Rym KHERIJI : Boudjedra et Kundera : Lectures à corps ouvert.
Doctorat Nouveau régime, Université Lyon 2, 15 décembre 2000
Directeur de recherches : Charles Bonn

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1° partie, chapitre 2: LE NARRATEUR ET SES VOIX

1/ Le narrateur : personnage principal ?-

2) Les voix mises entre parenthèses :

       Lorsque l’on évoque la problématique du narrateur dans une perspective comparatiste, le premier élément d’analyse est sans aucun doute ce que Genette appelle « la personne ». Les puristes répugneraient peut-être à associer des romans qui ne sont pas écrits à la même personne. Paradoxalement, le fait que ceux de Boudjedra soient écrits principalement à la « première personne du singulier » et ceux de Kundera à la « troisième », ne nous pose aucun problème d’ordre méthodologique. Au contraire, cela nous permet de comparer ces différentes voix en étant plus sensible à la spécificité de chacune d’elles.

            1/ Le narrateur : personnage principal ?

              a) La voix de toutes les douleurs :

       Les romans de Boudjedra ont cette insoutenable réputation d’être subversifs, violents, mais toutefois innovateurs du genre. L’écrivain a été affublé des titres de révolté, de destructeur des idées reçues et de dénonciateur d’une « société sclérosée ». Nous ne pouvons aborder son œuvre sans tous ces a-priori. Il nous a paru indispensable d’étudier les « voix » qui les véhiculent à la lumière de celles qu’utilise Kundera.

       Il ne s’agit pas ici de « voix » qui suscitent l’apitoiement ou l’attendrissement. Boudjedra s’insurge contre la littérature « misérabiliste »[1] qui a eu son heure de gloire au Maghreb et considère Nedjma de Kateb Yacine comme « un début de modernité », comme « la première rupture épistémologique de la littérature maghrébine. Là, on ne pleurniche plus, on ne fait pas du mauvais Balzac ou du mauvais Zola »[2]. Ne serait-ce pas là une version maghrébine de la lutte de plusieurs auteurs centre-européens, dont Kundera, contre le culte du kitsch qui a vu fleurir une littérature populaire axée sur le plaisir facile et l’identification ? A vrai dire, pour Boudjedra et Kundera, il n’y a aucune place à la médiocrité. On s’en rend compte dès le premier contact avec leurs romans, c’est-à-dire avec leurs narrateurs.

       Nous ne pouvons entamer une étude des narrateurs sans évoquer le chapitre consacré aux voix par Genette dans Figures III. Bien que légèrement porté sur la schématisation, il nous est d’un grand secours dans notre analyse. Nous ne pouvons non plus passer dans cette partie sur « l’émancipation du narrateur »[3] qui explique le jeu instauré dans nos romans autour du rôle, ou plutôt des rôles, que joue le narrateur. Le mot « émancipation » est très important dans la mesure où nos deux auteurs sont attirés par les innovateurs de la littérature française. Citons à titre d’exemple ce passage où Boudjedra fait l’apologie de C. Simon : « Pour moi, le plus grand écrivain du monde de cette deuxième partie du XXème siècle s’appelle Claude Simon (...) c’est un hommage que je rends à mon maître Claude Simon »[4]. N’oublions pas en outre de préciser que Kundera consacre une pièce de théâtre (Jacques et son maître) au Diderot de Jacques le fataliste.

       Nous désignons dans le titre de cette sous partie par voix de toutes les douleurs, le murmure perçu à chaque ligne du roman, comme une sorte de mise en garde contre le kitsch qui n’est pas en fait le propre de Kundera mais d’une grande partie de la littérature contemporaine. Eva Le Grand nous dit à ce propos:

« Déjà Broch disait que la beauté dans l’art devient, depuis le romantisme, une déesse kitsch, vision qui, depuis lors, n’a subi que peu de changement : qu’on le nomme mensonge esthétique (Eco), esthétique de l’auto-tromperie (Calinescu) ou de simulation (Baudrillard), contrairement à la connaissance romanesque, le kitsch ne crée pas sa beauté, car toute sa séduction reste parasitaire de son référent qui, je l’ai dit, n’est qu’illusion. En d’autres mots, le kitsch ne séduit point par une vision, mais bien par une illusion de la beauté »[5].

       Plongeons-nous directement dans nos romans et voyons par quoi ce murmure se manifeste. Si l’on regardait d’abord comment débutent ces livres ? Les incipit des quatre romans qui forment notre corpus peuvent être révélateurs d’éléments fondamentaux. C’est en effet le premier (mais non moins décisif) « contact » que nous ayons avec les narrateurs :

« Avec la fin de l’hallucination venait la paix lumineuse, malgré le bris et le désordre, amplifiés depuis le passage des Membres Secrets; nous avions donc cessé nos algarades (lui dirai-je que c’est un mot arabe et qu’il est navrant qu’elle ne le sache pas? Peut-être vaudrait-il mieux ne pas réveiller la chatte agressive et tumultueuse qui dort en elle...) et nous nous tenions tranquilles »[6].

« L’automne commence et les arbres se colorent de jaune, de rouge, de brun; la petite ville d’eaux, dans son joli vallon, semble cernée par un incendie »[7].

« L’allusion à la plage la rendait folle et je faisais alors exprès d’y revenir pour la harceler des journées entières, au point qu’elle ne s’occupait plus des autres malades »[8].

« L’éternel retour est une idée mystérieuse et, avec elle, Nietzsche a mis bien des philosophes dans l’embarras : penser qu’un jour tout se répétera comme nous l’avons déjà vécu et que même cette répétition se répétera encore indéfiniment ! »[9]

Quatre mots se détachent immédiatement de ces phrases : « fin », « commence », « revenir » et « retour». Le désir est nécessairement corollaire de la notion de « commence(ment) » et de « fin ». Cependant, il est tout de suite anéanti par le « retour », car par définition, on ne désire que ce qu’on ne possède pas.

       La Répudiation s’ouvre sur la « fin de l’hallucination », donc du désir. Est-ce la fin du désir, ou le désir d’un ailleurs, d’autre chose? L’étape que représente notre lecture semble coïncider avec la fin d’une autre étape. Le livre lui-même est une suite d’« hallucinations » ponctuée par la présence intermittente du narrataire officiel qui n’est autre que Céline. Cette mise en abîme invite l’éternel retour du même. Déjà, le jeu avec le lecteur s’installe.

       La Valse aux adieux « commence » par une description du cadre spatio-temporel romantique, puisqu’on nous parle d’une « petite ville d’eau » au début de « l’automne », où est née Ruzena que l’on prend d’abord et à tort (encore une supercherie pour brouiller les pistes) pour le personnage principal. Cette description est très vite marquée, grâce au contraste que crée la brutalité du mot « incendie » avec la douceur du reste de la phrase, par un désir de surprendre. Il semble nous dire : ne vous fiez pas aux apparences, une catastrophe se prépare peut-être dans cette « petite ville d’eau ». Mais en même temps, l’ironie du narrateur est suggérée par l’aspect gentillet des mots: « petite », « joli », « vallon ». Jusque là, il s’agit d’un chapitre d’exposition au sens traditionnel du terme. La rupture, déjà annoncée avec le mot « incendie », est consommée avec la phrase : « Echappera-t-elle jamais à ce lieu, à cet atroce pullulement de femmes ? »(p. 15) Par ces mots anodins, s’exprime une violence sous-jacente qui ne peut être de bon augure pour la suite du roman. Le narrateur ne se fait-il pas le porte parole de Ruzena ? Il exprime en effet ses pensées les plus profondes. Quant à celui de L’Insolation, il donne le ton en affirmant qu’il « rev(ient) » à « l’allusion à la plage », leitmotiv du roman, pour éveiller le désir du narrataire / lecteur, mais aussi, à un autre niveau, pour tuer dans l’œuf celui de Nadia. Enfin, ce qu’on est en droit d’appeler la voix de L’Insoutenable légèreté de l’être, évoque d’emblée l’absurdité de tout désir puisqu’il est voué à l’éternel « retour ».

       La loi (ou le code) de la séduction veut que le désir reste tacite pour qu’il garde toute son intensité. Sur ce plan, les voix semblent garder le suspens comme dans un roman policier. Constamment aux aguets, elles ne nous révèlent que les informations qui nous sont nécessaires au bon entendement de l’histoire. Elles vont jusqu’à saboter le désir ou brouiller les pistes en anticipant la révélation de certains faits : n’est-on pas réellement déçu de savoir dès la page 179 de L’Insoutenable légèreté de l’être que Tomas et Tereza sont morts[10] ? Ne regrette-t-on pas de connaître à la page 123 de L’Insolation le prénom scrupuleusement tu du narrateur ? Cette impression de malaise entremêlée paradoxalement de plaisir éprouvée par le lecteur est probablement due au fait que ces voix sont faites de défi. Elles construisent, saccagent et bravent sans scrupules et impunément par une sorte de faux exhibitionnisme de l’écriture qui nargue le lecteur du début à la fin du roman. Ce qui est saisissant par ailleurs chez elles, c’est qu’elles détournent et altèrent le désir en le faisant également naître à la dernière page. Certaines nous laissent sur notre soif avec des phrases pleines de mystère :

« Restait maintenant à s’en aller le plus discrètement possible, malgré la peur stupide du sang et le silence de Samia qui ne répondait toujours pas à mes lettres; à moins que »[11].

« Paix sur moi, puisque le soir vient, et le silence autour de ma berlue interminable; mes compagnons, dans les autres cachots, dans les autres cellules, savent que je ne suis pas voué éternellement au délire. Il faut donc tenir encore quelque temps... »[12].

Et d’autres disparaissent dans le néant exactement comme elles sont apparues, c’est-à-dire subrepticement :

« Un gros papillon de nuit effrayé par la lumière s’échappa de l’abat jour et se mit à tournoyer à travers la chambre. D’en bas leur parvenait l’écho affaibli du piano et du violon »[13].

« – Je t’expliquerai tout. Nous avons tant de choses à célébrer. Nous avons devant nous un magnifique week-end », dit Bertlef prenant le bras de sa femme. Puis, sous les lampadaires du quai, ils sortirent tous les quatre de la gare »[14].

Tout n’est donc que désir et rien n’existe en dehors des romans. Les voix/narrateurs ne le savent que trop bien. La boucle est ainsi bouclée et nous sommes renvoyés sans ménagement à la première page.

       Nous sommes en outre très vite confrontés au problème du narrateur. Qui parle ? Dans les deux romans de Boudjedra, la présence de la première personne du singulier ne laisse aucun doute quant à leur aspect intimiste. Il s’agit bien de confessions. Les choses ne sont pas aussi évidentes pour Kundera. Aucune indication n’est donnée dans ces incipit. Ceci nous incite à croire en un premier temps à l’aspect impersonnel de ces romans. Gérard Genette précise :

« Le choix du romancier n’est pas entre deux formes grammaticales, mais entre deux attitudes narratives (dont les formes grammaticales ne sont qu’une conséquence mécanique) : faire raconter l’histoire par l’un de ses “personnages”, ou par un narrateur étranger à cette histoire »[15].

Les narrateurs (que ce soit Mehdi, Rachid ou ceux de L’Insoutenable légèreté de l’être et La Valse aux adieux), prennent le contre-pied de cette affirmation. Ils ont tous des particularités qui en font des narrateurs à la fois « hétérodiégétiques » et « homodiégétiques »[16] dans leur rapport au récit.

       Dans L’Insoutenable légèreté de l’être et La Valse aux adieux, les narrateurs ne sont certes pas des personnages et sont absents de tout dialogue, mais ils sont si proches du récit qu’ils ne sont plus les observateurs objectifs qu’ils devraient être. Leur subjectivité est presque palpable et l’on se surprend à croire qu’ils font partie de l’histoire qu’ils nous racontent. Quant à ceux de L’Insolation et de La Répudiation, il leur arrive de s’éclipser ou de se détacher de leur récit. Le premier (Mehdi) aurait à la limite préféré que son histoire soit celle d’un autre pour que Nadia le croît, et le second (Rachid) par son refus de se dire et l’indifférence avec laquelle il condescend au désir de Céline, semble raconter l’histoire de quelqu’un d’autre.

       Cette absence//présence crée un certain trouble dans notre esprit au moment de la lecture de ces romans, mais elle accentue notre désir de retrouver le narrateur car il est le seul à pouvoir nous communiquer ce que Barthes appelle « le plaisir du texte ». Il porte en lui la souffrance des personnages (ou la sienne), non comme un faix que l’on exhibe fièrement tel que le faisaient les romantiques, mais comme une tare qu’il jette en pâture au lecteur dès les premières pages.

       Pour Boudjedra, le narrataire fictif ne compte que dans la mesure où il dévore cette souffrance. C’est le cas de Céline, mais est-ce le cas du lecteur ? C’est en effet sur lui que se retourne le récit de L’Insolation lorsque Nadia refuse d’engloutir la logorrhée de Mehdi. Pour Kundera, le lecteur est le seul narrataire. C’est donc directement à lui qu’incombe la lourde tache de la réception du récit. Il découvre au fil des pages qu’il est le témoin mais en même temps la victime du mécanisme du manque qui donne naissance au désir et à la souffrance.

              b) La voix qui soulage et qui se soulage :

       A la lecture d’écrivains comme Boudjedra ou Kundera, nous nous rendons compte à nos dépens parfois, de la violence qui s’échappe de leurs œuvres. Elle émane des mots mais aussi des structures romanesques, des compositions phrastiques et du choix des personnages. La question que nous nous posons alors est celle des causes et des conséquences de la poétique de la violence. Avant d’entamer notre analyse, nous devons spécifier que la violence n’est pas uniquement le propre d’un choix de mots crus et de situations exécrables ou scatologiques comme chez Boudjedra. Elle peut aussi naître d’un univers apparemment aseptisé comme celui de Kundera. Ce qui est commun à nos deux auteurs, c’est qu’elle émane de la bouche (ou, si l’on préfère, de la plume) des narrateurs. Dans le cas de Kundera, le problème du narrateur se pose en d’autres termes puisqu’il est d’emblée confondu avec l’auteur. Nous consacrons d’ailleurs une partie à ce sujet car le jeu avec le lecteur qui s’instaure grâce à cette symbiose plus ou moins durable, mérite d’être vu de plus près.

       Si l’on considère que le roman est un espace-confessionnal dans la mesure où le narrateur appelle un narrataire et l’écrivain des lecteurs, on se rend compte que ces voix que l’on entend surgir du texte sont régies par des désirs antithétiques : paix et sérénité d’une part, insubordination et subversion de l’autre. Sur quel rivage échouera le radeau de la Méduse ? Le premier acte de violence que font les narrateurs est celui de parler. Ils parlent toujours contre quelque chose. Contre l’oubli ou la mémoire; contre une réalité maudite ou des rêves interdits; contre le sentimentalisme larmoyant ou le lyrisme excessif... Les interférences entre la réalité et le monde onirique, fictif, s’estompent petit à petit jusqu’à disparaître complètement.

       Dans le « diptyque » de Boudjedra, cette voix qui se manifeste par un désir exacerbé de délivrance peut être celle du narrateur comme celle d’un autre personnage mais rapportée par le narrateur. Ce dernier nous livre des souvenirs en vrac, mais fait preuve de pertinence dans leur choix. A ce propos, M’Barek Zine El Abidine affirme :

«La mémoire traumatisée restitue une vision fragmentaire du monde. Elle revient inlassablement sur les mêmes événements et les mêmes instants »[17].

Ainsi, les moyens les plus détournés sont utilisés pour raviver la mémoire. Le narrateur n’hésite pas à s’approprier les souvenirs des autres. Dans La Répudiation, c’est en effet à la voix indirecte (celle de son frère Zahir), qu’il décrit la vanité des « ouvriers kabyles » :

« Il racontait qu’il avait pris le train (il était réellement coutumier du fait) et voyagé grâce à la générosité d’ouvriers kabyles, de retour de France et qui aimaient exhiber leur portefeuille plein à craquer pour allumer la convoitise des autres voyageurs miteux qui n’avaient jamais bu de bière ! » (p. 27)

La voix détournée n’arrête pas là son chuchotement agaçant. Il ne lui suffit pas de dénoncer. Il lui faut également guillotiner. Pour cela, rien de plus efficace que le ridicule :

« Devant nous, il se moquait cependant de leurs cravates et de leurs gros manteaux de laine qu’ils gardaient sur eux, malgré la chaleur étouffante de l’été algérien, pour bien montrer au village leur enrichissement, absolument factice » (p. 27).

Outre le grotesque de cette mise en scène d’une prospérité acquise en exil, ce qui est mis en cause ici, ce qui est raillé, c’est toute une mentalité.

       Dans L’Insolation, ce n’est plus la troisième personne qui est utilisée, mais la deuxième. N’oublions pas cet extrait où le narrateur (Mehdi) passe brutalement d’un récit où il parle de Samia, à un autre où il s’adresse à elle[18]. Quoique déconcertant, ce passage du « elle » au « tu » rend la souffrance de cette femme plus crédible, plus percutante, plus incisive. Le dialogue fictif qui s’instaure ici est le fruit d’un désir de réactualisation du souvenir. Le narrateur revit cette scène pour l’exorciser. On retrouve là les paradoxes chers à Kundera qui atteignent leur paroxysme par le biais de la loquacité des narrateurs qui évoluent dans une solitude amère mais voulue :

« Le sentiment d’un extérieur périlleux entraîne des troubles du sens de la réalité qui affectent quelques uns des personnages dans tous les romans de Boudjedra. L’agressivité du réel est en effet ressentie quelquefois avec tant d’intensité qu’il produit une rupture entre la réalité et l’individu, envahi alors par des hallucinations »[19].

Il a déjà été dit que L’Insolation est un « roman confession », un long soliloque. Si l’on a le bonheur (ou le malheur ?) de s’y aventurer, on ne tarde pas à voir s’ébaucher l’évolution du personnage central, qui est aussi le narrateur, face à sa solitude. A travers sa façon d’envisager l’isolement aussi bien physique que spirituel, apparaît l’essence même du roman : une lente gradation vers l’inéluctable tel que nous le décrit Kundera lorsqu’il évoque l’« es muss sein ! il le faut ! »[20] de Beethoven. Mehdi vit en un premier temps sa solitude comme une fatalité :

« La nuit, une lumière bleue et blafarde amplifiait la peur inexplicable qui nous battait entre les flancs et à ce moment là, nul recours n’était possible, sinon le retour en nous mêmes, la fermeture sublime sur nos fantasmes et nos fantômes; et le délire durait ce que durait la nuit, jusqu’au lever du jour qui nous trouvait irrémédiablement clos, avec, sur nos visages, les signes de la mort et les signes de la démence » (p. 56).

Nous sommes ici à l’antipode de la première phrase du roman où Mehdi taquinait Nadia (« L’allusion à la plage la rendait folle et je faisais alors exprès d’y revenir pour la harceler des journées entières, au point qu’elle ne s’occupait plus des autres malades » (p. 7)) et se moquait d’elle (« l’exaspération (...) lui donnait des airs de démente en blouse blanche » (p. 7)). Le ton n’est plus à la plaisanterie, même si elle est empreinte d’une touche de sadisme. Nous remarquons alors que pour parler de solitude, l’individu moqueur du début se fond paradoxalement dans le « nous » vague et impersonnel dont l’usage est imposé par la vie en groupe à l’hôpital.

       Mais à la page 123, c’est-à-dire exactement au milieu du roman, la première personne est enfin employée pour évoquer la solitude. Là, il ne s’agit plus d’une solitude subie, mais d’une solitude voulue : « Quelle tranquillité ! Quel repos ! Là, je suis vraiment seul » (p. 123). Nous retrouvons cette même sensation de bien être un peu plus tard : « L’essentiel, c’est que je me sente bien. Isolé de tous. Je ris tout seul à l’idée que Nadia doit se faire du souci pour moi » (p. 128). La légèreté reprend le dessus sur la pesanteur grâce au rire. A peine trouvée, cette nouvelle harmonie sera très vite balayée par un événement capital dans la vie de notre personnage : la folie de sa mère. Sa dégradation physique, son exclusion puis sa mort représenteront pour son fils le commencement d’une nouvelle vision de la solitude. La voix du narrateur se fait alors celle de la souffrance, de la peur et du désarroi :

«  J’avais perdu ma mère et j’étais anxieux à l’idée de la solitude qui allait s’abattre sur moi, arbre saccagé dans le chaos des soliloques insomnieux, écartelé entre plusieurs désirs irréconciliables et du reste inventés de toutes pièces pour me donner une raison de vivre » (p. 230).

Nous ne manquerons pas de rapprocher cette affirmation de Mehdi, de la description de l’état de Tomas dans L’Insoutenable légèreté de l’être, lorsque Tereza renonce à l’exil zurichois pour retourner à Prague :

« Tomas examinait un malade et c’était Tereza qu’il voyait à sa place. Il se rappelait à l’ordre : N’y pense pas ! N’y pense pas ! Il se dit : Je suis malade de compassion et c’est pour ça que c’est une bonne chose qu’elle soit partie et que je ne la revoie jamais. Ce n’est pas d’elle qu’il faut que je me libère, mais de ma compassion, de cette maladie que je ne connaissait pas autrefois et dont elle m’a inoculé le bacille !

Le samedi et le dimanche il avait senti la douce légèreté de l’être venir à lui du fond de l’avenir. Le lundi, il se sentit accablé d’une pesanteur comme il n’en avait encore jamais connu. Toutes les tonnes de fer des chars russes n’étaient rien auprès de ce poids. Il n’est rien de plus lourd que la compassion. Même notre propre douleur n’est pas aussi lourde que la douleur coressentie avec un autre, pour un autre, à la place d’un autre, multipliée par l’imagination, prolongée dans des centaines d’échos » (pp. 52-53).

Le narrateur donne ici la parole à Tomas l’espace de quelques lignes. Le discours est ainsi moins impersonnel et reflète mieux le désarroi dans lequel le personnage est plongé. Pour Tomas comme pour Mehdi, il n’est plus question de vouloir infirmer le célèbre dicton : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. L’« es muss sein » que Tomas lance au directeur de la clinique afin de justifier son départ pour Prague, trouve son écho dans le délire de Mehdi. Délire qui semble d’ailleurs voué à l’échec puisque rien ne s’arrange :

« Je n’étais pas un assassin, même si Nadia m’accusait des pires crimes, mais un homme seul, vidé par la méchanceté des autres, incapable de faire autre chose, sinon délirer pour retrouver une sorte de pureté première, puisque les conditions objectives n’étaient pas tout à fait réunies pour le grand bouleversement » ( p. 230).

Le poids de la souffrance s’abat brutalement sur les propos de Mehdi. Mais nous décelons tout de même un ultime désir de légèreté puisqu’il est prêt à renoncer à prouver la véracité de son histoire. La priorité pour lui n’est plus de parler. Il lui faut absolument sortir du cercle infernal où il s’est retrouvé.

        Le récit se développe donc sur le mode de la gradation. Le narrateur de L’Insolation passe de la passivité ironique à la lassitude métaphysique, transitant par la peur, l’angoisse, le désespoir, le bien-être et presque le bonheur de se retrouver seul. Le procédé de la gradation donne à lire l’oscillation de Boudjedra entre la légèreté et la pesanteur, pour évoquer la scélératesse d’une société qui n’hésite pas à rejeter et marginaliser les êtres au nom de l’honneur tribal hérité des ancêtres. Il ne faut pas révéler les secrets; il ne faut pas donner à l’autre l’occasion de découvrir la face soigneusement cachée de la réalité. Le narrateur, sous ses faux airs de malade mental, pourrait emprunter la fameuse phrase de Tomas : « Es muss sein ! il le faut! ». L’absence d’écoute engendrée par cette exclusion pousse alors Mehdi à être en même temps locuteur et allocutaire, destinateur et destinataire. Il crée une voix qu’il écoute ou, inversement, une écoute à sa propre voix. Ces voix n’hésitent pas à forcer l’attente du lecteur, même si elles doivent risquer l’intégrité de leurs auteurs en les voyant affublés des pires attributs : « mythomanie »[21] d’un côté et « maître à penser »[22] de l’autre. On ne croit effectivement pas ce que dit Rachid ou Mehdi ou Boudjedra, et l’on change les questionnements de Kundera en concepts philosophiques. A ce sujet, Eva Le Grand s’insurge contre l’interprétation erronée de l’œuvre de Kundera :

« La forme de méditation ludique de Kundera n’affirme pas mais interroge (...). D’ailleurs, dès qu’elle se voit soumise au jeu romanesque, toute réflexion philosophique change de signification, devient hésitation et hypothèse »[23].

       Les voix multiples que nous entendons au fil de notre lecture peuvent autant chez Boudjedra que chez Kundera ne pas être celles du narrateur. Ce dernier est toutefois le garant de leur passage de l’état larvaire à celui de chrysalide et c’est au lecteur que revient la dernière tache, celle de recueillir et de laisser s’envoler le papillon. Le passage de l’abstraction romanesque à la prise de conscience individuelle et collective par la lecture se fait autant pour le narrateur que pour le lecteur sur le mode de la délivrance. L’un comme l’autre ont ce terrible besoin de dire l’indicible que seule une réalité oppressante peut susciter.

            2) Les voix mises entre parenthèses :

       Nous avons choisi d’étudier les parenthèses à cause de l’importance de l’effet qu’elles produisent sur le lecteur. Elles auraient pu figurer dans les romans qui constituent notre corpus sous forme de phrases simples, sans signes de ponctuation distinctifs. Leur valeur varie donc d’un usage à l’autre et le fait qu’elles soient mises en exergue ou peut-être même, au contraire, voilées par ces signes presque cabalistiques ne doit pas les marginaliser du récit. Elles sont pour nous des échantillons représentatifs des écritures de chacun de nos deux auteurs dans la mesure où à la lecture de L’Insoutenable légèreté de l’être et La Valse aux adieux de Kundera, ainsi que La Répudiation et L’Insolation de Boudjedra, nous remarquons non seulement leur abondance, mais aussi leur division en plusieurs catégories. Elles sont toutes destinées au lecteur mais chacune de ces catégories a une fonction propre. Dans son ouvrage Boudjedra l’insolé, Marc Boutet de Monvel a évoqué les parenthèses en énumérant un certain nombre de fonctions qu’il leur attribue dans L’Insolation :

« Ces parenthèses ne sont en effet que rarement redondantes de façon traditionnelle pour présenter un équivalent (le sigle MSC ou le nom arabe de Samia), une énumération (douche-lavabo) (p. 53), une explication –“de peur qu’ils ne refusent (tous ces jeunes) de venir”, p. 59. Ajoutant un détail incongru (des millions d’abeilles (surtout effervescentes)), une digression paradoxale (endimanché – c’était pourtant le vendredi), des instillations dubitatives – ou “morphèmes dilatoires” selon l’expression d’un commentateur – (incertitude (ai-je tué Samia), p. 62; elle avait appris (par qui?), p. 63), elles se rapprochent le plus souvent de la parabase, clin d’oeil ironique au lecteur dénudant les présupposés de l’univocité (j’écris à mon père (le vrai) puis à mon père (le faux), mettant en abîme la narration (“à plusieurs reprises (cette manie des répétitions)”, p. 72), ébranlant la vraisemblance (grains d’anis (quel rêve encore inventer ?), p. 66). Elles confisquent ainsi souvent l’essence du discours accréditant une parenthèse d’une seconde parenthèse imbriquée (p. 58) ou d’une longueur (une page) sans proportion avec la principale complétée (trois lignes p. 67 à 69 de “Devant ces échecs” à “sans pitié”) »[24].

Cet extrait nous permet de remarquer que les parenthèses peuvent jouer un rôle non négligeable dans le déroulement du récit. Toutefois, le critique ne fait qu’effleurer le sujet. Nous avons donc effectué la liste des parenthèses figurant dans les romans qui nous intéressent. Cette liste est trop longue pour figurer ici, mais trop importante pour être complètement absente de ce travail. Nous avons donc opté pour la mettre en document annexe. Notre principal objectif à travers ce relevé n’est pas l’exhaustivité mais la pénétration, si minime soit elle, de l’aventure littéraire que vivent nos auteurs. Pour cela, notre premier geste a été de consulter un dictionnaire afin de noter le sens académique du mot parenthèse. Ne vaut-il pas mieux en effet, vérifier si nos auteurs ne sont pas en passe de nous piéger ?

       Le Grand Larousse de la langue française[25] donne cinq sens au mot « parenthèse ». Ces différents sens ne sont pas tous intéressants pour nous. Nous ne retiendrons que les trois premiers :

1/ (1546) : Phrase, membre de phrase ou groupe de phrases complètement indépendants grammaticalement de la phrase principale, et qui, insérés dans cette phrase ou placés à la fin, en précisent, en rectifient ou en atténuent le sens : Faire une parenthèse.

2/ (1687), Fontenelle : Développement accessoire, digression: On ne peut pas dire non plus que la grande admiration littéraire qu’il [Montherlant] m’inspire ne s’accompagne de toutes sortes de restrictions, de toutes les parenthèses et repentirs imaginables.(Mauriac)

 3/ Début du XVIIe siècle : Nom donné à chacun des deux signes de ponctuation ( ) entre lesquels on enferme les mots d’une réflexion incidente ou complémentaire.

       Après avoir relevé dans les quatre romans toutes les « phrase(s) », tous les « membre(s) de phrase(s) ou groupe(s) de phrases complètement indépendants grammaticalement de la phrase principale » placés entre les « deux signes de ponctuation ( ) », nous les avons classés en catégories. Nous distinguerons donc onze sortes de parenthèses réparties ici en quatre grands ensembles selon leur présence dans les romans. Il y a celles que l’on retrouve dans les quatre romans et que nous avons intitulées :

1)- Confidences sur l’oreiller : comme si les parenthèses étaient détachées du texte.

2)- Explications et ajouts.

3)- Didascalies (ou lorsque la scène du roman se fait scène de théâtre).

4)- Ironie.

5)- Paroles ou pensées d’un autre personnage.

Celles que l’on retrouve dans les romans d’un même auteur :

6)- Rappels : L’Insoutenable légèreté de l’être, La Valse aux adieux.

7)- Propos adressés à un autre personnage : La Répudiation, L’Insolation.

8)- Questions : L’Insolation, La Répudiation.

Les cas isolés :

9)- Traductions : L’Insoutenable légèreté de l’être.

10)- Parenthèse poétique : La Répudiation.

11)- Notes personnelles du narrateur et onomatopées : L’Insolation.

       Nous avons pensé qu’il serait utile de les compter. Le résultat a d’abord été si médiocre que nous avons failli abandonner cette perspective. Sauf erreur ou omission de notre part, L’Insoutenable légèreté de l’être vient en tête avec deux-cent-vingt-et-une parenthèses contre deux-cent-deux pour La Répudiation, cent-vingt-et-une pour L’Insolation et soixante-douze pour La Valse aux adieux. Nous pouvons mettre d’emblée cette inégalité sur le compte de la différence du nombre de pages de ces romans. Le plus volumineux ayant ainsi le plus de parenthèses et inversement. N’étant donc pas satisfaits, nous avons poussé plus loin les comptes, jusqu’à comparer le nombre des parenthèses appartenant à une même catégorie.

       La première – confidences – en dénombre soixante-et-une pour L’Insoutenable légèreté de l’être, cinquante-quatre pour La Répudiation, vingt-deux pour L’Insolation, et vingt-et-une pour La Valse aux adieux. La deuxième – explications et ajouts – en compte cent-onze pour L’Insoutenable légèreté de l’être, cinquante-sept pour La Répudiation, quarante-six pour L’Insolation, et vingt-sept pour La Valse aux adieux. La troisième – Didascalies, ou lorsque la scène du roman se fait scène de théâtre – possède à son actif, quinze parenthèses dans L’Insoutenable légèreté de l’être, huit dans La Valse aux adieux, deux dans L’Insolation et une dans La Répudiation. La quatrième – Ironie – en comprend quant à elle douze dans La Répudiation, onze dans L’Insoutenable légèreté de l’être, cinq pour L’Insolation, et trois dans La Valse aux adieux. La cinquième – Paroles ou pensées d’un autre personnage – nous offre trente-et-une parenthèses dans La Répudiation, vingt-deux dans L’Insolation, dix-sept dans La Valse aux adieux et une dans L’Insoutenable légèreté de l’être. Les Rappels sont illustrés par quinze exemples dans L’Insoutenable légèreté de l’être et six dans La Valse aux adieux. Les Propos adressés à un autre personnage et les questions sont respectivement au nombre de sept et de quarante-et-une dans La Répudiation, de trois et de douze dans L’Insolation. Quant aux cas isolés, nous trouvons trois traductions dans L’Insoutenable légèreté de l’être, une parenthèse poétique dans La Répudiation, et enfin, deux notes personnelles du narrateur ainsi qu’une onomatopée dans L’Insolation.

       Ces comptes peuvent paraître fastidieux, mais ils nous permettent tant bien que mal d’avoir un avant goût de ce qui nous attend lors de notre lecture. Comme nous le constatons, les usages les plus fréquents des parenthèses sont ceux que nous avons appelés « confidences sur l’oreiller » et « explications ». Au départ, nous avons pensé que ces deux catégories étaient différentes. Mais au cours de notre travail, nous nous sommes aperçu que parfois, la frontière déjà si mince qui les sépare, c’est-à-dire le degré de subjectivité du discours, s’estompait pour laisser naître en nous le doute. Les explications et les ajouts sont-ils uniquement diégétiques ? Ne sortent-ils pas du cadre du récit, de l’espace matériel limité du livre pour s’élever – ombres chinoises ou substances spectrales – lentement et sans bruit, vers le lecteur ? Nous avons donc décidé de couper la poire en deux en faisant figurer sous le même titre discussions avec le narrateur, les confidences aussi bien que les explications et ajouts de toutes sortes (descriptions, précisions, etc.). Ces parenthèses destinées à informer de manière tout à fait insolite le lecteur, puisqu’elles sont en quelque sorte des récits dans le récit, mettent en avant les fonctions conative et phatique du langage. Le narrateur qui véhicule ces informations effectue sans cesse des voyages à la fois dans l’histoire qu’il nous raconte et dans les histoires des personnages qui, elles, sont souvent laissées en pâture à l’imagination du lecteur. A ces deux catégories, s’ajoutent, toujours sous le signe des discussions avec le narrataire, tantôt les rappels en ce qui concerne les romans de Kundera, tantôt les questions pour ceux de Boudjedra. Ces deux types de parenthèses interpellent le narrataire avec la même intensité que les précédentes.

       Pour revenir à l’ambiguïté dont nous parlions à propos des confidences et des explications, nous dirons que lorsque le narrateur de La Valse aux adieux dit : « Les deux persécutrices du trompettiste (ses deux malheurs) sont assises face à face... » (p. 197), il s’agit bien d’une explication puisqu’il définit les « persécutrices ». Mais nous ne pouvons nous empêcher de vouloir classer cette parenthèse  parmi les confidences car l’aspect intimiste qu’elle acquiert probablement par son dépouillement syntaxique et sa brièveté nous pousse à la percevoir comme un aparté. Nous n’avons pas besoin de passer en revue toutes les parenthèses pour évaluer la force de frappe qu’elles possèdent face au lecteur. Celle que nous avons citée suffit amplement. Elle dévoile à elle seule tout l’art de Kundera en la matière. De simple éclaircissement de propos, elle peut devenir commentaire ou jugement subjectif à trois niveaux : celui du trompettiste, ou celui du narrateur en tant que simple observateur, ou encore celui du narrateur qui en appelle à la complicité du lecteur. En fin de compte, cette remarque au départ presque anodine, se retourne contre le lecteur pour le responsabiliser vis-à-vis du récit. Kundera nous oblige donc à quitter notre refuge et nous plonge directement dans les sphères les plus profondes de l’univers romanesque, les affres psychologiques des personnages.

       Il en est de même pour des parenthèses telles que celles figurant dans ces phrases extraites de L’Insoutenable légèreté de l’être :

« Le jour elle s’efforçait (mais sans y parvenir vraiment) de croire ce que disait Tomas... » (p. 33).

« Prochazka, qui n’était même pas à l’abri chez lui quand il discutait devant un verre avec un ami, vivait (sans s’en douter, ce fut son erreur fatale !) dans un camp de concentration » (p. 197).

« Je l’appellerai Simon. (Il se réjouira d’avoir un nom biblique comme son père) » (p. 396).

       Certaines parenthèses fonctionnent chez Boudjedra de la même manière. Nous pouvons ainsi avoir des situations où la connaissance des événements semble partagée par le narrateur et le lecteur :

« (...) Une faute grave dont les conséquences pouvaient être désastreuses (chantage ?) »[26].

«(...) Ma mémoire de malade amaigri et barbu, maugréant du haut de son lit, mais pas trop (la camisole de force !) »[27].

Notons la présence dans ces derniers exemples d’un point d’interrogation et d’un point d’exclamation qui reflètent la perplexité du narrateur au même titre que celle du lecteur.

       Nous voyons aussi des explications proches de la confidence qui impliquent le lecteur dans l’histoire, tout comme nous l’avons remarqué chez Kundera :

« Elle prenait toujours cette attitude lorsqu’elle écoutait quelqu’un parler (disposition à la communion) »[28].

« Elle disait à plusieurs reprises (cette manie des répétitions !) »[29].

N’oublions cependant pas que chez Boudjedra, personnage principal et narrateur se confondent. Le degré de subjectivité du personnage peut donc disparaître à première vue, au profit de celui du narrateur. Mais il peut également subsister, comme dans ce jeux sur la précision dans L’Insolation :

«(...) Mon père (le vrai)... » (p. 73).

« (...) Mon père (le faux)... » (p. 73).

Nous avons là un discours à trois niveaux : celui du personnage (Mehdi) car la réflexivité de ses propos dénotée par l’adjectif possessif – mon – implique aussi la présence de sa subjectivité dans les jugements de valeur que sont « le vrai » et « le faux », celui du narrateur car c’est à travers lui que s’exprime Mehdi et enfin, celui du lecteur étant lui aussi avide de précisions dans ce cas précis puisqu’il s’agit d’un secret qu’il partage depuis quelques pages déjà, avec le locataire de l’hôpital psychiatrique. En ce sens, le roman devient alors une sorte de testament dont l’exécuteur n’est autre que le lecteur.

       Mais les parenthèses ne sont pas toutes ambiguës. Certaines sont même très claires dans la mesure où elles comportent des signes linguistiques témoignant du dialogue du narrateur avec lui même ou avec le lecteur en ce qui concerne les confidences, et des particularités grammaticales et sémantiques qui prouvent leur nature descriptive ou énumérative en ce qui concerne les explications et ajouts. A titre d’exemples, nous vous renvoyons aux citations répertoriées dans le document annexe : en ce qui concerne le premier cas, voir les phrases n° 2 pour La Valse aux adieux, n° 6-7 pour L’Insoutenable légèreté de l’être, n° 1-2 pour La Répudiation, n° 2-3 pour L’Insolation; en ce qui concerne le deuxième cas, voir les phrases n° 22 pour le premier roman, n° 62-65-68 pour le second, n° 61-64 pour le troisième et n° 29 pour le quatrième.

       Elles peuvent être hybrides :

« Il avait envie (comprenons-le, il était ému et porté aux gestes excessifs) de s’incliner... »[30].

Le segment « il était ému et porté aux gestes excessifs » est descriptif alors que « comprenons-le » est une marque de dialogue. Prenons un autre exemple :

« (...) Seul, avec l’apparence fallacieuse (et belle pourtant) de la jeunesse... »[31].

Ici, le narrateur se dédouble. Cette parenthèse semble nous parvenir d’un deuxième narrateur qui contredirait le premier.

       Lorsqu’elles sont purement explicatives ou descriptives, les parenthèses ont une certaine froideur, une objectivité que l’on ne retrouve pas dans les confidences (cf. Annexe : n° 22 pour La Valse aux adieux, n° 63 pour L’Insoutenable légèreté de l’être, n° 83 pour La Répudiation et n° 25 pour L’Insolation).

       Elles prennent aussi une allure argumentative ou didactique, surtout chez Kundera, comme si le narrateur endossait l’habit du professeur pour instruire le lecteur. (Cf. annexe, n° 39-40-41 pour La Valse aux adieux et 66-67 pour L’Insoutenable légèreté de l’être). Ce type de parenthèse se rapproche de celles qui comportent des énumérations chez Boudjedra. Elles jouent le même rôle auprès du lecteur, celui de l’informer tout en le plaçant hors du champ romanesque. Ce dernier n’est plus un complice, mais un simple vis-à-vis soumis aux connaissances de l’auteur/narrateur qui n’hésite pas à en faire étalage.

       Ainsi, grâce à cette palette de parenthèses passées en revue, nous ne manquons pas de remarquer les multiples facettes du narrateur qui se montre tour à tour hésitant, appelant la compréhension et la complicité du lecteur, ou vicieux voulant faire croire au destinataire extradiégétique qu’il peut être intradiégétique, ou enfin calme et serein, se complaisant dans ses certitudes de maître de cérémonie. Toutes ces précisions fonctionnent comme si le narrateur avait pour postulat de base l’ignorance du lecteur. Il se lance ainsi dans une poursuite acharnée du sens, en apparence pour être sûr que l’effet produit corresponde bien à l’effet escompté. Mais en réalité, n’essaye-t-il pas avec toute l’énergie de la détermination d’allonger la durée de vie de la lecture en nous déroutant et en créant des leurres ? Et nous, pauvres lecteurs, n’essayons-nous pas avec toute l’énergie du désespoir, de courir derrière les miettes qu’il nous jette avec dédain ?

       Les didascalies, autre sorte de parenthèses, n’offrent pas les mêmes difficultés d’analyse que les précédentes. Elles ont au moins cette caractéristique d’être précises, concises et sans atours. Leur originalité cependant réside dans leur présence au sein de textes romanesques et non dramaturgiques. Nous savons bien sûr qu’elles servent à guider le travail du metteur en scène et des comédiens lorsqu’ils montent une pièce, pour le bon déroulement des représentations théâtrales. Mais le rôle qu’elles jouent dans une œuvre romanesque, bien que largement répandu pour les besoins des descriptions, reste à délimiter. L’écrivain a en effet une liberté au niveau de l’écriture que le dramaturge ne possède pas et l’on est en droit de se demander pourquoi Kundera et Boudjedra éprouvent le besoin de mettre sous forme de brèves parenthèses (détail graphique qui se rapproche de l’italique utilisé dans les textes dramaturgiques), des informations qu’ils peuvent développer à loisir dans des descriptions balzaciennes que seul le roman peut permettre. Le métissage des genres existe depuis bien longtemps déjà. Nous ne pouvons donc pas conclure à une quelconque transgression des règles et nous pouvons dire aujourd’hui que cette pratique est presque institutionnalisée. Mais ce qui est intéressant pour nous ici, c’est que l’espace du roman habituellement ouvert et propice aux rêveries des lecteurs, se trouve parsemé de consignes de l’auteur, comme si ce dernier craignait que l’on corrompe son monde scrupuleusement organisé. Derrière ce souci du détail se cache un habile tour de main. Donnant l’impression au lecteur que tout lui est imposé, il le force à imaginer ces scènes de deux façons : celle qui lui est soumise et celle qu’il aurait imaginée s’il n’avait pas ces détails. Il suffit en effet de lire ces parenthèses (elles figurent dans l’annexe) pour se rendre compte qu’elles ont toutes un effet visuel. Obliger le lecteur à mettre en images ce qu’il lit, tel est leur rôle primordial.

       Prenons maintenant les paroles ou pensées d’un autre personnage qui se retrouvent, pur hasard de l’écriture, dans La Valse aux adieux, La Répudiation et L’Insolation. Nous sommes d’emblée confrontés à la différence de leurs utilisations. Dans le premier roman, ces parenthèses rendent compte des pensées d’un personnage présent dans le récit du narrateur. Nous retiendrons un cas qui nous semble plus intéressant dans la mesure où il peut être lu de différentes manières :

« (Mon pauvre Frantisek, tu passeras toute ta vie sans rien comprendre sauf une chose, que ton amour a tué la femme que tu aimais, tu porteras cette certitude comme le signe secret de l’horreur, tu erreras comme un lépreux qui apporte aux êtres aimés d’inexplicables désastres, tu erreras toute ta vie comme le facteur du malheur) » (p. 275).

Ce passage peut être lu de façon réflexive – le personnage serait alors en train de se parler à lui même à la deuxième personne, sorte de dédoublement qui lui permettrait d’avoir une vision plus objective – ou de façon symétrique entre le narrateur/observateur et le personnage/observé, et enfin de façon transitive dans la mesure où l’équivalence des perspectives du personnage et du narrateur appellent nécessairement la présence du troisième élément de réflexion, le lecteur. Quelle que soit sa source, cette phrase garde toute sa cohérence. Elle peut être pensée par Frantisek, dite par le narrateur à propos de ce personnage, ou encore coïncider avec le jugement du lecteur.

       Dans L’Insolation et La Répudiation, les propos de personnages autres que le narrateur sont toujours rapportés par ce dernier. En général, contrairement à ce qui se passe dans La Valse aux adieux, les personnages cités ne sont pas présents au moment du récit puisqu’il s’agit de confessions que nous avons déjà qualifiées dans l’étude des « discussions avec le narrataire », de testaments. La mise en abîme du récit exclut donc complètement l’immersion ou peut-être l’immixtion du lecteur dans l’histoire et fait de ces parenthèses des éléments purement diégétiques, c’est-à-dire les met au service du bon déroulement de la narration. Le narrateur va même jusqu’à mettre entre parenthèses les propos qu’il adresse à d’autres protagonistes. Cet usage, qui figure dans les romans de Boudjedra et pas dans ceux de Kundera, met l’accent sur l’aspect intimiste de ces œuvres et sur l’utilisation naturelle cette fois, d’une caractérisation graphique permettant la visualisation du huis-clos vécu par les narrateurs. Huis-clos qui sera une fois de plus confirmé par les notes personnelles[32] du narrateur de L’Insolation.

       Les parenthèses ironiques sont quant à elles purement représentatives des styles de nos deux romanciers. Ce sont elles qui reflètent le plus les ingérences des auteurs dans leurs récits respectifs en laissant apparaître clairement la plume de l’écrivain derrière la voix du narrateur. Les signes de ponctuation ne servent qu’à mettre en avant leur caractère extradiégétique. Ils ne sont pas réellement nécessaires puisque les passages ironiques abondent dans ces œuvres parsemées de critiques acerbes et de dénonciations du ridicule et de l’absurde.

       Les rappels mettent aussi l’accent sur la présence de l’auteur dans la mesure où il s’adresse directement au lecteur pour lui rappeler des événements déjà évoqués. Kundera se fait pratiquement pédagogue par le biais de ce jeu. Il met l’accent sur certains détails en les répétant, créant ainsi des images subliminales que le lecteur n’omettra pas de noter au fil de sa lecture. Boudjedra n’a pas recours à ce procédé sous forme de parenthèses, mais de leitmotivs (celui de Céline demandant incessamment à connaître l’histoire de Ma, et celui de Nadia refusant le récit). La répétition sous ces deux formes crée un mouvement de spirale au niveau de la lecture puisque nous sommes continuellement renvoyés à un point antérieur. Elle peut également se manifester par un double emploi des parenthèses qui engendre une ambiguïté destinée encore une fois à dérouter le lecteur. Quelques unes peuvent en effet figurer dans plusieurs catégories. Par exemple celles que nous avons déjà citées plus haut et qui sont en même temps des « confidences » et des « explications »; ou celles qui sont citées plusieurs fois dans l’annexe comme les phrases suivantes : « (il sentait peut-être que Jakub pensait constamment à lui) »[33] qui est à la fois confidence et pensée d’un autre personnage; « (ce n’était pas difficile car, comme nous le savons, ses seins ressemblaient à deux prunes) »[34], à la fois confidence et rappel; « (Ils sont irrémédiablement contre toute tentative de contraception. Que Dieu nous en garde!) »[35], à la fois explication et pensée d’un autre personnage; etc. Ces répétitions endoctrinent le lecteur afin qu’il soit pieds et poings liés face au roman. La valse engagée entre écriture et lecture commence peut-être à ce niveau. Le narrateur et le narrataire se renvoient constamment la balle et les questions[36] que Boudjedra ou Mehdi ou Rachid ne cessent de se poser ou de poser tout simplement, laissent entendre le soin avec lequel l’auteur entreprend cette danse où il ne peut avoir comme partenaire que le lecteur. Aussi sommes-nous étonné de lire cette affirmation qui figure dans la thèse de doctorat effectuée par Lila Ibrahim-Ouali :

« L’image du lecteur n’est d’ailleurs guère sublimée dans les romans boudjédriens surtout lorsque celui-ci ne manifeste pas une largesse d’esprit propice à la rencontre avec la nouveauté littéraire. Aussi, lecteur fictif et narrataire virtuel sont-ils rarement convoqués ou intégrés aux textes de R. Boudjedra : cette absence souligne le peu de cas que l’auteur fait du destinataire »[37].

       L’étude des parenthèses nous a donc permis d’accorder toute notre attention à ces « récits parallèles »[38], ces chuchotements qui nous parviennent des profondeurs des romans que nous étudions. Au-delà des fictions qui nous laissent rêveurs sur notre condition, nous touchons du bout des doigts l’image immatérielle des auteurs qui nous les livrent. En tant que lecteurs, nous ne pouvons être insensibles aux provocations qui en émanent et nous ne pouvons non plus nous en protéger. Nous sommes pris dans cette valse à deux temps comme un rat pris au piège de sa propre gourmandise. Toutefois, le fait de savoir que nous ne sommes pas seuls dans notre geôle nous console quelque peu.



[1] - BOUDJEDRA, Rachid. Pour un nouveau roman maghrébin de la modernité, op. cit., p. 44.

[2] - Id.

[3] - GENETTE, Gérard. Figures III, Paris, seuil, 1972, collection Poétique, 285 pages; p.248.

[4] - BOUDJEDRA, Rachid. Pour un nouveau roman maghrébin de la modernité, op. cit., p. 47

[5] - LE GRAND, Eva. Kundera ou la mémoire du désir, op. cit., p. 58.

[6] - BOUDJEDRA, Rachid. La Répudiation, France, Denoël, 1969; réédité, collection Folio, 1992, 252 pages ; p.9.

[7] - KUNDERA, Milan. La Valse aux adieux, 1973; réédité, France, Gallimard, 1990, 300 pages; p. 15.

[8] - BOUDJEDRA, Rachid, L’Insolation, France, Denoël, 1972; réédité, collection Folio, 1987, 253 pages; p.7.

[9] - KUNDERA, Milan, L’Insoutenable légèreté de l’être, France, Gallimard, 1984; réédité, 1990, 475 pages; p.13.

[10] - « Elle (Sabina) était à Paris depuis trois ans quand elle reçut une lettre de Bohême. Une lettre du fils de Tomas. (...) Il lui annonçait la mort de Tomas et de Tereza ».

[11] - L’Insolation, p. 253.

[12] - La Répudiation, p. 252.

[13] - L’Insoutenable légèreté de l’être, p. 455.

[14] - La Valse aux adieux, p. 300

[15] - GENETTE, Gérard. Figures III, op. cit., p. 252.

[16] - Id.

[17] - ZINE EL ABIDINE, M’Barek. Boudjedra: texte et intertexte, thèse de doctorat nouveau régime, sous la direction de BRAHIMI Denise, Paris VII, U.F.R sciences des textes et documents, 1994.

[18] - « (...) J’avais mis Samia en garde contre tous les sortilèges possibles et imaginables qu’on pouvait subir sur cette maudite plage où personne ne venait se baigner, devenue le repaire de barbus plus ou moins louches s’y arrêtant pour boire en cachette et de chats plus ou moins blancs faisant le guet pour manger des oursins à condition qu’on eût la patience de les ouvrir; autrement ils restaient sur leur faim de sales matous enrubannés de satin rouge et crasseux.

    Tu avais répondu qu’enfermée entre quatre murs, dans la maison de ton père, puis entre les quatre murs du lycée où tu m’avais connu puisque j’étais ton professeur et que je t’enseignais dans une langue qui n’étais ni la mienne ni la tienne des philosophes farfelus parmi lesquels l’homme à la ciguë que je détestais par-dessus tout; tu avais répondu qu’entre la prison du jour et la prison de la nuit, tu en avais assez de te voir convoyer par une grosse femme voilée qui décourageait par sa laideur, sa hargne et sa mauvaise foi, toute tentative d’approche de centaines de galants amassés sur ton passage et dévorés de désir. “ Mais, répétais-tu, qu’était leur désir face au mien” ? ».

- L’Insolation, pp. 14-15. La répétition de la phrase « Tu avais répondu qu’entre la prison du jour et la prison de la nuit » à la page 15 accentue l’aspect circulaire de ce dialogue. Non seulement il s’agit d’une remémoration pour Mehdi, mais aussi d’un appel au souvenir que ce dernier adresse à Samia.

[19] - FONTE LE BACCON, Jany. Le narcissisme littéraire dans l’œuvre de Rachid Boudjedra, thèse de 3è  cycle sous la direction de HUE B., Rennes II, Université de Haute Bretagne, 1989; p. 103

[20] - « Ça s’était passé comme ça : un certain Monsieur Dembscher devait cinquante forint à Beethoven, et le compositeur, éternellement sans le sou, vint les lui réclamer. “Muss es sein ? le faut-il ?” soupira le pauvre M. Dembscher, et Beethoven répliqua avec un rire gaillard: “Es muss sein ! il le faut !”, puis inscrivit ces mots avec leur mélodie dans son calepin et composa sur ce motif réaliste une petite pièce pour quatre voix (...)

    Le même motif devint un an plus tard le noyau du quatrième mouvement du dernier quatuor opus 135. Beethoven ne pensait plus du tout à la bourse de Dembscher. Les mots “es muss sein !” prenaient pour lui une tonalité de plus en plus solennelle comme si le Destin en personne les avait proférés. Dans la langue de Kant, même “bon jour  !”, dûment prononcé, peut ressembler à une thèse métaphysique. L’allemand est une langue de mots lourds. “Es muss sein !” n’était plus du tout une plaisanterie mais “der schwer gefasste Entschluss”, la décision gravement pesée.

    Beethoven avait donc mué une inspiration comique en quatuor sérieux, une plaisanterie en vérité métaphysique. C’est un exemple intéressant de passage du léger au lourd (donc, selon Parménide, de changement du positif en négatif) ».

- L’Insoutenable légèreté de l’être, pp. 280-281.

[21] - La Répudiation, p. 30.

[22] - LE GRAND, Eva. Kundera ou la mémoire du désir, op. cit., p.13.

[23] - Ibid., pp. 106-107.

[24] - BOUTET DE MONVEL, Marc. Boudjedra l’insolé, Paris L’Harmattan, 1994, 175 pages; pp. 59-60.

[25] - Grand Larousse de la langue française en VII volumes, Paris, Larousse, 1986; réédité, 1989, tome V.

[26] - La Répudiation, p. 17.

[27] - L’Insolation, p. 23.

[28] - La Répudiation, p. 19.

[29] - L’Insolation, p. 72.

[30] - La Valse aux adieux, p. 47.

[31] - Ibid., p. 174.

[32] - Cf. Annexe, L’Insolation, n°119-120.

[33] - Cf. Annexe, La Valse aux adieux, n°8 et 69.

[34] - Id., n°7 et 50.

[35] - L’Insolation, pp. 136-137.

[36] - Cf. Annexe.

[37] - IBRAHIM-OUALI, Lila. Ecriture poétique et structures romanesques de l’œuvre de Rachid Boudjedra, op. cit. p. 157.

[38] - BONN, Charles. Le roman algérien de langue française, op. cit., p. 251.

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