Rym KHERIJI : Boudjedra et Kundera : Lectures à corps ouvert.
Doctorat Nouveau régime, Université Lyon 2, 15 décembre 2000
Directeur de recherches : Charles Bonn

Sommaire de la thèse
Bibliographie
Totalité de la thèse en un seul fichier html (téléchargement long et mise en pages perdue)
Totalité de la thèse en un seul fichier pdf (téléchargement long et mise en pages préservée, mais le logiciel Acrobat Reader3 ou 4 est nécessaire)
Page d'accueil du site Limag (Littératures du Maghreb)
________________________

Conclusion 

                                                      « Bien sûr, au début, était le saccage » La Répudiation, p. 199.

                                          « Comment échapper à l’horrible carnage ? » La Répudiation, p. 200.

       Lorsque nous avons entamé ce travail, nous avions l’intuition que les romans de Boudjedra et Kundera échappent à toute lecture idéologique exclusive. Pour cela et pour l’amour aussi de ces deux auteurs, nous avons essayé de respecter leur passion pour le multiple. Notre ambition est donc de tracer des pistes, de poser les questions qui nous semblent essentielles, de voir avec ceux qui nous ont précédés, quelles sont les possibles promis par les textes. Au demeurant, nous devons avouer que le détail qui nous a poussés à établir des réseaux de communication entre les deux romanciers, est, en quelque sorte, un détail relevant de l’idéologie. C’est en effet l’image du changement des noms de rues qui a déclenché le processus de liaison. Présente dans L’Insolation et L’Insoutenable légèreté de l’être, cette image nous a d’abord donné l’impression que les auteurs dénoncent les pratiques du totalitarisme. Nous nous sommes rendus compte par la suite qu’elle n’est pas que cela. Elle est aussi remise en question de l’écrit; elle est encore questionnement sur la mémoire et l’oubli. Après avoir été tentés, comme tant d’autres, par l’investigation du sens dans la réalité, nous avons fini par opter pour une lecture plurielle.

       Nous avons donc choisi le parti des auteurs et avons fait fi des obstacles méthodologiques. A partir du détail des changements de noms des rues, nous sommes remontés aux sources de l’écriture afin de saisir le lien invisible qui existe d’une part entre les deux auteurs, et d’autre part entre leurs œuvres. Ce lien commence tout d’abord par l’écriture. Une écriture à fleur de peau, écorchée pour Boudjedra, et une autre courageuse, insouciante, pour Kundera. En est-il vraiment ainsi ? Nous avons effeuillé les apparences pour découvrir le renard et le lion qui se cache respectivement derrière nos deux écrivains. La ruse du premier et la majesté du second se rejoignent en effet dans le même désir de perversion des certitudes. Les manières diffèrent, mais les objectifs sont très proches. L’ambition littéraire du texte réside en l’occurrence dans l’imbrication de plusieurs thèmes au seul service du questionnement. Si l’on admet cela, tout s’éclaire d’une lueur nouvelle. Comment transformer le négatif en positif, la pesanteur en légèreté, le saccage, la destruction, en désir, en construction ? Créer sur le détruit n’est-il pas une des caractéristiques de la littérature ? Montrer les failles de la mémoire par l’agencement des mots n’est-il pas un jeu littéraire d’une imperceptible cruauté ? Afin de ne pas sombrer dans le gouffre ouvert par ces écritures cancéreuses, nous avons retenu leur aspect ludique. Le jeu entre écriture et lecture semble légitimer la dénonciation de l’absurde. Contre toute attente, il ne relâche pas la tension littéraire et fonde l’essence même de l’acte de lire. Nous aboutissons ainsi à un trio vaudevillesque formé de l’auteur, du livre et du lecteur. Ce ménage à trois ne se déroule pas sans heurts, pleurs, dramatisations, incompréhensions, ni sans joie des retrouvailles après la fin des tempêtes. Le plaisir partagé acquiert de ce fait plus de crédit, car l’on ne se rend véritablement compte de l’importance d’un objet ou d’un être, que lorsqu’on le perd.