens, les circoncisions, les provisions de couscous, de tomates séchées et de viande salée, les prières du soir, les carêmes interminables, les sacrifices de moutons... Elle aussi, en était au chapelet d’ambre – ramené par son beau-père de la Mecque où il accomplirait bientôt son septième pèlerinage – qu’elle triturait plutôt qu’elle n’égrenait patiemment à la façon des vieilles dévotes. Elle avait encore le temps de tisser un sperme de fou dans son ventre; l’accouchement se faisait tous les neufs mois, dans une ambiance de kermesse : tout le monde hurlait et Saïda suppliait tous les saints de hâter sa délivrance. Louange à Dieu, elle ne suffoquait pas à respirer cette odeur âcre et lourde; les négresses se mettaient à pousser des « you-you » stridents pour annoncer l’arrivée d’un nouveau monstre.) » pp. 130-131. [description]

78- « ...était-ce un pot qui appartenait à Zoubida ? (paresseuse, elle ne voulait pas quitter sa chambre et avait essayé de faire comme les hommes dans le lavabo, ce fut un échec et elle m’en voulu de cette suprématie.) » p. 131. [description explication]

79- « Mes tripes collent à la paroi d’un anus mal torché (pour éviter de lui faire un enfant, j’empruntais la voie rectale). » p. 132. [explication]

80- « ...une couverture tchèque dont on aperçoit déjà la trame (très courte, cette couverture de couleur grège ramenée du camp)... » p. 136. [description]

81- « ...lunettes aux verres éblouissants qui reflètent tout (bureau, table, fauteuils, murs, couleurs, plantes, tableaux, etc.)... » p. 143. [énumération]

82- « ...mon image transparente me lancine (il s’agissait alors de partir à la recherche d’une cohorte cisaillée par les ballets et les boulets, dissimulée derrière la faille prodigieuse d’une gorge désertique où le seul point de repère était un tunnel noir de fumée, interdit aux trains, et où se perd ma mémoire. Tapis, camouflés, puis vite surgis et dressés, nous haletions, dans un délire d’aubépine et de rocaille. Les fusils parsemaient ma trajectoire, ainsi que la senteur du sang dense et torrentiel à l’oblique d’une gorge qui appartenait peut-être à un garde forestier corse. Le viatique aspergé, nous ne pouvions manger pendant des jours, non que la nourriture vînt à manquer, mais par la faute du défunt corse moustachu dont la bedaine floche ne cessait de harceler nos cauchemars et de pourrir jusqu’à l’atmosphère des grottes dans lesquelles nous étions cachés; et nous n’aurions de cesse que nous ne l’ayons dix, vingt fois tué; mais dix, vingt fois resurgi du fond d’une ténacité ancestrale, il lançait à notre poursuite un bataillon d’aspics et de lombrics, malmenant notre gibbosité devenue insupportable, à flanc de colline où les hommes roses s’esclaffaient de notre insouciance simulée; à notre tour, nous ruisselions de sang et n’arrêtions pas de provoquer les chacals, au point que les malentendus nous donnaient des prurits; du soleil tombaient des pointes effilées qui, malgré leur acuité, amenaient avec elles le vague nécessaire à notre survie; les collines s’enrobaient de nuit et les galets devenaient frais, malgré les cérastes qui s’éternisaient à des jeux amoureux et pervers dont nous appréciions quand même le répit; à ce moment, nul ressac du rien fugace et bleuté ne nous parvenait; mais nous avions la certitude de la proximité de la mer, au bord de laquelle nous allions bientôt reposer nos pieds ensanglantés par les marches harassantes). » pp. 143-144. [description]

83- « Ridicule, ton chapeau de brousse ! répondait-elle. (Elle avait la manie de sauter sur les détails.) » p. 146. [explication]

84- « ...l’aine qu’elle avait large et généreuse (au dire des cousines qui l’avaient vue se déshabiller)... » p. 158. [explication]

85- « ...une image (celle du mort)... » p. 164. [précision]

86- « ...il faut se venger... dès que l’odeur du sang aura disparu de partout (maisons, rues, rigoles et cône de déjection). » p. 204. [énumération]

87- « ...on fera des prères supplémentaires, non pour la paix de mon âme (je n’en ai pas!)... » p. 205. [explication qui est aussi une confidence]

88- « Se débiner. Même misère que dans les quartiers arabes, du côté du port; pas du côté d’El Biar (villas, jasmin). » p. 206. [illustration]

89- «  Les gens sont nets et ont tous un journal plié sous le bras (signe de distinction). » p.207. [explication]

90- « ...quelques touffes de poils blancs, presque insolites, apparaissent sur ce corps gras et huileux ... (sur les flancs, la marque nette, quasi laiteuse, due au frottement des bras contre le corps). » p. 208. [description]

91- « Fuir (mais les femmes attendent les têtes de mouton pour les briser en deux et en extraire la cervelle flasque). » p. 210. [explication]

92- « ...seul Zahir pourrait expliquer l’épisode du four. (Lui que ma mère a surpris, un jour, dans une position scandaleuse, en compagnie d’un gamin du voisinage; elle ne comprenait pas et n’en croyait pas ses yeux; abominable, le spectacle de son enfant monté en grande pompe sur le dos légèrement duveteux de l’autre misérable avec sa sale figure de petit jouisseur; emportés tous les deux dans un monstrueux va-et-vient qui ébranlait leurs corps élancés, la tête ballottante, à la recherche d’un plaisir, somme toute, formel, entrevu à travers les fanfaronnades des grands, pressenti chez les femmes qui erraient l’aine lourde, dans la maison comme si elles se rendaient compte tout à coup du plaisir que pourrait leur procurer ce fouillis de poils et de chairs vives, rouges et molles, annonciatrices, déjà, de l’ivresse du tréfonds; et Ma les regardait faire, et Ma ne savait que dire; et moi derrière elle, pris entre le fou rire et la violence, et les sœurs derrière moi fixant Saïda et attendant d’elle quelque explication à cette grotesque et haute pitrerie des deux garçons juchés là-haut sur la terrasse et dont on apercevait les têtes et les bustes qui gigotaient, se malmenaient et se violentaient tragiquement; nous tous, rivés à ce spectacles incroyable, debout dans cette grande pièce tout en baie, ouverte sur la terrasse pleine de draps blancs et de vêtements multicolores roidis par le soleil qui s’incrustait dans chaque goutte de couleur, dans chaque millimètre du tissu criblé, craquelé sous la constante cuisson du ciel – poutre bleue au-dessus de cet étalage de linge séchant au grand air; et moi griffé, écartelé, entre la bouffonnerie et la sage lente mort, dans cette belle chaleur immobile qui rendait les vibrations de l’air plus sonores et plus réelles; et Zahir qui ne se rendait pas compte ! toujours amarré à son camarade rechignant, peut-être, contre la lenteur du partenaire qui venait juste de faire l’expérience de cette déflagration au bout de son membre, non pas hideux, non pas crispé, mais simplement étonnant dans son érection sordide; et Ma qui ne pouvait interpeller son fils car elle n’était pas capable d’aller jusqu’au bout de l’explication à donner à cette agglomération de deux corps entrevus l’espace d’une douleur – d’autant plus âpre qu’elle n’allait pas pouvoir s’exprimer; et Ma finit par nous chasser de la pièce, ferma la porte à clef : « ce n’est rien qu’un jeu brutal », dit-elle). » pp. 210-211-212. [explication de son affirmation – phrase soulignée – par la description d’un autre épisode]

93- « ...Membres Secrets du Clan (M.S.C.). » p. 214. [précision]

94- « ...les Membres Secrets, à la solde du Clan discret et anonyme des bijoutiers et des gros propriétaires terriens (dont Si Zoubir) » p. 214. [précision]

95- « ...encore des stylos, éclatés et bavant d’une encre qui salissait leurs doigts grassouillets (ils s’étaient engraissés rapidement en quelques années d’abondance et de traitements mirifiques)... » p. 217. [explication]

96- « ...couverture complètement lacérée pour l’heure et qui ne pouvait plus servir à personne, pas même au Devin (enterré dans une chemise mauve et un blue-jean râpé, à la lisière d’une forêt que personne ne pouvait plus localiser, pas même ceux qui l’avaient enterré, gênés peut-être par la rapidité avec laquelle ils avaient opéré, pendant cette pluvieuse et froide journée; pressés, peut-être, de lui voler ses lunettes de soleil, sans aucune valeur mais qui les fascinaient à cause de ce miroitement fabuleux qui plaquait sur les yeux des couleurs aveuglantes et meurtrières – soleil et taches d’ombre superposés – donnant aux visages et aux objets alentour un air fantastique et irréel; jamais ils ne lui avaient pardonné de leur faire ainsi plisser les yeux chaque fois qu’ils essayaient de le regarder en face; et lui s’amusait de son astuce et de leur trouble, prêt à en rire, non seulement avec nous qui étions ses amis, mais avec eux aussi qui maugréaient dans leurs barbes, s’enfermaient dans leur gangue, voyant bien qu’il se moquait de leurs traditions ancestrales, et préparaient déjà leur revanche pour le faire taire à jamais; il profanait à leurs yeux tout ce qui était sacré; alors que lui, assis sur ses talons à la manière d’un singe ou d’un devin – son surnom lui venait de cette position qu’il préférait – , passait son temps à expliquer aux paysans, à chaque halte, ses théories plus ou moins arides; eux le comprenaient, hochaient la tête et crachaient par terre en signe d’assentiment; les Membres du Clan, faufilés parmi eux ne disaient rien). » pp. 219-220. [description]

97- « ...ils avaient beau me hurler à l’oreille (croyant à une faiblesse auditive)... » p. 224. [explication]

98- « ...une voix qui se voulait calme et patiente (comme celle d’une personne sensée parlant à un malade, et qui, au fond, était très agressive)... » p. 232. [explication]

99- « ...intrusion (factice ou réelle)... » p. 232. [qualification]

100- « ...l’hôpital (ou clinique)... » p. 234. [ajout]       

101- « ...la prison (ou bagne, ou villa). » p. 234. [pour ces deux dernières parenthèses, il s’agit de rectifications, d’ajouts, pour signifier que quelque soit le terme employé, le lieu est exécrable]

102-« ...faune nuisible (rongeurs, protozoaires et hyménoptères)... » p. 235. [énumération d’exemples]

103- « ...mon état mental précaire (selon les dires des médecins et de Céline)... » p. 239. [précision]

104- « ...père (aujourd’hui assimilé aux membres du Clan des bijoutiers)... » p. 241. [précision]

105- « ...la mort du Devin devait, prétendaient les Membres Secrets, supprimer toute démagogie , grâce à cette collaboration de classes que le Clan (depuis qu’il avait pris le pouvoir, racheté tous les cafés et les bordels aux Espagnols et aux Corses et essaimé à travers le pays des villas de souffrance, mieux équipées parfois que celles des hommes roses pendant la guerre de sept ans) essayait de rendre inévitable... » pp. 241-242. [précision]

106- « ...elle savait que j’étais au courant de plusieurs de ses tentatives de suicide (elle se tailladait à chaque fois les veines du poignet)... » p. 246. [description]

107-« ...l’enfer de l’électrochoc (ou des électrodes grises)... » p. 250. [autre qualificatif]

108- « ...puiser notre force dans la rancœur du sang (de tout le sang !)... » p. 250. [précision]

109- « ...sang (sang des animaux sacrifiés et sang des femmes). » p. 250. [précision]

110- « ...peuple des chômeurs (200 000 de plus chaque année, selon les propres statistiques du Clan !)... » p. 251. [précision]

111- « Demain, le chant des prisonniers (dont le poète Omar) me parviendra de la cour de la prison... » p. 252. [précision]

c) Questions :

112- « ...une faute grave dont les conséquences pouvaient être désastreuses (chantage ?)... » p. 17.

113- « Nous frissonnions (avions-nous peur ? La salacité nous quittait-elle dans ces lieux de la foi ? Jamais ! ni la lascivité). » p. 20.

114- « Mais au centre du complot se retrouvait cette désespérance (innée ou acquise grâce à l’enseignement méticuleux de Zahir ?)... » p. 24.

115- « Se garer du sang devenait essentiel ... (pourquoi avoir lié cette image du sang à l’idée de la mort, confuse et trop abstraite pour nous atteindre véritablement, mais gagnant peu à peu une véhémence telle que nous en restions brisés, brûlés et frileux, pendant de longues semaines ?) » p. 25.

116- « ...une sorte de torpeur ... qui laisse des taches d’huile (ou de bave ?)... » p. 33.

117- « Les oncles parlaient bas (que manigançaient-ils ?) » p. 72.

118- « Automne ? Hiver ? (Qui sait ?) » p. 74.

119- « Quelques unes ont l’air de porter le deuil (de qui ?). » p. 74.

120- « Elle ...Attrapait sans cesse la berlue (Ménopause ?). p. 77.

121- « Les peaux de banane flottent sur l’eau, visibles dans la nuit grâce à leur phosphorescence (ou bien est-ce encore l’illusion d’optique d’un fumeur ?). p. 82.

122- « Elle compte furtivement sur ses doigts (sait-elle qu’en une minute il y a soixante secondes ?)... » p. 100.

123- « Je transpire abondamment (malaise ?). » p. 100.

124- « Elle pourrait aussi, par réaction, coucher avec un des marabouts qu’elle va consulter en compagnie de Rachid. (Ne la sollicitent-ils pas depuis des années ?) » p. 105.

125- « Accoudée au mur, elle se lisse le ventre. Garce ! (Coliques ? Menstrues ?) » p. 107.

126- « Elle se tait. Silence entre nous (est-ce-que le robinet ne coule pas ? Toujours cette appréhension des robinets qui ferment mal). p. 107.

127- « Il a l’air de me regarder d’une drôle de façon. (Lit-il dans mes pensées ?) » p. 109.

128- « Je suis épuisé (ne suis-je pas un adolescent amoureux ?) » p. 110.

129- « Nous étions excédés car le lait remettait tout en cause (fallait-il tuer le bébé de Si Zoubir pour en finir avec la calamité?) » p. 119.

130- « La chambre était belle, minuscule; les murs blancs (encore l’idée de clinique, mais quel rapport ?) » p. 119.

131- « Je rêvais quand même d’une douche froide et tumultuaire pour changer de peau et effacer les empreintes (indélébiles ?)... » p. 128.

132- « ...je bousculais parfois la léthargie contagieuse (soupçonnait-elle seulement, sur ma peau, l’odeur de mon amante ?)... » p. 128.

133- « ...j’irai contempler les atrocités que commet le mari de Saïda (ne s’amuse-t-il pas à brûler le ventre de ses enfants, avec le bout incandescent de sa cigarette ?). » p. 129.

134- « ...les amis de Zahir venaient entre deux pipes reprendre contact avec le réel. (Mais pourquoi parler de Zahir ? n’était-il pas mort ?). » p. 130.

135- « ...j’ai pensé à la strangulation pour la première fois (que voulais-tu me suggérer au juste ?). » p. 136.

136- « ...son fils s’est remarié depuis quelque temps (comment l’ai-je appris ? Je n’en sais rien !). » p. 142.

137- « ...le médecin dont les yeux ne sont pas comme ceux de tout le monde (en a-t-il seulement, je me le demande !)... » p. 142.

138- « ...les fumeurs ... se cloisonnaient dans une agressivité larvaire dès que je leur adressais la parole (n’allaient-ils pas jusqu’à parler, en ma présence, d’un langage codé qui finissait de m’abasourdir ?). » p. 167. [argumentation]

139- « Elle avait tout fait pour me convaincre dans son antre luxueux (ne coupait-elle pas aux ciseaux, chaque jour, un morceau de l’unique couverture ramenée d’un autre monde au prix de luttes intestines; et ne disait-elle pas que son rétrécissement phénoménal l’intriguait au plus haut point ?). » p. 174. [justification, argumentation]

140- « ...ces derniers me craignaient comme la peste (n’étais-je pas à leurs yeux, un malade mental, en rapport avec des forces occultes, dangereuses pour tous ceux qui s’exposeraient à ma colère ?). » p. 175. [justification, argumentation]

141- « ...non ! rien que cet espace, toujours rutilant, aseptisé (sentait-il le chloroforme?)... » p. 202.

142- « ...les palefreniers ... nous empêcheraient de nous baigner dans les eaux du port (où donc le refuge ?). » p. 202.

143- « J’ai peur (et si la tête se mettait à s’agiter dans le panier ?). » p. 204.

144-« Le sac est de plus en plus lourd (génération spontanée ?)... » p. 207.

145- « ...les membres secrets ... n’aimaient pas les livres, peut-être parce qu’ils ne savaient pas les lire ou tout simplement qu’ils n’avaient plus le temps de les lire, maintenant que leur incombait la lourde charge de diriger un Etat ... (Au fait étaient-ils venus voir où j’en étais de mon évolution politique ? étaient-ils au courant de mon séjour à l’hôpital psychiatrique ? leur intrusion pouvait être liée aussi à ces deux faits inhabituels : la non-parution des journaux et la musique militaire à la radio.) » pp. 214-215. [ironie dans ce passage]

146-« ...dans ce camp situé à la frontière (mais quelle frontière ?)... » p. 215.

147- « ...une affiche poussiéreuse représentant un très beau barbu (était-ce le dernier amant de Céline, ou bien le portrait d’un homme qui avait fait pas mal de bruit dans les Caraïbes et dont le nom m’échappait chaque fois que je voulais en parler ?)... » p. 216.

148-« ...(était-ce le même marchand qui m’avait dénoncé à la police ? était-il un agent au service du clan, déguisé en marchand de journaux pour mieux tromper ses clients ? Il est vrai qu’il m’inspirait de la méfiance à cause de ses moustaches que je trouvais plus blondes que ses cheveux). » p. 224.

149-« ...la couverture tchèque ramenée du camp (mais lequel?)... » p. 233.

150- « ...héritée de quelqu’un (mais qui ?)... » p. 233.

151- « Etais-je sain d’esprit ? (le psychologue qui me testait savait-il que je l’endoctrinais patiemment ?)... » p. 239. [question sous forme de confidence]

152- « ...Zoubida qui me suppliait de ne plus faire de politique (faisait-elle partie du complot, elle aussi ?). p. 251.

II/ DIDASCALIE :

153- « (Il crache par terre, indigné) » p. 111.

III/ IRONIE :

154- «...nous avions donc cessé nos algarades (lui dirai-je que c’est un mot arabe et qu’il est navrant qu’elle ne le sache même pas ? Peut-être vaudrait-il mieux ne pas réveiller la chatte agressive et tumultueuse qui dort en elle...)... » p. 9.

155- « ...l’honneur du clan était sauf (louanges à Dieu ! encensements)... » pp. 63-64.

156- « ...latrines visqueuses où la défécation se fait péniblement ... (s’agirait-il simplement de difficultés dues aux hémorroïdes ?) » p. 83.

157- « Ma, paniquée, se met à supplier le prophète (pour qui mon père observe une grande dévotion; il aime à raconter sa vie mais omet de dire que l’une de ses femmes n’avait que neuf ans quand il l’épousa; en se mariant avec Zoubida, le père n’a fait que suivre le chemin du prophète). » p. 101.

158- « Silence. Je le laisse durer (chacun a le silence qu’il mérite). » p. 111.

159- « Nous hochions énergiquement la tête en signe d’assentiment, heureux d’accéder pour une fois au rang de fils. (Retour précaire et transitoire à la paternité éreintante !) » p.117.

160- « Yasmina (aux confins de la surprise, elle m’avait cousu un pantalon ridicule le jour de son départ pour l’autre prison, nantie d’un ingénieur agronome geôlier). » p. 132.

161- « ...combien de fois ont-ils été à la Mecque ? (Ville de kleptomanes. « Ils sont vicieux, ils aimaient se faire couper la main, dit un oncle. Quelle honte ! voler dans la ville du prophète ! » Nous n’en croyons pas un mot. Non, les oncles mentent. Méfiants comme ils sont, ils ne peuvent s’empêcher de médire de tout le monde. Et l’or, alors ! A brûle-pourpoint. Silence. Et le pétrole alors ? et les Cadillac ? et la mer Rouge ? Beaux poissons, certainement. Les oncles mentent. Les dénoncer à leurs femmes, dénoncer leurs rapports avec les secrétaires françaises. Nuances parisiennes ! Très important, la différence.) » p.204.

162- « ...les Membres du Clan ... un peu vexés que je ne leur fasse pas des compliments sur la puissance du moteur (allemand !)... » p. 221.

163- « Céline n’aspirait qu’à une grande paix et à une grande insouciance qui envahiraient l’antre décrépit (ou mieux encore, le bel appartement qu’elle avait obtenu grâce aux services de la Coopération technique, alors que la crise du logement sévissait d’une façon chronique à cause de la migration des populations rurales, et plus encore du fait de l’irruption de la racaille venue de tout le pays profiter du grand festin qui allait s’improviser, maintenant que tout le pays était libéré de la férule étrangère et que le Clan avait pris le pouvoir)... » pp. 234-235.

164- « Les médecins étaient les plus malheureux (n’avaient-ils pas consenti des efforts pour améliorer la qualité du personnel paramédical ?) » p. 238.

165- « soupçonnant certains d’entre nous d’être déjà entrés en état de sainteté (il s’agissait de ceux qui étaient les plus atteints)... » p. 249.

IV/ PAROLES OU PENSEES D’UN PERSONNAGE :

166- « (cette peur de la lacération est idiote, disait-elle). » p. 12. [Céline]

167- « (même si elle jurait tous ses dieux païens qu’elle était innocente !) » p. 12. [Céline]

168- « (Inutile de remâcher tout cela, disait-elle, parle-moi plutôt de ta mère...) » p. 14. [Céline]

169- « (elle disait délire) » p. 16. [Céline]

170- « (mais parler est essentiel, disait-elle) » p. 19. [Céline]

171- « (Tu veux un dessin hurlait-il.) » p. 24. [Zahir]

172- « (« Ai-je une gueule à faire le Ramadhan ? nous défiait-elle. Minables ! Je ne jeûne pas, donc je ne coule pas ! ») » p. 26. [Saïda]

173- « (touche mes cuisses, elles sont si soyeuses !) » p. 50. [cousine]

174- « (Mais elle n’a aucune expérience, cette pauvre gamine ! s’exclamait Mimi, l’une des maîtresse de mon père, ancienne recrue des bordels de Constantine.) » p. 66. [Mimi]

175- « (« Le vin est un grain de beauté sur la joue de l’intelligence », a dit le poète Omar, inconnu de toute la ville et interné dans un asile d’aliénés) ». p. 83. [le poète Omar]

176- « (c’est de la légende, dit Zahir) » p. 95. [Zahir]

177- « (je pratique l’ataraxie grecque puisque je suis un mauvais Arabe, répétait-il) » p. 103. [Zahir]

178- « (« Sais-tu combien de bains maures il y avait pendant la domination arabe, dans la seule ville de Cordoue, Rachid ? » Euh... Gagner du temps. Je prend un air inspiré pour bien réfléchir et opte pour la flatterie. Etre large : un chiffre astronomique. Rire du père qui me glace d’effroi et sourire paternaliste du marchand de cierges...) » p. 112. [croque-mort et Rachid]

179- « (n’est-ce pas les enfants?) » p. 117. [Si Zoubir]

180- « (Serais-tu jaloux ? s’étonnait-elle.) » p. 123. [Zoubida]

181- « (Des millions de gouines veulent entrer dans mon ventre. J’ai peur. Il faudrait réintroduire la mer dans mon sexe afin qu’il puisse clapoter à nouveau.) » pp. 138-139. [Saïda]

182- « (c’est simple, disait-elle, tu as fait la guerre quelque part, à une certaine époque; mais la guerre est finie !) » p. 147. [Céline]

183- « (Dieu est grand ! Dieu est grand !) » p. 196. [gros oncle]

184- « (quelle odeur, bon Dieu !). » p. 206. [gosses juifs]

185- « (disaient-ils) » p. 216. [M.S.C]

186- « (répétaient-ils) » p. 216. [M.S.C]

187- « (ironisaient-ils) » p. 216. [M.S.C]

188- « (quoi ? disaient-ils en riant à gorge déployée) » p. 217. [M.S.C]

189- « (sinon, ils me...) » p. 221. [M.S.C]

190- « (Des aveux complets ! Sinon, ils...) » p. 221. [M.S.C]

191- « (Des aveux complets ! Sinon, ils... ils... me...) » p. 221. [M.S.C]

192- « (« Continue à évoquer la maison de Ma », disait-elle.) » p. 234. [Céline]

193- « (poursuis ton récit !) » p. 236. [Céline]

194- « (n’avaient-ils pas consenti des efforts pour améliorer la qualité du personnel paramédical ?) » p. 238. [médecins]

195- « (elle aurait pu se passer de sexe, disait-elle, puisque ses aisselles lui donnaient de telles jouissances qu’elle en avait mal au bas ventre, contracté par des crampes douloureuses mais excitantes) » p. 241. [Céline]

V/ PROPOS ADRESSES A UN PERSONNAGE :

196- « (quel rapport avec toi ?) » p. 133. [Céline]

197- « (mais tu ne faisais rien) » p. 133.[Céline]

198- « (il en restait peu dans le ciel, car l’aube allait bientôt toucher ton épaule française) » p. 133. [Céline]

199- « Aux portes des bordels-punaise (glabre dans la chambre; il y avait un brasero rougeoyant sur lequel chauffait l’eau qui servait à laver les clients et à réchauffer la pièce glaciale; sur les murs, des photos de femmes nues découpées dans des revues de nudisme. Un évier. Un lit. Une chaise sur laquelle on mettait les vêtements, faute de porte-manteau. Je suais à grosses gouttes malgré le froid intense. Sur le lit une serviette crasseuse était étalée dans le sens de la largeur. Ne pas regarder le bidet ! mais c’était le seul objet de la pièce à étinceler : instrument de travail bien entretenu qui me fascinait autant qu’une guillotine. La putain se mettait dessus à califourchon et je percevais clairement, au moment où elle se lavait, le clapotement de l’eau entre la main et le sexe. Elle s’étendait ensuite sur le lit, les fesses bien au-dessus de la serviette tendue, levait les jambes et tout à coup, sans aucune transition, le sexe énorme apparaissait, sanglé dans ses chairs molles et fuyantes, craquelées de poils et de plis. Elle sortait un sein fatigué. Je me déshabillais toujours... regardais entre les jambes que la fille tenait obstinément en l’air : en haut des cuisses et à proximité de l’organe, deux plaques de chair noires juraient avec la blancheur des jambes très grasses. Je ne voulais plus, renonçais; et le lacet de ma chaussure que je n’arrivais pas à dénouer ! je m’y escrimais en vain; les ongles me faisaient mal; la grosse femme s’impatientait par-dessous ses jambes qu’elle tenait toujours levées; je n’osais pas lui dire de les baisser, ni que cette position me donnait le vertige; j’avais peur de la vexer. Impossible d’enlever le soulier gauche; j’avais honte de ma nudité et de ma sueur. La fille rouspétait carrément et, dehors, les clients s’impatientaient. « Merde mon coco, disait-elle, merde ! » Elle venait à ma rescousse, décidait d’aller chercher des ciseaux et, la mamelle pendouillante, farfouillait dans les tiroirs; j’en profitais pour me rhabiller vite, m’excusais, payais et partais. Elle ne comprenait pas !) » pp. 134-135. [Céline]

200- « (il faut lever cette ambiguïté) » p. 135. [Céline]

201- « (que voulais-tu me suggérer au juste ?) » p. 136. [Céline]

202- « (Magnifiques, ses yeux ! t’exclamais-tu) » p. 137. [Céline]                         

VI/ PARENTHESE POETIQUE :

203- « (Enfant-flic, j’empêchais les mâles de venir renifler

autour d’elles.

L’odeur intime de l’honneur familial.

Investi de la confiance du clan,

Je dérapais sur mon importance de garde-chiourme.

J’étais le chef du caravansérail,

L’eunuque rempli de sa superbe, à la porte du harem jacassant,

Le garde de ma mère guettée par l’adultère et les vieilles sorcières, voleuses de bébés qu’elles vendaient aux femmes stériles, et en quête de veuves pour d’éventuelles orgies.)» p. 130.

 

L’INSOLATION

I- Discussions avec le narrataire:

       a) Confidences.

       b) Explications, ajouts.

       c) Questions.

II- Didascalies.

III- Ironie.

IV- Paroles ou pensées d’un personnage.

V- Propos adressés à un autre personnage.

VI- Notes personnelles du narrateur.

VII- Onomatopée.

I/ DISCUSSIONS AVEC LE NARRATAIRE

a) Confidences:

1- « Elle ... prenait son air des mauvais jour pour me houspiller (moi je mordais mon oreiller sous l’effet de l’humiliation; comment en étais-je arrivé à ce point ? Devenu l’esclave de cette infirmière, de vingt ans mon aînée, je ne savais plus comment faire pour sortir de ses griffes. Elle, pavoisait à me voir pleurer et sa poitrine opulente se gonflait sous sa blouse blanche amidonnée. Elle aurait pu être ma mère mais elle ne faisait pas son âge et restait terriblement désirable). » p. 9. [confidence]

2- « ...elle ne voulait pas que je la lui raconte (ne parlons pas du médecin qui ne prenait pas les choses au tragique et qui avait des mains de boucher et des lunettes de donzelle) » p. 9.

3- « L’âcre odeur de la semence lui donnait l’impression d’un plaisir fou (en réalité, elle demeurait frigide !) » p. 10.

4- « ...cette couleur de tes yeux (gris ? verts ?)... » p. 15.

5- « Ma petite idée de derrière la tête (utiliser Samia comme un appât)... » p. 17. [aparté]

6- « ...elle savait que je voulais gagner du temps avant la défloration, la mise à mort ou la mise à vie ? (Que marmonnait-elle au juste ? Dans le brouillard de ma pauvre mémoire, les mots étaient le plus difficile à retenir.) » p. 21. [soliloque]

7- « ...ma mémoire de malade amaigri et barbu, maugréant du haut de son lit, mais pas trop (la camisole de force !) » p. 23.

8- « (Sacré nom de Dieu le Divin...) » p. 40.

9- « Je vous le donne en mille... (Vite, avant que le petit garnement de droite avec la calotte blanche sur la tête ne mange le gland du fez de son camarade qui se balance juste devant lui, dans une oscillation tentante, tentante...) » p. 41. [soliloque]

10- « ...un officier de l’armée française (qu’est-ce que ça pouvait faire s’il ne portait pas l’uniforme et les galons, cela ne changeait rien à l’affaire, sauf peut-être qu’il aurait paru plus mince si sa femme l’avait sanglé dans son habit de parade) » p. 45. [aparté]

11- « Samia m’avait écrit une longue lettre (à moins que ce ne fût une ruse de la part du médecin pour me convaincre qu’elle ne s’était pas noyée, mais que j’avais attrapé une insolation) » p. 72. [soliloque]

12- « Elle disait à plusieurs reprises (cette manie des répétitions !) » p. 72. [commentaire]

13- « ...ma tante. (Je la consolais tant que je pouvais et essayais de l’habituer à l’idée qu’elle risquait fort de ne plus me voir.) » pp. 73-74. [confidence]

14- « ...j’allais avoir à supporter la douleur de sa mort (impression hallucinante d’abattoir avec le grabuge des bêtes et les flots de sang chaud et épais déversés à torrents dans les caniveaux complexes dont la structure quasi abstraite m’effrayait plus que le reste; avec l’abominable gargouillis du liquide rouge faisant écho aux bruits de l’agonie dans les gorges des bêtes alignées, a l’infini, dans un ordre impeccable, lorsque le sang a inondé la bouche, les yeux et les narines. Qui m’avait emmené dans cet endroit affreux ? Peut-être mon prétendu oncle qui était mon père, l’austère et probe Siomar, riche propriétaire terrien qui avait accompli son troisième voyage à la Mecque et qui n’allait pas s’arrêter là... Le bouillonnement fascinant de l’urine rosie et coulant piteusement du pauvre gland, écrabouillé par le couteau de la brute hirsute, transformait mon angoisse larvée en un désir fou de japper et de caracoler. Nous étions venus livrer quelques veaux et quelques moutons dont les bêlements tristes me laissaient désemparé, face à la suractivité – tout à fait vaine et factice  – du riche cultivateur. La tonitruance du sang était insoutenable au moment où le liquide abondant et vermillon giclait à l’assaut du visage monstrueux du boucher penché sur sa victime et dégoulinant de sueur...) » pp. 84-85. [confidence]

15- « Elle avait dit (ou bien l’aurais-je tout simplement imaginé, après cette maudite insolation qui avait écrasé dans ma tête mille structures floues et mille mots vagues et peu précis; à tel point que j’avais cru à la noyade de Samia, la gamine de dix-sept ans qui disait qu’elle m’aimait mais qui m’avait échappé à Constantine où j’étais venu la rejoindre)... » p.92. [confidence]

16- « Lorsque Djoha venait me voir, je lui demandais si c’était vrai, toute cette industrialisation massive. Il disait que je le savais très bien, ... que je l’avais même vue, ... qu’il y avait ... des complexes industriels très beaux (il m’agaçait avec son sens très aigu de l’esthétique). » p. 122. [confidence]

17- « (n’est-ce pas cette image que l’autre, le scribe, avait transposée, à l’hôpital, à raconter et à écrire sa vie comme si cela avait un intérêt quelconque, puis à dire qu’il avait séduit une jeune élève qu’un nègre avait aspergée du sang d’une chèvre noire, avant de la laisser se noyer dans la mer ? N’est-ce pas cette image de la mère inondée par le sang du coq noir pendant le rite auquel il avait assisté alors qu’il était enfant et qu’il avait transformé, grâce à une fabulation maladive, en sang de chèvre, avec toute cette histoire compliquée de mausolée bâti au milieu de la plage, coupant toute perspective, gênant la ligne de la mer constamment surchargée d’oursins noirs, avec cette histoire de folle – la femme du nègre – qui serait morte il y a longtemps, toujours selon ses dires ? avec aussi cette défloration à l’intérieur du mausolée obscur où brillait la flamme d’une chandelle rabougrie et surchargée en même temps de cire coagulée autour de la surface ronde et plate ? avec aussi, toujours selon le scribe, ce nègre qui regardait à travers la lucarne, la jeune fille mourir de plaisir et se vider de son sang, etc ? Certainement que la clé de cette affaire se trouvait là... Sinon, la coïncidence aurait été un peu trop belle, un peu trop tirée par les cheveux pour qu’on pût y croire, ne serait-ce qu’un seul instant, berné que l’on était par la logorrhée de ce simulateur si bavard...)... » p. 157. [soliloque]

18- « ...découvrant peu à peu cette atmosphère que j’avais traînée pendant des années, durant mon exil (surtout qu’il faut se méfier de la nostalgie. La pire des choses ! J’en avais bavé plus d’une fois de cette horrible poisse, à traîner des après-midi de cafard dans les villes étrangères... Horrible, cette nostalgie ! « De la frime – disait Céline – tu veux me quitter, tu veux partir, alors tu racontes que tu as le mal du pays... Tu en as assez de me voir, voilà tout ! » Elle était toujours accoutrée d’une drôle de façon. Au début, je n’osais pas la présenter à mes copains. « Pu...tain...de...bon...Dieu... de poitrine – avait dit le Bègue – d’où tu...la...sors ? » Du coup, il finissait par ne plus bégayer. L’émotion. « Elle n’aurait pas une sœur, une cousine, une tante, à la rigueur ? Tu sais, les mamelles, c’est de famille! » Il m’avait vexé. J’aurais voulu le frapper, mais nous étions du même village, dans une ville étrangère, à collecter de l’argent pour les maquis de l’intérieur. La nostalgie me rendait pacifique. Impossible d’en venir aux mains avec le Bègue. J’étais prêt à m’en aller et à lui laisser Céline. Pourvu qu’il sût la baratiner. Je n’étais plus ce minotaure. Génésiquement épuisé, mon frère ! Mais elle était coriace, Céline. Amoureuse ! Pourvu qu’il sût l’embobiner. Epuiser, mon frère. Je donnerais tout pour retourner à la ville où j’avais passé toute mon enfance et toute mon adolescence. Je ne faisais plus que traîner... Le Bègue avait fini par séduire Céline...) » pp. 178-179. [confidence]

19- « ...la porte de l’armoire (où je cachais, autrefois, de grosses boîtes de concentré de tomate, vidées de leur contenu et remplies de grosses bestioles bien rangées que j’avais vainement essayé d’apprivoiser, en hiver; tandis qu’au printemps, je mettais dans l’armoire d’autres grosses boîtes dans les couvercles desquelles je faisais des dizaines de petits trous et que je remplissais de vers à soie que j’aimais regarder dévorer les feuilles de mûrier et grossir, puis tisser patiemment leurs cocons et s’y enfermer...), ouverte par inadvertance... » pp. 217-218.

20- « ...le mur blanc et glabre du parc (que je confondais avec un autre mur blanc et glabre et lisse et chauffé par le soleil de juillet; un mur comme il n’en reste que dans la mémoire des gens qui n’ont jamais su bien grandir; avec par-dessus un lézard courant sur les rainures fendillées de la couche de chaux écaillée par la chaleur et – peut-être – par la stridence des cigales, parmi les mouches musiciennes (Bzzz...) venues d’une aile chuintante se faire happer furtivement par l’immobile saurien dont la queue frétille et dont les yeux se rétrécissent de jouissance malsaine; avec, aussi, son corps qui s’étale, se détend, se meut en vagues concentriques d’une régularité éprouvante, puis s’arrête brusquement dans une attente douloureuse; tandis que derrière le rideau de toile, l’aïeul dort, les bras en croix et la bouche ouverte) dont la magnifique flore... » p. 221.

21- « Il était sûrement le complice de ma tante (dont les confidences chuchotées dans la pénombre d’une chambre ouverte sur le crépuscule alors que l’humidité de la dernière averse me transperçait les os, car on avait laissé une fenêtre ouverte derrière mon dos, sur le jardin trempé et rongé par la mousse, m’avaient consterné)... » p. 245.

22- « ...le père non pas génésique (celui-là, je le gomme et je le nie)... » p. 246.

b) Explications, ajouts :

23- « ...livrée à nous par la pudeur (ou la stupéfaction) » p. 24. [précision]

24- « J’ajoutais alors (ou j’écrivais, pour lire à ceux qui pour l’instant dormaient) » p. 25. [précision]

25- « ...l’un des gamins ne cessait pas tout en chantant des miséricordes de lui faire des gestes désobligeants, sans même le regarder. ... Il était lugubre (le gosse continuait son manège, sans regarder personne, surtout pas l’homme à la grosse caisse) » p. 35. [description]

26- « De son temps, disait le maniaque (il regardait avec une régularité de métronome une fois son épaule gauche, une fois son épaule droite, et humait fortement l’air à chaque coup) les gamins étaient plus costauds... » p. 41. [description]

27- « On disait qu’il se teignait les cheveux (ou bien portait perruque, ce qui était plus plausible) » p. 48. [ajout avec appréciation subjective]

28- « Riait-il lui-même de la torpeur du croque-mort (il suffisait de lever la tête pour l’apercevoir entre le dernier musicien et le premier récitant, les mains derrière le dos, l’air tranquille et ressemblant si peu à ses cadavres dont il parlait avec mélancolie, se grattant l’omoplate gauche qu’il avait osseuse et plus volumineuse que l’omoplate droite, son malheur, disait-il...) » p. 50. [explication]

29- « Les bruits ... étaient toujours les mêmes (douche-lavabo-ménage-arrosage-cuisine-pluie à l’extérieur et sur les frondaisons ténues des arbres, les jours où il pleuvait en été, malgré l’intensité des orages seuls capables d’atténuer la chaleur étouffante de la journée, etc.) » pp. 53-54. [explication]

30- « Comment alors les expulser vers cette hantise où le cerveau se violace de quelques millions d’abeilles (surtout des abeilles effervescentes et agressives) » p. 57. [précision]

31- « Nadia boudait. Parce que, la veille, j’avais à nouveau évoqué cette histoire de jeune fille (noyée sans que je pus lui porter quelque secours parce que le soleil me martelait les tempes et que l’insolation m’avait emporté dans un labyrinthe sordide où tout geste m’avait paru excessif et saugrenu, d’autant plus que le gardien du mausolée semblait s’intéresser à mes faits et gestes et qu’il restait là [mais où était passée la chèvre noire ?] dans une attente douloureuse, les lèvres épaissies par la sécheresse, alors que mon amante, ravie à la hargne de la tribu, s’en allait dans l’eau verte, laver son visage ruisselant de ce sang qui commençait déjà à coaguler à la commissure des lèvres et à l’intersection des paupières) qui la mettait hors d’elle... » pp. 58-59.[rappel de la noyade de Samia : pp. 7-9-13-16-18-24-27. [explication] 

32- « ...de peur qu’ils ne refusent (tous ces jeunes dont elle était amoureuse)... » p. 59. [précision]

33- « ...Membres Secrets du Clan (M.S.C.)... » p. 60. [précision]

34- « ...nous avions menacé de la dépecer (surtout que nous avions parmi nous un Bagnard trimbalé de forteresse en forteresse; géant hirsute évadé du bagne et repris dans une mosquée, déguisé en bedeau myope et fanatique; nécrophile dévoré par l’amour d’une femme morte durant son premier séjour en prison et dont il étreindre le cadavre pas tout à fait tombé en poussière, lors de son évasion. Maintenant qu’il était venu échouer lamentablement dans notre antre infesté de faux aveugles, de faux délirants et de faux amoureux, il avait – pour le sauver – un air d’authenticité qui le rendait magnifique à nos yeux; et ses délires étaient meilleurs, les plus imagés et les plus fantastiques. Engoncé dans un vieux burnous miteux et troué en maint endroit, il croyait qu’il neigeait constamment sur la ville inondée par le soleil et corrodée par la mer, car il confondait tout et remontait dans le temps – subtilement – sans aucun effort. Il était gras, suait à grosses gouttes, mais disait qu’il gelait car tout était blanc et la neige lui donnait des vibrations devant les yeux, à force de blancheur. Ce n’était rien, à côté du sang qui se déversait à torrents sur l’espace immaculé et faisait des ravines profondes dans la neige molle. A mesure qu’il parlait, l’on avait l’impression qu’il ventait sur la ville et que la neige tombait à gros flocons couvrant les passants et les devantures, les autobus et les tramways avec leurs perches dont ils ne savent que faire, à s’agiter là-haut entre le bleu du ciel dur, grenu, et la blancheur cinglante des rues, des maisons et de la terre noyée dans tant et tant d’éclat lumineux, donnant à l’espace alentour une dimension telle que tout mouvement semblait se faire au ralenti comme dans un vieux film ou un beau cauchemar. Il parlait de la neige tombant sur son village, mais il confondait tout dans sa pauvre tête d’ex-tueur et il prenait la ville, dans laquelle était situé l’hôpital, pour son village situé à l’est du pays où il avait perpétré il y a fort longtemps un crime crapuleux, dans une petite épicerie misérable. Il était capable de pleurnicher des soirées entières à l’évocation de ce meurtre, non parce qu’il avait du remords mais parce qu’il n’avait rien trouvé dans l’épicerie, pas même de quoi acheter un paquet de cigarettes, alors qu’il croyait – l’imbécile – faire le coup de sa vie, gagner beaucoup d’argent et aller se marier avec cette femme qui était morte – disait-il – de chagrin, de le savoir enfermé dans ce bagne, alors qu’en vérité elle coulait des jours heureux après un mariage avec le patriarche d’une grande famille fort aisée...)... » pp. 68-69. [description du Bagnard]

35- « ...mon père (le vrai)... » p. 73. [précision - confidence]

36- « ...mon père (le faux)... » p. 73.[précision - confidence]

37- « ...une quelconque vierge (gardée sous clé par un clan jaloux pour son honneur, allant de sa prison du jour à sa prison de nuit et vice versa comme un funambule dégoûté par son corps et par le vide...)... » p. 78. [explication]

38- « Moi, j’étais parti à la recherche de mon enfance (la maison chaude avec sa chaux, ses carrelages et ses mosaïques de toutes les couleurs. Ma mère et ma tante. Les pieds nus et plus blancs que le marbre qu’elles foulaient. Le tulle blanc qui empêchait le soleil de me brûler les paupières. Les deux femmes qui se parlaient rarement mais hurlaient à longueur de journée contre la ribambelle d’enfants constamment aux aguets, lestes à fuir, inquiets devant la tournure des choses... [Il y avait deux femmes dans l’énorme maison de Siomar et un seul homme.] Dans le foisonnement du soleil sur le carrelage, entre une mouche gobée pour avoir dans la bouche le goût du sang et des amours à la fois innocentes et malsaines; nous avions des démarches étranges. Nous savions pertinemment que quelque chose couvait. L’opulence des formes de la tante ne présageait rien de bon. Femelle alourdie de son désir, elle nous inquiétait avec ses regards fantasques, sa moue éternelle et ses gros seins qu’elle n’enfermait jamais dans un soutien-gorge comme le font généralement les femmes, mais qu’elle laissait brinquebaler dans tous les sens, à l’intérieur de sa robe très ample. Il suffisait qu’elle se baisât quelque peu pour qu’on eût un goût de paradis sur la langue. Ma mère était belle. Contrairement à ma tante, elle ne faisait pas la prière et prisait en cachette. Je l’avais surprise plus d’une fois, en train d’allaiter mon oncle qui se pavanait entre ses deux femmes et nous vouait une haine éternelle) » pp. 82-83. [illustration]

39- « ...la porte de l’armoire, ... s’était mise à grincer (elle fermait mal et s’ouvrait souvent sans raison précise)... » p. 91. [explication]

40- « ...il était là, assis en tailleur (il n’avait jamais su s’asseoir autrement)... » p. 94. [explication]

41- « L’odeur des latrines (aujourd’hui cela sent la betterave dans tous les coins). » p. 98. [explication]

42- « ...les souvenirs reprenaient possession de ma mémoire (comment faire pour oublier la longue infecte guerre et notre fuite devant les soldats étrangers qui ne comprenaient pas notre attachement à la terre parfois riche, parfois sèche et terreuse ? Que de douars visités, la nuit, à la sauvette, où nous attendaient la galette chaude et le lait caillé et le nom de Dieu clamé très haut comme un cantique exorcisant ? il y avait les rochers et la pierraille à travers lesquels nous haletions à la recherche d’un abri, pour tomber à plat ventre derrière les nopals et les jujubiers; et le tout noyé dans une goutte de soleil piquant l’œil de celui qui fait le guet, enroulé dans son burnous de grosse laine, la mitraillette bien calée sur le ventre, prête à faire hululer l’écho à travers les montagnes. gare à l’ennemi ! Et surtout, se méfier des cochenilles. Elles piquent aux abords des oueds, quand l’aube laiteuse assaille nos visages burinés pour l’éternité. Nous faisions la guerre et il n’y avait pas de fleurs dans nos songes. Seulement le napalm déversé par les insectes d’acier tourbillonnant dans le ciel, au-dessus de la lagune. Mille et mille villages détruits. Il nous fallait surgir de l’ombre et même du soleil, frapper et nous faire avaler par les forêts et les prairies des matins gris. Puis les siestes moites et le cahotement entre faille et ravin, à flanc de colline, l’un derrière l’autre. Le plus difficile, c’est de savoir faire la différence entre la proie et l’ombre de la proie. Ne pas gaspiller les munitions, vaquer à sa besogne, faire son dur métier. Puis, lorsque nous repassions, il n’y avait plus de douars. Rien que le magma tordu de pierres et de poutres. Quelques hardes de pauvres, éventrés dans leur sommeil par les bombes. Un chien crevé. Un âne coupé en deux, avec ses boyaux arrachés bleuissant au soleil parmi les restes d’un bébé hagard qui n’avait pas su ce qui lui arrivait, le pouce dans la bouche et son œil lisse dans la main. Mort. Tatoué par l’acier, dans l’âcre odeur des genévriers et des poivriers tachés de rouge. Parfois aussi, dans l’holocauste, quelque vieille faisant ses ablutions dans le sang de sa vache, avec un air si sérieux qu’on n’aurait jamais cru qu’elle était folle...)... » pp. 99-100. [illustration]

43- « Il avait très peur (comme ce mouton de l’Aïd que l’on avait livré à notre turbulence, lorsque nous avions été nous installer dans la grande ville. On lui avait tellement couru après, qu’effrayé, il avait fini par se jeter de la terrasse pour aller s’écraser quatre étages plus bas, sur le toit d’un tramway électrique qui passait par là. Nous avions suivi la trajectoire fabuleuse, puis l’éclatement de la malheureuse bête en mille parties sanguinolentes et glaireuses. Les passants avaient été aspergés et les pauvres avaient profité de l’aubaine pour ramasser les morceaux et les mettre dans leurs paniers; ils avaient même saisi l’occasion et étaient montés dans le tramway en resquillant, disant au receveur, au bord de l’évanouissement, qu’ils avaient déjà payé, jurant tous leurs dieux et tous leurs saints, se disputant les rares places assises, montrant leur joie de monter dans ce tram dans lequel ils n’auraient jamais osé mettre les pieds, si ce n’était cette manne du ciel, ce mouton volant dans les airs et venant s’écraser à leurs pieds... Et nous, face à l’espace cramoisi, peint de mille couleurs et bariolé de toutes les nuances du rouge, nous étions frappés par les mouvements saccadés de la perche électrique qui brinquebalait dans tous les sens...)... » pp. 101-102. [comparaison]

44- « ...tous les déchets humains que la ville rejette impitoyablement (poètes sans le sou; vieilles prostituées mises à la porte des maisons closes; jeunes files en ruptures de ban; révolutionnaires embusqués derrière leurs lunettes noires que l’ascète pourchasse sans ménagement; vieux musiciens aveugles, débonnaires et folkloriques; charlatans tombés entre les mains de la police et devenus de pitoyables indicateurs; écrivains publics éliminés du circuit parce qu’ils sont à la traîne du progrès et qu’ils n’ont pas su s’adapter aux temps modernes en refusant d’utiliser des machines à écrire pour rédiger les lettres des analphabètes massés sur les escaliers de la grande poste; écrivains tout court, en mal de fréquentation et traînant leurs démons et leur paresse, juste capables de vomir à la seule vue d’une feuille de papier vierge et désolée; policiers de la brigade des M.S.C. en période de pénitence chez les agriculteurs ou tout simplement en période d’encanaillement auprès de l’ennemi que l’on admire, surtout qu’ils savent, les Membres Secrets du Clan, que pendant le mois de ramadan, la boutique du marchand de poissons est le seul lieu sûr où on peut manger sans être en butte à la vindicte du peuple ni à la démagogie de l’ascète en chef; manchots farfelus adeptes de la république autonomiste de Bakylie qui ont pris le maquis dans l’arrière-boutique de Djoha ou bien dans les salons surchauffés de quelque capitale étrangère; étudiants géniaux incapables de supporter plus longtemps la sénilité des maîtres; voleurs sur le point de faire le coup du siècle ou bien de retourner en prison; maris qui ne peuvent plus supporter la croupe incendiaire de leurs épouses légitimes et qui viennent dans l’antre tirer des plans pour commettre le crime parfait; fumeurs de kif frileux à la tête rasée de près et dont les rêves sont pleins de craquements, de fêlures, de miaulements et d’ectoplasmes; entremetteuses véreuses venues là chercher quelques conseils auprès de Djoha alias Si Slimane, devant le marasme qui frappe durement la profession, avec la remontée chez le peuple de la ferveur religieuse; déserteurs de bonne famille; derviches incestueux; devins fanatiques; bourgeois gagnés à la cause révolutionnaire; pègre sentant des pieds et racaille à la mauvaise haleine; joueurs de cithare; musicologues avertis des noubas andalouses; sorcières interdites de séjour dans les bains maures où elles avaient l’habitude de sévir d’une façon éhontée; littérateurs stériles; bavards éloquents; philosophes moches et sans système rigoureux; traumatisés de la guerre de sept ans; malades échappés de vingt asiles; ivrognes invétérés; coopérants courageux et honnêtes, dégoûtés par la mauvaise foi et la rapacité des leurs; pédagogues hirsutes; démagogues modernes, etc.)... » pp. 106-107-108. [explication - énumération]

45- « ...ce crottin-plastique ... était capable de faire pousser des fleurs et même des fèves (ce dont ils étaient gourmands) sur l’asphalte de l’autoroute... » p. 108. [précision]

46- « ...tous mes compagnons se levaient péniblement et venaient cahin-caha (toujours à cause des sortilèges)... » p. 117. [explication]

47- « Eux, me craignent et n’osent m’apporter leurs photos (prises dans le jardin par un petit bonhomme qui porte son appareil démonté en pièces, dans un couffin, pour tromper le zèle des gardiens, et qu’il remonte à l’intérieur de l’hôpital. Les clichés sont mauvais car l’appareil est en très mauvais état, et le vieux photographe roule ses clients en les faisant payer cher. Pendant les fêtes, il arrive, accompagné d’un enfant chétif qui porte sur sa tête un décor fantastique. Avec des forêts, des lacs, des nymphes très déshabillées, des lapins qui galopent et le nom de Dieu joliment calligraphié, avec des arabesques et un soleil qui a l’air de couler, tellement le décor est usé. Puis, il les sort dans le jardin, met son décor contre un mur blanc et glabre sur lequel il y a deux lézards en train de gober des moustiques et se met à les photographier, un à un. Comme il sait que les malades n’aiment pas se faire photographier en tenue d’hôpital, il apporte avec lui une malle d’habits et les distribue à tous ceux qui veulent se faire prendre en photo. Il y a ceux qui se déguisent en « mamelouk » de la période turque, avec fausse moustache en croc, cimeterre et étendard vert avec le nom d’Allah en blanc. Il y a ceux qui se déguisent en parachutistes avec des tenues léopard et qui ont l’air plus sanguinaires que de coutume. Il y a même ceux qui se déguisent en bagnards avec des balafres faites au rouge à lèvres. Le photographe est très patient. Il leur tape sur les épaules d’un air entendu puis quand ils ne remuent plus : clic ! Il déclenche la mécanique qui fait des drôles de bruits, qui est pourrie et qui a des ratés. Et voilà mes compagnons qui ne jubilent plus, se sachant figés pour l’éternité dans cette posture risible et dans cet accoutrement incroyable. Figés pour toujours, dans ce décor irréel, avec ces nymphes dodues et alanguies, étendues par terre comme si elles étaient à leurs pieds, suppliantes et lascives. En fait, ils sont terriblement angoissés de savoir qu’il y aura dorénavant quelque part un double d’eux que l’on passe de main en main, faisant pleurer leurs parents et leurs amis regrettant de les voir toujours absents, à passer leurs vies dans les hôpitaux et dans les bagnes, et faisant s’esclaffer leurs ennemis se disant : « Ah ! quelle tête il a, avec ces déguisements mauves et écarlates, brodés et frangés, trop grands et trop larges. Décidément, il est vraiment fou... Qu’il reste dans son asile... Grand bien lui fasse ! »; puis de s’esclaffer à nouveau parce qu’ils ont découvert un détail qui leur a échappé, plus saugrenu et plus amusant que tous les autres, et de passer à nouveau la photo qui se remet à circuler de main moite en main sale... En fait, ils sont vraiment anxieux. Moi, je les vois venir : ils me demandent d’écrire au dos du cliché, de mauvaise qualité, une dédicace-souvenir, avec le nom de l’hôpital et le nom de la ville et la date : « Aouah ! ce que je suis moche » qu’ils viennent me dire l’un après l’autre et ils font semblant de rire. Mais je ne suis pas dupe. Monnaie de singe ! Je suis au courant qu’ils en rêvent la nuit et s’excitent comme des gamins, la veille de l’arrivée du photographe, le jeudi, en général. Ils sont au courant, eux aussi, que je n’ai jamais pu supporter de me faire photographier, de fausser le jeu et de passer ainsi à travers le temps alors que mon corps grandit ou maigri, que ma barbe noircit ou blanchit. De quoi a-t-on l’air, face à une photo ancienne, où l’on a un air pimpant et gaillard, intelligent et joyeux, alors que deux ou trois ans plus tard, on se sent faible, amaigri et triste de végéter dans un asile d’aliénés, alors que le pays se fait et travaille? Et nous là, planqués derrière ces hauts murs, avec cette histoire de photographies qui met la pagaille dans la tête des pauvres types partageant ma chambrée, surtout qu’il faut leur écrire des dédicaces qu’ils me dictent, que je suis même obligé de leur faire des compliments: « Mais si ! Mais si ! ce que tu peux être beau ! photogénique ! » Voilà le mot qui leur plaît! et il me faut aller chercher parmi les vedettes du cinéma égyptien le nom d’un acteur qui pourrait leur ressembler de très loin. Rien que des acteurs comiques d’ailleurs. Bigles et affreux. Cramoisis et stupides. Eux, alors très fiers : « Allons donc ! Cesse de nous flatter! » Et moi : « Mais si ! Mais si ! Toi, tu ressemble à Chikoukou, à tel point que la nuit, je pourrais te confondre... »)...pp. 124-125-126-127. [passage descriptif qui est une digression à partir de l’évocation des photos]

48- « ...elles me rappelle de vieilles photos de famille (mon énorme grand-mère, acariâtre et obèse, assise en tailleur sur son lit, pendant qu’elle agonise; on l’avait habillée en vitesse, avant qu’elle ne rendît l’âme, avec sur la tête cette coiffe extraordinaire en forme de cône, avec ses nattes très noires, comme celles d’une petite fille, malgré son âge, avec ses yeux vitreux d’avant la mort. Mais son visage était demeuré fermé, plein d’autorité et d’une sorte de méchanceté satisfaite d’elle-même. Elle avait d’ailleurs fait tant souffrir ma mère ! Et cette photo de couleur marron avec le visage gris de mon ancêtre ayant encore le courage de se faire photographier dignement avant de mourir, pour laisser à la postérité l’exemple de son courage et de sa dureté...)... » p. 127. [description dont la source est l’évocation des photos]

49- « ...avec dans ma tête cette phrase qui me collait à la peau du cortex : (introduisez votre garniture hygiénique dans cette pochette et déposez celle-ci dans le récipient installé à cet effet. Très important : ne pas jeter dans les W.-C. qui risquent d’être obstrués. Le papier de cette pochette comporte une composition néfaste à l’introduction des produits d’alimentation. Merci). » p. 136. [explication par l’illustration]

50- « ...la huitième plaie. (Il y en avait douze dans la nomenclature des calamités recensées rigoureusement; mais la tête lui tintait et il était incapable de faire l’effort – pourtant nécessaire – de les compter toutes.) » p. 139. [explication]

51- « ...les chats ... qu’on laissait ... dévorer les pauvres moineaux qui ne les entendaient pas venir (lestes et souples qu’ils étaient ces sales félins)... » p. 140. [explication]

52- « ...une perruche ébouriffée morte de chagrin (ou de faim ou de soif). » p.146. [rectification]

53- « ...allumer des braseros (harmel, alun, gomme arabique, etc.)... » p. 151. [énumération]

54- « ...racaille dont on avait voulu se débarrasser à bon compte et qui était arrivée, dans le pays, à organiser le massacre, à enfumer des populations entières (« Cavaignac opérait sur la rive gauche du Chélif, chez les Sbéa qui s’étaient retirés dans leurs grottes. A toutes ses sommations, ils avaient refusé de se rendre... Alors le colonel avait donné... l’ordre d’attaquer une des grottes à la mine; et il avait fait allumer un grand feu devant l’issue d’une autre. Le lendemain, l’incendie avait gagné les bagages des réfugiés. Pendant la nuit, on crut entendre... un bruit confus, des clameurs sourdes, puis rien ne troubla plus le silence. Longtemps avant le jour, quelques hommes suffoquant vinrent tomber devant les sentinelles. Une fumée si épaisse et si âcre emplissait les grottes qu’il fut impossible d’y pénétrer d’abord. Cependant, on en voyait sortir de temps à autre des êtres méconnaissables... Quand on put enfin visiter la fournaise éteinte, on y compta plus de cinq cents victimes. » [Colonel Rousset, la Conquête de l’Algérie, Tome II, pages 22 et 23])... » p. 154. [explication par la référence historique]

55- « (Général Daumas: les Chevaux du désert, pages 102-103). » p. 155. [référence]

56- « ...d’autres orifices (d’autres cratères)... » p. 158. [précision]

57- « ...il laisse à chaque halte un morceau de ses poumons complètement rongés par l’alcool et la faim et le froid (il dormait la plupart du temps sur un banc du square de l’Indépendance, en se couvrant de vieux cartons car il avait honte de rentrer chez sa vieille mère dévote accomplie mais crédule jusqu’à prendre au sérieux toutes les fables qu’il lui raconte)... » p. 163. [explication]

58- « Algériens sanguinaires ! Mais oui, sept années qu’ils ont fait la guerre, a massacrer de gentils colons et de rustiques gardes-champêtres (Constantine : 20 août 1955. La ratonade gigantesque fit des centaines de morts, tous algériens, abattus au fusil-mitrailleur par les Européens déchaînés et haineux protégés discrètement par les autorités coloniales de la ville...)... » pp. 166- 167. [explication]

59- « ...les objets (chaises, tables, livres, etc.) » p. 211. [énumération]

60- « Ma tante ne se révoltait pas mais au fond elle en voulait quelque peu à sa sœur. (Dans la ville les hommes déambulent et se curent les dents après avoir bien mangé et fait la prière du soir. Ils traversent les odeurs de jasmin avec des précautions de quinteux, et des égards de pulmonaires qui craignent la fumée de cigarettes, le vertige et la nausée; mais la buée des verres, dans lesquels on verse le thé brûlant qui écume, leur donne des palpitations au niveau des narines...) » p. 215. [ajout, délire, absence de cohérence avec ce qui précède la parenthèse]

61- « Selma me disait qu’elle avait mal au bout des seins et que c’était là le signe du malheur qui allait frapper à sa porte (Demain, la rue comme un foisonnement de signes de toutes les couleurs, mais le marron et le bleu feront comme des crevasses dans les yeux des passants retapés à neuf, rhabillés de leurs vêtements lavés la veille; et dans les yeux de ma mère qui les guetterait derrière les persiennes de sa fenêtre, une ombre passera comme si elle enviait le bonheur banal et quotidien de cette masse inconsistante et amorphe.) et ses yeux noirs devenaient plus foncés encore lorsqu’elle ressassait sa peine... » p. 216. [ajout, délire]

62- « Je n’oubliais pas que je m’étais démené, alors, pour aller dévaster ce trou de l’horreur, œil-glauque-et-rouge-et-tuméfié-et-rosi-à-travers-ses-sillons-sirupeux-et-acides (à en avoir la gorge irritée : koh ! koh ! koh !)... » p. 222. [explication, justification]

63- « ...son œil droit ou gauche qui s’évertuerait à ne pas se fermer malgré les efforts de la vieille laveuse de cadavres ... prête à y voir quelque symbole occulte de damnation et de malédiction (car tout le village savait qu’elle avait été la concubine de son beau-frère)... » p. 224. [explication]

64- « ...cette affaire de serviettes hygiéniques (Madame, Tripax...). » p.229. [rappel, voir note n° 65]

65- « ...l’hôpital (un ancien palais arabe, flanqué d’une aile du plus pur style-rococo-flamboyant-néo-colonial-dix-neuvième-siècle-comme-un-décor-de-villa-hispano-cubaine-dans-un-mauvais-film yankee-)... » p. 231. [description sous forme d’énumération]

66- « ...la boîte, celle qui sert pour le sang des femmes (Madame, Tripax a pensé a vous, etc)... » p. 234. [rappel p. 229]

67- « ...il n’hésiterait pas à investir dans l’industrie (alimentaire)... » p. 244. [précision]

68- « Il ne me restait plus qu’à sombrer, qu’à penser au corps de Samia, dévoré par le soleil (comme le corps de Jacqueline, la petite femme du capitaine Le Coq, dévoré par les baisers du cousin dont elle était la maîtresse, dénudant sa chair pour lui, en notre présence, alors que nous avions la frousse que le mari revînt de la guerre qu’il était parti faire là-bas, en Indochine. Il était même revenu, le fameux capitaine, avec une décoration en plus et une jambe en moins remplacée par une autre en plastique, qu’il traînait pour monter les escaliers en s’essoufflant et en exhalant son haleine surie. Nous n’avions plus le courage de le narguer le pauvre capitaine qui ressemblait au manchot du jour de la circoncision, celui qui jouait du tambour dans l’orchestre de la fanfare locale. Au fond, qu’est-ce qu’ils étaient allés faire , ces deux-là, dans les rizières ? Surtout le manchot qui avait quitté son douar et était parti défendre une cause injuste et perdue d’avance. Il me semblait même qu’ils se connaissaient bien, lui et le capitaine Le Coq. Je me souvenait de les avoir vus fraterniser, après la défaite, sur la place du village, à jouer aux boules, à rire aux éclats; l’un à retrousser sa manche pour montrer son moignon horrible et boudiné par la cicatrice d’une couleur plus foncée que celle de la peau, et douce, presque lisse; l’autre à remonter le bas de son pantalon pour montrer la jambe artificielle couleur de cire (rose ? jaune ?) et faire l’éloge de la mère patrie... Se connaissaient-ils vraiment ? Je n’arrivais quand même pas à les dissocier dans ma tête et je les voyais entrer ensemble dans la bar européen du village, caresser le gros chien-loup vautré sur le seuil et tirant une langue rouge et grande, haletant sous l’effet de la chaleur; alors qu’à l’intérieur du bar noyé dans la pénombre, la grosse tenancière française suait par-dessus son maquillage sordide, étalé en couches épaisses et déjà fendillées; et exhibait au-dessous des bras et jusque sur le flanc deux taches blanches de sueur qui rendaient l’étoffe de son chemisier transparente. Une fois arrivés péniblement l’un et l’autre jusqu’au comptoir, les deux hommes se mettaient à faire des plaisanteries idiotes à la grosse barmaid qui les trouvait gentils : Allons, allons, Messieurs ! Des héros, comme vous... » Serrant la main du capitaine, mais pas celle du tambour algérien... (Après tout, on sait jamais, avec toutes les maladies qu’ils trimbalent...) Et nous dans la chaleur, toujours à faire le guet, supputant les chances du cousin (combien de coups à tirer ?) Jacqueline nous promenait dans son auto rouge... Dans son auto rouge, elle traversait la place à une vitesse affolante pour se faire admirer par son amant qui passait son temps à lire les revues politiques chez le coiffeur du coin et à étaler son savon d’élève de première du lycée franco-musulman de Constantine, quelques années avant le déclenchement de l’insurrection à laquelle il se joignit. Même qu’il n’était pas revenu. Mort certainement dès le début de la guerre. Elle nous payait aussi le manège, pourvu qu’on fût vigilants. Quand tout marchait bien, elle était tellement heureuse qu’elle nous donnait, dans son exaltation, des baisers sur la joue. Doux baisers mous sentant la lavande ! Et nous, petits fripons, lui palpant les fesses, mine de rien. Oui, Madame ! Faut-être vigilant... sinon le méchant capitaine...) » pp. 250-251-252. [explication, digression]

c) Questions :

69- « (gris ? verts ?) » p. 15.

70- « (Comment concilier – disait-elle – le suicide et la révolution politique ? Des mots ! Je n’avais même pas envie de lui répondre. Elle était dérisoire. Quel rapport entre la rupture avec le père et cet orifice rose d’où coulait lentement un sang pivoine ?) » p. 22.

71- « (avait-il bu ? Mais où pouvait-on boire du vin dans ce désert ?) » p. 26.

72- « (officier ? commissaire ? gardien de prison modèle ?) » p. 51.

73- « (ai-je tué Samia ?) » p. 62.

74- « (par qui ?) » p. 63.

75- « (quel rêve encore inventer pour éblouir la racaille de l’hôpital ?) » p. 66.

76- « (oublierait-elle que nous venons de vivre une guerre meurtrière de sept ans, durant laquelle les meilleurs d’entre nous furent décimés, catapultés, pulvérisés par les bombes et les avions, le napalm et les services psychologiques ? Oublierait-elle aussi que beaucoup parmi les malades venaient de France où on les avait tellement exploités, brimés, méprisés, qu’ils en étaient devenus fous, à aller de métro en bidonville et de bidonville en chantier avec des contremaîtres corses ou italiens ou polonais qui exècrent les Arabes parce qu’ils sont eux mêmes en butte au racisme des autres habitants du pays, susceptibles et sourcilleux, fiers d’y être nés comme si) » p. 120.

77- « (qui cela pouvait-il être de Siomar ou de Si Slimane, alias Djoha le crédule ?) » p.141.

78- « (mais qui sait s’il ne veut pas parler de la guerre qui dura sept ans durant laquelle nous étions tombés dans un grand cri, les yeux éblouis, le cœur battant la chamade, avec la peur qui nous tenaillait au sein de la glèbe, à l’abordage du pays que nous découvrions soudain, à travers ses maquis protecteurs, ses plongées vertigineuses, ses failles épouvantables et ses sacrilèges dérisoires; à travers, aussi, les balles et les boulets de ceux qui, non contents de nous cribler de plomb, s’amusaient à nous arroser de napalm du haut de leurs avions jaunes, frelons vrombissants, avec leurs ombres en forme de croix nette et bien tracée sur la terre brune, tachetée de zones rousses et vertes et ocre ?) » p. 168.

79- « (qui me dit que dans la cuisine, le placard où l’on a l’habitude de stocker les légumes n’est pas plein de pommes de terre dont la germination est déjà très avancée, de carottes dont la couleur orange est en train de tourner au bleu-gris, avec cette touffe laineuse qui s’enroule autour des légumes quand ils sont pourris, de tomates éclatées en deux avec leur jus épaissi autour de la peau fripée et criblée de pépins ronds, plats et jaunes ?) » pp. 209-210.

80- « (chape d’acier ou tôle de zinc ?) » p. 236.

II/ Didascalies :

81- « (Elle avait claqué la porte et était partie !) » p. 123.

82- « (Elle hésite quelque peu) » p. 234.

III/ Ironie :

83- « ...quelque détective du pays (apprenant à parler comme un véritable détective, en mâchant du chewing-gum devant un petit miroir qui ne le quittait jamais) » p. 19.

84- « ...ma mémoire de malade amaigri et barbu, maugréant du haut de son lit, mais pas trop (la camisole de force !) » p. 23.

85- « ...un paysan endimanché (c’était pourtant le vendredi que les paysans venaient à la ville...) » pp. 60-61.

86- « Baragouine juste un peu de français, mais l’allemand, alors, non ! (Ya, Ya.) » p. 165.

87- « (il l’appelait « Midi et quart » alors que son vrai surnom était « Midi moins le quart ». Il avait vieilli, mon compagnon, et n’étais plus à l’heure...) » p. 172. 

IV/ PAROLES OU PENSEES D’UN PERSONNAGE :

88- « (Surtout ne me parle pas de cette circoncision, on aurait dû te couper le tout jusqu’aux testicules ! Ça te sert à quoi cette chose-là, sinon à t’alourdir et à te gêner lorsque tu marches vite ?) » p. 11. [Nadia]

89- « (Comment concilier – disait-elle – le suicide et la révolution politique ? Des mots ! Je n’avais même pas envie de lui répondre. Elle était dérisoire. Quel rapport entre la rupture avec le père et cet orifice rose d’où coulait lentement un sang pivoine ?) » p. 22. [Samia]

90- « (Nadia m’écoutait palabrer des heures durant. « Allons, allons, disait-elle, veux-tu cesser de raconter des sornettes ! Tu as tout inventé. Tu n’avais pas peur du sang, pour la bonne raison qu’il n’y en a pas eu, comme il n’y a pas eu d’oursins, ni de crabes entre les jambes de cette prétendue élève de philosophie. Non, il n’y a rien eu ! Arrête d’écrire. ») » p. 24. [Nadia]

91- « (Et oui disait-elle – tu nous agaces avec toutes ces histoires qui ne tiennent pas debout! Avoue que tu sais les inventer tes sales histoires ! Et cette jeune fille de bonne famille qui se donne à toi, passe encore; mais ces enfants qui disent – le jour de ta circoncision – des obscénités au lieu de réciter les psaumes du prophète, et ces coupures et ces raccourcis qu’ils se permettent de faire à travers le livre de Dieu... Quelle engeance ! Allons donc ! Ton histoire de circonciseur qui fréquente les bordels et qui est fragile de la tête, ne tient pas du tout ! C’est du cirque ! C’est du Garagouz !...) » pp. 27-28. [Nadia]

92- « (Dieu miséricordieux, prends soin de son prépuce et donne-le au barbier afin qu’il le suce ! Dieu miséricordieux, on va lui couper la bite, déjà qu’il l’a petite ! O croyants soyez bons avec vos enfants...) » p. 31. [les enfants]

93- « (Il n’a qu’à faire comme nous ! Le con de sa mère a tellement englouti de serpents...) » p. 31. [les enfants]

94- «(Dieu de Dieu de grosse bite ! Sens-tu l’odeur de bonne cuisine ? Qu’on nous donne à manger et qu’on nous laisse partir avant le massacre...) » p. 35. [les enfants]

95- « (Il a avalé une couleuvre ! Non, une baguette ! Non, la petite bite de la future victime qui n’en a plus ! Donc, plus d’opération. Le barbier se doit de repartir bredouille, chez lui. Bredouille ! Le salaud ! Il en a une mine.) » p. 38. [commérages]

96- « Les grands n’y comprenaient plus rien. (Allez voir ce qu’ils font. Ils deviennent tristes et vous donnent la chair de poule. Ah ! les sales garnements !) » pp. 43-44. [les grands]

97- « (Bien fait pour sa gueule ! Ça lui apprendra ! Ça lui apprendra ! hurlait le chœur.) » p. 47. [le chœur]

98- « (Dieu de grosse bite ! On te lynchera dans les rues de la ville monstrueuse où la légende de la femme sauvage court toujours) » p. 51. [les deux hommes]

99- « (Cela sert !Cela sert !) » p. 76. [Djoha]

100- « (ha ! ha!) » p. 101. [Djoha, interjection]

101- « (hélas ! hélas !) » p. 109. [Djoha]

102- « ...il avait été torturé (et ma mère avait eu beaucoup d’admiration pour le courage de son frère. A sa sortie de prison, il était venu la voir par surprise et avait surgi derrière elle, poussant un petit cri et la tenant par la taille, l’empêchant de se retourner et de deviner... Au début, elle n’avait pas cru à une farce. Elle s’était rappelé le jour où l’autre, l’ignoble, l’avait violée, juste à la même place, peut-être au même moment de la journée, avec la même flaque de soleil d’hiver qui cernait le puits. Il l’avait surprise par derrière... Comment avait-elle fait pour ne pas l’entendre venir... L’herbe devait être mouillée. Il avait plu la veille. Pourtant elle se tenait sur ses gardes. Depuis vingt ans qu’elle se tenait sur ses gardes ! Le viol... Elle était devenue méfiante chaque fois qu’elle voyait un puits et une bande d’herbe autour. Son frère avait voulu la surprendre. Elle le croyait toujours en prison. « A tirer de l’eau comme ça toute la journée, tu dois être fatiguée... » Elle l’avait reconnu à la voix. Heureusement ! Elle était prête à se jeter dans le puits. Elle n’allait quand même pas se laisser violer une deuxième fois. Il était venu lui annoncer sa sortie de prison et sa décision de quitter le village, la compagnie des chemins de fer et de prendre le maquis. Un secret ! A ce moment elle avait remarqué que le nez de son frère n’était plus à sa place ordinaire, un peu dévié de sa trajectoire. Il disait qu’il ne voulait plus recevoir des coups sans les rendre. Qu’il allait les faire tous baver. Il n’était même pas en colère. Un secret à ne pas divulguer, insistait-il. Elle aussi, elle était sur le point de lui raconter...)... » pp. 89-90. [Selma et son frère]

103- « (Que fabrique-t-il? Que fabrique-t-il?) » p. 128. [Nadia]

104- « (Ils sont irrémédiablement contre toute tentative de contraception. Que Dieu nous en garde !) » pp. 136-137. [les M.S.C. et les bureaucrates de l’hôpital]

105- « ...puits mémorable (où l’autre avait été... Puis, à quoi bon, elle n’avait pas aujourd’hui le cœur à ressasser de vieux souvenirs pénibles. Elle chantait même...) » p. 140. [Selma]

106- « (la huitième plaie, avait dit l’aïeul). » p. 142. [l’aïeul] [rappel    p. 139.

107- « Elle hurlait, et à nouveau, elle mêlait le sang au sang (celui du viol coulant de son propre sexe et celui du coq avec çà et là des plumes et des poils doux et gélatineux, souillés de sang dont le contact infernal allait la poursuivre des siestes et des nuits durant, à travers l’insomnie qui l’anéantissait, toujours sur le point de vomir, toujours sur le point de chuter dans le gouffre sans fond de sa démence...) » p. 158. [Selma]

108- « (Mais, dirait mon ami parti boire, c’est une autre histoire et tu nous casses les pieds avec ces digressions qui n’ont ni queue ni tête !) » p. 171. [ami de Mehdi]

109- « ...il ... se remettait à broder autour de l’histoire d’Amar Bô ... (Il avait tout fait dans la vie, Amar Bô ! Il avait aussi tout raté ! Il était rouquin, râblé et tranquille. On ne l’avait jamais entendu élever la voix. Pacifique ! Il ne buvait pas. Il ne fumait pas. Il chiquait seulement. Avec modération. Il avait tout essayé et il avait tout raté. Il voulait être boxeur mais comme il n’était pas suffisamment hargneux, il se faisait copieusement conspuer par le public qui le soupçonnait de se faire acheter par des adversaires beaucoup plus nantis que lui. Le peuple n’avait pas besoin d’une marionnette que n’importe qui pouvait manipuler à sa guise. Il exigeait plutôt un grand champion pouvant servir la cause du nationalisme et aller dans la métropole donner des leçons aux boxeurs européens que la mythologie populaire décrivait comme des pantins couards et sans aucune consistance. Il faut dire qu’à l’époque la boxe était en crise dans le pays habitué à voir ses enfants partis, outre-Méditerranée, glaner les titres sous le nez de l’autorité coloniale haïe. Mais Amar Bô n’avait aucun talent et se faisait battre par tous les malabars des douars avoisinants. Il n’avait aucune chance de réussir dans le noble art, malgré les encouragements des militants nationalistes qui avaient cru à sa valeur pendant quelque temps. Lorsqu’il ne put faire durer plus longtemps la mystification, il changea de village et de profession. Il devint acteur dans une troupe d’amateurs qui, en contrepartie de ses services, lui permettait de dormir dans son local. La troupe de la « Réussite », comme elle se nommait superstitieusement, manquait cruellement de femmes, à tel point que les rôles féminins étaient tenus par de jeunes travestis. Lorsque Amar Bô en eut assez de jouer les dulcinées éplorées, il eut l’idée d’utiliser son ancienne gloire locale, son nez cassé et ses cheveux couleur de feu, et de faire le tour des bordels en vue de recruter des filles pour la troupe. Son idée eut quelque succès et il revint, un jour, dans le local, flanqué de deux ou trois femmes effarouchées et voilées qui jetèrent l’émoi dans la paisible communauté théâtrale. Mais Amar Bô, devenu la gloire de ses compagnons, eut beaucoup d’autorité et devint le directeur de la troupe qu’on venait admirer de très loin pour voir s’exhiber les deux ou trois filles qu’elle possédait. Le succès fut immense jusqu’au jour où celles-ci, au lieu de mourir de misère dans la troupe d’Amar Bô, furent séduites une à une par de riches paysans qui les installèrent dans de belles maisons et les entretinrent de façon très généreuse. Là encore la chance tourna et la troupe, en perdant ses femmes, perdit tout son prestige, périclita et finit par disparaître totalement quelques années avant le début de la guerre de sept ans. Cette fois-ci Amar Bô ne quitta pas le village. Il s’y installa comme marchand de charbon dans une petite boutique donnant sur la grand-rue. Précédé d’une réputation d’artiste, de boxeur et de philosophe, il attira dans son local toute la jeunesse inoccupée et se transforma en maître écouté et respecté, malgré son extrême misère, son génie prolifique désastreux (il se trouvait à trente-cinq ans à la tête d’une famille composée de dix enfants affamés et d’une épouse acariâtre qui ne cessait de lui reprocher son passé de boxeur et d’acteur amateur) [parenthèse explicative dans la parenthèse principale] et sa confusion politique d’autodidacte agaçant. Il vendait peu de charbon, mais colportait les nouvelles, diffusait les journaux de la capitale et tournait – amèrement – tout en dérision. Ses trois échecs (la boxe, le théâtre et le mariage) [parenthèse explicative dans la parenthèse] ne l’avaient pourtant pas trop aigri. Il demeurait fidèle à sa théorie philosophique de la passivité et de la non action, réalisée concrètement dans l’attente de quelque événement dont il ne parlait jamais mais qui l’éclairait mystiquement de l’intérieur. Il avait mauvaise réputation dans le village, Amar Bô ! Personne n’entrait acheter du charbon dans sa boutique obscure et encombrée par les corps de ceux qui venaient y passer – gratuitement – la nuit, car même les bains maures étaient trop chers pour leurs bourses quasi inexistantes. Mais le charbonnier était ami avec tout le monde : il recevait les militants à leur sortie de prison, les hébergeait et leur déconseillait la voie qu’ils avaient décidé de prendre. Il répétait qu’il n’aimait pas la violence et avait paradoxalement gardé de son ancienne activité de boxeur un pacifisme incroyable ! Il recevait aussi les gendarmes et les mouchards et les appelait à plus de mansuétude vis-à-vis des militants qu’ils chassaient ou dénonçaient. Un bon cœur, Amar !) » pp. 186-187-188. [histoire de Amar Bô dite par le conteur]

110- «Il prenait la voix des troubadours annonçant le titre d’un conte qu’ils vont dire, pour prévenir les badauds partis ailleurs, au moment de la pause, et revenus avec une rapidité étonnante. (Il recevait tout le monde et offrait toujours du thé à ceux qui venaient dans sa boutique. Il n’empêchait rien. Il donnait des conseils que l’on était libre de suivre ou de ne pas suivre. Il laissait les militants venir comploter et rédiger les exordes au peuple qui n’avait jamais cessé d’attendre le mot d’ordre du déclenchement de l’insurrection; de même qu’il laissait venir les gendarmes et les mouchards espionner et faire leur sale travail. Il répétait tout le temps qu’il était l’ami de tout le monde mais les nationalistes se méfiaient de lui et se tenaient prêts à le liquider. Peu à peu, la réputation du charbonnier dépassa les sphères dans lesquelles gravitaient les chômeurs et parvint jusqu’à la jeunesse dorée qui alla s’encanailler auprès des misérables du village et faire alliance avec eux, contre les membres de l’autorité qui au fur et à mesure que le déclenchement de la guerre approchait, devenaient susceptibles et ombrageux. Quelques-uns, très rares, rallièrent les militants et prirent le maquis dans la boutique du charbonnier où personne n’osait venir les arrêter pour ne pas nuire au travail des mouchards, à l’aise parmi les futurs maquisards et les futurs terroristes. En attendant, la famille de l’ancien boxeur continuait à végéter et à vivre dans la misère. Ce dernier se plaignait du marasme et harcelait les autorités afin qu’elles lui payasse une mensualité pour le gîte qu’il donnait à leurs indicateurs. Mais en vain, car en haut lieu, on soupçonnait le charbonnier d’être le chef d’une cellule politico-militaire, camouflé sous une bonhomie de parade. Il n’en était rien et Amar Bô était vexé par tant d’ingratitude. Pendant longtemps, il hésita et fut terriblement tenté d’aller proposer ses services aux militants. Mais devant le scepticisme et les sarcasmes de ces derniers, il observa un statu-quo prudent et continua à nager entre deux eaux. En fait personne ne le prenait au sérieux, et il agaçait la plupart des personnes qui assiégeaient sa boutique. On venait lire les journaux à l’œil, et les analphabètes se faisaient écrire leurs lettres d’amour par des jeunes gens renvoyés du lycée ou bien en rupture de ban. Une agitation extraordinaire régnait jour et nuit dans la boutique dont la célébrité allait dépasser les frontières étroites du village pour se répandre dans les autres villages entre Sétif et Souk Ahras...) » pp. 192-193. [suite de l’histoire de Amar Bô].

111- « Non, personne n’était capable de venir perturber le vieillard, car l’histoire était trop passionnante. (...) (Pendant la fameuse guerre de sept ans, Amar Bô s’arrangeait pour avoir des laissez-passer des deux côtés. Les maquisards savaient qu’ils pouvaient le tolérer et l’armée coloniale croyait tenir en lui un interlocuteur valable. Lui, bernait tout le monde et gardait sa neutralité. Il avait fini par faire des affaires et gagner de l’argent. Pas trop, juste ce qu’il fallait. Il tenait beaucoup trop à sa tranquillité d’esprit et à son indolence pour aller se mettre à la tête d’une grosse fortune. L’aisance ne lui tourna pas la tête, mais sa femme devint de plus en plus prétentieuse à tel point qu’elle eut deux fois des jumeaux en l’espace de trois ans. Elle disait à ses voisins venus la plaindre : « Amar Bô est riche maintenant ! Il faut en faire profiter tout le monde... » Pourvu qu’elle ne hurlât point, son époux fermait l’œil sur sa prodigieuse fécondité. Dieu soit   loué ! La Contée avait besoin de tous ses enfants, à l’heure du massacre et de la cruauté des armées venues ratisser les montagnes et les forêts, à la recherche des anciens amis d’Amar Bô, ceux qu’il n’avait jamais pris au sérieux, devenus des partisans aguerris et des commissaires politiques solides. Mais l’ancien marchand de charbon, père maintenant de quatorze enfants, n’osait pas trop exprimer ses craintes. Sa femme l’encourageait à s’enrichir et à jouer sur les deux bords, et malgré sa répugnance naturelle pour l’agitation et l’excès de travail, il avait fini par changer peu à peu et par racheter des fermes aux gros propriétaires partis s’abriter en Tunisie.) » pp. 196-197. [suite de l’histoire de Amar Bô].

112- « (chut, il ne faut pas le répéter. Top secret ! qu’ils me disaient et avec l’accent déformé par le chewing-gum !) » p. 232. [les M.S.C.]

113- « (rallonge tant que tu peux, me disaient-ils, nous te faisons confiance, raconte n’importe quoi pourvu que ça les impressionne) » p. 233. [les malades]

114- « (faut pas le dire... chut !) » p. 234. [Nadia]

115- « (Alors-cette-insolation-ça-va-mieux-le-pouls-est-bon-la-température...) » p. 252. [Nadia]

V/ PROPOS ADRESSES A UN PERSONNAGE:

116- « (et loi qui la suivait de d’une boutique à l’autre, fasciné par ses jambes nues et souples. Où l’avais-je rencontrée ? Elle achetait ici et là, des fleurs et des crevettes et des cerises de Miliana. Tout un goût ferrugineux dans la bouche comme si l’on traversait la rue des rétameurs. Puis l’odeur de laine drue que les marchands font brûler pour prouver aux clients grincheux sa bonne qualité. Excavation ! Le cycle infernal. Elle, devant. Et moi, derrière. Petite! Vierge secrète ! Comment faire pour te dire. Non, je ne suis pas un ours; mais je crains de ressembler à un singe dépenaillé. Honte que l’on déplace à coups de friandise, chaque fois qu’on traverse le jardin botanique. Elle, devant. Et moi, derrière. Le fracas des phrases qui cinglent mon visage où j’ai bâti un barrage de haine toute bleue n’a rien de cocasse. Sinon que parti à rutiler derrière la donzelle, j’avais fini par m’inciser les lèvres à force de crispation. Elle pouffait et je me sentais déjà trahi comme lors de mon séjour à Constantine... A force de crispation. Veines grossie devenues des gros câbles sur lesquels elle pourrait, si elle le voulait, marcher sans tomber et jouer au funambule je ne dirai pas : aïe ! ni ouf ! Fulgurer ma tenace vision de cette trace sous la robe d’été imprégnée de l’odeur de tes aisselles et imprimée de grandes fleurs où les mouches et les naïfs viendraient se faire gober, sans aucun scrupule. Tu sais, ces grandes fleurs jaunes que tu ne m’offres pas car tu ne viens pas me voir à l’hôpital où je soigne une mélancolie bue au sein de ma mère. Tu allais par-ci, par-là, acheter toutes ces belles choses : fruits et poissons de l’été, alors que je guettais, sournoisement, tes formes de femme hostile à toute approche non réglementaire. Mais je te suivais et rien ne me séparait de toi sinon ton ombre, à tel point que le soir, une fois rentré chez moi, fourbu et fiévreux, j’avais honte d’avoir mal aux testicules... Avec tout ce soleil et cette mouvance molle des taches d’ombre qui ternissent les visages des vieux assis sous les porches des immeubles face aux panneaux-réclames qu’ils ne savent pas déchiffrer (Acheter-un-coffre-fort-dans-votre-banque-populaire-vous-économiserez-plus !) ... Et si les tortues se mettaient à porter, tout à coup, au milieu de cette carapace inélégante, la boule ronde du soleil, pour mieux fasciner les libellules et les faire tournoyer d’aise !) » pp. 239-240. [adressé à Samia]

117- « (Sadique ! Après tout, tu n’as qu’un pauvre clitoris te pendouillant au beau milieu de la tumeur qui te sert de sexe et que tu ne peux même pas faire vibrer pour avoir l’extase. Rien ! Moucharde tu es, moucharde tu restes.) » p. 235. [adressé à Nadia]

118- « (peur que je m’évade ? Attends un peu ma joli. J’ai une surprise pour toi que je garde bien au chaud entre mes circonvolutions cérébrales. Personne n’est au courant. Pas même le pitre que j’ai cru être mon père, pendant de longues années. M’évader ? Moi ! Non! Non ! Ce serait trop facile. Tu lanceras vite tes amis à ma poursuite. Je sais... Je sais... Ils ont des voitures tellement rapides ! Et même des avions et même des hélicoptères qui peuvent atterrir dans un mouchoir de poche...) » p. 242.

VI/ NOTES POUR LUI-MEME (le narrateur) :

119- « (écrire aussi ce qui s’était passé le lendemain de la défloration) » p. 23.

120- « ...quelques croyants ... prêts à décamper au moindre sauve-qui-peut (rester vigilant face aux M.S.C. et aux frères de la Religion !)... » p. 169. [soliloque]

VII/ Onomatopée :

121- « (baâ) » p. 234.