Rym KHERIJI : Boudjedra et Kundera : Lectures à corps ouvert.

Doctorat Nouveau régime, Université Lyon 2, 15 décembre 2000
Directeur de recherches : Charles Bonn

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1° partie: AU COMMENCEMENT FUT LE DESIR

I- L’AUTEUR ET SON LIVRE

1/ Des rapports mitigés :

2) Désir de changement ou expression de l’indifférence ?-

II- LE NARRATEUR ET SES VOIX :

1/ Le narrateur : personnage principal ?-

2) Les voix mises entre parenthèses :


« Le plaisir du texte, c’est le moment où mon corps va suivre ses propres idées - car mon corps n’a pas les mêmes idées que moi »[1].

                                                     

      

      Lorsque nous avons choisi le titre de cette première partie, nous ne voulions pas exprimer une lapalissade, mais au contraire refléter autant que cela puisse l’être ce goût du retournement des situations dont font preuve nos auteurs. Avec eux, tout est à prendre avec des pincettes. Comme l’a si bien dit Jean Anouilh dans son Antigone : « Rien n’est vrai que ce qu’on ne dit pas ».

       Il est certes nécessaire dans toute entreprise, que le désir soit antérieur à la jouissance. Cet ordre des choses est d’autant plus évident dans la production artistique. Roland Barthes pose la problématique de la séduction du lecteur en ces termes :

« Ecrire dans le plaisir m’assure-t-il – moi, écrivain – du plaisir de mon lecteur ? Nullement. Ce lecteur, il faut que je le cherche, (que je le “drague”), savoir où il est. Un espace de la jouissance est alors créé. Ce n’est pas la “personne” de l’autre qui m’est nécessaire, c’est l’espace : la possibilité d’une dialectique du désir, d’une imprévision de la jouissance : que les jeux ne soient pas faits, qu’il y ait un jeu »[2].

Le jeu dont il est question ci-dessus, est justement le violon d’Ingres de Boudjedra et Kundera. Une fois la lecture d’un de leurs romans terminée, nous nous surprenons à vouloir la reprendre dès le début, parce que nous avons la nette impression que quelque chose nous a échappé. Le « jeu » entrepris par les narrateurs a pour effet immédiat cette sensation, une fois le roman lu, qu’il nous manque toujours un élément du puzzle. Le chaînon faisant défaut se porte alors garant de l’existence de l’« espace de jouissance » dont nous parle Barthes. Espace de jouissance paradoxal puisque fondé sur le manque mais tout à fait logique puisqu’il devient moteur du récit. Barthes ajoute :

« Le texte que vous écrivez doit me donner la preuve qu’il me désire. Cette preuve existe : c’est l’écriture. L’écriture est ceci : la science des jouissances du langage, son kamasutra (de cette science, il n’y a qu’un traité : l’écriture elle-même) »[3].

Et Boudjedra renchérit :

« Toute littérature, tout agencement des mots doit provoquer la volupté et l’émotion, c’est bien cela la poésie. Elle se doit de provoquer la fascination tant en amont, chez l’écrivain, qu’en aval chez le lecteur»[4].

Intimement liés, jamais déçus, tantôt l’un exacerbé, tantôt l’autre sublimé, le désir et la jouissance se confondent chez Boudjedra et Kundera. La « fascination » dont nous parle Boudjedra, « provoqu(ée) » par l’écriture, ce « kamasutra » du langage, fait de l’acte d’écrire et de celui de lire des actes sensuels, aux antipodes de la raison. L’écriture réussit-elle ce difficile pari de réunir l’esprit et le corps ? En suscitant le plaisir et l’émotion ne masque-t-elle pas un certain manque à dire ? Afin de mieux comprendre ce phénomène qui se déroule somme toute sous nos yeux, nous nous proposons d’analyser les éléments porteurs au sens clinique du terme, de désir : l’auteur, le narrateur et l’écriture qui les lie.

       Les romans que nous étudions semblent marqués à plus d’un titre par la problématique du manque. Si cette dernière est plus qu’une obsession, peut-on réellement parler de concept philosophique ? Boudjedra écrit-il sous l’influence de son propre cursus universitaire ? Et Kundera confirme-t-il sa réputation d’écrivain philosophe malgré les dénégations d’Eva Le Grand ?

« Kundera n’est pas philosophe mais romancier et on peut dire de lui ce que Musil pensait de son personnage dans L’homme sans qualités : “Il n’était pas philosophe. Les philosophes sont des violents qui, faute d’armée à leur disposition, se soumettent le monde en l’enfermant dans un système.” Et si la véritable liberté de la philosophie se jouait uniquement dans l’espace ironique du roman ? » [5].

Nous ne prétendons pas effectuer ici une approche philosophique des romans que nous étudions, mais un élargissement de leur littérarité. Pour cela, nous aurons deux angles de vision : d’abord celui de l’auteur, ensuite celui du narrateur puisqu’il est le passeur qui guide le lecteur.



[1]- BARTHES, Roland. Le plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973, collection Points Essais, 105 pages; p. 30.

[2] - Ibid., p. 11.

[3] - Ibid., pp. 13-14.

[4] - GAFAÏTI, Hafid. Boudjedra ou la passion de la modernité, Paris, Denoël, 1987, p.66.

[5] - LE GRAND, Eva. Kundera ou la mémoire du désir, op.cit., p. 107.

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